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Dossier : 2005-3342(IT)I

ENTRE :

GARTH STEPHENSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

___________________________________________________________________

 

Appel entendu le 12 septembre 2007, à Winnipeg (Manitoba)

 

Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions : 

 

 

Avocat de l’appelant :

Me Bernard J. Rodrigue

Avocate de l’intimée :

Me Ainslie Schroeder

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’année d’imposition 2003 est accueilli et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en partant du principe que l’appelant peut déduire la pension alimentaire s’élevant à 7 500 $ qu’il a payée pendant l’année en cause.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de septembre 2007.

 

 

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2007.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2007CCI559

Date : 20070924

Dossier : 2005-3342(IT)I  

ENTRE : 

GARTH STEPHENSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

[1]     Après avoir convenu que les autres déductions qu’il avait demandées et qui lui ont été refusées à l’égard de son année d’imposition 2003 ne faisaient plus l’objet d’un litige, l’appelant appelle du fait que la déduction de 7 500 $ qu’il avait demandée cette même année au titre de pension alimentaire versée à son ex‑épouse lui a été refusée.

 

[2]     Les faits et la question en litige en l’espèce sont simples. L’appelant et son ex‑épouse se sont séparés en 1998. Conformément à une ordonnance provisoire rendue cette année‑là par la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, l’appelant était tenu de payer une pension alimentaire pour conjoint de 2 000 $ par mois. L’appelant a pris du retard dans ses paiements et, après avoir perdu son emploi à la fin de l’année 2001, il a cherché à obtenir une nouvelle ordonnance provisoire, et l’a obtenue en février 2002. La seconde ordonnance provisoire a réduit la pension alimentaire payable à 750 $ par mois. 

 

[3]     En février 2003, une ordonnance définitive (sur laquelle se sont entendus les avocats de l’appelant et de son ex‑épouse) a été rendue. À ce moment‑là, il semble qu’il existait un arriéré de pension alimentaire pour conjoint s’élevant à environ 25 000 $.

 

[4]     L’article 4 de l’ordonnance définitive établit l’obligation relative à la pension alimentaire en ces termes : 

 

[traduction]

 

4.0       En application de la Loi sur le divorce, LA COUR ORDONNE :

 

4.1       l’obligation de John William Garth Stephenson de verser une pension alimentaire à Joan Louise Stephenson sera annulée, et ce, à compter du 25 février 2003;

 

4.2       le total de l’arriéré de pension alimentaire pour conjoint, conformément à l’ordonnance rendue le 26 octobre 1998 par le juge Mykle, valable jusqu’au 25 février 2003, sera établi à 7 500 $;

 

4.3       l’arriéré établi au paragraphe précédent de la présente ordonnance doit être payé à Joan Louise Stephenson selon les modalités suivantes :

 

4.3.1    deux paiements périodiques (déductibles du revenu de John William Garth Stephenson et à inclure dans le revenu de Joan Louise Stephenson),

 

4.3.2    un paiement de 3 469,62 $ pour le 22 mai 2003,

 

4.3.3    un paiement de 4 030,38 $ immédiatement après le prononcé de la présente ordonnance.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[5]     L’appelant et son ex‑épouse étaient toujours représentés par des avocats. Je suis donc non seulement convaincu de l’intention du juge – que le paiement d’arriéré s’élevant à 7 5000 $ soit déductible du revenu de l’appelant – mais aussi, dans la mesure où cela peut être pertinent, je suis convaincu qu’il s’agissait‑là aussi de l’intention des parties, en toute connaissance de cause.

 

[6]     L’avocat de l’appelant a fait valoir que les paiements faits par son client à son ex‑épouse conformément aux modalités de l’ordonnance définitive, notamment les 7 500 $ versés en 2003, représentent des paiements d’arriéré et sont déductibles du revenu de l’appelant, conformément à ce qui a été établi dans l’arrêt La Reine c. Barbara D. Sills (auparavant Barbara D. LaBrash), [1985]2 C.F. 200 (C.A.F.). De plus, l’appelant s’est fondé sur la décision Norman C. Soldera c. Le ministre du Revenu national, [1991] A.C.I. n° 142 (C.C.I.) dans laquelle feu le juge en chef Garon a statué qu’un paiement forfaitaire d’arriéré ne perdait pas son caractère périodique pour ce qui est de l’application de l’alinéa 60b) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Il a conclu que le paiement forfaitaire d’arriéré était déductible parce qu’il concrétisait les sommes dues périodiquement conformément à l’ordonnance antérieure.

 

[7]     L’avocate de l’intimée a fait valoir que les paiements en question réglaient tout l’arriéré et qu’ils constituaient donc un paiement de capital suivant l’arrêt de la Cour suprême du Canada The Minister of National Revenue v. John James Armstrong, [1956] S.C.J. No. 22 (C.S.C.). De plus, l’avocate de l’intimée se fonde sur deux autres décisions, dont Elizabeth E. Bates c. Sa Majesté la Reine, [1998] A.C.I. n° 660 (C.C.I.), pour justifier que le caractère d’un paiement comme étant imposable ou non ne peut pas être déterminé simplement du fait que le paiement est effectué conformément à une ordonnance, ainsi que sur Susan Widmer c. Sa Majesté la Reine, [1995] A.C.I. n° 1115 (C.C.I.), où le juge Mogan a statué qu’un petit paiement d’arriéré fait dans le but de régler un montant important d’arriéré représentait, dans ce cas-là, un paiement de capital ayant perdu son caractère d’arriéré.

