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Dossier : 2007-206(IT)I

ENTRE :

PETER S. SPUNT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 27 juin 27, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Représentante de l’intimée :

Mme Isabelle Pipon (stagiaire en droit)

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est rejeté, conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d’octobre 2007.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

Référence : 2007CCI571

Date : 20071012

Dossier : 2007-206(IT)I

ENTRE :

PETER S. SPUNT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Bédard

 

[1]     Il s’agit de l’appel, interjeté sous le régime de la procédure informelle, de la nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2000 de l’appelant.

 

[2]     Le seul point en litige concerne la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi et les intérêts y afférents.

 

[3]     Les faits sur lesquels le ministre s’est fondé pour établir la nouvelle cotisation sont énoncés aux paragraphes 6, 7 et 8 de la réponse à l’avis d’appel :

 

[traduction]

 

6.         Pour établir la nouvelle cotisation, et la ratification de cette nouvelle cotisation, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         En remplissant sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2000, l’appelant a omis d’inclure les gains en capital imposables qu’il avait réalisés au cours de l’année dans le cadre de ses activités d’investissement;

 

b)         À la suite d’une vérification, Revenu Québec a constaté, d’après les documents présentés par l’appelant, que ce dernier avait réalisé les gains suivants sur la disposition de titres de son portefeuille :

 

TITRE

DATE DE LA

DISPOSITION

NOMBRE D’UNITÉS

PRODUIT

PRIX DE BASE RAJUSTÉ

GAIN EN CAPITAL

 

 

Fonds équilibré Royal

 

4 févr. 2000

 

3 839

 

40 471 $

 

30 000 $

 

10 741 $

Bombardier Inc.-

CL B Sub-VTG

 

10 janv. 2000

 

300

 

9 082 $

 

8 385 $

 

697 $

Pepsico Inc.

14 févr. 2000

310

15 254 $

12 689 $

2 565 $

Loblaw

Companies Ltd.

 

8 juin 2000

 

900

 

39 570 $

 

29 285 $

 

10 285 $

Loblaw

Companies Ltd.

 

5 juin 2000

 

108

 

4 722 $

 

3 482 $

 

1 240 $

Total

 

 

109 099 $

83 841 $

25 258 $

 

c)         Si on applique le taux d’inclusion de 71,1975 % pour l’année d’imposition 2000, le gain en capital imposable de l’appelant était de 17 983 $.

 

7.         En omettant de déclarer 17 983 $ dans ses revenus pour l’année d’imposition 2000, l’appelant a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire étant donné ce qui suit :

 

a)         L’appelant savait qu’il devait déclarer tous ses revenus et il ne l’a pas fait;

 

b)         L’appelant avait déclaré les produits de la disposition de titres au cours d’années antérieures, et il savait donc qu’il devait inclure de tels produits dans sa déclaration de revenus;

 

c)         Les sources de revenu de l’appelant, pour l’année d’imposition, comprennent des dividendes et des intérêts obtenus sur des investissements;

 

d)         L’appelant gère un portefeuille de titres actif;

 

e)         L’appelant connaît les conséquences fiscales de la déclaration de ses revenus;

 

f)          L’appelant est au courant des revenus qu’il reçoit et ne peut plaider l’ignorance pour ne pas avoir déclaré les gains en capital réalisés à la suite de la disposition de titres;

 

g)         À la suite de la nouvelle cotisation établie par Revenu Québec, l’appelant a omis d’informer le ministre des modifications qui devaient être apportées à sa déclaration de revenus fédérale pour l’année d’imposition;

 

h)         Un agent a préparé la déclaration de revenus de l’appelant, d’après les renseignements que ce dernier lui avait fournis;

 

i)          Le gain en capital imposable non déclaré représente 21 % du revenu total de l’appelant pour l’année d’imposition.

 

8.         En omettant de déclarer des revenus de 17 983 $, l’appelant a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, dans l’exercice d’une obligation prévue à la Loi, fait de faux énoncés ou des omissions dans la déclaration de revenus qu’il a produite pour l’année d’imposition 2000 ou y a participé, consenti ou acquiescé, de sorte que l’impôt qu’il devait payer pour ladite année d’imposition sur la foi de l’information fournie dans sa déclaration de revenus était inférieur de 4 182 48 $ à l’impôt en fait payable. L’appelant doit donc payer une pénalité de 2 091,24 $ étant donné ce qui suit :

 

a)         L’appelant savait qu’il devait déclarer tous ses revenus et il ne l’a pas fait;

