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Dossier : 2002‑3636(EI)

ENTRE :

ELIZABETH BOUCHARD,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Elizabeth Bouchard (2002‑3637(CPP)) le 18 juin 2003 à Winnipeg (Manitoba)

 

Devant : L’honorable juge suppléant Michael H. Porter

 

Comparutions

 

Représentante de l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocat de l’intimée :

MMichael Van Dam

____________________________________________________________________

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel est admis et la décision du ministre est infirmée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Calgary (Alberta), ce 28jour d’octobre 2003.

 

 

 

« Michael H. Porter »

Juge suppléant Porter

 

Traduction certifiée conforme

ce 2jour de février 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

 

Dossier : 2002‑3637(CPP)

ENTRE :

ELIZABETH BOUCHARD,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel d'Elizabeth Bouchard (2002‑3636(EI)) le 18 juin 2003 à Winnipeg (Manitoba)

 

Devant : L’honorable juge suppléant Michael H. Porter

 

Comparutions

 

Représentante de l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocat de l’intimée :

MMichael Van Dam

____________________________________________________________________

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel est admis et la décision du ministre est infirmée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Calgary (Alberta), ce 28jour d’octobre 2003.

 

 

 

« Michael H. Porter »

Juge suppléant Porter

 

Traduction certifiée conforme

ce 29jour de mars 2004.

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2003CCI701

Date : 20031028

Dossiers : 2002‑3636(EI)

2002‑3637(CPP)

ENTRE :

ELIZABETH BOUCHARD,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Porter

 

Introduction

 

[1]     Les présents appels ont été entendus sur preuve commune par consentement des parties à Winnipeg, au Manitoba, le 18 juin 2003.

 

[2]     L’appelante a interjeté appel à l’encontre des décisions du ministre du Revenu national (ci‑après appelé le « ministre ») datées du 3 juillet 2002, selon laquelle l’emploi qu’elle a exercé auprès de l’entreprise Worldmax Communications Inc. (l’entreprise « Worldmax ») pendant la période du 1er janvier au 16 mars 2001 n’était pas un emploi ouvrant droit à pension aux termes des dispositions du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») et pendant la période du 7 août 2000 au 16 mars 2001, un emploi assurable aux termes des dispositions de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi sur l’a.‑e. »)  pour le motif suivant :

 


[Traduction] 

 

Il a été décidé que cet emploi n’était pas un emploi assurable et ouvrant droit à pension pour le motif suivant :

 

Vous n’étiez pas engagée en vertu d’un contrat de louage de services et, par conséquent, vous n’étiez pas une employée de l’entreprise Worldmax Communications Inc.

 

On a indiqué que ces décisions avaient été rendues en vertu de l’article 93 de la Loi sur l’a.‑e. et du paragraphe 27.2(3) du Régime et qu’elles étaient fondées respectivement sur l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’a.‑e. et de l’alinéa 6(1)a) du Régime.

 

[3]     La preuve a révélé que, pendant les périodes en question, les activités commerciales de l’entreprise Worldmax consistaient en la vente de services téléphoniques locaux et interurbains pour le compte d’AT&T Canada. L’entreprise Worldmax a engagé l’appelante pour vendre ces services à des clients commerciaux. Le ministre a décidé qu’elle avait été engagée en vertu d’un contrat d’entreprise à titre d’entrepreneure indépendante. Quant à l’appelante, elle soutient qu’elle était une employée engagée en vertu d’un contrat de louage de services. Voilà donc la question en litige que la Cour est appelée à trancher.

 

Le droit

Contrat de louage de services ou contrat d’entreprise

 

[4]     Les propos qu’a tenus le juge MacGuigan de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025) servent depuis longtemps de fondement lorsqu’il s’agit de déterminer la façon dont doit procéder la Cour pour décider si une entente de travail donnée constitue un contrat de louage de services donnant lieu par conséquent à une relation employeur-employé ou un contrat d’entreprise donnant lieu par conséquent à une relation d’entrepreneur indépendant. Par la suite, dans d’autres décisions, la Cour s’est étendue davantage sur le sujet et a expliqué plus en détail le raisonnement dans cette affaire, notamment dans les affaires Moose Jaw Kinsmen Flying Fins Inc. c. M.R.N., C.A.F., n° A‑531‑87, 15 janvier 1988 (88 DTC 6099), Charbonneau c. Canada (M.R.N.), [1996] A.C.F. n° 1337, et Vulcain Alarme Inc. c. Le ministre du Revenu national, C.A.F., n° A‑376‑98, 11 mai 1999 ((1999) 249 N.R. 1), qui toutes ont offert à la cour de première instance des lignes directrices utiles lorsqu’il s’agit de rendre une décision dans des affaires semblables.

