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Dossier : 2002-3982(EI)

ENTRE :

MARTIN GOUPIL,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 28 juillet 2003 à Sherbrooke (Québec)

 

Devant : L'honorable J.F. Somers, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

Avocate de l'intimé :

Me Emmanuelle Faulkner

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2003.

 

 

 

«J.F. Somers»

Juge suppléant Somers


 

 

 

 

Référence : 2003CCI654

Date : 20030911

Dossier : 2002-3982(EI)

ENTRE :

MARTIN GOUPIL,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Somers

 

[1]     Cet appel a été entendu à Sherbrooke (Québec), le 28 juillet 2003.

 

[2]     L'appelant interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le «Ministre»), selon laquelle l'emploi exercé au cours des périodes en cause, soit du 1er juin au 1er septembre 2000 et du 23 octobre 2000 au 11 janvier 2002, lorsqu'au service de M. Martin Coutu, Mme Pierrette L'Heureux et M. Martin Goupil, exploitant Les Installations M.P. Coutu Enr., le payeur, n'était pas assurable parce qu'il ne rencontrait pas les exigences d'un contrat de louage de services.

 

[3]     Le paragraphe 5(1) de la Loi se lit en partie comme suit :

 

Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

 

a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

 

[...]

 

[4]     Le fardeau de la preuve incombe à l'appelant. Ce dernier se doit d'établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

 

[5]     En rendant sa décision, le Ministre s'est fondé sur les présomptions de fait suivantes, lesquelles ont été admises ou niées par l'appelant :

 

a)         M. Martin Coutu et Mme Pierrette L'Heureux étaient associés. (nié)

 

b)         Ils étaient les propriétaires d'une entreprise de pose de revêtement souple. (nié)

 

c)         Ils faisaient affaires sous la raison sociale Les Installations M.P. Coutu Enr. (nié)

 

d)         L'appelant travaillait pour l'entreprise depuis 1994 comme poseur de revêtement. (nié)

 

e)         Le 1er juin 2000, l'appelant s'est associé à M. Martin Coutu et à Mme Pierrette L'Heureux. (admis)

 

f)          Les trois associés continuent d'exploiter l'entreprise de pose de revêtement souple sous la même raison sociale. (nié)

 

g)         Durant les périodes en litige, l'appelant a rendu des services à l'entreprise comme poseur de revêtement. (nié)

 

[6]     Lors de son témoignage, l'appelant a déclaré qu'il était poseur de revêtement et qu'il oeuvrait pour l'entreprise de Martin Coutu et Pierrette L'Heureux depuis 1994.

 

[7]     Selon ce témoin, Martin Coutu et Pierrette L'Heureux étaient les propriétaires de l'entreprise faisant affaires sous la raison sociale Les Installations M.P. Coutu Enr. Il a nié avoir travaillé pour cette entreprise avant le début des périodes en cause, soit le 1er juin 2000. Il a prétendu que le payeur n'a jamais été exploité et réitère qu'il a travaillé pour la raison sociale Installations M.P. Coutu.

 

[8]     Il a admis qu'il s'est associé à Martin Coutu et Pierrette L'Heureux, tel qu'en fait foi un document intitulé «Convention entre associé» daté de juin 2000 (pièce I-1). Cette «Convention entre associé», signée par Martin Coutu, Pierrette L'Heureux et l'appelant se lit comme suit :

 

Pour le compte et au nom de - Installation M.P. Coutu Enr.

                                                            406, rue Principale

                                                            CP 42

                                                            Stoke, (Québec)

                                                            J0B 3G0

                                                            TEL 819 878-3955

 

Il est convenu entre les associés ce qui suit -

 

- Martin Coutu est le dirigeant, gérant, coordonnateur des opérations.

- Piettette L'Heureux, secrétariat, administratrice.

- Martin Goupil salarié, personne ressources, publicité.

