Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2003-4367(GST)I

ENTRE :

VERT-DURE PLUS (1991) INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu les 1er, 2 et 3 novembre 2005 et le 13 février 2007 à Montréal (Québec) et les 23, 24 et 25 avril 2007 à Rimouski (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Pierre Archambault

 

Comparutions :

 

Représentants de l'appelante :

Bernard Desrosiers

Bernard Brosseau

Avocat de l'intimée :

Me Michel Morel

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie pour la période du 1er octobre 1991 au 31 décembre 1996 en vertu de la Loi sur la taxe d'accise et datée du 13 mars 1998 est rejeté, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Georgeville, Québec, ce 14e jour de septembre 2007.

 

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault

 


 

 

 

 

Référence : 2007CCI379

Date : 20070914

Dossier : 2003-4367(GST)I

ENTRE :

VERT-DURE PLUS (1991) INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Archambault

 

[1]     Vert‑Dure Plus (1991) inc. (Vert‑Dure) interjette appel d'une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (Loi ou LTA) par le ministère du Revenu du Québec (ministère) comme mandataire du ministre du Revenu national (ministre). Cette cotisation en date du 13 mars 1998 vise la période du 1er octobre 1991 au 31 décembre 1996 (période pertinente). La vérification du ministère a donné lieu aux ajustements suivants : taxe sur les produits et services (TPS) remise en trop, 4 277,22 $, diminution des crédits de taxe sur intrants (CTI), 7 106,34 $, ce qui avait comme résultat une taxe nette due de 2 829,12 $. Le ministre a exigé des intérêts de 1 168,41 $ et imposé des pénalités de 1 343,19 $ en vertu de l’article 280 de la Loi.

 

[2]     Au début, l’appel de Vert‑Dure a été entendu en même temps que ceux (autres appels) de monsieur Bernard Desrosiers et des sociétés Les Gazons du Bas St‑Laurent inc. (Gazons) et Les Pelouses de l’Est inc. (Pelouses). Chacun de ces appels devait être traité de façon distincte, mais la preuve présentée dans un des dossiers pouvait être utilisée dans les autres. Malheureusement, l’audition et la gestion de ces appels se sont avérées très laborieuses. Tout d’abord, l’avis d’appel de Vert‑Dure, non daté, mais produit à la Cour le 2 décembre 2003, a été rédigé par un avocat, Me Louis Sirois. Dans cet avis, Vert‑Dure soutient qu’elle a le droit de demander l’annulation de la cotisation pour les motifs mentionnés dans l’avis d’opposition. Parmi ces motifs, on trouve celui selon lequel monsieur Desrosiers avait subi un « stress émotif intense » dû à des problèmes familiaux, ce qui expliquerait qu’il eût été incapable de fournir les documents pertinents demandés par la vérificatrice du ministère. On y fait aussi état d’un incendie majeur survenu en juillet 1995, qui aurait détruit un grand nombre de documents, et d’un vol commis en septembre 1996 aux locaux administratifs, qui aurait entraîné la disparition de plusieurs autres. On y mentionne que « monsieur Desrosiers travaillera [...] à fournir à [la vérificatrice] les informations requises ». De plus, on reproche au ministère de ne pas avoir tenu compte de la « vocation des individus et des corporations en cause », soit celle d’exploitants agricoles ou forestiers. On y affirme que les recettes et dépenses sont attribuables à des activités de nature agricole ou forestière. Finalement, on invoque la prescription, « puisque la compagnie n’était plus en opération », Vert‑Dure ayant cessé ses activités au cours de l’année 1992.

 

[3]     Par la suite, il y a eu substitution de procureur et la réplique à la réponse à l’avis d’appel a été signée par Me Jean Dury. Voici ce qu’énoncent les paragraphes 28, 29 et 30 de cette réplique :

 

28.       La seule question en litige repose sur le paragraphe b) [de] l’article 306. du Chapitre IX de la L.T.A. qui stipule qu’un appelant peut interjeter appel à la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler une cotisation si un délai de 180 (cent quatre‑vingts) jours suivant le dépôt de l’avis d’opposition est expiré sans que le ministre n’ait notifié la personne du fait qu’il a annulé ou confirmé la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation. Alors que le délai légal est fixé à 6 (six) mois, on en est rendu à 88 (quatre‑vingt huit) mois sans que le MRQ n’ait rendu de décision sur l’avis d’opposition déposé par l’appelante ;

 

29.       Ce qui précède est le coeur du litige et non une présumée confirmation que l’appelant devait remettre un montant additionnel de CTI de TPS au montant de 2 829,12 $ alors que ces montants ne lui ont jamais été remboursés. En plus d’avoir payé ces CTI de TPS à ses fournisseurs, l’appelante devrait payer en double au MRQ un montant équivalent plus pénalité et intérêts ;

 

30.       Elle nie le paragraphe 13 de la réponse de l’intimée. Le seul article sur lequel s’appuie l’appelante est le paragraphe b) de l’article 306 de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise. Tout le litige est limité à cet article ;

[Je souligne.]

 

Par contre, il contestait le droit du ministère d’annuler des remises de TPS déclarées pour des périodes postérieures à la date de l’annulation de l’inscription de Vert‑Dure aux fins de la TPS, puisqu’aucune opération n’a été effectuée après la fin de l’année 1991 (paragraphe 23 de la réplique) : « L’appelante est en droit de réclamer que le montant de CTI de 4 277,22 $ lui soit remboursé ».

 

[4]     Finalement, l’avocat de Vert‑Dure demande dans ses conclusions, en plus de l’annulation de la cotisation et d’une ordonnance obligeant le ministère à rembourser à Vert-Dure le montant de CTI de 4 277,22 $, que le ministère cesse toute mesure de perception fiscale auprès des institutions financières et de tout autre tiers et qu’il lui soit ordonné de remettre à Vert‑Dure « toute somme qui aurait été compensée à l’avantage du ministère des montants des remboursements dûs [sic] à [Vert-Dure] par des tiers plus intérêts ».

 

[5]     L’audition de l’appel de Vert‑Dure et des autres appels a débuté le 1er novembre 2005 et a duré trois jours sans que beaucoup de progrès ne soit fait : on n’a traité, et en partie seulement, que des appels de Vert-Dure et de monsieur Desrosiers. Comme le montant en jeu pour Vert-Dure ne s’élève qu’à 2 829,12 $, et que celle-ci et son comptable ne comprenaient pas les ajustements que le ministère avait apportés aux CTI, non plus que le calcul des intérêts, dont le montant apparaissait astronomique, j’ai accordé un délai de trois mois pour permettre à Vert-Dure et aux autres appelants d’obtenir les précisions nécessaires et même de négocier un règlement, ne fût‑il que partiel.

 

[6]     Tous ces espoirs ont été vains. Rien n’a été accompli pendant la suspension. En raison de l’indisponibilité de monsieur Desrosiers durant la période estivale et de complications dans l’état de santé de son comptable, la Cour n’a pu reprendre l’audition de l’appel de Vert-Dure avant le 13 février 2007, et cette reprise à Montréal n’a duré qu’une seule journée. Un agent de recouvrement du ministère a alors présenté sous la cote pièce I‑3 un relevé de compte pour Vert‑Dure, où figurent les calculs justifiant un solde impayé de 21 631,24 $ au 13 décembre 2005. Selon les explications fournies par cet agent, une partie de l’accumulation importante d’intérêts et de pénalités résulte d’un paiement de 3 427,06 $ que Vert-Dure a fait par chèque sans provision le 5 novembre 1991. En plus, l’agent de recouvrement a expliqué que plusieurs des ajustements apportés par la cotisation visaient à annuler des montants de TPS qui pouvaient avoir été comptabilisés au ministère comme étant exigibles selon les déclarations produites par Vert-Dure, notamment à l’égard du trimestre se terminant en mars 1994, (les 4 277,22 $ susmentionnés), et que, par sa cotisation, la vérificatrice avait annulé ces taxes exigibles de Vert‑Dure dans les circonstances décrites ci-dessous. Même si la Cour n’a pas compétence pour traiter des problèmes de recouvrement et notamment pour ordonner au ministère de « cesser toute mesure de perception fiscale auprès des institutions financières et de tout autre tiers », cet élément de preuve qu’est le relevé de compte a été produit dans le but d’éclairer Vert‑Dure ainsi que ses conseillers. Par contre, les seules questions en litige que la Cour peut trancher sont celles soulevées par la cotisation elle-même, à savoir les questions concernant les ajustements qui ont été apportés par la cotisation du 13 mars 1998.

 

[7]     Compte tenu des nombreux retards qui ont entrecoupé l'audition de cet appel et des autres appels, j'ai décidé de terminer d’abord l’audition de l'appel de Vert‑Dure (qui s’est achevée à Rimouski les 23, 24 et 25 avril 2007), de façon à pouvoir rendre une décision dans ce dossier, en espérant que cela pourra favoriser une conduite plus efficace des autres appels, dont l’audition ne peut avoir lieu avant novembre prochain en raison de l’indisponibilité de monsieur Desrosiers.