 

[5]     La Cour suprême du Canada a de nouveau examiné la question dans l’affaire 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] A.C.S. n61 (2001 SCC 59, 274 N.R. 366). La question en litige, dans cette affaire, a été analysée dans le contexte de la responsabilité du fait d’autrui. Cependant, la Cour a reconnu que les mêmes critères s’appliquaient dans de nombreuses autres circonstances, notamment en matière de dispositions législatives sur l’emploi. Le juge Major, parlant au nom de la Cour, a approuvé l’approche qu’a adoptée le juge MacGuigan dans l’arrêt Wiebe Door (précité), lorsque ce dernier a analysé des causes canadiennes, britanniques et américaines et, en particulier, il a mentionné les quatre critères sur lesquels on doit s’appuyer pour rendre une telle décision, critères qui sont énoncés par lord Wright dans l’affaire City of Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd., [1974] 1 D.L.R. 161 aux pages 169 et 170. Le juge MacGuigan a conclu à la page 560 (DTC : à la page 5028) ceci :

 

Dans ce contexte, les quatre critères [contrôle, propriété des instruments, chance de profit, risque de perte] établis par lord Wright constituent une règle générale, et même universelle, qui nous oblige à « examiner l’ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties ». Quand il s’est servi de cette règle pour déterminer la nature du lien existant dans l’affaire Montreal Locomotive Works, lord Wright a combiné et intégré les quatre critères afin d’interpréter l’ensemble de la transaction.

 

À la page 562 (DTC : à la page 5029), il a déclaré ce qui suit :

 

 

[...] Je considère le critère de lord Wright non pas comme une règle comprenant quatre critères, comme beaucoup l’ont interprété, mais comme un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu’il faut appliquer en insistant toujours sur ce que lord Wright, a appelé ci‑dessus « l’ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations », et ce, même si je reconnais l’utilité des quatre critères subordonnés. (Je souligne.)

 

À la page 563 (DTC : à la page 5030), il a déclaré ce qui suit :

 

 

Il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles [...]

 

 

Il a également fait observer ce qui suit :

 

Quand il doit régler un tel problème, le juge de première instance ne peut se soustraire à l’obligation de peser avec soin tous les facteurs pertinents, [...].

 

 

Monsieur le juge MacGuigan a également déclaré ce qui suit :

 

C’est probablement le juge Cooke, dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 (Q.B.D.), qui, parmi ceux qui ont examiné le problème, en a fait la meilleure synthèse (aux pages 738 et 739) :

 

[Traduction] Les remarques de lord Wright, du lord juge Denning et des juges de la Cour suprême des États‑Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui‑ci : « La personne qui s’est engagée à accomplir ces tâches les accomplit‑elle en tant que personne dans les affaires à son compte ». Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s’agit d’un contrat d’entreprise. Si la réponse est négative, alors il s’agit d’un contrat de service personnel. Aucune liste exhaustive des éléments qui sont pertinents pour trancher cette question n’a été dressée, peut‑être n’est‑il pas possible de le faire; on ne peut non plus établir de règles rigides quant à l’importance relative qu’il faudrait attacher à ces divers éléments dans un cas particulier. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il faudra toujours tenir compte du contrôle même s’il ne peut plus être considéré comme le seul facteur déterminant; et que des facteurs qui peuvent avoir une certaine importance sont des questions comme celles de savoir si celui qui accomplit la tâche fournit son propre outillage, s’il engage lui‑même ses aides, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion, et jusqu’à quel point il peut tirer profit d’une gestion saine dans l’accomplissement de sa tâche. L’utilisation du critère général peut être plus facile dans un cas où la personne qui s’engage à rendre le service le fait dans le cadre d’une affaire déjà établie; mais ce facteur n’est pas déterminant. Une personne qui s’engage à rendre des services à une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n’a pas conclu de contrat dans le cadre d’une entreprise qu’elle dirige actuellement.

 

 

[6]     Dans l’affaire Kinsmen Flying Fins Inc., précitée, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

 

[...] comme le juge MacGuigan, nous considérons les critères comme des subordonnés utiles pour peser tous les faits relatifs à l’entreprise de la requérante. C’est maintenant l’approche appropriée et préférable pour la très bonne raison que dans une cause donnée, et celle‑ci peut très bien en être une, un ou plusieurs des critères peuvent être peu ou pas applicables. Pour rendre une décision, il faut donc considérer l’ensemble de la preuve en tenant compte des critères qui peuvent être appliqués et donner à toute la preuve le poids que les circonstances peuvent exiger.

 

[7]     La nature des critères mentionnés par la Cour d’appel fédérale peut être résumée de la façon suivante :

 

 

a)       le degré ou l’absence de contrôle exercé par l’employeur;

 

b)      la propriété des instruments;

 

c)       la chance de profit;

 

d)                le risque de perte.

 

 

De plus, la Cour doit examiner la question de l’intégration, le cas échéant, du travail présumé de l’employé dans l’entreprise présumée de l’employeur. 

 

[8]     Dans l’arrêt Sagaz (précité), le juge Major a déclaré ce qui suit :

 

Le contrôle n’est [...] pas le seul facteur à considérer pour décider si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant [...]