 

b)         L’appelant avait déclaré les produits de la disposition de titres au cours d’années antérieures, et il savait donc qu’il devait inclure de tels produits dans sa déclaration de revenus;

 

c)         L’appelant gère un portefeuille de titres actif;

 

d)         Les sources de revenu de l’appelant, pour l’année d’imposition, comprennent des dividendes et des intérêts obtenus sur des investissements;

 

e)         L’appelant connaît les conséquences fiscales de la déclaration de ses revenus;

 

f)          L’appelant est au courant des revenus qu’il reçoit et ne peut plaider l’ignorance pour ne pas avoir déclaré les gains en capital réalisés à la suite de la disposition de titres;

 

g)         À la suite de la nouvelle cotisation établie par Revenu Québec, l’appelant a omis d’informer le ministre des modifications qui devaient être apportées à sa déclaration de revenus fédérale pour l’année d’imposition;

 

h)         Un agent a préparé la déclaration de revenus de l’appelant, d’après les renseignements que ce dernier lui avait fournis;

 

i)          Le gain en capital imposable non déclaré représente 21 % du revenu total de l’appelant pour l’année d’imposition.

 

[4]   L’avis d’appel est rédigé comme suit :

 

[traduction]

 

AVIS D’APPEL

Objet : Avis d’opposition – Déclaration de revenus pour 2000

 

Messieurs,

 

À la suite de l’avis de ratification par le ministre daté du 2 novembre 2006, à Laval, délivré à l’égard de l’avis d’opposition mentionné en objet, je souhaite interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt sous le régime de la procédure informelle. Par la présente, je demande donc l’annulation des intérêts de 2 589,44 $ et des pénalités de 2 091,24 $.

 

Je joins au présent avis d’appel un chèque de 100 $ à l’ordre du receveur général du Canada, somme qui me sera remboursée, je l’espère, si la Cour accueille mon appel.

 

Tout d’abord, j’aimerais souligner que je n’ai PAS fait, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, une omission dans ma déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2000, aux termes du paragraphe 163(2), comme je l’explique ci‑dessous.

 

En 2001, après avoir vécu dans notre résidence du 113, rue Ryan à Dollard‑des‑Ormeaux pendant plus de 15 ans, nous devions déménager dans une nouvelle résidence qui était en construction à cette époque‑là. Par conséquent, nous avons tranquillement emballé toutes nos possessions, y compris les dossiers et les papiers, d’avril à septembre 2001 afin de les entreposer pendant six mois, soit d’octobre 2001 à mars 2002, jusqu’à ce que la nouvelle maison soit prête. Nous vivons maintenant au 41, rue Edgewood, Dollard‑des‑Ormeaux (Québec)  H9A 3K6. Cette information peut être confirmée par les adresses qui apparaissent sur les déclarations de revenus que j’ai produites.

 

Nous avons vécu dans une résidence temporaire d’octobre 2001 à mars 2002, ce qui représente six mois de déplacement. Il est donc possible que quelques bordereaux ou sommaires relatifs aux transactions (de Nesbitt Burns et de RBC Placements en Direct) aient été égarés pendant cette période ou n’aient jamais été reçus. Normalement, j’ai l’habitude de remettre tous mes documents à mon comptable, à savoir DesRosiers Lombardi, aux fins de la préparation des déclarations fiscales. Je n’ai jamais déclaré de perte en capital pour les mêmes raisons.

 

Dans le cas du Fonds équilibré Royal, qui a donné lieu à un gain en capital de 10 471 $, il s’agissait d’un dépôt bancaire à long terme de cinq ans, acheté en octobre 1996. La RBC n’a délivré AUCUN document indiquant le gain en capital réalisé et, par conséquent, il n’y avait rien à donner au comptable. L’argent a été réinvesti et n’a PAS servi à acheter des biens; je n’ai donc jamais remarqué que j’avais fait un gain en capital.

 

Le 10 janvier 2007

 

Cour canadienne de l’impôt

 

Ce sont les raisons qui expliquent pourquoi je n’ai pas présenté les documents requis en avril 2001, pour l’année d’imposition 2000. En outre, comme je ne m’étais pas rendu compte de cette situation à ce moment‑là pour les raisons indiquées, il m’était impossible de réaliser ultérieurement que cela s’était produit jusqu’à ce que la situation soit signalée au cours de la vérification faite par le ministre du Revenu du Québec.

 

La situation ne s’est pas produite de manière intentionnelle. J’ai 56 ans, et je remplis des déclarations de revenus depuis plus de 40 ans; à ma connaissance, c’est la première et la seule fois où c’est arrivé. Voilà pourquoi je conteste les impôts et les intérêts dus relativement à cette affaire, et au moins les pénalités qui me sont imposées en conséquence.

