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Dossier : 2007-939(IT)I

ENTRE :

BRIGITTE ROY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 13 juillet 2007 à Trois-Rivières (Québec)

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Avocate de l'appelante :

Me Julie Henri

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Alain Gareau

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de l'avis d'une nouvelle détermination en date du 19 mai 2006, par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé à l'appelante la prestation fiscale canadienne pour enfants pour la période de janvier à juin 2004, relativement à l'année de base 2002, est accueilli, en ce que le dossier devra être retourné au ministre pour nouvelle détermination, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2007.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

Référence : 2007CCI496

Date : 20071010

Dossier : 2007-939(IT)I

ENTRE :

BRIGITTE ROY,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]     Il s’agit d’un appel d'un avis de nouvelle détermination relativement à la prestation fiscale canadienne pour enfants pour l'année de base 2002. La seule question en litige consiste à déterminer si le ministre du Revenu national (le « ministre ») a correctement conclu que l'appelante n'était pas le parent qui assumait principalement le soin et l’éducation de son enfant, Sandrine, à l’égard de l’année de base 2002, pour la période de janvier à juin 2004 (la « période pertinente »).

 

[2]     L'appelante est la mère de Sandrine, née le 26 juin 1992. Monsieur Jean‑Pierre Hervé est le père de Sandrine. L'appelante et monsieur Hervé se sont séparés au mois de mai 1996. Jusqu'au mois de décembre 2003, l'appelante et monsieur Hervé demeuraient dans la ville de Québec et avaient la garde partagée de Sandrine. En décembre 2003, l'appelante a déménagé de Québec à la municipalité de Champlain. Sandrine a exprimé le désir de suivre sa mère à la municipalité de Champlain. Monsieur Hervé s'y est opposé. Il voulait la garde de Sandrine, car il tenait à ce que cette dernière termine son année scolaire chez les Ursulines à Québec. Monsieur Henri présenta alors une requête pour obtenir la garde de Sandrine. Le juge Raymond W. Pronovost, J.C.S., dans un jugement rendu le 8 avril 2004 (pièce A‑1), accorda au père la garde de Sandrine jusqu'au 24 juin 2004 de façon à ce qu'elle puisse terminer son année scolaire chez les Ursulines à Québec. Toutefois, il accorda à la mère la garde de Sandrine à partir du 24 juin 2004. Dans son jugement du 8 avril 2004, le juge Pronovost, J.C.S, établissait ainsi les droits d'accès de la mère à l’égard de Sandrine jusqu'au 24 juin et les droits d’accès du père à l’égard de Sandrine à partir du 24 juin :

 

(20)      Les deux parties étaient d'accord, peu importe qui a la garde, à ce qu'il y ait des droits d'accès les plus élargis possible. Les droits d'accès seront selon entente entre les parties, mais à défaut d'entente, le demandeur aura, tel qu'il l'a suggéré lui‑même les droits d'accès suivants :

 

            toutes les fins de semaine, (à l'exception de trois semaines durant l'année, où la défenderesse aura accès à l'enfant Sandrine) du vendredi 17h00 au dimanche 19h00 (les fins de semaine seront prolongées ou avancées des journées pédagogiques et des journées fériées qui s'y accolent);

 

            la journée de Pâques (lors des années paires) (les années impaires, Sandrine sera avec la défenderesse);

 

            la première partie de la semaine de relâche durant les années impaires;

 

            une semaine durant la période des fêtes, incluant Noël et/ou le Jour de l'An, en alternance d'année en année;

 

            trois semaines à l'été, le demandeur devra faire connaître son choix avant le 1er mai de chaque année.

 

Il convient de souligner que l’appelante a témoigné qu’elle s’était entendue avec le père quant à ses droits d’accès à l’égard de Sandrine pour la période pertinente. L'appelante dont la crédibilité n'est pas mise en doute, a témoigné que, conformément à l'entente intervenue avec monsieur Hervé, elle allait pendant la période pertinente chercher Sandrine à l'école tous les vendredis, la ramenait à l'école le lundi matin, la reprenait à l'école en fin d'après-midi et l'emmenait chez son père plus tard dans la soirée. Elle a ajouté que, pendant la période pertinente, Sandrine résidait chez elle pendant tous les congés fériés, les journées pédagogiques, les journées où Sandrine était malade et pendant la semaine de relâche. L'appelante a même déposé un tableau (pièce A‑2) démontrant qu'elle avait été plus présente que monsieur Hervé (en termes d'heures) auprès de Sandrine pendant la période pertinente, bien que la garde de Sandrine avait été confiée à son père pendant cette même période.

 

[3]     L’appelante a aussi témoigné qu’elle veillait à l’obtention de soins médicaux (dentiste et médecin) pour Sandrine, s’occupait de cette dernière quand elle était malade, lui achetait des vêtements, veillait à ce que ses cheveux soient coupés, recevait les bulletins scolaires de sa fille, rencontrait les professeurs de Sandrine lors de la remise des bulletins, assistait aux rencontres parentales et organisait pour Sandrine de nombreuses activités récréatives et sportives.

