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Dossier : 2002-744(IT)G

ENTRE :

T. J.'S TRANSPORTATION & LUMBER LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

___________________________________________________________________

Requête entendue le 12 juin 2003, à Winnipeg (Manitoba)

 

Devant : l'honorable juge J. E. Hershfield

 

Comparutions :

 

Représentante de l'appelante :

Mme Trudy Obie

 

Avocat de l'intimée :

Me Perry Derksen

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

 

          Vu la requête en vue de permettre à la représentante de représenter l'appelante sans avocat,

 

          Vu la déclaration sous serment de Mme Trudy Obie et d'autres éléments de preuve déposés,

 

          Vu les allégations de la représentante de l'appelante et de l'avocat de l'intimée et vu les observations écrites de l'intimée,

 

          La requête est accueillie, sans frais, selon les motifs de l'ordonnance           ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de septembre 2003.

 

 

« J. E. Hershfield »

Le juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juin 2005.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure


 

 

 

 

Référence : 2003CCI584

Date : 20030903

Dossier : 2002-744(IT)G

ENTRE :

T. J.'S TRANSPORTATION & LUMBER LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

Le juge Hershfield

 

[1]     L'appelante, ayant déposé un avis d'appel en vertu de la procédure générale, a présenté une requête le 12 juin 2003 afin d'être représentée à l'audition de son appel par Mme Trudy Obie qui est une actionnaire et une administratrice de la société appelante. L'appel porte sur une cotisation établie en vertu de l'article 160 pour plus de 40 000,00 $ relativement à une cession à la société de biens entre parties ayant un lien de dépendance pour un montant inférieur à la juste valeur marchande.

 

[2]     Mme Obie s'est présentée à l'audition de la requête et a témoigné qu'il n'était pas financièrement possible à l'appelante de retenir les services d'un avocat pour la représenter lors de l'audition de l'appel. Un état financier de l'année se terminant le 31 décembre 2001 a été présenté à l'audience. À ce moment-là, aucun état financier plus récent n'était disponible.

 

[3]     Mme Obie n'a pu répondre aux questions se rapportant aux états financiers qui m'ont été présentés. Elle semblait avoir une connaissance très sommaire de la manière de lire un état. Elle avait au mieux la connaissance d'une profane quant à la signification des écritures des états et ses connaissances en matière de relation juridique existant entre une société et ses actionnaires ou ses créanciers semblaient limitées ou inexistantes. Elle ne comprenait pas non plus, ou du moins c'est ce qu'il m'avait semblé, les conséquences juridiques de sa déposition. Elle a déclaré, par exemple, que, bien que son père ne soit pas un actionnaire de la société appelante, il avait avancé des fonds (200 000,00 $) qui avaient été portés sur les états à titre de prêts d'actionnaires.

 

[4]     En revanche, Mme Obie exploite directement la société de l'appelante, semble connaître ses rentrées de fonds et la gestion générale de son exploitation. Bien qu'aucun grand livre n'ait été disponible à l'audience, elle semblait tout à fait capable d'identifier exactement, en se référant à un relevé bancaire, ce que représentaient les divers dépôts et retraits. Cependant, elle ne put répondre aux questions concernant les fonds propres de la société appelante pour certains de ses actifs, comme les terrains et immeubles. Elle a tout de même suggéré qu'elle était la seule personne suffisamment active dans cette société pour en connaître les affaires et elle a indiqué de façon catégorique que la société ne pouvait pas s'offrir les services d'un avocat. Les états financiers de 2001 indiquaient un revenu net de 1 649,00 $ et un déficit accumulé de quelques 78 000,00 $.

 

[5]     Si l'intimée a semblé accepter que Mme Obie et son frère soient les seuls actionnaires de la société appelante, des questions demeuraient quant au poste de Mme Obie. Étant donné les circonstances et ayant des doutes quant à sa compétence pour représenter l'appelante, j'ai demandé que Mme Obie fournisse une lettre de la part des actionnaires de la société appelante et de son conseil d'administration, l'autorisant à représenter la société appelante dans le présent appel, si j'accueillais la requête. J'ai demandé, de plus, des données financières plus récentes, y compris la valeur des actifs à court terme (par opposition à la valeur comptable) et des relevés bancaires à jour. J'ai pris ma décision en délibéré quant à la requête, sous réserve de la réception et de l'examen de ces éléments de preuve.