 

[9]     Il s’est penché sur l’inconvénient du « critère de contrôle » en faisant siens encore une fois les propos du juge MacGuigan dans l’affaire Wiebe Door (précitée) de la façon suivante : 

 

[...] Ce critère a le grave inconvénient de paraître assujetti aux termes exacts du contrat définissant les modalités du travail : si le contrat contient des instructions et des stipulations détaillées, comme c’est chose courante dans les contrats passés avec un entrepreneur indépendant, le contrôle ainsi exercé peut être encore plus rigoureux que s’il résultait d’instructions données au cours du travail, comme c’est l’habitude dans les contrats avec un préposé, mais une application littérale du critère pourrait laisser croire qu’en fait, le contrôle exercé est moins strict. En outre, le critère s’est révélé tout à fait inapplicable pour ce qui est des professionnels et des travailleurs hautement qualifiés, qui possèdent des aptitudes bien supérieures à la capacité de leur employeur à les diriger.

 

[10]    Il a poursuivi en affirmant ce qui suit :

À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant.  Lord Denning a affirmé, dans l’arrêt Stevenson Jordan, [...] ([1952] 1 The Times L.R. 101), qu’il peut être impossible d’établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [Traduction] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d’apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416).  Je partage en outre l’opinion du juge MacGuigan lorsqu’il affirme – en citant Atiyah, [Vicarious Liability in the Law of Torts, Londres, Butterworths, 1967], à la p. 38, dans l’arrêt Wiebe Door, p. 563 – qu’il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

[Traduction]  [N]ous doutons fortement qu’il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d’identifier les contrats de louage de services. [...]  La meilleure chose à faire est d’étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties.  De toute évidence, ces facteurs ne s’appliquent pas dans tous les cas et n’ont pas toujours la même importance.  De la même façon, il n’est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante.  La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui‑même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.   

 

[11]    Je trouve également utile les mots du juge d’appel Décary dans l’affaire Charbonneau (précitée) quand, s’exprimant pour la Cour d’appel fédérale, il a déclaré ce qui suit :

 

Les critères énoncés par cette Cour [...], ne sont pas les recettes d’une formule magique. Ce sont des points de repère qu’il sera généralement utile de considérer, mais pas au point de mettre en péril l’objectif ultime de l’exercice qui est de rechercher la relation globale que les parties entretiennent entre elles. Ce qu’il s'agit, toujours, de déterminer, une fois acquise l’existence d’un véritable contrat, c’est s’il y a, entre les parties, un lien de subordination tel qu’il s’agisse d’un contrat de travail [...] ou s’il [y a] [...] un degré d’autonomie tel qu’il s'agisse d’un contrat d’entreprise ou de service [...]. En d’autres termes, il ne faut pas [...] examiner les arbres de si près qu’on perde de vue la forêt. Les parties doivent s’effacer devant le tout. (Je souligne.)

 

[12]    Je fais également miens les mots du juge d’appel Létourneau dans l’affaire Vulcain Alarme (précitée), où il a déclaré ce qui suit :

 

[...] Ces critères jurisprudentiels sont importants mais, faut-il le rappeler, ils ne sauraient compromettre le but ultime de l’exercice, soit d’établir globalement la relation entre les parties. Cet exercice consiste à déterminer s’il existe entre les parties un lien de subordination tel qu’il faille conclure à l’existence d’un contrat de travail au sens de l’article 2085 du Code civil du Québec ou s’il n’existe pas plutôt entre celles‑ci ce degré d’autonomie qui caractérise le contrat d’entreprise ou de service [...].

 

 

[13]    Je suis en outre conscient qu’en raison des décisions récentes rendues par la Cour d’appel fédérale dans les affaires Wolf c. Canada, (C.A.) [2002] A.C.F. n375 et Precision Gutters Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2002] A.C.F. n771, un degré élevé de latitude semble maintenant être permis pour intervenir dans la jurisprudence de façon à permettre à des consultants d’être engagés d’une manière selon laquelle ils ne sont pas réputés être des employés comme ils l’auraient été auparavant. Je suis particulièrement conscient des mots du juge Décary dans la décision Wolf (précitée) où il a déclaré ce qui suit :

 

De nos jours, quand un travailleur décide de garder sa liberté pour pouvoir signer un contrat et en sortir pratiquement quand il le veut, lorsque la personne qui l’embauche ne veut pas avoir de responsabilités envers un travailleur si ce n’est le prix de son travail et lorsque les conditions du contrat et son exécution reflètent cette intention, le contrat devrait en général être qualifié de contrat de service. Si l’on devait mentionner des facteurs particuliers, je nommerais le manque de sécurité d’emploi, le peu d’égard pour les prestations salariales, la liberté de choix et les questions de mobilité. (Je souligne.)

 

 

[14]    Ainsi, il semble à cette Cour que le balancier a commencé à aller dans l’autre direction de façon à permettre aux parties de régir leurs affaires plus facilement pour ce qui est du travail de consultation et de façon à ce qu’elles puissent plus facilement se placer dans la catégorie d’entrepreneurs indépendants plutôt que d’employés travaillant en vertu d’un contrat de louage de services, sans que n’interviennent les tribunaux ou le ministre.  