 

J’espère que les facteurs suivants seront pris en compte lorsque la Cour décidera si elle doit annuler la pénalité ou renoncer à celle‑ci :

 

a)         J’ai respecté pendant plus de 40 ans mes obligations fiscales;

b)         Je n’ai jamais, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés;

c)         J’ai fait des efforts raisonnables et je n’ai pas fait preuve de négligence ni d’imprudence dans la conduite de mes affaires en vertu du régime d’autocotisation jusqu’à ce que cette situation se produise;

d)         J’ai agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission puisque j’ai payé le plein montant de la nouvelle cotisation avant l’échéance du 16 mars 2006.

 

Par conséquent, je fais appel à la clémence dans ce cas‑ci et demande respectueusement une exonération ponctuelle unique des intérêts sur arriérés et des pénalités connexes et leur annulation, puisque les circonstances échappaient à ma volonté, et j’espère que ces sommes me seront remboursées. Les dispositions d’équité confèrent certainement à la Cour le pouvoir discrétionnaire de renoncer aux pénalités et aux intérêts et de les annuler. Je crois qu’il s’agit d’une situation où, comme je l’ai expliqué ci‑dessus, les intérêts sur arriérés et, à tout le moins, les pénalités devraient être oubliés parce qu’ils découlent de circonstances échappant à ma volonté.

 

Je vous remercie à l’avance de l’attention soutenue que vous accorderez à cet appel.

 

Veuillez agréer mes sincères salutations.

 

Peter S. Spunt

Président

 

 

[5]   En l’espèce, l’appelant a comparu pour lui‑même, et Diane Charrette a comparu pour l’intimée.

 

[6]   Dans son témoignage, l’appelant a répété les raisons données dans son avis d’appel pour ne pas avoir déclaré la totalité de son revenu.

 

[7]   Le témoignage de l’appelant nous a également appris ce qui suit :

 

i)        L’appelant a un diplôme en science politique de l’Université McGill et un diplôme d’études supérieures en gestion de ce même établissement.

 

ii)       Au cours de l’année d’imposition 2000, il exploitait une entreprise dénommée Soluworks International Inc., dont les activités essentielles consistaient à résoudre les problèmes de marketing et de vente de sociétés pharmaceutiques.

 

iii)      Pendant plus de 40 ans, il a respecté ses obligations fiscales. L’appelant a déclaré avoir 56 ans, être marié et heureux en ménage depuis 32 ans, avoir deux enfants adultes et n’avoir aucune dette ni dossier criminel. Bref, l’appelant s’est décrit comme un honnête homme.

 

iv)      En 2000 en particulier, c’est‑à‑dire l’année où il se préparait à déménager dans une nouvelle résidence, il ne prêtait guère attention aux sommaires des transactions que lui envoyait son courtier, Nesbitt Burns. En fait, l’appelant a déclaré que ces relevés étaient [traduction] « souvent empilés, sans même avoir été ouverts, parce que ce n’était pas important, à ce moment‑là[1] ». L’appelant a aussi répété qu’il n’avait reçu aucun relevé indiquant le gain en capital réalisé relativement au Fonds équilibré Royal.

 

v)       Il n’était pas au courant des conséquences fiscales de son investissement dans le Fonds équilibré Royal ni ne s’est informé de ces conséquences auprès de son comptable.

 

vi)      Chaque année (y compris en 2000), l’appelant prenait simplement son relevé T4 et ses autres renseignements fiscaux, qu’il avait triés et mis dans des dossiers, et remettait le tout à son comptable, lequel préparait la déclaration de revenus personnelle de l’appelant. L’appelant a témoigné que le même comptable préparait ses déclarations de revenus personnelles depuis plusieurs années. L’appelant a aussi déclaré qu’en avril 2001, il s’était rendu au bureau de son comptable afin de signer sa déclaration de revenus pour l’année 2000, laquelle avait été préparée par ce dernier. L’appelant a dit qu’il avait regardé sa déclaration seulement pour savoir s’il devait de l’argent et pour connaître le montant de sa contribution à son REER pour l’année d’imposition 2001. Il convient de reproduire le témoignage de l’appelant à cet égard[2].

 

[traduction]

 

[120]    Q.        D’accord. Vérifiez-vous habituellement vos déclarations de revenus avant de les signer?

 

            R.         Je suis allé au bureau du comptable…

 

[121]    Q.        Oui.