 

Contexte factuel

 

[8]     Vert‑Dure exploitait une entreprise d’entretien de gazons dans la région de Sainte‑Flavie dans le Bas Saint‑Laurent durant une partie de la période pertinente. Elle avait été constituée sous le régime de la partie IA de la Loi sur les compagnies le 18 avril 1991. Son fondateur, monsieur Desrosiers, en était, au 15 septembre 1994, le seul actionnaire détenant plus de 100% des actions, l’administrateur, le président et le secrétaire (pièce I‑2). Vert‑Dure était une inscrite aux fins de l’application de la Loi depuis le 18 avril 1991, date où auraient débuté ses activités commerciales.

 

[9]     Vert‑Dure produisait ses déclarations de TPS trimestriellement. La vérificatrice du ministère a révélé que seuls des relevés informatiques indiquant les dates de production des déclarations de TPS étaient disponibles, puisqu’on avait détruit les déclarations de TPS produites par Vert‑Dure[1]. Selon ces relevés, la première déclaration aurait été produite le 31 juillet 1991 pour le trimestre se terminant le 30 juin 1991. La déclaration pour celui se terminant le 30 septembre 1991 l’aurait été le 5 novembre 1991. Par la suite, Vert‑Dure a cessé de produire régulièrement ses déclarations de TPS. Il faut attendre au 4 novembre 1994 pour recevoir les déclarations visant les trimestres se terminant le 31 décembre 1991 et le 31 mars 1992 respectivement. La déclaration suivante n’aurait été produite que le 22 décembre 1995 et c’était pour le trimestre se terminant le 31 mars 1994. La dernière déclaration de TPS aurait été produite le 22 janvier 1997; elle visait à modifier des déclarations antérieures, soit celles pour les trimestres se terminant le 31 décembre 1991 et le 31 mars 1992[2], mais comprenait également des déclarations de TPS initiales pour les trimestres allant de septembre 1992 à décembre 1996, à l’exception de celui se terminant le 31 mars 1994 visé par la déclaration du 22 décembre 1995[3]. Contrairement aux prétentions de Vert-Dure, force est de constater qu’elle a été négligente, à tout le moins, quant à la production de sa déclaration pour la période se terminant le 31 décembre 1991, puisqu’elle avait un montant de 457,13 $ (577,41 $ − 120,28 $) de TPS nette à remettre et qu’elle n’a produit la déclaration que le 4 novembre 1994.

 

[10]    Monsieur Desrosiers, quant à lui, nie que Vert-Dure ait produit des déclarations de TPS à l’égard de trimestres postérieurs à 1991, puisqu’elle aurait cessé ses activités dès janvier 1992 à la suite de saisies de son compte bancaire, de son équipement et de comptes clients. À l’appui de cette affirmation, Vert‑Dure a produit certains de ses relevés bancaires de la caisse populaire pour les années 1993 et 1994[4], lesquels semblent révéler que seuls ont été effectués par monsieur Desrosiers des dépôts d’argent destinés à permettre à Vert‑Dure de rembourser un prêt de 30 000 $ que cette dernière avait obtenu pour « l’achat de la division Vert‑Dure Plus inc. et de la franchise Herbus ». Le prêt avait été consenti par la Caisse populaire Desjardins de Mont‑Joli le 11 juillet 1991. Jointe en annexe à la lettre du 27 juin 1996, que le conseiller du Service aux entreprises a écrite à monsieur Desrosiers, était une photocopie des opérations bancaires pour ces deux années; le conseiller lui rappelait qu’ils avaient convenu d’un commun accord le 6 décembre 1994 de « transférer le solde des prêts au montant de 32 357,83 $ à [son] nom personnel ». (Voir pièce A‑31 du dossier de monsieur Bernard Desrosiers, pages 50, 53 et 54.) Par conséquent, selon monsieur Desrosiers, il n’avait pas à produire de déclaration de TPS après la fin des activités de Vert‑Dure.

 

[11]    Par contre, le cabinet de comptables Mallette Maheu a produit des états financiers en date du 2 novembre 1994 dans lesquels est indiqué un exercice de 12 mois se terminant le 31 décembre 1992 (alors que l’exercice de 1991 n’en avait que huit) (pièce A‑3). L’état des résultats pour l’exercice 1992 révèle un chiffre d’affaires de 100 $, des coûts de vente de 14 326 $, des frais d’exploitation de 45 569 $ et une perte nette de 59 795 $. Parmi ces frais d’exploitation, on trouve des mauvaises créances s’élevant à 3 239 $. De plus, au bilan maison du 31 décembre 1992, que Mallette Maheu a fourni au ministère le 6 septembre 1996, on trouve comme dettes fiscales un montant de TPS à payer de 4 213,34 $ et un montant de taxe de vente provinciale de 63,88 $, pour un total de 4 277,22 $[5]. Ce dernier montant correspond à celui qui aurait été indiqué dans la déclaration de TPS pour le trimestre se terminant le 31 mars 1994, produite le 22 décembre 1995[6]. En outre, un bilan de fermeture en date du 1er janvier 1993 a été préparé à l’interne.

 

[12]    Lors de son témoignage, la vérificatrice du ministère a expliqué qu’elle avait commencé sa vérification le 2 mai 1997, lorsqu’elle avait tenté de contacter par téléphone monsieur Desrosiers. Comme la ligne téléphonique n’était plus en service, elle a alors envoyé une lettre recommandée le 20 mai 1997, qui lui a été retournée parce que le destinataire l’avait refusée.

 

[13]    Le 2 juillet 1997, monsieur Desrosiers signait un formulaire de demande d’annulation ou de modification de l’inscription en raison de la « fermeture depuis 31 décembre 1991 ». Ce formulaire est incomplet puisqu’il n’y a rien d’indiqué dans la partie C intitulée « Demande ». Il semble que ce formulaire ait été complété par celui du 8 septembre 1997 sur lequel on a inscrit, dans la section « Demande », le 31 juillet 1992 comme date d’entrée en vigueur de l’annulation ou de la modification de l’inscription[7].

 

[14]    Le 4 août 1997, la vérificatrice prenait contact avec un monsieur Guy Tremblay, un représentant de Vert‑Dure, pour convenir d’un rendez‑vous pour le 18 août 1997. Cette rencontre fut reportée au 15 septembre 1997. Dans sa lettre, la vérificatrice avait demandé qu’on lui prépare la documentation pertinente pour lui permettre d’effectuer sa vérification.

 

[15]    Avant la rencontre du 15 septembre, on avait informé la vérificatrice que tous les documents nécessaires n’étaient pas disponibles. Néamoins, elle a insisté pour procéder en utilisant ceux qui l’étaient. Lors de cette rencontre, on lui a fourni certains registres comptables pour l’entreprise de monsieur Desrosiers et pour certaines des sociétés de celui‑ci, soit Pelouses et Gazons. La vérificatrice a affirmé qu’on ne lui a jamais fourni de documentation relative à Vert‑Dure malgré plusieurs demandes de sa part. Le seul document fourni par Vert‑Dure qu’elle a pu consulter était un document qui avait été envoyé par Mallette Maheu à une autre vérificatrice du ministère un an auparavant, soit le 6 septembre 1996, donc avant le début de sa propre vérification. Il s’agit du bilan maison au 31 décembre 1992, ainsi que des extraits du grand livre, dont les comptes 255 et 256 montrant la TPS et la TVQ à payer. Quelques semaines plus tard, soit le 1er novembre 1996, le même cabinet de comptables fournissait à cette autre vérificatrice un autre extrait du grand livre, soit le compte 113 indiquant la TPS et la TVQ à recevoir pour l’exercice terminé le 31 décembre 1992.

 

ANALYSE

 

[16]    Lors de sa vérification, la vérificatrice a donné effet rétroactif à la demande d’annulation de l’inscription, soit à partir du 31 juillet 1992. Elle a par conséquent annulé le montant de 4 277,22 $ déclaré comme étant de la TPS à remettre à l’égard du trimestre se terminant le 31 mars 1994. Ce montant, je le rappelle, apparaissait dans la déclaration reçue par le ministère le 22 décembre 1995 et cet ajustement est à l’avantage de Vert-Dure. (Voir pièces I‑1 et I‑7.)

 

[17]    Les ajustements qu’elle a apportés aux CTI peuvent se résumer de la façon suivante :

 

  5 533,74 $

CTI refusés pour la période subséquente à l’« annulation de l’inscription »

  1 293,11 $

CTI refusés pour absence de pièces justificatives

     279,49 $

CTI pour primes d’assurance (fourniture exonérée) refusés

  7 106,34 $

 

 

[18]    Le montant de 5 533,74 $ représente des CTI demandés à l’égard des trimestres postérieurs à la date de l’entrée en vigueur de l’annulation de l’inscription, soit 4 304,34 $ pour le trimestre du 31 mars 1994, 78,82 $ pour celui du 31 décembre 1993, 71,88 $ pour celui du 30 juin 1993, et 1 078,70 $ pour celui du 31 décembre 1992. Il n’y a donc pas matière à contestation en ce qui concerne cet ajustement puisqu’il faut être un inscrit pour avoir droit aux CTI (art. 169 LTA[8]).

