Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2002‑3384(EI)

 

ENTRE :

 

RICHARD E. BURWELL,

 

appelant,

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

 

intimé,

 

et

 

DALE VENO,

intervenant.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 5 août 2003 à Halifax (Nouvelle-Écosse)

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions

 

Représentant de l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimé :

Me Cecil Woon

Représentant de l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est accueilli et la décision du ministre du Revenu national en ce qui concerne l’appel présenté devant lui conformément à l’article 92 de la Loi est annulée étant donné que Dale Veno n’occupait pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi pendant la période allant du 1er août 2001 au 3 novembre 2001.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2003.

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

Louise-Marie Leblanc, traductrice


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2002‑3843(EI)

ENTRE :

RICHARD E. BURWELL,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 5 août 2003 à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions

 

Représentant de l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimé :

Me Cecil Woon

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est accueilli et la décision du ministre du Revenu national en ce qui concerne l’appel présenté devant lui conformément à l’article 92 de la Loi est annulée étant donné que Michael Craig n’occupait pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi pendant la période allant du 1er août 2001 au 13 novembre 2001.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2003.

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de janvier 2004

 

 

 

 

 

Louise-Marie Leblanc, traductrice


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2002‑3936(CPP)

ENTRE :

RICHARD E. BURWELL,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

DALE VENO,

intervenant.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 5 août 2003 à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions

 

Représentant de l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimé :

Me Cecil Woon

Représentant de l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté en vertu de l’article 28 du Régime de pensions du Canada est accueilli et la décision du ministre du Revenu national en ce qui concerne son application conformément à l’article 27.1 du Régime est annulée étant donné que Dale Veno n’occupait pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi pendant la période allant du 1er août 2001 au 3 novembre 2001.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2003.

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

Louise-Marie Leblanc, traductrice


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2002‑3935(CPP)

ENTRE :

RICHARD E. BURWELL,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 5 août 2003 à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions

 

Représentant de l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimé :

Me Cecil Woon

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté en vertu de l’article 28 du Régime de pensions du Canada est accueilli et la décision du ministre du Revenu national en ce qui concerne son application conformément à l’article 27.1 du Régime est annulée étant donné que Michael Craig n’occupait pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi pendant la période allant du 1er août 2001 au 13 novembre 2001.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2003.

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

 

Louise-Marie Leblanc, traductrice

 


 

 

Référence : 2003CCI628

Date : 20020911

Dossier : 2002‑3384(EI)

ENTRE :

RICHARD E. BURWELL,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

et

 

DALE VENO,

intervenant,

ET ENTRE :

Dossier : 2002‑3843(EI)

 

RICHARD E. BURWELL,

 

appelant,

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

intimé,

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

ET ENTRE :

Dossier : 2002‑3936(CPP)

 

RICHARD E. BURWELL,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

et

 

DALE VENO,

intervenant,

ET ENTRE  :

Dossier : 2002-3935(CPP)

 

RICHARD E. BURWELL,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller

 

[1]     Il s’agit de quatre appels présentés par M. Burwell relativement aux travaux de rénovation et de préservation effectués en 2001 sur le bien historique de M. Burwell à Lunenburg, en Nouvelle-Écosse, par MM. Dale Veno et Michael Craig. L’intimé soutient que les travailleurs occupaient un emploi assurable aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi et ouvrant droit à pension en vertu du Régime de pensions du Canada, autrement dit, qu’ils étaient les employés de M. Burwell. Selon ce dernier, les travailleurs n’étaient pas ses employés, mais des travailleurs autonomes embauchés pour effectuer les travaux d’excavation sur la propriété visée. M. Veno a présenté un avis d’intervention, M. Craig ne l’a pas fait. 

