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Dossier : 2007-979(IT)I

ENTRE :

 

MICHELINE CANTIN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 10 août 2007, à Rouyn-Noranda (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Avocate de l'appelante :

Me Carole Bouffard

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Claude Lamoureux

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre des avis de nouvelle détermination datés du 13 décembre 2006, par lesquels le ministre du Revenu national a révisé les prestations fiscales pour enfants de l’appelante pour les périodes de mars à juin 2006 et de juillet à août 2006, relativement aux années de base 2004 et 2005, est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour d’octobre 2007.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


 

 

 

Référence : 2007CCI633

Date : 20071026

Dossier : 2007-979(IT)I

ENTRE :

 

MICHELINE CANTIN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Favreau

 

[1]     Il s’agit d’un appel des avis de nouvelle détermination datés du 13 décembre 2006 relativement à la prestation fiscale canadienne pour enfants pour les années de base 2004 et 2005.

 

[2]     La question en litige consiste à déterminer si le ministre du Revenu national (le « ministre ») a correctement conclu que l’appelante n’était pas le particulier admissible à recevoir les prestations du fait qu’elle n’était pas le parent qui assurait principalement le soin et l’éducation de son enfant Miguël, à l’égard des années de base 2004 et 2005, pour les périodes de mars à juin 2006 et de juillet à août 2006 (les « périodes visées »).

 

[3]     Le ou vers le 9 février 2007, l’appelante a signifié au ministre un avis d’opposition à l’encontre des avis de nouvelle détermination du 13 décembre 2006 relativement aux années de base 2004 et 2005.

 

[4]     Pour établir et ratifier les avis de nouvelle détermination, le ministre a notamment tenu pour acquis les hypothèses de fait suivantes :

 

a)     l’appelante est la mère de Miguël Bergeron né le 9 juillet 1996;

 

b)    l’appelante et son ex-conjoint, M. Jacques Bergeron, se sont séparés au mois de février 1998;

 

c)     au cours des périodes en litige, l’appelante et son ex-conjoint exerçaient une garde partagée de leur fils et celui-ci passait plus de temps à la résidence de son père;

 

d)    au cours des périodes en litige, le ministre a déterminé que M. Bergeron était le particulier qui assurait principalement le soin et l’éducation de Miguël.

 

[5]     Aux termes d’un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec le 6 octobre 2004[1] (le « jugement »), monsieur Bergeron obtenait la garde exclusive de Miguël et la mère de Miguël obtenait les droits d’accès suivants à compter du 2 septembre 2004 :

 

-         une fin de semaine sur deux, du jeudi soir à 17 h 15 jusqu’au lundi matin;

 

-         une semaine à Noël ou au jour de l’An, en alternance d’année en année, débutant le 22 décembre à 19 h au 29 décembre à 19 h et/ou du 29 décembre à 19 h au 5 janvier à 19 h;

 

-         un mois pendant la période estivale dont un maximum de trois semaines consécutives au choix de l’appelante;

 

-         la semaine de relâche scolaire à chaque année.[2]

 

[6]     Le 27 janvier 2006, les parents de Miguël se sont entendus sur de nouvelles modalités des droits d’accès de l’appelante auprès de Miguël, soit, pour chaque période de 14 jours, six jours avec sa mère et huit jours avec son père.

 

[7]     Aux termes d’un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec le 24 avril 2006,[3] la demande d’ordonnance de sauvegarde présentée par l’appelante afin de faire reconnaître par la Cour les modalités de garde de Miguël selon l’entente décrite au paragraphe qui précède a été rejetée.

 

[8]     Aux termes d’une entente conclue par les parents de Miguël les 10 et 11 juillet 2007, laquelle fut homologuée par la Cour supérieure du Québec le 13 juillet 2007,[4] la garde de Miguël a été confiée à monsieur Bergeron. Les droits d’accès de l’appelante auprès de Miguël, à compter du 1er juillet 2007, sont d’une fin de semaine sur deux, d’une semaine à Noël ou au jour de l’An, de quatre semaines pendant la période estivale et de la semaine de relâche scolaire à chaque année.[5]

 

Position de l’appelante

 

[9]     Madame Cantin allègue que, depuis le 27 janvier 2006, elle s’occupe de façon constante des soins, de l’éducation et de l’instruction de son enfant et, plus particulièrement, elle assiste aux réunions avec les professeurs(res) et les éducateurs spécialisés de Miguël, elle prend des rendez-vous avec les médecins, dentistes et autres professionnels de la santé et elle s’occupe des activités et des loisirs que son fils désire suivre ou pratiquer. En soutien à ses dires, madame Cantin a produit une copie d’une lettre d’école, une copie de facture d’une clinique d’optométrie et des copies de consultations médicales pour Miguël.