 

[15]    En conclusion, il n’y a pas de formule fixe. Tous ces facteurs méritent d’être considérés et, comme le juge Major l’a déclaré dans l’affaire Sagaz (précitée), le poids de chacun dépendra des circonstances et des faits particuliers de l’affaire. Un grand nombre des critères peuvent être relativement neutres, et s’appliquer de façon égale aux deux types de situation. Dans ce cas, un examen attentif doit être fait de l’intention des parties, ce qui est la tâche du juge de première instance. 

 

 

Les faits

 

[16]    Le 19 décembre 2001, Développement des ressources humaines Canada a demandé à ce que l’Agence des douanes et du revenu du Canada rende une décision quant à savoir si l’appelante avait été engagée en vertu d’un contrat de louage de services. À cette demande, on a répondu d’abord qu’elle avait, en effet, été engagée en vertu d’un contrat de louage de services. L’entreprise Worldmax a porté cette décision en appel devant le ministre, et c’est en réponse à cet appel que les décisions qui font directement l’objet des présents appels ont été rendues (selon lesquelles l’appelante n’était pas une employée). L’entreprise Worldmax n’est pas intervenue dans l’appel en l’espèce.

 

[17]    On a indiqué que le ministre, dans ses Réponses aux avis d’appel signées en son nom, s’est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes que l’appelante a admises ou niées, comme il est indiqué entre parenthèses :

 

          [Traduction]

 

a)         l’appelante n’était pas liée à la payeuse; (admise)

 

b)         la payeuse exploitait une entreprise de vente de services téléphoniques locaux et interurbains pour le compte d’AT&T Canada; (admise)

 

c)         la payeuse a engagé l’appelante à titre d’agente de vente pour vendre des services téléphoniques locaux et interurbains à des clients commerciaux; (admise) 

 

d)         l’appelante fournissait ses services dans la ville de Winnipeg; (admise)

 

e)         l’appelante n’était pas tenue de rendre des comptes au bureau de la payeuse; (niée)

 

f)          le bureau de la payeuse était situé dans la ville de Winnipeg; (admise)

 

g)         la payeuse tenait des réunions sporadiquement, au besoin; (niée)

 

h)         l’appelante n’était pas tenue de participer à ces réunions; (niée)

 

i)          l’appelante n’était pas tenue de rendre des comptes au bureau de la payeuse; (niée)

 

j)          l’appelante n’était pas tenue de consigner ses heures de travail; (niée)

 

k)         l’appelante n’était pas tenue de soumettre ses feuilles de temps à la payeuse; (niée)

 

l)          l’appelante pouvait décider de ses heures et de ses journées de travail; (niée)

 

m)        l’appelante n’était pas tenue d’obtenir l’approbation de la payeuse pour prendre congé; (niée)

 

n)         l’appelante n’était pas tenue de fournir ses services personnellement; (niée)

 

o)         l’appelante pouvait engager des travailleurs pour la remplacer; (niée)

 

p)         les travailleurs suppléants qu’engageait l’appelante étaient rémunérés par cette dernière; (niée)

 

q)         l’appelante n’était pas tenue de fournir des services exclusivement à la payeuse; (niée)

 

r)          la payeuse ne supervisait pas l’appelante; (niée)

 

s)         l’appelante était libre de choisir les méthodes à utiliser pour accomplir ses fonctions; (niée)

 

t)          l’appelante a conclu un accord d’agent indépendant (l’« accord ») avec la payeuse, daté du 17 août 2000; (admise, elle fait d’ailleurs mention dudit accord dans son témoignage que j’analyserai ci‑dessous) 

 

u)         la payeuse était tenue d’atteindre un certain quota qu’exigeait AT&T; (admise)

 

v)         AT&T n’imposait pas ces quotas à la payeuse; (admise)

 

w)        l’appelante était tenue d’atteindre un certain quota qu’exigeait la payeuse, tel qu’il était énoncé dans l’accord; (admise)

 

x)         la payeuse n’a pas imposé ces quotas à l’appelante; (admise)

 

y)         l’appelante était libre d’obtenir des commandes partout dans la zone de service qu’AT&T avait assignée à la payeuse; (niée) 

 

z)         la payeuse fournissait à l’appelante des pistes de clients éventuels; (admise)

 

aa)       l’appelante pouvait refuser ces pistes de clients éventuels que lui fournissait la payeuse; (niée)

 

bb)       l’appelante établissait ses propres pistes de clients éventuels; (admise)

 

cc)       la payeuse a fourni à l’appelante une formation portant sur les produits qu’elle devait vendre, mais non sur les méthodes de vente ou sur la clientèle à qui elle devait vendre les produits; (niée)

 

dd)       l’appelante n’était pas admissible au régime de prestations aux employés; (niée)

 

ee)       l’appelante n’était pas la seule travailleuse à fournir ces mêmes services à la payeuse; (admise)

 

ff)         la payeuse traitait avec les autres travailleurs de la même façon qu’elle traitait avec l’appelante; (admise)