 

[2]     En 2002, M. Burwell a acheté une maison classée historique sur la rue York à Lunenburg. L’acquisition de cette propriété constituait avant tout un projet pour la fille des Burwell qui possédait une formation universitaire en préservation des monuments historiques, mais son déménagement aux États‑Unis a obligé les Burwell à s’occuper eux-mêmes de la propriété. Mme Burwell a témoigné que rénover des maisons était son « domaine de compétence ». L’objectif des Burwell était de vendre la propriété à une société historique locale, peut-être à titre de musée. Toutefois, après avoir acheté la propriété, ils se sont rendus compte qu’il serait probablement impossible d’obtenir le financement nécessaire pour atteindre cet objectif. Les Burwell possédaient trois autres propriétés en Nouvelle-Écosse, une maison dans laquelle ils habitaient pendant leur séjour au Canada (leur résidence principale est au New Hampshire), une propriété dont Mme Burwell a hérité à Chester, en Nouvelle‑Écosse, et la troisième est un bien locatif à Lunenberg.

 

[3]     Lorsqu’il a acheté la propriété de la rue York, un bâtiment historique d’environ 20 pieds sur 30 pieds, M. Burwell cherchait quelqu’un pour effectuer les travaux de préservation qui devaient être faits. Il a communiqué avec Dale Veno pour lui demander d’examiner les fondations. Ce dernier travaillait à ce moment‑là pour une entreprise cinématographique. Selon l’entente, puisqu’on ne connaissait pas avec certitude l’étendue des travaux à effectuer, M. Burwell embaucherait M. Veno à un taux horaire fixe de 18 $ pour une semaine de 48 heures. M. Veno a recommandé trois de ses collègues de travail à M. Burwell. Ils se sont rencontrés et ont conclu une entente voulant que M. Burwell paierait à M. Craig un salaire horaire de 12 $ pour une semaine de 48 heures, à Renee Holdershaw un salaire horaire de 8 $ pour une semaine de 48 heures et à Crystal (M. Burwell n’a jamais su le nom de famille de Crystal) un salaire horaire de 8 $ pour une semaine de 48 heures. MM. Craig et Veno ont témoigné avoir abordé la question des retenues et ont précisé que M. Burwell avait dit qu’il y verrait.

 

[4]     Il s’agissait tout d’abord de travaux préliminaires, pour déterminer le genre de structure, et ensuite il fallait procéder soigneusement aux travaux de démolition et de rénovation en s’assurant de conserver en tout temps le caractère historique du bâtiment.

 

[5]     On n’a signé aucune entente officielle. Pour le premier paiement, on a fait un chèque à Dale Veno couvrant la rémunération totale des quatre travailleurs. Par la suite, M. Burwell a payé M. Craig directement à la demande de ce dernier. Les Burwell ont informé M. Veno qu’ils devaient retourner aux États‑Unis entre la mi‑octobre et la fin de novembre et que les travaux devaient être terminés avant leur départ. Selon la compréhension de M. Burwell, M. Veno et les autres travailleurs devaient travailler 48 heures par semaine, bien qu’aucune règle n’ait été établie quant au moment où ces 48 heures devaient être effectuées. M. Burwell a également accepté de payer pour tous les matériaux nécessaires et a ouvert un compte d’achats à crédit que M. Veno pouvait utiliser chez des fournisseurs locaux. M. Veno commandait les matériaux, mais M. Burwell payait les factures. Ce dernier payait également les frais de location d’équipement, bien qu’encore une fois, M. Veno prenait les ententes.

 

[6]     M. Burwell se fiait aux conseils professionnels de M. Veno quant aux travaux à effectuer, mais il savait parfaitement bien ce qui pouvait ou ne pouvait pas être accompli pour se conformer au permis que M. Burwell avait dû obtenir pour pouvoir effectuer des travaux sur un site patrimonial. Je suis convaincu que M. Burwell ne possédait pas l’expertise nécessaire pour savoir comment effectuer les travaux d’excavation, de toiture et de maçonnerie, mais que lui et sa conjointe possédaient des connaissances sur la préservation des bâtiments historiques. Ils ont embauché M. Penny pour faire les plans qui devaient être présentés à Heritage Group, l’organisme d’attribution des permis. En outre, M. Penny devait se rendre sur les lieux des travaux une fois par semaine pendant les quatre semaines où les Burwell seraient absents et que les travaux du projet se poursuivraient.