 

[19]    En ce qui a trait à l’ajustement de 1 293,11 $, il vise le trimestre terminé le 31 décembre 1991 et ces CTI ont été refusés par la vérificatrice parce que Vert‑Dure ne lui a fourni aucune pièce justificative contenant les renseignements prescrits, dont un numéro valide de TPS[9]. Enfin, la vérificatrice a refusé un CTI de 279,49 $ demandé par Vert‑Dure à l’égard de primes d’assurance pour le trimestre se terminant le 30 juin 1992. Lors de l’audience, monsieur Desrosiers ainsi que son comptable, monsieur Bernard Brosseau, ont soutenu qu’ils n’avaient jamais demandé ce dernier montant de CTI puisqu’il s’agissait d’une fourniture exonérée. Par contre, la vérificatrice a démontré que le montant avait bel et bien été demandé pour le trimestre se terminant le 30 juin 1992, tel que le révèlent la pièce I‑7 et l’analyse du compte 113 (TPS à recevoir) du grand livre de Vert‑Dure (pièce I‑5). Voici un extrait de ce compte :

 

03-10-92

Banque Nationale (master)

506

J92

  5.34

       1,580.94

04-10-92

Société Des Postes Canada

507bnc

J121

12.25

       1,593.19

04-20-92

Québec-Téléphone

Bcn

J122

13.14

       1,606.33

05-10-92

Groupe Presse Bellavance

122916

J152

  1.72

       1,608.05

06-01-92

A S H O Q

4785

J161

56.00

       1,552.05

06-01-92

Les Assur Kau Deschamplain

Ver0893

J165

179.05

       1,731.10

06-01-92

Les Assur Kau Deschamplain

71407

J166

46.89

       1,777.99

06-01-92

Les Assur Kau Deschamplain

71406

J167

53.55

       1,831.54

 

[20]    L’écart entre le solde débiteur de ce compte à la fin du trimestre terminé le 30 juin 1992, qui s’élève à 1 831,54 $, et celui existant à la fin du trimestre précédent, soit à la fin du mois de mars 1992, qui s’élève à de 1 580,94 $, est de 250,60 $, soit le montant de CTI qui se trouvait sur la déclaration de TPS à l’égard du trimestre terminé le 30 juin 1992, tel que le révèle la pièce I‑7. Or, parmi les CTI à l’égard des fournitures apparaissant au compte 113 se trouvent ceux pour l’assurance. Par conséquent, je conclus que, contrairement aux affirmations de monsieur Desrosiers et de son comptable, des CTI de 279,49 $ (179,05 + 46,89 + 53,55)) avaient bien été demandés par Vert‑Dure à l’égard des primes d’assurance et que c’est à bon droit que la vérificatrice les a refusés.

 

L’alinéa 306 b) de la Loi

[21]    Dans son complément de plaidoirie (notes écrites) qu’elle a déposée à la Cour le 10 mai 2007[10], Vert‑Dure affirme de nouveau que « les appels de tous et chacun des quatre appelants ont pour seul motif l’absence de réponse par le Ministre du Revenu du Québec aux avis d’oppositions déposés aux environs du 13 juin 1998[11] auxquels une réponse aurait dû être présentée dans un délai de 180 jours, alinéa 306 b) de la Loi ». Vert‑Dure ajoute, « pour nous, c’est une question de principe que le ministre n’a pas répondu dans les délais impératifs indiqués à l’alinéa 306 b) et ceci dans les quatre dossiers devant le juge Archambault ».

 

[22]    Le cœur de l’argumentation qu’a présentée Vert‑Dure afin d’obtenir l’annulation de sa cotisation est essentiellement que, à la suite de l’opposition, la cotisation n’a pas été ratifiée dans le délai de rigueur imparti et que, lorsque ce délai est dépassé, elle peut s’adresser à la Cour pour faire annuler la cotisation. Cette position doit être nuancée. Ce droit est un droit d’appel à la Cour et non un droit de faire prononcer nécessairement l’annulation de la cotisation par la Cour.

 

[23]    L’article 306 de la Loi est rédigée comme suit :

 

306. Appel – La  personne qui a produit un avis d’opposition à une cotisation aux termes de la présente sous-section peut interjeter appel à la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler la cotisation ou en faire établir une nouvelle lorsque, selon le cas :

a) la cotisation est confirmée par le ministre ou une nouvelle cotisation est établie;

b) un délai de 180 jours suivant la production de l’avis est expiré sans que le ministre n’ait notifié la personne du fait qu’il a annulé ou confirmé la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

Toutefois, nul appel ne peut être interjeté après l’expiration d’un délai de 90 jours suivant l’envoi à la personne, aux termes de l’article 301, d’un avis portant que le ministre a confirmé la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

[Je souligne.]

 

[24]    Il est important de noter de prime abord que l’article 306 donne à la personne qui a produit un avis d’opposition la possibilité d’obtenir l’annulation de la cotisation ou l’établissement d’une nouvelle cotisation, donc pas nécessairement l’annulation. Ensuite, les dispositions des alinéas a) et b) de l’article 306 ne constituent que des conditions d’exercice du droit d’appel devant la Cour. Pour interjeter appel, il faut, en plus d’avoir produit un avis d’opposition, soit que la cotisation ait été confirmée par le ministre ou qu’il se soit écoulé un délai de 180 jours suivant la production de l’avis d’opposition[12]. Une fois ces conditions réunies, la Cour peut décider d’accorder l’un ou l’autre de l’annulation de la cotisation ou de l’établissement d’une nouvelle cotisation dans la mesure où un tel résultat est justifié, sinon l’appel est simplement rejeté, le tout conformément aux dispositions du paragraphe 309(1) de la Loi, qui édicte :

 

309. (1) La Cour canadienne de l'impôt peut statuer sur un appel concernant une cotisation en le rejetant ou en l'accueillant. Dans ce dernier cas, elle peut annuler la cotisation ou la renvoyer au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

[25]    Même si monsieur Desrosiers soutient le contraire, l’argument de Vert‑Dure ressemble à celui que monsieur Desrosiers a fait valoir lorsqu’il a présenté une requête préliminaire afin d’obtenir l’annulation de sa propre cotisation devant le juge Angers. Or, cet argument a été rejeté par ce dernier dans une ordonnance rendue le 23 décembre 2003. En effet, dans Desrosiers c. La Reine, 2003 CCI 859, le juge Angers s’est exprimé ainsi aux paragraphes 14 et 15 :

 

14        Depuis l'affaire Stollar, il y a eu d'autres décisions portant sur la même question, dont l'arrêt Ginsberg c. Canada, [1996] 3 C.F. 334, où la Cour d'appel fédérale a conclu que le manquement à l'obligation de fixer l'impôt avec « toute la diligence possible » n'entraîne pas l'annulation d'une cotisation. Le même raisonnement est applicable en l'espèce, même si sont ici en cause des dispositions de la Loi. En l'espèce, il y a déjà eu une cotisation établie par le ministre et ce n'est que l'examen de l'opposition par ce dernier qui doit [...] se faire avec diligence.

 

15        Une autre distinction tient à ce que l'appelant en l'espèce a le droit d'interjeter appel auprès de cette Cour si un délai de 180 jours suivant la production de l'avis d'opposition a expiré sans que le ministre ne lui ait notifié le fait qu'il a annulé ou confirmé la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation. Cela permet donc à l'appelant de faire avancer sa cause et d'être entendu sur le fond sans attendre jusqu'après l'examen de son avis d'opposition par le ministre. Finalement, l'application des dispositions de l'article 299 de la Loi vient empêcher l'annulation de la cotisation portée en appel en l'espèce.

 

[26]    Vert-Dure soutient que cette ordonnance n’est pas valable puisque le juge s’est mépris sur le motif de l’annulation de la cotisation demandée par monsieur Desrosiers : sa requête était fondée sur l’alinéa 306 b), et non sur le paragraphe 301(3)[13], de la Loi. De plus, Vert‑Dure prétend que le juge Angers s’est servi de décisions qu’elle et les autres appelants ne se souviennent pas d’avoir citées.

 

[27]    Tout d’abord, que le juge se soit servi de décisions qu’ils ne se souviennent pas d’avoir citées n’est pas déterminant. Un juge n’est pas tenu de limiter son analyse du droit aux décisions que les parties lui ont présentées. Ensuite, il faut comprendre que l’alinéa 306 b) de la Loi confère le droit de s’adresser à la Cour directement dans la situation où la ratification de la cotisation par le ministre tarderait, alors que le paragraphe 301(3) de la Loi énonce le principe qui sous-tend l’alinéa 306 b), soit le devoir pour le ministre d’agir avec diligence pour examiner la cotisation après réception de l’opposition et soit l'annuler, soit la confirmer ou établir une nouvelle cotisation.