 

gg)       l’appelante fournissait un bureau situé à son domicile, un véhicule automobile ainsi qu’un téléphone cellulaire pour accomplir ses fonctions; (niée)

 

hh)       la payeuse n’a fourni aucun outil ni équipement à l’appelante pour qu’elle accomplisse ses fonctions; (niée)

 

ii)         l’appelante a engagé des dépenses dans l’exécution de ses fonctions liées à son bureau à domicile, à son véhicule automobile et à son téléphone cellulaire; (niée)

 

jj)         la payeuse ne remboursait pas à l’appelante les dépenses qu’elle engageait dans l’exécution de ses fonctions; (niée)

 

kk)       l’appelante était rémunérée à la commission, en fonction des commandes soumises à AT&T Canada et acceptées par cette dernière; (niée)

 

ll)         si l’appelante percevait une commission sur une commande qui, par la suite, était rejetée ou annulée, la commission était alors déduite de celles que l’appelante percevait ultérieurement; (admise en partie)

 

mm)     l’appelante pouvait obtenir de la payeuse des avances sur ses commissions; (niée)

 

nn)       l’appelante pouvait refuser ces avances. (niée)

 

[18]    Deux témoins ont témoigné, soit l’appelante elle‑même et Kenneth Northwood, la personne qui, à l’origine, a engagé l’appelante au nom de l’entreprise Worldmax.

 

[19]    L’appelante a expliqué qu’elle avait vu une offre d’emploi dans le journal local indiquant que l’on était [Traduction] « à la recherche d’un vendeur ou d’une vendeuse ». Elle a répondu à l’offre d’emploi et Ken Northwood, gestionnaire de l’entreprise Worldmax dans la région de Winnipeg, l’a convoquée en entrevue. Elle a indiqué qu’elle ne possédait aucune expérience et qu’il lui avait offert de la former. Il voulait qu’elle travaille de 9 h à 17 h, sauf si, pour une raison en particulier, elle devait quitter à 16 h. Par la suite, il s’est trouvé qu’elle devait travailler soit de 8 h à 16 h, soit de 9 h à 17 h, mais qu’elle devait au moins travailler huit heures par jour. On ne s’attendait pas à ce qu’elle travaille pendant les fins de semaine, et étant donné que la plupart de ses clients potentiels étaient des entreprises, il aurait été sans aucun doute inutile qu’elle travaille pendant les fins de semaine. Si elle devait prendre des rendez‑vous, on s’attendait à ce qu’elle les prenne en soirée.

 

[20]    M. Northwood lui a soumis une forme de contrat déposé en preuve sous la cote A‑1. Il ne fait aucun doute que le contrat en question stipulait les modalités qu’elle a acceptées en apposant sa signature sur ledit contrat. L’une de ces modalités visait à établir une entente de travail avec l’appelante en tant qu’entrepreneure indépendante. Les parties pertinentes sont ainsi rédigées :

 

[traduction]

 

1.1       Par la présente, l’entreprise Worldmax désigne l’agente comme une agente non exclusive dont la tâche consistera à solliciter des commandes de services décrits dans l’annexe A (les « services »), au nom des fournisseurs qui figurent dans l’annexe A (les « fournisseurs »), annexe qui peut être modifiée de temps à autre à la discrétion de l’entreprise Worldmax. Une telle attribution sera applicable dans la zone de service décrite à l’annexe B [...] (le « territoire ») à ladite clientèle énumérée dans l’annexe B (la « clientèle »), annexe qui peut être modifiée de temps à autre à la discrétion de l’entreprise Worldmax. Par la présente, l’agente accepte ladite attribution et s’engage à respecter, à observer et à mettre en application toutes les modalités du présent accord.

 

2.3       L’agente s’engage à se conformer aux dispositions de tous les manuels opérationnels ou documents de formation que lui fournit l’entreprise Worldmax, selon les modifications que cette dernière pourra apporter de temps à autre. Elle accepte également de soumettre des rapports relatifs aux activités de vente, puisque l’entreprise Worldmax peut, à sa discrétion, exiger de tels rapports. Par ailleurs, l’agente doit participer à des colloques et à des cours de formation qui se tiendront à des endroits précis ou qui seront fournis par correspondance, conformément aux exigences que l’entreprise Worldmax peut imposer à sa discrétion.

 

6.1       Les parties concernées n’ont pas l’intention que le présent accord ou que la relation qui en découle constitue une coentreprise, un partenariat ou une relation de travail quelconque. L’agente, en acceptant de respecter ses obligations en vertu du présent accord,  est réputée être une entrepreneure indépendante et, conséquemment, n’a aucun pouvoir l’autorisant à lier l’entreprise Worldmax ou à contracter des obligations en son nom. Conformément à son statut d’entrepreneure indépendante, l’agente doit, s’il y a lieu, s’enregistrer comme telle et verser à l’organisme gouvernemental approprié ou a tout autre organisme gouvernemental l’impôt sur le revenu ainsi que des cotisations au Régime de pensions du Canada, comme le prévoit la loi. (Je souligne.)