 

[7]     M. Veno, M. Craig et les deux autres travailleurs ont commencé les travaux du projet au début d’août. Bien que les Burwell et M. Veno aient témoigné abondamment quant à la nature et à l’étendue des travaux, selon moi il s’agissait d’importants travaux de rénovation des fondations, des murs, des planchers, du toit ainsi que des travaux de finition intérieure. Il est également clair qu’au début, M. Burwell et M. Veno ne connaissaient pas l’étendue et la nature des travaux à effectuer. Les travaux ont continué. Les travailleurs ont été payés. M. Burwell a rédigé des chèques pour MM. Veno et Craig afin de couvrir leur rémunération ainsi que celle des deux travailleuses qui devaient être payées en argent comptant par M. Veno ou M. Craig. M. Veno n’a présenté aucune facture et n’a déduit aucune taxe de vente harmonisée. On n’a effectué aucune retenue à la source sur les paiements faits par M. Burwell aux travailleurs. Les travaux se sont tout simplement poursuivis.

 

[8]     M. ou Mme Burwell se rendait chaque jour sur le chantier, sauf pendant une période de quatre semaines où ils étaient absents et où M. Penny visitait le chantier une fois par semaine. M. Burwell a expliqué que ces visites ne correspondaient pas aux visites effectuées par un contremaître supervisant des travaux, mais elles visaient à examiner les travaux effectués par M. Veno et son équipe et à discuter des travaux qui, selon M. Veno, devraient être effectués ultérieurement. En tant que propriétaire, M. Burwell désirait clairement aussi s’assurer que l’on ne compromettait aucunement le caractère historique de la propriété. C’est pour cette raison que l’on avait demandé à M. Penny de se rendre sur les lieux une fois par semaine.

 

[9]     Renee Holdershaw a témoigné ne pas avoir travaillé sur les fondations, mais sur les travaux intérieurs moins difficiles. Elle a également tenu un registre dans lequel elle a inscrit les travaux du point de vue de la restauration historique. M. Burwell a indiqué qu’elle avait fait cela de son propre chef. M. Veno a témoigné que M. Burwell avait demandé à Renee de tenir le registre en vue de rédiger un livre sur le projet. Il est clair que Renee a tenu le registre pour le bénéfice de M. Burwell.

 

[10]    M. Veno a aidé M. Burwell en ce qui concerne quelques autres propriétés, mais il ne s’agissait pas de travaux importants. Les décisions étaient prises en consultation au fur et à mesure que les travaux avançaient. Bien entendu, MM. Burwell et Veno aient tenté de décrire la relation en des termes qui dénotent celle d’un entrepreneur autonome, dans le cas de M. Burwell, ou à celle d’un employé, dans le cas de M. Veno. Selon moi, il est clair que MM. Burwell et Veno discutaient simplement de ce qui devait être fait et que M. Veno effectuait les travaux au meilleur de sa connaissance.

 

[11]    Selon M. Veno, son rôle était celui d’un contremaître adjoint. Il supervisait tout le chantier. Il était maçon et effectuait d’autres travaux à titre d’entrepreneur, bien que ce ne soit pas pour M. Burwell. Il est clair que le projet l’intéressait, ayant effectué lui-même certaines recherches historiques. Il croyait que les travaux étaient trop complexes pour qu’il puisse y participer autrement qu’à titre d’employé. M. Veno a décrit la double nature des directives fournies par M. Burwell : s’assurer que les travaux soient conformes au permis et ne pas travailler trop rapidement.

 

[12]    M. Craig a expliqué clairement, dans son témoignage, qu’il était travailleur journalier et que c’était à ce titre que M. Burwell l’avait embauché. Il ne possédait aucune expérience ou qualification professionnelle et n’apportait que sa force physique au projet. Il n’a présenté aucune facture et n’était propriétaire d’aucune entreprise. Il recevait les directives de M. Veno ou de M. Burwell quant à ce qu’il devait faire. Il ne fournissait aucun outil ou équipement. Les seuls outils qu’il utilisait consistaient en quelques sapis fournis par M. Veno.