 

[28]    C’est son devoir de diligence qui force le ministre à rendre une décision sur l’opposition dans les 180 jours de l’opposition, et lorsque Vert-Dure s’appuie sur l’alinéa 306 b) et non sur le paragraphe 301(3) de la Loi, elle prétend tout de même que le ministre n’a pas agi avec diligence. Le juge Angers n’a fait que réitérer ce principe. C’est à bon droit qu’il a rejeté, en invoquant ces deux dispositions ainsi que l’article 299 de la Loi[14], la demande d’annulation de monsieur Desrosiers et, à mon avis, ses motifs sont applicables à l’appel de Vert‑Dure.

 

[29]    Il faut ajouter que la même interprétation a été adoptée par la juge Gauthier dans Angell c. Canada (Ministre du Revenu national), 2006 CF 1097. Cette décision portait sur le paragraphe 165(3) et l’alinéa 169(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), qui sont des dispositions semblables au paragraphe 301(3) et à l’alinéa 306 b) de la Loi. La juge Gauthier a tenu les propos suivants :

 

48        Une fois qu'il a été cotisé, un contribuable a deux façons de contester le bien-fondé de cette décision. Il doit d'abord demander une révision administrative par le biais d'un avis d'opposition. Quatre-vingt-dix (90) jours après la signification de son avis d'opposition, que cette révision administrative soit complétée ou non, il peut demander une révision judiciaire de la cotisation en déposant un avis d'appel à la CCI.

 

49        En édictant l'alinéa 169(1)b) de la Loi et le paragraphe 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, le législateur a donné compétence exclusive à la CCI pour examiner le mérite d'une cotisation (Walker c. Canada, [2005] A.C.F. no 1952 (CAF) (QL), Addison & Leyen, précitée, au par. 48). Une fois qu'une décision du Ministre est rendue suite à une opposition, elle ne peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire (Webster c. Canada,, [2003] A.C.F. no 410, 2003 CFPI 296, [2003] A.C.F. no 1569 au par. 20 (CA) (QL)).

 

50        Bien que le législateur indique spécifiquement que le Ministre doit examiner avec diligence les avis d'opposition, il ne prévoit pas de conséquence spécifique dans la Loi en cas de défaut (Addison & Leyen, précitée, au par. 41).

 

51        En effet, bien que le contribuable puisse en appeler à la CCI quant au mérite, celle-ci ne peut prendre en compte un manquement du Ministre à l'obligation prévue au paragraphe 165(3) de la Loi lorsqu'elle examine le bien-fondé de la cotisation, ou d'une décision du Ministre suite à une opposition (Addison & Leyen, précitée, au par. 44).

 

52        Avant qu'une décision soit rendue par le Ministre, la Cour fédérale est compétente pour contrôler la légalité du processus de révision administrative en vertu du paragraphe 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. Elle peut émettre un mandamus pour forcer le Ministre à prendre une décision ou émettre un jugement déclaratoire à l'effet que le Ministre a manqué à son obligation de diligence. À cet égard, dans Hillier c. Canada, [2001] A.C.F. no 945 (CA) (QL), 2001 CAF 197, la Cour d'appel fédérale a indiqué qu'un tel manquement devait être considéré par le Ministre si une demande lui était faite de renoncer aux intérêts et aux pénalités en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi (voir aussi Cole c. Canada (Attorney General) [renvoi omis], 2005 CF 1445, [2005] F.C.J. 1764 (QL) et Addison & Leyen, précitée, au par. 41). Dans ce cadre, un jugement déclaratoire pourrait être utile au contribuable.

 

53        La Cour fédérale demeure compétente pour contrôler d'autres erreurs révisables ou manquements au devoir du Ministre d'agir équitablement (voir par exemple Scott Slipp Nissan Ltd. c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1096, [2004] A.C.F. no 1327 (QL)).

 

54        Toutefois, même si la Cour fédérale est compétente pour contrôler la légalité de ce processus administratif, l'annulation de la cotisation émise ou d'une nouvelle cotisation n'est pas une réparation appropriée pour remédier à un retard indu dans l'examen d'une opposition (Bolton c. Reine, [1996] 200 N.R. 303 (CAF); James c. Canada (Ministre du revenu national)-MRN, [2000] A.C.F. no 2135 (CA) (QL), particulièrement les paragraphes 11 à 21). Il appert de ces décisions et de Addison & Leyen, précitée, que ceci découle principalement du fait que le législateur a donné aux contribuables les outils nécessaires pour contrôler les délais dans lesquels le Ministre doit s'exécuter, soit entre autres, l'appel à la CCI et le mandamus.

 

55        La Cour comprend de ces décisions que si un contribuable décide qu'il est important pour lui d'obtenir une décision administrative, il a l'opportunité d'attendre plus de 90 jours avant de s'adresser à la CCI. Mais, il doit alors s'assurer que ce délai dans l'exercice de son droit d'appel ne lui cause pas de préjudice indu. À cet égard, il est d'ailleurs en meilleure position que le Ministre puisqu'il a normalement en main tous les éléments pour déterminer si un délai peut lui causer un préjudice ou non. Dans une telle éventualité, puisque c'est lui qui gère ces recours, il peut demander un mandamus ou simplement en appeler à la CCI en vertu du paragraphe 169(1)a) de la Loi.

 

56        Le régime législatif permet donc une grande flexibilité. Aux recours mentionnés ci-dessus, le droit commun ajoute aussi la possibilité pour un contribuable de demander des dommages et intérêts qui pourraient être égaux à la somme pour laquelle il a été cotisé lorsque la conduite du Ministre constitue un abus de pouvoir (voir Obonsawin c. Canada, 2004 TCC 3, [2004] T.C.J. no 68 (QL)).

 

[…]

 

74        Selon eux, même s'ils avaient clairement le pouvoir d'en appeler en vertu de l'alinéa 169(1)b) de la Loi et le droit d'obtenir un mandamus bien avant 1998, la Cour doit déterminer les conséquences du défaut du Ministre en tenant compte non pas de ces droits mais plutôt que dans les faits, au moment où ils ont finalement décidé d'exercer leur droit d'appel, il était trop tard car ce recours était devenu théorique. Ils n'ont donc jamais pu contester le mérite de leurs cotisations.

 

75        Si elle adoptait ce raisonnement, la Cour devrait conclure que le législateur voulait que le contribuable qui, face à un même défaut du Ministre, agit avec diligence, devra nécessairement débattre du bien-fondé de sa cotisation avant d'en obtenir l'annulation alors que le contribuable qui reste passif et n'utilise pas les outils mis à sa disposition dans la Loi [renvoi omis], pourra obtenir l'annulation de sa cotisation sans égard au bien-fondé de celle-ci et ainsi priver ses concitoyens de sa contribution au fardeau fiscal.

 

76        Selon moi, il est clair et évident qu'une telle conclusion est illogique. La Cour ne peut, sur la base des faits mis de l'avant par les demandeurs, refuser d'appliquer la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale qui la lie.

 

[Je souligne.]

 

[30]    Il est important de rapporter ici également ce que la Cour d'appel fédérale a écrit dans l’arrêt Bolton, cité ci-dessus par la juge Gauthier :

 

2          La seule question soulevée tient au défaut du ministre d’avoir examiné de nouveau la cotisation de l’appelant « avec toute la diligence possible » dès réception de l’avis d’opposition comme l’exige l’alinéa 165(3)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu , S.C. 1970‑71‑72, ch. 63, telle que modifiée en 1985.

 

165(3) Rôle du Ministre. Dès réception de l’avis d’opposition, formulé en vertu du présent article, le Ministre doit,

 

a) avec toute la diligence possible, examiner de nouveau la cotisation et annuler, ratifier ou modifier cette dernière ou établir une nouvelle cotisation, ou

 

[...]

 

et en aviser le contribuable par lettre recommandée.

 

3          Dans l’affaire La Reine c. Ginsberg (No. de greffe A‑242‑94) jugée la semaine dernière, nous avons conclu que ce n’était pas l’intention du législateur que le défaut du ministre d’examiner une déclaration et d’établir une cotisation « avec toute la diligence possible », comme l’exige le paragraphe 152(1), le prive des pouvoirs que lui accorde la Loi d’établir une cotisation. Le raisonnement suivi dans cette affaire s’applique avec encore plus de force ici : le législateur n’entendait clairement pas que le défaut du ministre d’examiner de nouveau une cotisation avec toute la diligence possible ait pour effet d’annuler la cotisation. En cas d’inaction de la part du ministre, le contribuable a pour recours l’appel prévu à l’article 169.

[Je souligne.]