 

[6]     L'appelante a présenté une liste des immobilisations, d'une valeur totale de 149 680,00 $ comprenant terrains et immeubles, évalués à des fins de taxe foncière à 119 000,00 $, valeur qui, d'après l'intimée, n'était pas représentative de la juste valeur marchande des biens. Les états financiers de la société appelante pour l'année se terminant le 31 décembre 2002, également soumis, indiquaient que la valeur comptable des immobilisations était de 235 511,00 $ et celle des actifs à court terme de 2 157,00 $. Les emprunts à court terme aux institutions financières étaient de 54 000,00 $ et les prêts à court terme aux actionnaires s'élevaient à 200 000,00 $. Les états financiers du                        31 décembre 2002 indiquaient également un autre emprunt privé d'environ 11 500,00 $ et des prêts d'actionnaires supplémentaires totalisant environ 54 000,00 $. Le déficit indiqué était d'environ 80 000,00 $. Avec des valeurs d'immobilisations confirmées, le déficit serait supérieur. Même à cela, je pourrais m'interroger sur la question de savoir s'il y a suffisamment de fonds propres en terrains et immeubles pour générer les fonds nécessaires afin de retenir les services d'un avocat pour l'appel en question. Cependant, je ne suis pas en position de rendre une ordonnance qui demanderait une vente d'actifs ou un autre financement de la dette. En ce qui concerne un autre financement de la dette, le service de la dette pourrait y faire obstacle de toute façon. Comme il a été indiqué, le revenu net pour 2001 n'était que de 1 649,00 $. Une perte nette de 2 082,00 $ est indiquée aux états financiers de 2002.

 

[7]     De plus, si les prêts d'actionnaires peuvent, dans ce cas, poser un problème éventuel, les actionnaires (ou des personnes liées) ne peuvent être forcés d'avancer des fonds ou de subordonner à d'autres créanciers les avances de fonds existantes uniquement parce que je suis enclin à penser que ce pourrait être une bonne stratégie, par rapport à l'autre possibilité qui est que Mme Obie représente la société appelante dans cet appel. Si les actionnaires n'adoptent pas cette stratégie, la société appelante ne peut se permettre de retenir les services d'un avocat pour la représenter.

 

[8]     L'intimée n'a pas contesté le fait que les seuls actionnaires de la société appelante soient Mme Obie et son frère. Dans les observations reçues depuis l'ajournement de l'audience du 12 juin, j'ai reçu de son frère une autorisation permettant à Mme Obie de représenter la société appelante dans le cadre de l'appel. Bien que je n'aie pas reçu du conseil d'administration l'autorisation demandée, je ne connais pas de précédent qui requerrait d'un tribunal qu'il aille aussi loin que je ne l'aie été, dans ces circonstances, pour avoir l'assurance que l'appelante a proprement autorisé sa représentante. Outre le fait qu'ils représentent tous les actionnaires de la société appelante, Mme Obie et son frère se représentent eux-mêmes en tant qu'administrateurs de la société appelante et ils ont tous les deux confirmé que Mme Obie est autorisée à représenter la société appelante dans l'appel en question. L'avis d'appel a été signé par Mme Obie et par son frère. Ayant reçu leur autorisation pour la requête telle que présentée, elle est de ce fait suffisante, à mon avis, pour protéger l'intégrité de la procédure.

 

[9]     Dans les observations reçues, on affirme également que le prêt d'actionnaire est détenu pour le père de Mme Obie à titre de bénéficiaire. L'intimée conteste ce fait pour des motifs qui ne m'ont pas été proprement présentés. Le statut du prêt d'actionnaire n'a pas de rapport avec la question de la capacité financière de l'appelante à payer un avocat, à moins que cette écriture ne soit une fraude et, même à cela, il est difficile de voir, étant donné mes remarques ci-dessus, comment cela pourrait les aider à payer les services d'un avocat dans l'appel en question. Je ne suis pas prêt à rouvrir l'audience pour entendre de la preuve sur le statut des prêts d'actionnaires. Si l'intimée veut poursuivre l'examen de cette question, elle peut le faire lors de l'appel ou devant un autre tribunal après que la décision de l'appel en question aura été rendue.