 

[13]    En ce qui concerne tous les autres travailleurs, M. Burwell payait le taux hebdomadaire établi peu importe le nombre d’heures réellement travaillées, bien qu’on s’attendait à ce que les travailleurs complètent leurs heures de travail le dimanche ou le soir s’ils n’avaient pas travaillé les heures prévues pendant la semaine.

 

[14]    Les choses se sont déroulées de façon amicale pendant plusieurs semaines, du début d’août au 31 octobre, quand tout a changé. Une église locale a été gravement endommagée pendant un incendie, et M. Veno voulait participer à la reconstruction. Il a demandé à M. Burwell s’il pouvait le faire. M. Burwell a accepté, tout en supposant que les travaux se poursuivraient quand même sur sa propriété. Au début du mois de novembre, M. Veno a demandé deux semaines de vacances. Étant donné que M. Burwell prévoyait partir plus tard en novembre et qu’il s’attendait à ce que les travaux soient terminés avant son départ, il a rejeté la demande de M. Veno. La relation s’est alors envenimée. M. Veno se présentait de moins en moins à la propriété de M. Burwell, et il est devenu clair que les travaux ne seraient pas terminés, ce qui a contrarié M. Burwell.

 

[15]    La situation était telle que, sans M. Veno, M. Craig ne savait pas quels travaux effectuer. On a mis fin au contrat de M. Craig. M. Burwell a également mis fin à la relation avec M. Veno qui a demandé que l’on signe des documents de cessation de la relation de travail que M. Burwell n’a jamais fournis. Renee Holdershaw savait quels travaux elle devait accomplir, et elle a pris entente avec M. Burwell pour effectuer ces travaux. Les Burwell lui ont offert une rémunération pour effectuer certains autres travaux sur une autre propriété.

 

[16]    M. Burwell a embauché quelqu’un d’autre pour terminer le projet avant l’hiver étant donné qu’il était clair que les travaux ne seraient pas terminés.

 

[17]    En vertu de la Loi sur l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada, pour se qualifier comme employé, il faut avoir été embauché en vertu d’un contrat de louage de services. Les mesures législatives visant à déterminer s’il s’agit d’un statut d’employé ou d’entrepreneur autonome ont été examinées récemment par le juge Major dans l’affaire 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Inc., [2001] A.C.S. no 61, (2001 CSC 59, 274 N.R. 366). Il résume la loi de cette façon :

 

46          À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l'arrêt Stevenson Jordan, précité, qu'il peut être impossible d'établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [Traduction] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d'apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l'opinion du juge MacGuigan lorsqu'il affirme – en citant Atiyah, op. cit., p. 38, dans l'arrêt Wiebe Door, p. 563 – qu'il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

[traduction] [N]ous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d'identifier les contrats de louage de services [. . .]. La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

47                   Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services fournis en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.
 
48             Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

 

 

[18]    Chaque affaire possédera ses propres caractéristiques uniques qui donneront aux facteurs susmentionnés plus ou moins de poids ou pas de poids du tout quant à la décision finale. Il y aura également des facteurs dont le juge Major n’a pas tenu compte dans sa « liste non exhaustive ». La différence dans l’affaire en l’instance comparativement à bien d’autres affaires est que la question « Qui est le propriétaire de cette entreprise? » suggère que je doive conclure que M. Burwell ou M. Veno était un entrepreneur. La Couronne a admis que M. Burwell n’était pas un entrepreneur, ce qu’a également confirmé ce dernier. Ainsi, si M. Burwell n’était pas un entrepreneur, cela signifie-t-il que M. Veno était obligatoirement en affaires à son propre compte? Par conséquent, plutôt que de poser la question « Qui est le propriétaire de cette entreprise? », je préfère structurer la question de façon à savoir si M. Veno ou M. Craig ont fourni leurs services à titre d’entrepreneurs.

 

[19]    Dans l’affaire en l’instance, un autre facteur dont il faut tenir compte est la nature réelle du projet. Je commencerai donc par analyser l’élément de contrôle, un facteur qui, selon le juge Major, sera toujours pertinent pour décider si la personne est un employé ou un entrepreneur autonome. 