 

[31]    Il ressort clairement des propos de madame la juge Gauthier dans Angell  et de ceux de la Cour d’appel fédérale dans Bolton que l’annulation de la cotisation par la Cour n’est pas la réparation appropriée en cas de défaut de répondre à l’avis d’opposition dans le délai de 180 jours[15]. Le recours en pareil cas est bien simple : la Loi permet au contribuable de s’adresser à cette Cour pour qu’elle décide du bien‑fondé des arguments qu’oppose le contribuable à sa cotisation, et ce, sans attendre après la réponse du ministre à son opposition. Un autre recours pourrait être une requête en mandamus devant la Cour fédérale du Canada.

 

Les articles 288 et 289 de la Loi

 

[32]    Même si Vert‑Dure a soutenu que le seul motif de son appel était le défaut du ministre de répondre à son avis d’opposition dans les 180 jours, elle a ensuite présenté une série d’arguments fondés sur les agissements de la vérificatrice responsable du dossier. Elle se plaint surtout du fait que la vérificatrice ait communiqué directement avec la Caisse populaire de Mont-Joli et le cabinet de comptables Mallette Maheu pour obtenir des documents ou des renseignements servant à établir la cotisation à son égard. Elle aurait ainsi outrepassé ses pouvoirs de vérification.

 

[33]    Cette position est développée dans les notes écrites de Vert‑Dure. Premièrement, elle y fait valoir que la carte d’identité de la vérificatrice, produite sous la cote I‑10, indique qu’elle est une :

[…] personne autorisée pour exercer les pouvoirs et à remplir les fonctions prévues aux paragraphes 288(1) et (2) et 291(1) [...] à l’exclusion du pouvoir d’attestation édicté au paragraphe 291(1) […]

 

[34]    Ainsi, selon Vert‑Dure, les pouvoirs de la vérificatrice seraient limités à ce qui est indiqué aux articles 288 et 289 de la Loi. Un peu plus loin, Vert‑Dure précise :

 

Cependant, les paragraphes 288(1) et 288(2) n’incluent pas le pouvoir de pénétrer dans un lieu autre que celui où est exploitée une entreprise sous vérification fiscale opérée par une personne assujettie à la taxe ou communiquer avec des tiers par téléphone, télécopieur ou autrement.

 

La vérificatrice Claire Desjardins a elle-même admis dans son témoignage qu’elle a communiqué par téléphone avec la Caisse populaire de Mont‑Joli et la firme comptable Mallette Maheu, et nous avons déposé dans notre « Argumentation de l’appelante », pièce A-1, en pages 95 @ 103 des communications par télécopieur avec différents fournisseurs.

 

Toutes les informations fournies par des tiers ne pourraient donc être utilisées par la vérificatrice dans la préparation de l’avis de cotisation et les effets des actions de la vérificatrice peuvent entraîner jusqu’à l’annulation des cotisations. (Voir nos prétentions écrites dans le mémoire qui vous a été soumis sur l’application des articles 288 et 289 LTA).

 

Nous vous soumettons que la vérificatrice a outrepassé le pouvoir qui lui avait été accordé en vertu de l’article 288 LTA. Il est, selon nos prétentions, raisonnable de conclure que la vérificatrice aurait dû utiliser les réparations supplémentaires prévues à la LTA à savoir les demandes péremptoires prévues par le législateur au libellé de l’article 289 de la LTA.

 

En ce sens, la conduite du ministère a constitué une violation flagrante et inacceptable des droits de l’appelante déconsidérant par le fait même l’administration de la justice où un déni de justice apparent.

 

[Je souligne.]

 

[35]    À l’audience, Vert‑Dure a réitéré que,  si la vérificatrice avait voulu obtenir des renseignements ou des documents se trouvant en la possession de tiers, il aurait fallu qu’elle envoie un avis conformément à l’article 289 de la Loi. En n’envoyant pas cet avis, elle a outrepassé ses pouvoirs de vérification lorsqu’elle a communiqué avec la Caisse populaire de Mont‑Joli pour demander les relevés de compte de monsieur Desrosiers. Ce dernier a déclaré d’ailleurs que l’appel téléphonique à la Caisse populaire avait porté atteinte à sa réputation.

 

[36]    Tout d’abord, Vert-Dure semble se méprendre quant à l’interprétation des articles 288 et 289 de la Loi. Ces deux dispositions visent des situations différentes. L’article 288 énonce l’étendue des pouvoirs de vérification du ministre en matière de TPS. Cet article est rédigé comme suit :

 

288.(1) Enquêtes – Une personne autorisée peut, en tout temps raisonnable, pour l’application ou l’exécution de la présente partie, inspecter, vérifier ou examiner les documents, les biens ou les procédés d’une personne, dont l’examen peut aider à déterminer les obligations de celle-ci ou d’une autre personne selon la présente partie ou son droit à un remboursement. À ces fins, la personne autorisée peut :

a) sous réserve du paragraphe (2), pénétrer dans un lieu où est exploitée une entreprise, est exercée une activité commerciale, est gardé un bien, est faite une chose en rapport avec une entreprise ou une activité commerciale ou sont tenus, ou devraient l’être, des documents;

b) requérir les propriétaire ou gérant du bien, de l’entreprise ou de l’activité commerciale ainsi que toute autre personne présente sur le lieu de lui donner toute l’aide raisonnable et de répondre à toutes les questions pertinentes à l’application ou à l’exécution de la présente partie et, à cette fin, requérir le propriétaire ou le gérant de l’accompagner sur le lieu.

 

(2) Lorsque le lieu mentionné à l’alinéa (1)a) est une maison d’habitation, une personne autorisée ne peut y pénétrer sans la permission de l’occupant, à moins d’y être autorisée par un mandat décerné en application du paragraphe (3).

[…]

 

 

[37]    À nos fins, seul le paragraphe 288(1) de la Loi est pertinent puisqu’il ne s’agissait pas ici d’entrer dans une maison d’habitation. Cette disposition précise que, lors d’une vérification, une personne autorisée, soit une vérificatrice du ministère (madame Desjardins), peut inspecter les documents d’une personne (ceux de la Caisse populaire) afin de déterminer les obligations fiscales de cette personne (la Caisse) ou d’une autre personne (Vert‑Dure). Cette personne autorisée (madame Desjardins) peut également pénétrer dans un lieu où est exploitée une entreprise (celle de la Caisse), est exercée une activité commerciale (celle de la Caisse), est gardé un bien (par exemple, l’argent de Vert-Dure déposé à la Caisse), est faite une chose en rapport avec une[16] entreprise (celle de la Caisse ou celle de Vert-Dure) ou une[17] activité commerciale (celle de la Caisse ou celle de Vert-Dure)  ou sont tenus, ou devraient l’être, des[18] documents (par exemple, une copie du document constatant le prêt consenti à Vert-Dure par la Caisse). Cette personne autorisée (madame Desjardins) peut également requérir le propriétaire ou gérant du bien, de l’entreprise ou de l’activité commerciale (par exemple, le directeur de la Caisse) ainsi que toute autre personne présente sur le lieu (par exemple, le responsable des prêts) de lui donner toute l’aide raisonnable et de répondre à toutes les questions pertinentes à l’application ou à l’exécution de la partie IX de la Loi (par exemple, de lui fournir une copie des relevés bancaires). À mon avis, la demande d’aide peut être faite aussi bien sur place que par téléphone ou par lettre.  C’est exactement ce que madame Desjardins a fait lorsqu’elle a communiqué avec la Caisse populaire de Mont‑Joli pour obtenir les relevés de compte de Vert-Dure. D’aucune façon ce paragraphe ne prescrit d’envoyer d’abord un avis pour ce faire, contrairement à ce qu’exige l’article 289 de la Loi, qui est ainsi conçu :

 

289. (1) Présentation de documents ou de renseignementsMalgré les autres dispositions de la présente partie, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et, pour l’application ou l’exécution de la présente partie, notamment pour la perception d’un montant à payer ou à verser par une personne en vertu de la présente partie, par avis signifié à personne ou envoyé par courrier recommandé ou certifié, exiger d’une personne, dans le délai raisonnable que précise l’avis :

 

a) qu’elle lui livre tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration selon la présente partie;

 

b) qu’elle lui livre des documents.

 

(2) Le ministre ne peut exiger de quiconque — appelé « tiers » au présent article — la livraison de renseignements ou de documents prévue au paragraphe (1) concernant une ou plusieurs personnes non désignées nommément, sans y être au préalable autorisé par un juge en vertu du paragraphe (3).

 

(3) Sur requête ex parte du ministre, un juge peut, aux conditions qu’il estime indiquées, autoriser le ministre à exiger d’un tiers la livraison de renseignements ou de documents [...]

[Je souligne.]

 

[38]    Ces dispositions s’appliquent malgré les autres dispositions de la « présente partie » (soit la partie IX concernant la TPS). Il s’agit donc d’un pouvoir qui s’ajoute à ceux décrits ailleurs, notamment au paragraphe 288(1) de la Loi. Le paragraphe 289(1) vise à parer aux situations où le contribuable lui-même ou le tiers refuserait d’obtempérer aux demandes du ministre de fournir les documents ou renseignements. Vert‑Dure semble, en ce qui concerne les articles 288 et 289, les confondre quant à leur utilité et quant aux conditions qu’ils comportent.