 

[21]    L’accord avait également établi des quotas ainsi que des procédures que l’appelante devait respecter. Elle a indiqué que M. Northwood lui avait dit qu’elle ne serait pas engagée si elle ne signait pas le contrat et qu’il prévoyait sous peu d’éliminer toutes les modalités du contrat. Selon le témoignage de l’appelante, M. Northwood lui aurait mentionné qu’il annulerait le contrat dans un mois suivant sa signature. Dans son esprit, selon l’accord qu’elle avait conclu avec lui, elle avait été engagée comme employée et elle ne devait signer le contrat que pour obtenir un emploi. De plus, elle a indiqué qu’au début, on avait prélevé de sa paye des cotisations d’a.‑e. et des contributions au RPC, mais qu’on avait, par la suite, soudainement cessé de tels prélèvements. Elle a déposé en preuve des talons de chèque de paye (pièce A‑2) qui, en effet, semblent indiquer que l’on a prélevé des retenues sur le premier chèque de paye. Son salaire de base s’élevait à 692 $ et lui était versé toutes les deux semaines, bien que trois de ses talons de chèque de paye indiquent des montants de 1 221 $, de 1 122 $ et de 1 065 $ respectivement.

 

[22]    Elle a affirmé qu’elle avait commencé à travailler un ou deux jours suivant l’entrevue. Elle n’a pas commencé dès sa première journée de travail à se déplacer sur la route pour vendre des services. M. Northwood lui a remis un manuel qu’il a passé en revue avec elle. Après cela, en vue d’acquérir des connaissances, elle est restée avec lui pendant quelques jours pour observer ce qu’il faisait. J’ignore si cette formation a duré une journée ou deux ou une ou deux semaines. Il semble qu’elle ait mentionné les deux. Elle a ensuite suivi un cours qu’offrait AT&T.

 

[23]    Elle a indiqué qu’on s’attendait à ce qu’elle se présente au bureau tous les matins avant d’aller sur la route. Elle effectuait un certain nombre d’appels téléphoniques et tentait de fixer des rendez‑vous avec des clients. M. Northwood organisait également un entretien de motivation à son intention et à celle des autres vendeurs et leur distribuait des brochures qu’il avait lui‑même produites. Le bureau contenait quatre pupitres, et chaque vendeur avait un pupitre et un téléphone qui leur avaient été assignés. L’entreprise lui remboursait ses dépenses pour l’achat de stylos, de crayons, et d’essence pour son véhicule automobile.

 

[24]    Elle a expliqué qu’à la fin de sa journée de travail, elle était tenue de rendre compte à M. Northwood et de lui remettre tous les contrats qu’elle avait obtenus. Il semble qu’il percevait également une commission sur les ventes qu’elle effectuait. Il voulait savoir où elle s’était rendue, qui elle avait rencontré et ce qui s’était passé durant la journée. Elle était censée pointer sa prise de service au bureau trois fois par jour si cela lui était possible.

 

[25]    Elle a traité des hypothèses de fait sur lesquelles s’était appuyé le ministre, notamment celles qu’elle a niées.

 

[26]    En ce qui concerne l’hypothèse e), il était tout à fait clair pour elle qu’elle était tenue de se présenter au bureau avant de partir sur la route pour vendre des services sur le territoire qui lui était assigné.

 

[27]    En ce qui concerne l’hypothèse g), elle a été catégorique sur le fait qu’une certaine forme de réunion du personnel vendeur était tenue tous les matins et que l’on s’attendait à ce qu’elle y participe.

 

[28]    En ce qui concerne l’hypothèse j), bien qu’elle n’ait tenu aucune feuille de temps, elle a affirmé que l’on s’attendait à ce qu’elle travaille huit heures par jour et qu’elle était tenue de revenir au bureau à la fin de la journée.

 

[29]    En ce qui concerne l’hypothèse m), elle a indiqué qu’elle n’était pas autorisée à pendre congé sans obtenir au préalable l’approbation de M. Northwood.

 

[30]    En ce qui concerne les hypothèses n), o), p) et q), elle a insisté sur le fait qu’elle percevait un salaire, qu’elle n’était pas libre d’engager quelqu’un d’autre pour la remplacer et que, de toute façon, elle ne l’avait jamais fait. Elle croyait qu’elle pouvait engager des télévendeurs supplémentaires (un seul était disponible au bureau de l’entreprise Worldmax), mais que pour ce faire, elle devait obtenir la permission de l’entreprise Worldmax et devait s’attendre à les rémunérer de sa poche. Elle n’aurait pas pu engager un vendeur, emploi qui était réellement le sien. 

 

[31]    En ce qui concerne les hypothèses r) et s), l’appelante avait vraiment l’impression qu’elle était étroitement supervisée. Elle était tenue de se présenter au bureau tous les matins et à la fin de sa journée de travail. M. Northwood voulait qu’elle communique avec lui trois fois par jour pour lui rendre compte de ce qu’elle faisait. Elle devait remettre des brochures aux clients éventuels et remplir les contrats d’une certaine façon, ce qui, bien entendu, était une procédure qu’avait établie AT&T. Elle était également tenue, lorsqu’elle téléphonait à un client pour la première fois, d’utiliser les textes que lui fournissait M. Northwood. Elle n’avait donc pas l’impression qu’elle était libre d’appliquer ses propres méthodes, mais qu’elle devait plutôt utiliser celles qu’avait établies M. Northwood à son intention.