 

Control

 

[20]    Dans quelle mesure M. Burwell exerçait-il un contrôle sur les travailleurs? L’intimé soutient que le contrôle était considérable alors que l’appelant indique qu’il y en avait peu. La réalité se trouve quelque part entre ces deux affirmations. Les Burwell connaissaient bien la préservation de vieux bâtiments. Mme Burwell a reconnu que cela constituait son domaine de compétence. Il semble que cela s’est transmis dans la famille puisque leur fille possède un diplôme en préservation des monuments historiques. Par conséquent, bien que j’accepte le témoignage de M. Burwell voulant qu’il ne soit pas un expert dans ce domaine, je crois qu’il possédait une certaine connaissance de la préservation et de la restauration de bâtiments historiques. C’est sur cette connaissance qu’il fondait ses visites quotidiennes et non sur des connaissances pratiques de la façon de lever une maison, d’abattre un mur ou de réparer une toiture. Le permis obtenu par M. Burwell exigeait que les travaux soient conformes à certaines normes afin d’assurer l’intégrité historique du bâtiment. C’est ce dont M. Burwell a discuté avec M. Veno. Ce dernier informait M. Burwell de la façon de procéder aux travaux de démolition réels, et M. Burwell donnait alors le feu vert. M. Burwell donnait des conseils sur les mesures à prendre afin de préserver le mieux possible tout élément d’importance historique possible. Il s’agissait d’une approche axée sur la collaboration et la consultation. Quant à savoir qui supervisait qui ou qui avait le contrôle sur qui entre M. Burwell et M. Veno en ce qui concerne l’exécution des véritables travaux, la réponse à cette question peut pencher d’un côté ou de l’autre. Les faits à ce sujet ne tombent pas de façon précise d’un côté comme de l’autre.

 

[21]    En ce qui concerne les autres travailleurs, M. Craig et Mme Holdershaw, ils ont tous les deux témoigné qu’ils recevaient leurs directives de M. Burwell. Pourtant, M. Veno a lui-même témoigné qu’il était en fait le surveillant de chantier. Je conclus que M. Burwell et M. Veno donnaient tous les deux des directives aux travailleurs, et j’accueille le témoignage de M. Burwell voulant qu’après que M. Veno et M. Burwell ont mis fin à leur relation, ce dernier ne savait pas ce que M. Craig devait faire.

 

[22]    En ce qui concerne l’embauche de M. Penny qui devait se rendre sur le chantier chaque semaine pendant l’absence des Burwell, je considère que le rôle de M. Penny n’empiétait pas sur le rôle de surveillant de M. Veno, mais qu’il se limitait à s’assurer de la conformité aux normes de préservation des monuments historiques. Bien que cela montre certains éléments de contrôle, il ne s’agit pas d’un niveau de contrôle sur la façon de mener le projet, et cela m’amène fortement à conclure que M. Burwell exerçait un niveau de contrôle considérable.

 

[23]    À titre d’exemple en ce qui concerne le contrôle qu’avait M. Burwell sur les autres travailleurs, l’intimé a fait référence au fait que Mme Holdershaw tenait un registre et y inscrivait les heures de travail. Il est certain que d’un point de vue historique, M. Burwell était intéressé à avoir un registre des travaux effectués, peut-être afin d’écrire à ce sujet ultérieurement. Toutefois, on ne peut parler d’un contrôle important.

 

[24]    M. Burwell ne semblait pas exiger un horaire de travail rigide de neuf heures à cinq heures. Toutefois, il s’attendait à ce que les travailleurs fournissent 48 heures de travail par semaine.