 

[39]    En d’autres mots, l’article 288 de la Loi confère notamment au ministre, agissant par l’entremise d’un de ses représentants autorisés, le pouvoir général de s’adresser à des tiers pour obtenir des documents ou renseignements se trouvant en leur possession, alors que l’article 289 de la Loi est plutôt un outil mis à la disposition du ministre lorsqu’un tiers ou le contribuable lui-même, étant en possession de documents ou de renseignements qui pourraient être utiles à la vérification en cause, n’obtempère pas aux demandes de renseignements (voir entre autres l’arrêt Lapointe c. Canada, 2003 CFPI 102). Il s’agit d’une sorte de mise en demeure officielle du ministre de fournir les renseignements, sinon il pourrait y avoir des conséquences pénales (article 326 LTA). Ajoutons que madame Desjardins n’avait pas été autorisée à exercer le pouvoir décrit à l’article 289 de la Loi; elle n’aurait donc pas pu formuler elle-même une demande péremptoire en vertu de cet article, contrairement à ce que laisse entendre Vert‑Dure!

 

[40]    Très peu de décisions ont traité des pouvoirs de vérification que détient le ministre en vertu des articles 288 et 289 de la Loi; par contre, les dispositions semblables de la LIR, soit celles des articles 231.1 et 231.2, ont fait l’objet de plusieurs décisions qui nous renseignent sur l’étendue des pouvoirs de vérification.

 

[41]    Il est pertinent de citer la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C.S. 757, où elle a expliqué les fondements des articles 231.1 et 231.2 de la LIR :

 

51        Il découle des caractéristiques fondamentales de l’autocotisation et de l’autodéclaration que le succès de l’application du régime fiscal repose avant tout sur la franchise du contribuable. Comme le juge Cory l’a affirmé dans l’arrêt Knox Contracting, précité, p. 350 : «  Le système d’imposition dépend entièrement de l’intégrité du contribuable qui déclare et évalue son revenu. Pour que le système fonctionne, les déclarations doivent être remplies honnêtement ». Il n’est donc pas étonnant que la Loi tente de restreindre le risque qu’un contribuable essaie de « tirer profit du régime d’auto-déclaration pour tenter d’éviter de payer sa pleine part du fardeau fiscal en violant les règles énoncées dans la Loi » (McKinlay Transport, précité, p. 637). Toutefois, la nature du régime de perception de l’impôt crée un obstacle à cet égard :

 

Il est souvent impossible de dire, à première vue, si une déclaration a été préparée de façon irrégulière. Les contrôles ponctuels ou un système de vérification au hasard peuvent constituer le seul moyen de préserver l’intégrité du régime fiscal.

(McKinlay Transport, précité, p. 648)

 

Par conséquent, « le ministre du Revenu national doit disposer, dans la surveillance de ce régime de réglementation, de larges pouvoirs de vérification des déclarations des contribuables et d’examen de tous les documents qui peuvent être utiles pour préparer ces déclarations » (ibid.).

 

52        Les dispositions de la partie XV de la LIR confèrent au ministre des pouvoirs « [d’a]pplication et [d’e]xécution ». Elles imposent également aux contribuables des obligations réciproques : par exemple, pour le bon fonctionnement général du régime de déclaration et de vérification, le par. 230(1) de la LIR exige de tout contribuable qu’il tienne, pendant diverses périodes prescrites, des registres et des livres de comptes à son lieu d’affaires ou de résidence au Canada. Ces documents doivent être tenus « dans la forme et renferm[er] les renseignements qui permettent d’établir le montant des impôts payables en vertu de la [LIR], ou des impôts ou autres sommes qui auraient dû être déduites, retenues ou perçues ».

 

53        Les dispositions au coeur du présent pourvoi confèrent au ministre de vastes pouvoirs « pour l’application et l’exécution » de la LIR. Le paragraphe 231.1(1) confirme le pouvoir d’inspection établi dans la Loi modifiant la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu, S.C. 1944, ch. 43, art. 11. Aux termes de l’al. a), une personne autorisée par le ministre peut « inspecter, vérifier ou examiner » une vaste gamme de documents qui va au-delà de ceux que la LIR oblige par ailleurs le contribuable à préparer et à conserver. L’alinéa c) prévoit qu’au cours de l’inspection, de la vérification ou de l’examen, la personne autorisée peut pénétrer dans un lieu qui n’est pas une maison d’habitation; par ailleurs, l’al. d) impose l’obligation corrélative à toute personne présente sur les lieux de fournir « toute l’aide raisonnable et de répondre à toutes les questions pertinentes à l’application et l’exécution de la présente loi ». (Le paragraphe 231.1(2) prévoit que l’on ne peut pénétrer dans une maison d’habitation sans la permission de l’occupant, à moins d’y être autorisé par un mandat décerné par un juge.)

 

54        Le pouvoir de demande péremptoire conféré par le par. 231.2(1) a des origines encore plus anciennes : il remonte à l’art. 8 de la Loi de l’Impôt de Guerre sur le Revenu, 1917. Le ministre peut exercer ce pouvoir pour contraindre toute personne à produire des renseignements ou des documents, quels qu’ils soient. Encore une fois, l'étendue de ce pouvoir "va au-delà des exigences strictes de la Loi en matière de dépôt et de tenue de documents" (McKinlay Transport, précité, p. 642, le juge Wilson).

[Je souligne.]

 

[42]    Ainsi, il est évident que l’article 288 de la Loi crée un régime en soi qui s’applique lorsque le ministre, par l’entremise d’un vérificateur, désire obtenir des renseignements ou des documents se trouvant en la possession de tiers. L’article 289 de la Loi lui offre un outil de plus, notamment lorsqu’il y a refus d’obtempérer. Si la Caisse populaire avait refusé de fournir les relevés de compte demandés, le ministre aurait pu lui envoyer une demande péremptoire en vertu de l’article 289 de la Loi.

 

[43]    Vert‑Dure a cité la décision Lionel Bergeron c. Sous‑ministre du Revenu du Québec, 165‑02‑000187-903, du juge Guy Tremblay de la Cour du Québec. Elle semble appuyer sur les conclusions de cette décision sa prétention selon laquelle les cotisations en cause devraient être annulées au motif que la vérificatrice a outrepassé ses pouvoirs de vérification. Dans cette affaire, le juge avait à décider si l’autorisation obtenue par la vérificatrice dans le cadre de sa vérification était conforme aux pouvoirs prévus à l’article 38 de la Loi sur le ministère du Revenu, (LMR)[19], qui à certains égards ressemble à l’article 288 de la Loi.

 

[44]    Je ne crois pas que cette décision aide la position de Vert‑Dure parce que le débat portait sur la question de savoir si le sous‑ministre avait le pouvoir d’autoriser la vérificatrice à « obliger le propriétaire [...] de l’entreprise [...] à répondre à toute question appropriée se rapportant à la vérification », alors que l’article 38 LMR ne lui reconnaissait pas un tel pouvoir. Ici, le paragraphe 288(1) de la Loi reconnaît un tel pouvoir aux vérificateurs du ministère aux fins de la Loi.

 

[45]    Je crois que la vérificatrice a agi à l’intérieur des pouvoirs dont elle était investie par l’article 288 de la Loi lorsqu’elle a communiqué directement avec la Caisse populaire et a demandé à un préposé de celle‑ci de lui fournir des renseignements. Quant aux documents fournis au ministère par le cabinet de comptables avant le début de la vérification, la preuve ne révèle pas les circonstances dans lesquelles ils ont été fournis. Mais je n’ai pas de raison de croire qu’ils ne l’ont pas été conformément aux dispositions de la Loi.

 

[46]    En outre, il n’est pas de ma compétence de juger des actions du ministre et de ses fonctionnaires pour décider du bien-fondé d’une cotisation, tel que l’ont indiqué les juges de la Cour d’appel fédérale dans Main Rehabilitation Co. c. Canada, 2004 CAF 403 :

 

7          Comme le signale à juste titre le juge la Cour de l'impôt, même si cette cour a compétence pour suspendre une procédure constituant un abus de ses procédures (voir à titre d'exemple Yacyshyn c. Canada, 1999 D.T.C. 5133 (C.A.F.)), il est de jurisprudence constante qu'on ne peut tenir compte des actions de l'ADRC dans le cadre d'appels interjetés à l'encontre d'un avis de cotisation.

8          Il en est ainsi parce que l'appel interjeté sur le fondement de l'article 169 met en cause la validité de la cotisation et non du processus ayant conduit à l'établir (voir à titre d'exemple Canada c. The Consumers' Gas Company Ltd., 87 D.T.C. 5008 (C.A.F.), à la page 5012). Autrement dit, il ne s'agit pas de déterminer si les fonctionnaires de l'ADRC ont correctement exercé leurs pouvoirs, mais plutôt de déterminer si les montants pouvaient valablement être cotisés sous le régime de la Loi (Ludco Enterprises Ltd. c. R., [1996] 3 C.T.C. 74 (C.A.F.), à la page 84).