 

[32]    En ce qui concerne l’hypothèse t), j’ai déjà traité précédemment de la question relative à l’accord.

 

[33]    En ce qui concerne les hypothèses v), w) et x), bien que l’accord ait prévu des quotas à atteindre, l’appelante a indiqué que M. Northwood avait été d’accord pour ne pas les imposer au début. Néanmoins, ils planaient au‑dessus de sa tête et lui donnait l’impression qu’elle devait faire ses preuves. Elle n’était pas libre de simplement travailler comme bon lui semblait.

 

[34]    En ce qui concerne l’hypothèse y), l’appelante a indiqué que le territoire qui lui était assigné se limitait à une certaine région de Winnipeg et qu’il lui était interdit de vendre des services dans les territoires assignés aux autres vendeurs.

 

[35]    En ce qui concerne l’hypothèse aa), l’appelante a indiqué qu’elle ne pouvait pas refuser les pistes de clients éventuels que lui fournissait l’entreprise Worldmax. Si elle avait refusé ces pistes, elle n’aurait pas fait son travail comme il se devait et, croyait‑elle, elle aurait risqué de perdre son emploi.

 

[36]    L’appelante a contesté l’hypothèse cc) en affirmant qu’on lui fournissait des renseignements et des scénarios concernant la façon d’approcher les clients et que l’on s’entendait à ce qu’elle utilise ces scénarios.

 

[37]    En ce qui concerne l’hypothèse dd), l’appelante a indiqué que M. Northwood lui avait dit, au moment de l’engager, qu’elle serait admissible à des avantages après une période de trois mois, mais dans les faits, cela ne s’est jamais produit.

 

[38]    En ce qui concerne l’hypothèse gg), l’appelante a affirmé qu’elle n’avait pas de bureau à son domicile. De plus, elle n’était pas autorisée à apporter des documents chez elle. Il lui était également interdit de conserver des documents de l’entreprise Worldmax ou d’AT&T dans son ordinateur personnel. Elle possédait son propre véhicule automobile, et M. Northwood l’avait assurée que si son véhicule faisait des ratées, il lui rembourserait les dépenses engagées pour le réparer. Elle possédait également son propre téléphone cellulaire, mais elle a affirmé qu’elle ne l’utilisait pas pour son travail. Elle utilisait plutôt un téléavertisseur pour lequel elle payait 100 $ par mois de sa poche.

 

[39]    En ce qui concerne l’hypothèse hh), l’appelante a indiqué que l’entreprise Worldmax lui fournissait un pupitre et un téléphone au bureau de l’entreprise, ainsi qu’un relieur à feuilles mobiles, les scénarios et le matériel promotionnel.

 

[40]    En ce qui concerne l’hypothèse ii), l’appelante a indiqué que les frais liés à l’utilisation de son véhicule automobile lui étaient remboursés. Elle n’utilisait pas son téléphone cellulaire dans le cadre de ses activités professionnelles. En fait, M. Northwood n’avait pas son numéro de téléphone cellulaire et, par conséquent, ne pouvait pas lui téléphoner directement.

 

[41]    En ce qui concerne l’hypothèse kk), selon ce qu’avait compris l’appelante, elle devait percevoir un salaire de base de 692 $ qui lui serait versé toutes les deux semaines en plus de ses commissions de vente. En fait, il semble qu’elle n’ait rien perçu d’autre que son salaire de base. En contre‑interrogatoire, elle a admis que toutes les commissions s’appliquaient d’abord à son salaire de base et que ce n’est qu’après que ce dernier a été atteint qu’elle percevait en supplément les montants excédentaires de commission.

 

[42]    En ce qui concerne l’hypothèse ll), l’appelante considérait que la somme de 692 $ qui lui était versée toutes les deux semaines était un salaire de base garanti et non une avance sur les ventes à venir. Elle a affirmé qu’elle n’avait jamais perçu d’avance comme telle.

 

[43]    L’appelante a mentionné qu’elle avait déjà exploité une entreprise à son compte (entreprise qui a été fermée définitivement) et elle a expliqué que, lorsqu’elle avait accepté l’emploi en question, il était tout à fait clair pour elle qu’elle ne désirait pas travailler à son compte. Elle était d’avis qu’elle avait un salaire garanti, sinon elle n’aurait pas accepté cet emploi. M. Northwood lui avait clairement mentionné qu’après quelques mois, elle devrait faire sa part de travail ce qui, à mon avis, signifiait qu’elle devait atteindre les quotas qui lui seraient imposés. Soit dit en passant, elle a indiqué que M. Northwood s’attendait à ce qu’elle lui remette une note de son médecin si elle était malade et incapable de travailler ce qui, selon elle, était une caractéristique indéniable d’un employé comparativement à un entrepreneur qui travaille à son compte.