- Le partage des bénéfices et pertes :

- 50 % Martin Coutu

                                    - 50 % Pierrette L'Heureux

                                    - valeur ajoutée Martin Goupil, salaire,

- L'entreprise demeure au bénéfice de Martin Coutu et de Pierrette L'Heureux pour les avoirs et les dettes présentes et futures.

- L'association est d'ordre professionnelle.

- En cas de décès, M. Martin Goupil est exclu de tout droit à l'entreprise et les dispositions testamentaires présentes entre Martin Coutu et Pierrette L'Heureux sont prioritaires.

- La présente convention peut être modifiée en tout temps.

- Conventions additionnelles :

 

[9]     L'appelant a également admis avoir signé le 1er juin 2000 avec Martin Coutu et Pierrette L'Heureux une déclaration des associés (pièce I-2). Ce document stipule, entre autres, que la société Les Installations M.P. Coutu Enr. «sera dorénavant formée des associés suivants : Martin Coutu, Pierrette L'Heureux et Martin Goupil». À la fin de ce document, à côté de leur signature apparaissent les pourcentages suivants : 45 % Martin Coutu, 45 % Pierrette L'Heureux et 10 % Martin Goupil.

 

[10]    L'appelant a déclaré que la seule distinction entre la convention entre associés (pièce I-1) et la déclaration des associés (pièce I-2) est le mot «Les» ajouté au nom de la Société sur ce deuxième document. Il a affirmé que son rôle au sein de cette société était purement symbolique.

 

[11]    Dans son avis d'appel déposé sous la cote I-3, l'appelant mentionne qu'il a travaillé, durant les périodes en cause, pour l'entreprise M.P. Coutu Enr.

 

[12]    Quant à ses conditions de travail, l'appelant a déclaré qu'il oeuvrait pour cette entreprise 40 heures par semaine et était rémunéré à toutes les deux semaines à un taux horaire de 23 $.

 

[13]    Le seul autre témoin à l'audition de cet appel a été Martin Coutu. Ce témoin a affirmé qu'il a fait, à Revenu Québec, le paiement des retenues et des cotisations de l'employeur pour les périodes du 1er janvier au 31 mars 2003 et du 1er juin au 30 juin 2003 (pièces A-1 et A-2). Sur ces documents sont inscrits le nom et l'adresse de l'employeur, soit pour la période du 1er janvier au 31 mars 2001 il s'agit de Talbot Réal Compt (Martin Coutu) et pour la période du 1er juin au 30 juin 2003 il y est indiqué Les Installations M.P. Enr. alors que l'adresse est la même pour les deux.

 

[14]    Ce témoin a expliqué que l'entreprise Martin Coutu existe depuis 1987 et qu'en 1999 l'entreprise était exploitée sous le nom «Installations M.P. Coutu Enr.». Il a affirmé que l'appelant a travaillé, durant les périodes en cause, pour l'entreprise Installations M.P. Coutu Enr.

 

[15]    Selon ce témoin, l'appelant s'est associé à la société Les Installations M.P. Coutu Enr., dont lui et Pierrette L'Heureux étaient les propriétaires, laquelle n'a jamais été exploitée. Selon lui, cet arrangement était seulement pour satisfaire aux exigences d'une autre loi provinciale.

 

[16]    Il s'agit de décider si l'appelant est un associé de l'entreprise formée originairement par Martin Coutu et Pierrette L'Heureux.

 

[17]    Martin Coutu et l'appelant ont admis que ce dernier est devenu associé de la société Les Installations M.P. Coutu Enr. le 1er juin 2000 (pièce I-2).

 

[18]    Dans la cause Parent c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.I. no 83, le juge Archambault de cette Cour a fait la revue de la jurisprudence et de la Loi quant aux aspects déterminants et des responsabilités légales d'un associé dans une entreprise en s'exprimant en ces termes :

 

            Le fait que monsieur Parent n'ait pas participé aux décisions de la société n'indique pas nécessairement qu'il n'était pas un associé. L'article 2216 du C.c.Q. prévoit que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et que le contrat de société ne peut empêcher l'exercice de ce droit. Rien dans la preuve ne révèle que monsieur François Parent ne pouvait pas participer aux décisions de la société. Le fait de ne pas y participer ne signifie pas nécessairement qu'il n'avait pas le droit de le faire. On doit distinguer entre le droit de pouvoir participer aux décisions et le fait de ne pas exercer ce droit. De plus, un associé peut déléguer la gestion de la société à un de ses coassociés...