[Je souligne.]

 

[47]    Pour conclure, je suis d’avis que la vérificatrice n’a pas outrepassé ses pouvoirs et ses actions ne justifient en rien l’annulation de la cotisation en litige.

 

Prescription

 

[48]    Dans sa réplique, Vert‑Dure a également soutenu que le ministère ne pouvait apporter de modification à l’égard de l’année 1991 parce que la cotisation était prescrite. Selon l’alinéa 298(1)a) de la Loi[20], la prescription est acquise quatre ans après le dernier en date du jour où la personne était tenue par l'article 238 de produire une déclaration pour la période et du jour de la production de la déclaration. En ce qui a trait à l’ajustement pour la période de déclaration la plus ancienne, à savoir celle se terminant le 31 décembre 1991, à l’égard de laquelle le ministre refuse des CTI de 1 293,11 $, la déclaration de TPS de Vert‑Dure n’a été produite que le 4 novembre 1994. Par conséquent, au 13 mars 1998, soit la date de la cotisation en litige ici, moins de quatre ans s’étaient écoulés. Quant à la période de déclaration se terminant en juin 1992, pour laquelle il y a eu un ajustement de 279,49 $, la déclaration n’a été produite que le 22 janvier 1997; par conséquent, la cotisation a manifestement été établie à l’intérieur du délai de prescription. Il en est de même à l’égard de l’ajustement de 5 533 $ aux CTI qui est résulté de l’annulation de l’inscription, puisque les déclarations ont été produites le 22 décembre 1995 ou le 22 janvier 1997, de sorte que la date de la cotisation tombe bien en deçà de l’expiration du délai de prescription. Et puisque la déclaration de TPS n’a été produite que le 22 décembre 1995 à l’égard du trimestre se terminant le 31 mars 1994, la même conclusion s’applique à l’ajustement découlant de l’annulation du montant de TPS de 4 277,22 $ qui aurait pu être exigible de Vert‑Dure, mais qui a été annulé par le ministère par suite de l’annulation rétroactive de l’inscription. En tout état de cause, il s’agit d’un ajustement qui est favorable à Vert‑Dure. Par conséquent, l’argument fondé sur la prescription est mal fondé.

 

Pénalités

 

[49]    Dans ses notes écrites, Vert-Dure soulève la question de l’application de la pénalité. La seule pénalité qui a été appliquée ici par le ministre est celle que prescrit l’article 280 de la Loi[21]. Dans Corp. de l'École Polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127, 2004 G.T.C. 1148, [2004] G.S.T.C. 102, 325 N.R. 64, [2004] G.S.T.C. 39, la Cour d’appel fédérale a reconnu que la défense de diligence raisonnable permet à une personne d'éviter l'imposition de cette pénalité :

28        La défense de diligence raisonnable permet à une personne d'éviter l'imposition d'une pénalité si elle fait la preuve qu'elle n'a pas été négligente. Elle consiste à se demander si cette personne a cru, pour des motifs raisonnables, à un état de fait inexistant qui, s'il eut [sic] existé, aurait rendu son acte ou son omission innocent ou si elle a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l'événement qui mène à l'imposition de la peine? Voir La Reine c. Sault Ste‑Marie [1978] 2 R.C.S. 1299; La Reine c. Chapin, [1979] 2 R.C.S. 121. En d'autres termes, la diligence raisonnable excuse soit l'erreur de fait raisonnable, soit la prise de précautions raisonnables pour se conformer à la loi.

 

29        La défense de diligence raisonnable ne doit pas être confondue avec la défense de bonne foi qui a cours dans le régime de responsabilité pénale exigeant la preuve d'une intention ou d'une connaissance coupable. La défense de bonne foi permet l'exonération d'une personne qui a commis une erreur de fait de bonne foi, même si celle-ci est déraisonnable, alors que la défense de diligence raisonnable exige que cette erreur soit raisonnable, c'est-à-dire une erreur qu'une personne raisonnable aurait aussi commise dans les mêmes circonstances. La défense de diligence raisonnable qui requiert une croyance raisonnable, mais erronée, en une situation de fait est donc plus exigeante que celle de bonne foi qui se contente d'une croyance honnête, mais tout aussi erronée.

[Je souligne.]

 

[50]    Le motif invoqué par Vert-Dure est le suivant : « nous avons respecté les diverses échéances mais ce sont des circonstances hors de notre contrôle, telles la diminution du chiffre d’affaires à l’automne 1991»[22]. À mon avis, ces circonstances ne constituent pas un moyen de défense valable de diligence raisonnable. Il en est de même quant au refus de la Caisse populaire d’honorer un chèque sans provision. La preuve n’établit aucunement que Vert‑Dure a commis une erreur de fait raisonnable ou qu’elle a pris des précautions raisonnables pour se conformer à la Loi.

[51]    Avant de clore ces motifs, deux derniers commentaires s’imposent. Un des motifs que j’avais pour rendre cette décision avant de terminer l’audition des autres appels, soit ceux de monsieur Desrosiers, de Pelouses et de Gazon, était que cela permettrait de décider du bien‑fondé des arguments mis de l’avant par Vert‑Dure et des autres appelants, à savoir ceux fondés sur les articles 306, 309, 288 et 289 de la Loi. À mon avis, monsieur Desrosiers ainsi que le comptable qui le conseillait, monsieur Brosseau, ont investi trop d’énergie à débattre ces questions, à tel point que cela les a obnubilés dans la conduite des quatre appels. Même si j’ai tenté à plusieurs reprises d’inciter monsieur Desrosiers à se focaliser sur les ajustements visés par les cotisations, il s’est entêté à mettre de l’avant des arguments d’application générale mal fondés visant l’obtention de l’annulation de la cotisation au motif que le ministre n’avait pas répondu dans les 180 jours du dépôt de l’avis d’opposition et au motif que la vérificatrice avait outrepassé ses pouvoirs lors de sa vérification. J’ai encouragé à plusieurs reprises monsieur Desrosiers à fournir une preuve circonstancielle pour pallier l’absence de pièces justificatives concernant les CTI de 1 293,11 $ réclamés à l’égard du trimestre se terminant le 31 décembre 1991, pièces justificatives qu’il affirme avoir perdues lors d’un incendie survenu en juillet 1995. Malgré qu’il ait indiqué à plusieurs reprises qu’il fournirait une telle preuve, monsieur Desrosiers, comme représentant de Vert‑Dure, ne l’a jamais fait. La Cour n’a donc aucun élément de preuve permettant de reconnaître le droit de Vert‑Dure à ces CTI. Je rappelle que, pour qu’il y ait droit aux CTI, le paragraphe 169(4) de la Loi exige que l’inscrit ait, avant de produire sa déclaration de TPS, les pièces justificatives nécessaires contenant les renseignements prescrits par règlement. Le fait que Vert-Dure ne les ait pas eues au moment de l’audition de son appel ne signifie pas qu’ils n’existaient pas au moment de sa demande de CTI. Mais, malheureusement pour Vert‑Dure, monsieur Desrosiers n’a présenté aucune preuve me permettant de conclure que les conditions requises par le paragraphe 169(4) de la Loi pour qu’il y ait droit aux CTI ont été réunies.

[52]    J’ajouterai, par contre, qu’il est curieux que la demande de CTI ait été effectuée le 22 janvier 1997, soit un an et demi après l’incendie et quatre mois après un prétendu vol aux locaux administratifs de Vert‑Dure. Il est à noter que le vol a été allégué dans l’avis d’opposition du contribuable, mais non établi par la preuve devant la Cour. La question qui se pose est comment a‑t‑on pu produire le 22 janvier 1997 une déclaration modifiée de TPS pour le trimestre du 31 décembre 1991, alors qu’il fallait avoir à ce moment les pièces justificatives et que jamais Vert‑Dure n’a été en mesure de fournir ces documents lors de la vérification commencée le 2 mai 1997? Si les données ont été fournies par le cabinet de comptables, pourquoi ne pas les avoir mises en preuve lors de l’audience?

 

[53]    En conclusion, Vert‑Dure n’a pas réussi à démontrer que la cotisation du ministre était mal fondée. Par conséquent, l’appel de Vert‑Dure est rejeté.

 

 

Signé à Georgeville, Québec, ce 14e jour de septembre 2007.

 

 

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault

 

 


 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2007CCI379

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2003-4367(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              VERT-DURE PLUS (1991) INC. et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal et Rimouski (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 les 1, 2 et 3 novembre 2005 et 13 février (Montréal) et les 23, 24 et 25 avril 2007

                                                          (Rimouski)

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Pierre Archambault

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 14 septembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Représentants de l'appelante :

Bernard Desrosiers

Bernard Brosseau

Avocat de l'intimée :

Me Michel Morel

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]               Pièce I-7. En outre, Vert-Dure n'avait pas non plus de copie de ces déclarations.