 

[10]    Madame Cantin allègue également que, depuis le 27 janvier 2006, elle a la garde de Miguël environ 43 % du temps et si on y ajoute le temps où sa mère, madame Carmen Cantin, garde Miguël pendant qu’il est sous la garde de son père, madame Cantin a la garde de Miguël environ 60 % du temps. Il importe de souligner ici le fait que la mère de madame Cantin et madame Cantin résident dans le même duplex, madame Cantin occupant le haut, et sa mère, le bas. En soutien à ses prétentions, madame Cantin a produit une affirmation solennelle de sa mère, Carmen Cantin, et une affirmation solennelle de son copain, monsieur Serge Desgroseilliers, lesquelles confirment que Miguël se fait régulièrement garder par sa grand-mère lorsqu’il est sous la garde de son père.

 

Témoignage de monsieur Jacques Bergeron

 

[11]    Monsieur Bergeron a affirmé avoir eu seul la garde légale de Miguël, et ce, depuis 2004. Son ex-conjointe n’a jamais obtenu la garde légale de Miguël, ni la garde partagée de ce dernier.

 

[12]    Monsieur Bergeron a également affirmé être le parent qui s’occupe principalement des soins et de l’éducation de Miguël. En soutien à cette affirmation, l’avocat de l’intimée a produit en liasse des documents dont une attestation d’une clinique dentaire, une lettre d’une clinique d’optométrie, un état de compte du service de garde Arc-en-ciel, une fiche d’inscription à l’école Elan, un relevé de pharmacie, une facture de service scolaire, des factures d’achat de vêtements et d’un sac à dos, une confirmation du transport scolaire et des rapports de consultation médicale.

 

[13]    Monsieur Bergeron a reconnu qu’il faisait garder Miguël par sa grand‑mère maternelle lorsqu’il devait suivre des formations à l’extérieur de la ville. Au cours des périodes visées, cela se serait produit à deux occasions pour une durée de cinq jours chacune. Il a de plus reconnu faire garder Miguël par une intervenante de la garderie Fleurs et Miel lorsqu’il devait travailler les soirs. Il a également souligné que son ex-conjointe faisait également garder Miguël par sa mère lorsqu’elle devait travailler les soirs au centre d’appels.

 

[14]    Monsieur Bergeron a aussi reconnu avoir laissé son fils jouer seul près des voies ferrées sises à une dizaine de minutes de marche de l’endroit où réside la mère de l’enfant. Monsieur Bergeron a précisé que cela s’est produit à la demande expresse de son fils qui aimait jouer à cet endroit et que la période d’absence de surveillance variait généralement entre deux et trois heures.

 

Analyse

 

[15]    La définition de « particulier admissible » aux fins de la prestation fiscale canadienne pour enfants se retrouve à l’article 122.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») :

 

« particulier admissible » — « particulier admissible » S’agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

 

a) elle réside avec la personne à charge;

 

b) elle est la personne — père ou mère de la personne à charge — qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de cette dernière;

 

c) elle réside au Canada ou, si elle est l’époux ou conjoint de fait visé d’une personne qui est réputée, par le paragraphe 250(1), résider au Canada tout au long de l’année d’imposition qui comprend ce moment, y a résidé au cours d’une année d’imposition antérieure;

 

d) elle n’est pas visée aux alinéas 149(1)a) ou b);

 

e) elle est, ou son époux ou conjoint de fait visé est, soit citoyen canadien, soit :

 

(i) résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,

 

(ii) résident temporaire ou titulaire d’un permis de séjour temporaire visés par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ayant résidé au Canada durant la période de 18 mois précédant ce moment,

 

(iii) personne protégée au titre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,

 

(iv) quelqu’un qui fait partie d’une catégorie précisée dans le Règlement sur les catégories d’immigrants précisées pour des motifs d’ordre humanitaire pris en application de la Loi sur l’immigration.

 

Pour l’application de la présente définition :

 

f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

 

g) la présomption visée à l’alinéa f) ne s’applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

 

h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne.