 

            R.         … il y a d’habitude une lettre qui résume essentiellement ce que j’ai à payer. J’ai confiance en lui. J’examine le tout très, très vite et je regarde quel montant je peux mettre dans mon REER. Voilà à quoi je prête attention : le montant que je dois, et le montant que je peux mettre dans mon REER. En gros, c’est ce que je regarde. Je fais les chèques à l’instant même, et je ne conteste donc pas vraiment le montant que je dois ou que je ne dois pas. Je laisse à mon comptable le soin de s’en occuper.

 

[122]    Q.        Vous assurez‑vous que tous les renseignements sont précis, complets et véridiques?

 

            R.         Tout… je peux dire surtout que je regarde les gros chiffres, comme mon revenu d’après le relevé T4.

 

[123]    Q.        D’accord.

 

            R.         Parce que normalement, il s’agit de la plus grande partie de mon revenu, maintenant, mon revenu n’a pas toujours été tiré des gains réalisés sur des investissements...

 

[124]    Q.        Oui.

 

            R.         … c’est certain.

 

vii)     À la suite de la nouvelle cotisation établie par Revenu Québec, l’appelant a omis d’informer le ministre qu’il fallait modifier sa déclaration de revenus fédérale pour l’année d’imposition 2000 parce que son comptable ne lui avait pas indiqué de le faire. Il est également utile de reproduire le témoignage de l’appelant à cet égard[3].

 

[traduction]

 

[145]    Q.        Avez‑vous communiqué avec l’Agence du revenu du Canada afin de modifier votre déclaration de revenus pour l’année 2000 lorsque vous… après la vérification de Revenu Québec?

 

            R.         J’ai manqué la première partie de votre question. Ai‑je…

 

[146]    Q.        Avez‑vous communiqué avec l’Agence du revenu du Canada…

           

            R.         Non.

 

[147]    Q.        Avez‑vous modifié votre déclaration de revenus pour 2000, la partie fédérale?

 

            R.         Non.

 

LE JUGE :

 

[148]    Q.        Pourquoi ne l’avez‑vous pas fait?

 

            R.         J’ignorais que je devais le faire. Je ne…

 

[149]    Q.        Mais à ce moment‑là, vous saviez que vous n’aviez pas déclaré tous vos revenus?

 

            R.         Oui.

 

[150]    Q.        Alors pourquoi?

 

            R.         J’ai envoyé ce document à mon comptable, honnêtement, le même comptable que j’avais. Je n’ai pas été avisé qu’il fallait que je fasse quelque chose, et je n’essayais pas de me dérober à quoi que ce soit. J’ai demandé ce qu’il fallait que je fasse avec le document, et je l’ai envoyé à Lombardi Desrosiers, parce que lorsque je reçois des documents de ce genre, je les envoie immédiatement par télécopieur à mon comptable avec une note manuscrite et je…

 

[151]    Q.        Mais il ne vous a pas avisé que vous deviez…

 

            R.         Non.

 

[152]    Q.        … remplir…

 

            R.         Non.

 

[153]    Q.        … une déclaration de revenus modifiée…

 

            R.         Non.

 

[154]    Q.        … pour votre année d’imposition 2000…

                       

            R.         Non, en fait, je vais souligner quelque chose. Mon… l’année passée, mon père est mort…

 

[8]   Comme il est indiqué ci‑dessus, la seule question en litige en l’espèce est celle de savoir si l’imposition d’une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi relativement au gain en capital non déclaré est valide.

 

[9]   Dans la décision Venne v. R., [1984] C.T.C. 223, 84 DTC 6247 (C.F. 1re inst.), le juge Strayer a fait le commentaire suivant sur le sens de l’expression « faute lourde » aux fins de l’imposition d’une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi :

 

[…] La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi. […]

 

[10]    Dans la décision DeCosta v. The Queen, 2005 DTC 1436 (C.C.I., procédure informelle), le juge en chef Bowman a examiné la décision rendue dans Udell v. Minister of National Revenue, [1969] C.T.C. 704, 70 DTC 6019 (C.F. 1re inst.) et deux décisions rendues par le juge Rip (tel était alors son titre), et a fait les commentaires suivants :

 

[9]        Je n’ai aucune difficulté à concilier la décision du juge Cattanach avec celles du juge Rip. Elles découlent toutes d’une conclusion de fait tirée par la cour concernant le rôle joué par les contribuables. Les questions qui se posent dans chaque cas, si on fait abstraction de la question de la préméditation qui n’est pas pertinente en l’espèce, sont les suivantes :

 

a)         « le contribuable a‑t‑il commis une faute en faisant un faux énoncé ou une omission dans la déclaration de revenus? »

 

b)         « la faute était‑elle assez grave pour justifier l’utilisation de l’épithète « lourde » qui est quelque peu péjorative? »

 

Selon moi, ces questions rejoignent le principe énoncé par le juge Strayer dans la décision Venne v. The Queen, 84 DTC 6247.