 

[25]    Pour résumer le facteur de contrôle, M. Burwell exerçait un contrôle sur les travailleurs quant à la préservation de la nature historique de la propriété, mais pas en ce qui concerne la façon dont les travaux réels devaient être et étaient effectués. M. Veno était l’expert dans ce domaine. Les autres travailleurs ne l’étaient pas. M. Craig recevait des directives de M. Burwell et de M. Veno. Un exemple qui en dit long sur l’absence de contrôle de M. Burwell sur M. Veno est la réaction de ce dernier lorsque M. Burwell n’a pas accepté qu’il délaisse son projet pour aller travailler sur l’église. M. Veno est parti de toute façon. Selon moi, ce n’est pas une réaction typique de la part d’un employé. Tout compte fait, je conclus que M. Burwell ne contrôlait ni ne supervisait les activités de M. Veno, dans la mesure où une relation employeur-employé peut être établie en se fondant sur cet unique facteur.  

 

Outils et équipement

 

[26]    M. Craig ne fournissait aucun outil. M. Veno fournissait ses propres outils à main, ce qui n’est pas rare au sein de cette industrie, qu’il s’agisse d’un employé ou d’un entrepreneur autonome. M. Burwell fournissait tout autre équipement et matériaux. M. Veno, à titre de surveillant du projet, commandait l’équipement nécessaire, mais M. Burwell payait les factures. Tout compte fait, ce facteur indique que M. Veno travaillait à titre d’employé et non d’entrepreneur autonome.

 

Embauche d’aides

 

[27]    Qui a embauché M. Craig, Renee Holdershaw et Crystal – M. Burwell ou M. Veno? Il est certain que M. Veno a recommandé ces trois travailleurs à M. Burwell puisqu’ils travaillaient avec lui dans le cadre d’un projet de film. Tous les travailleurs et M. Burwell se sont rencontrés pour mettre au point leur entente, bien que les faits soient vagues quant à ce qui est vraiment ressorti de cette réunion. Tant M. Veno que M. Craig ont indiqué qu’ils voulaient être embauchés à titre d’employés et qu’ils avaient abordé la question des retenues à la source. M. Burwell a payé M. Veno pour ses services et ceux de Mme Holdershaw, et M. Veno a, à son tour, payé Mme Holdershaw en argent comptant. Il semble qu’il y avait une entente semblable entre M. Craig et Crystal. Cette entente peut être interprétée tant comme un contrat d’emploi que comme un contrat d’entreprise.

 

Étendue des risques financiers

 

[28]    M. Veno et M. Craig ont quitté leur emploi sur un site de tournage cinématographique pour travailler sur le projet de M. Burwell. Ne connaissant pas l’étendue des travaux dès le départ, M. Veno a insisté pour signer un contrat à un taux horaire. Cette négociation lui a permis de réduire ses risques financiers. Selon M. Veno, il est clair qu’un contrat à prix fixe aurait représenté un trop grand risque. M. Veno indique que cette entente à un taux horaire constituait un contrat d’emploi. Je considère plutôt qu’il s’agissait d’une indication du désir de M. Veno de réduire ses risques liés à un projet dont il ignorait l’étendue réelle des travaux à effectuer. Cela constituait une condition clé du contrat négocié entre M. Burwell et M. Veno. En fait, une telle négociation indique plus une relation d’entrepreneur autonome qu’une relation d’employé.

 

Degré de responsabilité en matière d’investissement et de gestion

 

[29]    M. Craig n’avait aucune responsabilité en ce qui concerne les  investissements et la gestion du projet. M. Veno a expliqué qu’il jouait un rôle de supervision, donc il occupait un poste de gestion. De plus, son intérêt pour le projet l’a amené à effectuer une recherche personnelle sur l’aspect historique du projet. Bien qu’il n’ait investi aucun capital comme tel, il a certainement investi beaucoup plus de temps que nécessaire. Cela indique qu’il s’agissait bien plus que d’un simple contrat de travail.

 

Possibilité de profit

 

[30]    Si l’on peut considérer la négociation d’un taux horaire comme une approche d’entrepreneur autonome, le contrat, lorsqu’il a été négocié et si on l’examine en fonction de la possibilité de réaliser un profit, élimine la possibilité d’un contrat d’entreprise. Il ne pouvait travailler que 48 heures par semaine à un taux horaire de 18 $. M. Veno n’aurait pu gagner plus d’argent que si le contrat avait été prolongé, cependant il était clair dès le début que le contrat devait se terminer à la fin de novembre.