 

[...]

 

            Vu la conclusion que monsieur François Parent était un associé de Société DN lorsqu'il a rendu ses services durant la période pertinente, pouvait-il être en même temps un salarié de cette société? En d'autres mots, un contrat de travail peut-il exister entre un associé et sa société? Le Code civil du Québec définit un contrat de travail de la façon suivante :

 

ART. 2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

 

[...]

 

            De plus, il n'a pas fourni son travail sous la direction ou le contrôle d'une «autre personne». La société de personnes n'est pas considérée comme possédant une personnalité distincte de celle de ses associés, contrairement aux sociétés par actions. L'entreprise de la société de personnes est celle des associés. Les actifs de la société appartiennent aux associés. C'est donc pour lui-même que monsieur François Parent travaillait. Le travail qu'il a fait n'était donc pas accompli sous la direction ou le contrôle d'une autre personne tel que l'exige l'article 2085 du C.c.Q. Par conséquent, il n'existait pas de contrat de travail entre monsieur Parent et Société DN.

 

[19]    Dans la cause Carpentier c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1996] A.C.I. no 502, madame la juge Lamarre a adopté les conclusions similaires :

 

            Compte tenu des caractéristiques rattachées à un contrat de société tant sous le C.c.B.C. que sous le C.c.Q. et les critères retenus par la jurisprudence pour établir l'existence d'un contrat de louage de services, il m'apparaît évident qu'un associé ne peut être l'employé de sa propre société. Puisque en tant qu'associé, il participe aux prises de décision de la société dans la poursuite de l'objectif commun de la société, qu'il en partage les profits et les pertes, il en est automatiquement le maître et ne peut donc agir en même temps à titre de subalterne pour lui-même et ce, même s'il y a plusieurs associés.

 

[20]    Martin Coutu et l'appelant ont affirmé que le seul but de cette société sous le nom Les Installations M.P. Coutu Enr. était de satisfaire aux exigences d'une loi provinciale, à savoir qu'il doit y avoir un associé sur le chantier.

 

[21]    Le dernier paragraphe de la déclaration des associés (pièce I-2) se lit comme suit :

 

De plus, les associés s'engagent à signer sous peu une convention d'associés détaillée relatant les modalités de leur association dans la société «Les Installations M.P. Coutu Enr.».

 

[22]    Aucun document n'a été produit en preuve quant aux modalités de cette association; il faut donc en conclure que l'appelant était un associé dans l'entreprise.

 

[23]    La preuve a démontré que l'appelant a travaillé pour la société formée par Martin Coutu et Pierrette L'Heureux quel que soit le nom qu'on lui donne. De plus, il y avait seulement une entreprise dans laquelle l'appelant détenait 10 pour cent des actions. Le fait que l'appelant ne participait pas à la gestion de l'entreprise ne change rien dans son rôle d'associé.

 

[24]    La jurisprudence a établi qu'un associé ne peut être employé de sa propre entreprise, quel que soit le pourcentage d'actions détenu dans celle-ci.

 

[25]    Par conséquent, l'appelant n'occupait pas un emploi assurable au sens de la Loi, pendant les périodes en cause, puisqu'il exploitait sa propre entreprise.

 

[26]    L'appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2003.

 

 

 

 

« J.F. Somers »

Juge suppléant Somers


 

 

RÉFÉRENCE :

2003CCI654

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2002-3982(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Martin Goupil et M.R.N.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Sherbrooke (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

le 28 juillet 2003

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable J.F. Somers,

juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :

le 11 septembre 2003

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

Pour l'intimé :

Me Emmanuelle Faulkner

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

 

Pour l'appelant :

 

Nom :

 

 

Étude :

 

 

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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