 

[…]

 

[11]      Pour établir la distinction entre la faute « ordinaire » ou la négligence et la faute « lourde », il faut examiner plusieurs facteurs. Un de ces facteurs est bien entendu l’importance de l’omission relative au revenu déclaré. Il y a aussi la faculté du contribuable de découvrir l’erreur, ainsi que le niveau d’instruction du contribuable et son intelligence apparente. Il n’existe aucun facteur qui soit prédominant. Il faut accorder à chacun des facteurs le poids qu’il convient dans le contexte de l’ensemble de la preuve.

 

[12]      Qu’en‑est‑il ici? Un homme fort intelligent qui déclare un revenu d’emploi de 30 000 $ et qui omet de déclarer des ventes brutes d’environ 134 000 $ et des bénéfices nets de 54 000 $. Même si son comptable doit assumer une certaine part de responsabilité, je ne crois pas que l’on peut dire que l’appelant peut signer nonchalamment sa déclaration et passer outre à l’omission d’un montant qui représente presque le double du montant qu’il a déclaré. Une attitude aussi cavalière va au‑delà du simple manque d’attention.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[11]    En l’espèce, je suis d’avis que l’appelant n’a pas volontairement fait une omission dans sa déclaration de revenus pour 2000. Je suis toutefois d’avis que l’appelant a commis une faute assez grave pour justifier l’utilisation de l’épithète « lourde » qui est quelque peu péjorative. Dans le cas qui nous occupe, l’omission était considérable. L’appelant a déclaré seulement son revenu d’emploi. Le gain en capital imposable non déclaré représentait 21 % du revenu total de l’appelant pour l’année d’imposition 2000. Les produits de la disposition des actions et du Fonds équilibré Royal, soit 109 099 $, étaient substantiels. Les titres ne pouvaient être vendus sans le consentement de l’appelant. L’appelant avait déclaré les produits de la disposition de titres au cours des années antérieures, et il savait que de tels produits devaient être inclus dans sa déclaration de revenus. L’appelant est un homme instruit et intelligent, qui connaît les conséquences fiscales de la déclaration de ses revenus. Je peux comprendre les raisons pour lesquelles l’appelant n’a pas remis à son comptable tous les documents qui se rapportaient aux transactions intéressant l’année d’imposition 2000. L’appelant aurait cependant pu constater, par un bref examen des éléments qui touchaient le revenu de placement dans sa déclaration de revenus pour 2000, qu’il a signée en avril 2001, qu’aucun gain en capital n’était déclaré. L’omission dans sa déclaration de revenus pour 2000 aurait dû être assez évidente pour qu’un homme instruit, expérimenté et intelligent comme lui la remarque. À mon avis, en ne détectant pas l’omission quand il a signé sa déclaration de revenus pour 2000, l’appelant a commis plus qu’un simple manque d’attention. Lorsqu’il a examiné sa déclaration de revenus pour cette année‑là avant de la signer, l’appelant avait selon moi une attitude si cavalière qu’elle allait au‑delà du simple manque d’attention. Le fait que, à la suite de la nouvelle cotisation établie par Revenu Québec, l’appelant n’a pas informé le ministre de la nécessité de modifier sa déclaration de revenus pour l’année 2000 révèle aussi une faute lourde. Même si le comptable de l’appelant doit assumer une certaine part de responsabilité pour avoir omis d’indiquer à l’appelant qu’il avait l’obligation de remplir une déclaration de revenus modifiée pour l’année d’imposition 2000, je ne crois pas que l’appelant puisse se disculper à cet égard en invoquant le fait qu’il avait aveuglément confié ses affaires fiscales à un comptable, sans même avoir demandé à ce dernier quelles seraient les conséquences de son omission. Encore une fois, l’attitude de l’appelant était si cavalière qu’elle allait au‑delà du simple manque d’attention.

 

[12]    Par conséquent, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d’octobre 2007.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de novembre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI571

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2007-206(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Peter S. Spunt c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 27 juin 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 12 octobre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Représentante de l’intimée :

Mme Isabelle Pipon (stagiaire en droit)

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                           

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           Paragraphe 86 de la transcription.

 

[2]           Paragraphes 120 à 124 de la transcription.

 

[3]           Paragraphes 145 à 154 de la transcription.

 

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