 

[31]    Jusqu’à maintenant, les faits ne créent qu’une certaine ambivalence quant à la nature réelle du contrat qui semble indiquer qu’il s’agissait plus d’une relation d’entrepreneur indépendant. Le fait d’examiner la façon dont les parties considèrent l’entente n’apporte pas beaucoup d’aide. M. Veno considère qu’il s’agit d’un contrat de louage de services et M. Burwell d’un contrat d’entreprise. Par conséquent, je dois prendre un recul et examiner la nature générale du projet et en tenir compte comme d’un facteur important pour prendre une décision dans l’affaire en instance. 

 

[32]    Le projet consistait à effectuer certains travaux techniques de construction sur une certaine propriété pendant une période établie et à un taux hebdomadaire négocié, sans tenir compte des heures réelles de travail. La nature de cette affaire semble décrire plus une situation où un propriétaire embauche un entrepreneur pour effectuer certaines rénovations qu’un entrepreneur embauchant des employés sur une base continue. L’intimé a comparé la situation à celle d’un couple qui embauche une gardienne. Le couple n’est pas un entrepreneur et pourtant la gardienne est leur employée. Il peut y avoir des cas où un propriétaire embauche des employés qui travaillent directement sous sa supervision pour un projet d’une durée limitée. Cependant, ce n’est pas le cas ici. Il n’existe tout simplement pas assez d’indices pour montrer qu’il s’agit plus d’un emploi que du travail qu’effectuerait généralement un entrepreneur autonome. M. Veno était un maçon qualifié chargé de la supervision du projet. Il prenait les décisions techniques et donnait des conseils sur la façon d’accomplir le travail. Lorsqu’il est parti, M. Burwell était incapable de donner des directives à M. Craig. Je conclus que M. Veno n’était pas sous le contrôle de M. Burwell comme l’aurait exigé un contrat de louage de services. Le fait qu’il ait tout simplement abandonné le projet afin de travailler ailleurs le montre bien. M. Veno était un entrepreneur à son propre compte. 

 

[33]    Cependant, M. Craig n’était pas un entrepreneur autonome. La question en litige quant à M. Craig est de savoir de qui il était l’employé, de M. Veno ou de M. Burwell. Je conclus que M. Craig recevait des directives de M. Veno et de M. Burwell. Les seuls outils fournis provenaient de M. Veno. M. Burwell payait M. Craig. Pourtant la Loi sur l’assurance-emploi stipule clairement qu’un emploi assurable constitue un emploi fourni par un employeur, que la rémunération provienne de l’employeur ou de quelqu’un d’autre. De plus, la Loi sur l’assurance‑emploi et le Régime de pensions du Canada indiquent également qu’un emploi assurable et ouvrant droit à pension ne comprend pas les emplois de nature occasionnelle, visant un objectif autre que le commerce ou l’entreprise de l’employeur. Ainsi, même si je conclus que M. Craig était l’employé de M. Burwell, il était exclu des emplois assurables et ouvrant droit à pension étant donné que son emploi était de nature occasionnelle et ne visait pas le commerce ou l’entreprise de M. Burwell.

 

[34]    Bref, M. Craig n’occupait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension pour M. Burwell. M. Veno n’occupait pas non plus un emploi assurable ou ouvrant droit à pension, mais il était en affaires à son propre compte. Par conséquent, j’accueille l’appel, bien qu’en aucune façon, je n’excuse le comportement de M. Burwell qui a donné aux travailleurs l’impression qu’il s’occuperait des retenues alors qu’il savait très bien que ce ne serait pas le cas. Les gens qui embauchent des travailleurs devraient être honnêtes et précis dans tous les aspects de l’entente. Ces questions sont déférées au ministre parce que ni M. Veno ni M. Craig n’occupait un emploi assurable ou ouvrant droit à pension pour M. Burwell. 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2003.

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

 

Louise-Marie Leblanc, traductrice


 

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