 

[10]    L'intimée affirme également qu'à l'audience j'ai entendu un témoignage selon lequel des fonds étaient prélevés de la société appelante par les actionnaires pour leurs dépenses personnelles. Ces retraits ne représentaient rien d'excessif et, selon moi, ils ont fini par être rapprochés comme partie de la rémunération versée aux actionnaires pour leur rôle d'employés de la société.

 

[11]    J'ai examiné les relevés bancaires qui m'ont été soumis et, s'ils ne parlent pas d'eux-mêmes, dans le sens que les différentes écritures ne sont pas explicitées, rien dans les rentrées de fonds ne me rend enclin à ne pas accepter le témoignage de Mme Obie, à savoir que la société appelante n'a pas les fonds pour payer un avocat. L'intimée n'a pas suggéré que je rouvre l'audience afin de lui permettre un contre-interrogatoire sur ces déclarations.

 

[12]    L'intimée n'a pas consenti à la requête. Si la fiabilité du bilan soumis la préoccupe, sa plus forte objection concerne le fait que Mme Obie ne puisse pas traiter les questions d'ordre juridique à l'instance de l'appel. Si j'ai de semblables réserves quant à la dernière préoccupation, elles ne me dissuadent pas pour autant d'accueillir la requête. Finalement, la déposition de Mme Obie à l'audience du 12 juin 2003 correspond aux observations soumises. Je ne vais pas faire de conjectures sur le bien-fondé de sa décision de représenter la société.

 

[13]    L'avocat de l'intimée cite l'affaire Pratts Wholesale Limited c. Canada, [1998] A.C.I. no 171 (98 DTC 1561) (telle que considérée par le juge en chef adjoint Bowman dans l'affaire Chase Bryant c. Sa Majesté la Reine, C.C.I. no 2002-1463(IT)G, 12 décembre 2002 (2003 DTC 145) où le juge Beaubier (se basant sur l'affaire Kobetek Systems Ltd. c. Canada, [1998] A.C.F. n16 ([1998] 1 C.T.C. 308) fait état des faits à considérer lors d'une requête visant la représentation d'une société par un représentant qui n'est pas un avocat dans un appel en matière d'impôt. Ils sont les suivants :

 

1)       L'entreprise peut-elle s'offrir les services d'un avocat?

 

2)       Le représentant proposé sera-t-il tenu de comparaître comme

porte-parole et comme témoin?

 

3)       Les questions de droit à trancher sont-elles complexes (et par conséquent, le représentant est-il en mesure de débattre les questions de droit)?

 

4)       L'action peut-elle se poursuivre de manière expéditive?

 

[14]    Le juge Bowie dans l'affaire RFA Natural Gas Inc. c. Canada, [2000] A.C.I. no 327 ([2000] G.S.T.C. 40) émet des doutes quant au bien-fondé du deuxième facteur. Il dit également que le problème des dossiers complexes menés en l'absence de représentants compétents est une situation à laquelle cette cour doit fréquemment faire face, comme s'il suggérait qu'on ne doive pas donner trop de poids à ce facteur. J'ai tendance à être d'accord avec cela, dans la mesure où l'inclusion d'un tel facteur revient pratiquement à protéger de façon paternaliste l'appelante contre elle-même. D'un autre côté, si cela entrave la rapidité de la poursuite de l'appel, ce facteur devient encore plus important. À ce propos, je ne vois pas de raison pour laquelle cet appel ne pourrait pas se poursuivre dans les plus brefs délais, si Mme Obie représente la société appelante.

 

[15]    Je remarque également que, dans l'affaire Mavito Inc. c. Canada, [2000] A.C.I. no 137 (2000 DTC 1972) et dans celle de Thompson Motors Co. Ltd. c. Sa Majesté la Reine, C.C.I., no 2001-1711(IT)G, 16 juillet 2002                      (2002 DTC 2006), le juge Tardif et le juge Little pensent respectivement que la capacité financière constitue un élément déterminant en ce qui concerne la question qui m'est posée. Dans le cas présent, la société appelante n'a pas la capacité financière pour retenir les services d'un avocat.

 

[16]    En conséquence, la requête est accueillie, sans frais. Mme Obie est autorisée à représenter la société appelante dans l'appel en question.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de septembre 2003.

 

 

« J. E. Hershfield »

Le juge Hershfield

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juin 2005.

 

 

 

 

Sophie Debbané, réviseure

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