[2]           Copie de ces déclarations a été produite sous la cote I‑4.

[3]           Il est à noter que certaines erreurs semblent s'être glissées dans les feuilles de travail de la vérificatrice (pièce I‑1). Sur la feuille intitulée « Ajustements des écarts CTI‑TPS déclarées vs registres », on indique comme date de réception de la déclaration modifiée de TPS pour la période du 31 mars 1992, le 10 février 1997, alors que la pièce I‑4 révèle que la déclaration modifiée est datée du 22 janvier 1997 et le timbre du ministère qui y apparaît est également en date du 22 janvier 1997. Par conséquent, la date de réception ne serait pas le 10 février 1997, mais plutôt le 22 janvier 1997. (Voir également la pièce I‑7.) Le 10 février serait plutôt la date de saisie par les fonctionnaires du ministère. À l’égard du trimestre se terminant le 31 décembre 1991, le montant de CTI passe de 120,28 $ à 1 293,11 $. Pour celui du 31 mars 1992, le CTI est réduit de 1 415,24 $ à 86,17 $, laissant une taxe nette négative de 78,96 $. (Voir également les pièces I‑1, I‑3 et I‑7.)

[4]           Les relevés pour 1992 n'ont pas été produits.

[5]           Selon le même bilan, Vert‑Dure avait à l’actif un compte de débiteur de 4 061 $ constitué d’un montant de 2 910,01 $ de TPS et d’un montant de 1 151,51 $ de TVQ (pièce I‑5).

[6]           Selon le relevé informatique du ministère, pièce I‑7. Malheureusement ni Vert‑Dure ni le ministère n'ont pu produire une copie de la déclaration de TPS.

[7]           Il faut noter que, lors de son témoignage, monsieur Desrosiers n'a pas reconnu la signature apparaissant sur la demande d'annulation de l'inscription du 8 septembre 1997. Par contre, ce document apparaît parmi les pièces produites par Vert‑Dure elle-même. (Voir la pièce A-2, onglet C, et la pièce A‑31 du dossier de monsieur Bernard Desrosiers, pages 71 et 72.)

[8]           Le par. 169(1) édicte ce qui suit :

169. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d'une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu'elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l'importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable :

[…]

                                                                        [Je souligne.]

[9]           Le par. 169(4) de la Loi édicte :

169(4) L'inscrit peut demander un crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration si, avant de produire la déclaration à cette fin :

a) il obtient les renseignements suffisants pour établir le montant du crédit, y compris les renseignements visés par règlement;

b) dans le cas où le crédit se rapporte à un bien ou un service qui lui est fourni dans des circonstances où il est tenu d'indiquer la taxe payable relativement à la fourniture dans une déclaration présentée au ministre aux termes de la présente partie, il indique la taxe dans une déclaration produite aux termes de la présente partie.

[Je souligne.]

 

Voir également la récente décision de la Cour d'appel fédérale dans Systematix Technology Consultants Inc. v. The Queen, 2007 FCA 226, qui confirme que cette disposition de la Loi est impérative.

[10]          Ces notes sont signées à la fois par monsieur Desrosiers et son comptable, monsieur Bernard Brosseau.

[11]          Absence reconnue par l’avocat de l’intimée au par. 4 de sa réponse à l’avis d’appel.

[12]          Il faut également respecter le délai de 90 jours pour interjeter appel. Mais cette condition n'est pas en litige ici.

[13]          Le paragraphe 301(3) de la Loi édicte :

Opposition et appels

301.

[…]

(3) Examen de l’opposition – Sur réception d’un avis d’opposition, le ministre doit, avec diligence, examiner la cotisation de nouveau et l’annuler ou la confirmer ou établir une nouvelle cotisation.

 

[14]          Notamment les par. 299(4) et (5) :

 

299(4) Sous réserve d'une nouvelle cotisation et d'une annulation prononcée lors d'une opposition ou d'un appel fait selon la présente partie, une cotisation est réputée valide et exécutoire malgré les erreurs, vices de forme ou omissions dans la cotisation ou dans une procédure y afférent [sic] en vertu de la présente partie.

 

(5) L'appel d'une cotisation ne peut être accueilli pour cause seulement d'irrégularité, de vice de forme, d'omission ou d'erreur de la part d'une personne dans le respect d'une disposition directrice de la présente partie.

[Je souligne.]

[15]          Les décisions citées par Vert-Dure, soit Society Promoting Environmental Conservation c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 239, Colombie-Britannique (Procureur général) c. Canada (Procureur général); Acte concernant le chemin de fer de l'Ile de Vancouver (Re), [1994] 2 R.C.S. 41 et Costello et Dickhoff c. Calgary, [1983] 1 R.C.S. 14, ne sont pas applicables ici parce qu'elles ne traitent pas de la Loi et que la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l’affaire Bolton lie la Cour.

[16]          Dans le paragraphe liminaire, le législateur vise les documents d’une personne dont l’examen peut aider à déterminer les obligations « de celle‑ci » ou « d’une autre personne ». Comme le législateur utilise l’article indéfini « une » avec « entreprise » et qu’il n’a pas précisé de quelle entreprise il s’agit, il peut s’agir aussi bien de l’entreprise de Vert-Dure que de celle de la Caisse. À mon avis, c’est là l’énoncé important dont messieurs Desrosiers et Brosseau ont mal saisi la portée.

[17]          Id.

[18]          Id.

[19]          L.R.Q., ch. M-31. L’article 38 de la LMR est rédigé en partie comme suit :

Enquêtes.

38.  Toute personne qui y est autorisée par le ministre peut, pour toute fin ayant trait à l'application ou à l'exécution d'une loi fiscale, pénétrer en tout temps convenable dans tous lieux ou endroits dans lesquels une entreprise est exploitée ou des biens sont gardés ou dans lesquels il se fait quelque chose se rapportant à des affaires quelconques ou dans lesquels sont ou devraient être tenus des registres en conformité d'une loi fiscale. Toutefois, celle-ci ne peut pénétrer dans une résidence sans le consentement de son occupant.

 

Pouvoirs.

La personne ainsi autorisée par le ministre peut:

a) vérifier ou examiner les pièces et registres ainsi que tout autre document ou autre chose pouvant se rapporter aux renseignements qui se trouvent ou devraient se trouver dans les registres ou sur les pièces, à une interdiction prévue à l'article 34.2 ou au montant de tout droit qui devrait être payé, déduit, retenu ou perçu en vertu d'une loi fiscale et tirer copie, imprimer ou photographier ce document ou cette chose;

b) examiner les biens décrits dans un inventaire ou tous biens, procédés ou matières dont l'examen peut, à son avis, lui aider à déterminer l'exactitude d'un inventaire ou à contrôler les renseignements qui se trouvent ou devraient se trouver dans les registres ou sur les pièces, ou à déterminer le montant de tout droit qui devrait être payé, déduit, retenu ou perçu en vertu d'une loi fiscale;

c) obliger le propriétaire ou le gérant des biens ou de l'entreprise et toute autre personne présente sur les lieux à lui prêter toute aide raisonnable dans sa vérification ou son examen et, à cette fin, obliger le propriétaire ou le gérant à l'accompagner sur les lieux; et

d) si, au cours d'une vérification ou d'un examen, elle a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction à une loi fiscale ou à un règlement adopté en vertu d'une telle loi a été commise, saisir et emporter tout document ou toute autre chose qui peuvent être requis comme preuve d'une infraction à toute disposition d'une loi fiscale ou d'un règlement adopté en vertu d'une telle loi et les garder jusqu'à ce qu'ils aient été produits dans des procédures judiciaires.

 

[...]

[Je souligne.]

 

[20]          Cet alinéa édicte :

298. (1) Sous réserve des paragraphes (3) à (6.1), une cotisation ne peut être établie à l'égard d'une personne en application de l'article 296 après l'expiration des délais suivants :

a) s'agissant d'une cotisation visant l'un des montants suivants, quatre ans après le dernier en date du jour où la personne était tenue par l'article 238 de produire une déclaration pour la période et du jour de la production de la déclaration :

(i) la taxe nette de la personne pour sa période de déclaration,

[Je souligne.]

[21]          Le par. 280(1) de la Loi édicte :

280. (1) Sous réserve du présent article et de l'article 281, la personne qui ne verse pas ou ne paie pas un montant au receveur général dans le délai prévu par la présente partie est tenue de payer la pénalité et les intérêts suivants, calculés sur ce montant pour la période commençant le lendemain de l'expiration du délai et se terminant le jour du versement ou du paiement :

a) une pénalité de 6 % par année;

b) des intérêts au taux réglementaire.

L’alinéa a) a été abrogé à compter du 1er avril 2007.

[22]          Rubrique 7, 3e paragraphe, des notes écrites. Il faut rappeler également le commentaire fait au par. 9 ci-dessus relativement au défaut de Vert‑Dure de respecter les délais de production de déclarations de TPS.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.