 

[16]    Pour l’application des alinéas g) et h) de la définition de « particulier admissible » de l’article 122.6 de la Loi, les articles 6301 et 6302 de la partie LXIII du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement ») prévoit ce qui suit :

 

NON-APPLICATION DE LA PRÉSOMPTION

 

        6301. (1) Pour l’application de l’alinéa g) de la définition de « particulier admissible » à l’article 122.6 de la Loi, la présomption mentionnée à l’alinéa f) de cette définition ne s’applique pas dans les circonstances suivantes :

 

a)  la mère de la personne à charge admissible déclare par écrit au ministre qu’elle réside avec le père de cette personne et qu’il est celui qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de chacune des personnes à charges admissibles avec lesquelles les deux résident;

 

b) la mère est une personne à charge admissible d’un particulier admissible et chacun d’eux présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(l) de la Loi à l’égard de la même personne à charge admissible;

 

c)  la personne à charge admissible a plus d’une mère avec qui elle réside et chacune des mères présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(l) de la Loi à l’égard de la personne à charge admissible;

 

d) plus d’une personne présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(l) de la Loi à l’égard de la même personne à charge admissible qui réside avec chacune d’elles à des endroits différents.

 

CRITÈRES

 

        6302. Pour l’application de l’alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l’article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne à charge admissible :

 

a)  le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

 

b) le maintien d’un milieu sécuritaire là où elle réside;

 

c)  l’obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

 

d) l’organisation pour elle d’activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

 

e)  le fait de subvenir à ses besoins lorsqu’elle est malade ou a besoin de l’assistance d’une autre personne;

 

f)   le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

 

g)  de façon générale, le fait d’être présent auprès d’elle et de la guider;

 

h)  l’existence d’une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

 

[17]    Seul le parent avec qui réside l’enfant et qui a la charge de l’enfant est le « particulier admissible » à la prestation fiscale canadienne pour enfants.

 

[18]    Dans le présent cas, il a été mis en preuve que pendant les périodes visées, Miguël résidait huit jours avec son père et six jours avec sa mère par période de deux semaines et que le père avait, aux termes d’un jugement, la garde légale de Miguël. Les droits de l’appelante étaient des droits d’accès et non des droits de garde partagée.

 

[19]    Il ressort des témoignages de l’appelante et de monsieur Bergeron, quoique contradictoires à certains égards quant à la résidence principale de Miguël, que ce dernier résidait, pendant les périodes visées, principalement avec son père. Je ne crois pas qu’il soit approprié dans les circonstances de nécessairement attribuer à l’appelante les jours de garde de Miguël par sa grand-mère maternelle. L’affirmation solennelle de la grand-mère maternelle qui a été produite ne comporte pas suffisamment d’informations quant au nombre de jours et quant aux dates précises où elle a eu la garde de Miguël alors que ce dernier devait être avec son père.

 

[20]    Comme Miguël ne résidait pas uniquement avec sa mère, la présomption de l’alinéa f) de la définition de « particulier admissible » de l’article 122.6 de la Loi ne peut s’appliquer dans le présent cas et il y a lieu de déterminer quel parent assumait principalement, pendant les périodes visées, la responsabilité des soins et de l’éducation de Miguël. À cette fin, il y a lieu de considérer les facteurs énumérés à l’article 6302 du Règlement.

 

[21]    Dans le présent cas, les deux parents ont démontré qu’ils s’occupaient du soin et de l’éducation de Miguël et ont produit une preuve documentaire à cet effet.

 

[22]    La preuve a démontré qu’il y avait une certaine compétition des parents à cet égard. La mère faisait des achats de vêtements et d’articles scolaires et prenait des rendez-vous pour son fils à la clinique médicale, chez l’optométriste, etc., alors que le père faisait de même et cherchait à empêcher la mère de prendre des rendez-vous avec notamment les professionnels de la santé.

 

[23]    À la lumière des facteurs énumérés à l’article 6302 du Règlement qui se fondent sur le soin, l’attention et la participation et de la preuve présentée en l’espèce, je dois conclure que l’appelante n’a pas fourni de preuve suffisante pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait rempli les conditions établies à l’alinéa g) de la définition de « particulier admissible » de l’article 122.6 de la Loi, à savoir qu’elle était, pendant les périodes visées, le parent qui assumait principalement la responsabilité du soin et de l’éducation de son fils Miguël.

 

[24]    Par conséquent, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour d’octobre 2007.

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


 

 

RÉFÉRENCE :                                   2007CCI633

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-979(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Micheline Cantin et Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Rouyn-Noranda (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 10 août 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 26 octobre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l'appelante :

Me Carole Bouffard

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Claude Lamoureux

 

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Carole Bouffard

 

                 Cabinet :                           Bouffard, Harvey et Samson

                                                          Rouyn-Noranda (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]           Voir la pièce I-3

[2]           Voir la pièce I-3, paragraphe 7

[3]           Voir la pièce I-2

[4]           Voir la pièce I-1

[5]           Voir la pièce I-1, paragraphe 8

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