 

[8]     Bien que je sois d’avis que les juges de tribunal de la famille n’ont pas le pouvoir de fixer des conséquences fiscales dans leurs ordonnances et leurs jugements, il est certainement essentiel de tenir compte des intentions formulées d’une manière expresse dans une ordonnance rendue par un juge d’une cour supérieure dans les cas où une interprétation raisonnable des modalités de l’ordonnance est justifiable. En effet, en l’espèce, je pense que la seule interprétation raisonnable qu’on peut faire de l’ordonnance définitive est qu’elle enjoignait à l’appelant de payer 7 500 $ en arriéré. On ne peut pas raisonnablement conclure qu’il s’agissait d’une ordonnance visant le paiement d’un montant capital de 7 500 $ en contrepartie de la libération de l’arriéré. Le paragraphe 4.3 de l’ordonnance définitive indique clairement qu’il s’agit d’un paiement d’[traduction] « arriéré ». Ceci annule donc toute suggestion, au paragraphe 4.2 ou ailleurs, voulant que les 7 500 $ représentent un paiement de capital.

 

[9]     En effet, de façon générale, il me semble qu’il irait à l’encontre des principes établis dans Sills et suivis dans Soldera que de prétendre que le paiement d’une partie d’un arriéré représenterait nécessairement un paiement de capital pour la seule et unique raison que l’ordonnance en question annule les autres obligations prévues dans une ordonnance antérieure. On ne peut pas si aisément changer le caractère des paiements établis comme des paiements d’arriéré, surtout si toutes les parties ont convenu, en toute connaissance de cause, que là n’était pas l’intention de l’ordonnance, comme le prouve la mention dans l’ordonnance selon laquelle le paiement était déductible. Une cour supérieure peut, hors de tout doute, ordonner le paiement en partie d’un arriéré et, du même coup, annuler le solde de l’arriéré sans nécessairement créer de lien entre les deux actions, comme si le paiement en partie d’un arriéré était fait en contrepartie de l’annulation du solde. Une cour n’a pas besoin de contrepartie pour annuler un solde d’arriéré, même dans le cas d’une ordonnance rendue sur consentement des parties.

 

[10]    En outre, je constate (bien qu’une autre conclusion de fait visant à accueillir l’appel ne soit pas nécessaire) que l’ordonnance provisoire de février 2002 semblait établir une nouvelle pension alimentaire et que l’ordonnance définitive prévoyait qu’il s’agissait de l’arriéré de cette pension alimentaire qui était à payer. C’est donc l’arriéré découlant de l’ordonnance provisoire de 1998 qui a été annulé. Ceci créé sans doute un écart encore plus grand entre le paiement de 7 500 $ (représentant l’arriéré issu de l’ordonnance provisoire de 2002) et l’annulation de l’autre arriéré (soit celui issu de l’ordonnance provisoire de 1998).

 

[11]    Quoi qu’il en soit, il m’est facile de distinguer l’affaire en l’espèce de l’affaire Widmer. Dans Widmer, le juge Mogan fait la distinction avec Soldera en partant du principe qu’il accepte le fait que l’ordonnance dans Widmer faisait en sorte que le paiement [traduction] « semblait être quelque chose d’autre que ce qu’il était vraiment ». Ceci ne vient que confirmer la conclusion du juge Mogan selon laquelle on ne devrait pas tenir compte de l’intention derrière l’ordonnance, c’est‑à‑dire de l’intention de la Cour, pour conclure que le paiement, dans ce cas‑là, était autre chose qu’un paiement de capital. Autrement dit, les circonstances de cette affaire menaient à conclure que l’intention de l’ordonnance était de traiter le paiement comment ayant été fait en contrepartie de la libération des obligations alimentaires en souffrance. La situation en l’espèce est très différente.

 

[12]    De plus, et fait important à mon avis, j’évoque le fait que la décision Widmer est unique et ne représente pas un précédent d’application générale dans des circonstances comme celles en l’espèce, où la cour ayant rendu l’ordonnance, agissant en fonction de ses compétences et sans appliquer de façon erronée un principe de droit, a, à toutes fins utiles, établi le caractère des paiements. Comme j’ai dit dans Dale F. Hinkelman v. Her Majesty the Queen, [2001] 3 D.T.C. 732, au paragraphe 22 :

 

Il va sans dire que le fait de donner pleine vigueur et plein effet à l'ordonnance d'une cour supérieure devrait être facilité lorsque cela est possible. Faire autrement ne peut qu'ébranler notre respect et notre confiance à l'égard du système judiciaire.

 

[13]    Pour ces motifs, la déduction du montant de 7 500 $ est admise au titre de pension alimentaire déductible versée par l’appelant pendant son année d’imposition 2003.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de septembre 2007.

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de novembre 2007.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice


 

 

 

RÉFÉRENCE :

2007CCI559

 

N° DE DOSSIER :

2005-3342(IT)I

 

INTITULÉ :

Garth Stephenson et

Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 24 septembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Bernard J. Rodrigue

 

Avocate de l’intimée :

Me Ainslie Schroeder

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

Me Bernard J. Rodrigue

 

Cabinet :

Meighen, Haddad & Co.

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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