 

 

Le droit

 

[4]     La définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») était à l'époque ainsi rédigée :

« particulier admissible »

S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

a)   elle réside avec la personne à charge;

b)   elle est la personne — père ou mère de la personne à charge — qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière;

c)   elle réside au Canada ou, si elle est l'époux ou le conjoint de fait visé d'une personne qui est réputée, par le paragraphe 250(1), résider au Canada tout au long de l'année d'imposition qui comprend ce moment, y a résidé au cours d'une année d'imposition antérieure;

d)   elle n'est pas visée aux alinéas 149(1)a) ou b);

e)   elle est, ou son époux ou conjoint de fait visé est, soit citoyen canadien, soit :

(i) résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés,

 

(ii) résident temporaire ou titulaire d'un permis de séjour temporaire visés par la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ayant résidé au Canada durant la période de 18 mois précédant ce moment,

 

(iii) personne protégée au titre de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés,

 

(iv) quelqu'un qui fait partie d'une catégorie précisée dans le Règlement sur la catégories d'immigrants précisées our des motifs d'ordre humanitaire pris en application de la Loi sur l'immigration.

 

Pour l'application de la présente définition :

f)    si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

g)   la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

h)   les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne.

 

[5]     Pour l'application des alinéas g) et h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les articles 6301 et 6302 de la partie LXIII du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement ») prévoient ce qui suit :

 

NON-APPLICATION DE LA PRÉSOMPTION

 

6301.  (1) Pour l'application de l'alinéa g) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, la présomption mentionnée à l'alinéa f) de cette définition ne s'applique pas dans les circonstances suivantes :

 

a) la mère de la personne à charge admissible déclare par écrit au ministre qu'elle réside avec le père de cette personne et qu'il est celui qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de chacune des personnes à charge admissibles avec lesquelles les deux résident;

 

b) la mère est une personne à charge admissible d'un particulier admissible et chacun d'eux présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l'égard de la même personne à charge admissible;

 

c) la personne à charge admissible a plus d'une mère avec qui elle réside et chacune des mères présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l'égard de la personne à charge admissible;

 

d) plus d'une personne présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l'égard de la même personne à charge admissible qui réside avec chacune d'elles à des endroits différents.

 

(2) Il demeure entendu qu'est assimilée à la personne qui présente un avis visé aux alinéas (1)b), c) ou d) la personne qui, en vertu du paragraphe 122.62(3) de la Loi, est soustraite à l'obligation de présenter un tel avis.

CRITÈRES

 

6302. Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

 

a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

 

b) le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

 

c) l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

 

d) l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

 

e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

 

f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

 

g) de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

 

h) l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

 

[6]     Nous nous préoccupons ici des conditions établies aux alinéas a) et b) de la définition de «particulier admissible» à l’article 122.6 de la Loi.  Il s’agit donc de savoir :

 

i)    si l’appelante résidait avec son enfant Sandrine pendant la période pertinente;

 

ii)    si l’appelante était le parent qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de Sandrine au cours de cette période;

 

 

[7]     Dans un premier temps, nous nous attarderons à la première question : Est‑ce que l’appelante résidait avec son enfant Sandrine pendant la période pertinente? À mon avis, l’expression « résider avec » utilisée par le législateur à l’alinéa a) de l’article 122.6 de la Loi, implique une certaine constance ou encore une certaine permanence selon le mode de vie habituel d’une personne en relation avec le lieu donné et se distingue de ce qu’on peut qualifier de visite ou de séjour sporadique. À cet égard, je conclus, à la lumière de la preuve présentée par l’appelante, que cette dernière « résidait avec » son enfant Sandrine pendant la période pertinente.

 

[8]     Puisque j’ai conclu que Sandrine résidait avec sa mère pendant la période pertinente, je signale que l’alinéa f) de l’article 122.6 de la Loi établit une présomption à l’effet que l’appelante est la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de Sandrine. À cet égard, je souligne qu’il n’y avait rien dans la preuve qui aurait pu faire tomber cette présomption en l’espèce.

 

[9]     L’intimée avait donc le fardeau de démontrer que l’appelante n’était pas la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de Sandrine. À mon avis, l’intimée ne pouvait s’acquitter de cette obligation qui lui incombait simplement en argumentant qu’en vertu d'un jugement la garde de l’enfant avait été confiée au père pendant la période pertinente et qu’il en résultait une présomption que c’était ce dernier qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de l’enfant. En l’espèce, l’intimée n’a pas démontré de façon satisfaisante que l’appelante n’était pas la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de Sandrine.

 

[10]    Indépendamment de ma conclusion à l’effet que l’intimée n’a pas réussi à renverser la présomption à l’effet que c’est l’appelante qui est la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de Sandrine, j’aurais conclu que l’appelante était cette personne. En effet, le critère établi à l’alinéa h) de l’article 6302 du Règlement ayant trait à l’existence d’une ordonnance rendue à l’égard de la garde est un facteur dont on doit certes tenir compte, bien qu'il ne soit pas déterminant. Le critère établi à l’alinéa g) de l’article 6302 ayant trait au fait d’être présent de façon générale auprès de l’enfant est aussi un facteur dont on doit tenir compte dans notre décision. À mon avis, le fait d’être présent auprès de Sandrine et de la guider dépasse en l’espèce quelque peu en valeur l’alinéa 6302 h) du Règlement concernant l’importance du jugement de la Cour supérieure du Québec (pièce A‑1). En l’espèce, l’appelante m’a convaincu qu’elle était plus présente que monsieur Hervé auprès de Sandrine pendant la période pertinente.

 

[11]    Pour ces motifs, l'appel est accueilli.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2007.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI496

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-939(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              BRIGITTE ROY ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Trois-Rivières (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 13 juillet 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 10 octobre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l'appelante :

Me Julie Henri

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Alain Gareau

 

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                   Nom :                             Me Julie Henri

                   Étude :                            Fontaine, Ayotte, Gamache

                                                          St-Hilaire, Ferron, Henri & Brouillette

                   Ville :                              Trois-Rivières (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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