 

[44]    L’appelante a été contre-interrogée concernant les ventes additionnelles de produits et de services cellulaires qu’elle a conclues pour le compte de Rogers AT&T. Elle en avait discuté avec M. Northwood et c’est à ce moment‑là, soit à un certain moment pendant la durée de son contrat avec l’entreprise Worldmax, qu’ils ont rayé la clause d’exclusivité de service.

 

[45]    Voilà donc en bref ce qui résume réellement la portée de son témoignage.

 

[46]    Pour sa part, M. Northwood a présenté un témoignage tout à fait différent. Il a expliqué que, présentement, il exploite sa propre entreprise. Pendant la période en question, il travaillait en tant qu’employé pour le compte de l’entreprise Worldmax et qu’il occupait le poste de gestionnaire régional. Il avait travaillé pour l’entreprise pendant neuf ans. L’entreprise Worldmax était une agence fournissant des services à AT&T. Il avait pour tâche d’engager des agents indépendants et des télévendeurs internes. Il formait les travailleurs qu’il engageait et vendait aussi des produits et des services.

 

[47]    Il a indiqué que, pendant l’année 2000, il n’avait engagé qu’un seul agent indépendant et qu’un seul télévendeur interne. Les tâches du vendeur consistaient à vendre des services interurbains et des lignes téléphoniques. Les télévendeurs téléphonaient à des entreprises commerciales et fixaient des rendez‑vous. Par la suite, le vendeur se présentait à ces rendez‑vous et tentait de conclure des ventes.

 

[48]    Il a dit que Mme Bouchard était venue à lui et qu’il l’avait engagée sur‑le‑champ. Par la suite, il admis qu’il était possible qu’il ait fait paraître une offre d’emploi pour recruter un vendeur. Il a indiqué qu’elle avait suivi une formation de une journée, qu’on lui avait remis les documents d’AT&T ce qui, selon ce que je comprends, comprenait, entre autres choses, le manuel de formation et les formulaires, et qu’après cette formation, elle s’était mise au travail. Il a affirmé qu’il ne l’avait accompagnée qu’à deux reprises; sinon, il était au bureau à sa disposition  si elle rencontrait certaines difficultés. De plus, AT&T offrait une séance de formation tous les deux ou trois mois à laquelle l’appelante était incitée à participer parce qu’elle représentait un moyen, pour les vendeurs, d’acquérir de nouvelles idées quant à la façon de vendre le produit. Toutefois, il a mentionné que ces séances de formation n’étaient pas obligatoires.

 

[49]    Il a admis qu’il lui avait fourni un scénario à suivre et espérait qu’elle s’y conformerait. Il a de nouveau indiqué que cela n’était pas obligatoire.

 

[50]    Il a expliqué qu’il gérait tous les territoires du Manitoba et de la Saskatchewan et que l’appelante pouvait vendre des services interurbains ailleurs au Canada, mais qu’en ce qui concernait la vente de lignes téléphoniques, ses territoires se limitaient à quatre secteurs de la ville de Winnipeg.

 

[51]    Il a indiqué que les télévendeurs étaient rémunérés selon un taux salarial en plus d’une prime provenant des gains que réalisait l’entreprise et qui était divisée entre eux en parts égales. L’entreprise Worldmax leur fournissait les outils et l’équipement nécessaires, et leurs tâches consistaient à parcourir les bottins téléphoniques et à téléphoner à des clients potentiels.

 

[52]    Le 9 août 2000, il a présenté à l’appelante l’accord (pièce A‑1) que tous les nouveaux vendeurs devaient signer. Il a expliqué en détail à l’appelante que les vendeurs n’étaient pas des employés salariés. En fait, l’entreprise Worldmax n’engageait aucun agent de vente salarié. Manifestement, selon son témoignage, l’appelante n’aurait pas obtenu l’emploi si elle n’avait pas signé ledit accord. Cependant, il a indiqué qu’elle avait apporté le document chez elle pour l’examiner avant de le signer. 

 

[53]    Il a mentionné qu’à ce moment‑là, ils avaient eu une discussion concernant le paragraphe 4.2 à la page 3. En fait, selon ce dont il se souvient, cette discussion a eu lieu une semaine plus tard. Tous deux se sont mis d’accord pour rayer cette disposition afin de lui permettre de vendre des produits cellulaires d’AT&T qui ne faisaient pas partie de ceux que vendait l’entreprise Worldmax. Il a indiqué qu’il n’avait pas été très favorable à cette idée.

 

[54]    Il a affirmé qu’au départ, elle lui avait mentionné qu’elle engagerait ses propres télévendeurs. Apparemment, des personnes lui auraient téléphoné pour l’informer qu’elle avait engagé des télévendeurs mais qu’elle ne les avait pas rémunérés. C’était environ un mois après qu’elle a commencé à travailler. Le témoignage à cet égard était pour le moins énigmatique et, par conséquent, je ne lui accorde que très peu de poids.

 

[55]    Il a indiqué qu’il n’avait imposé aucune ligne directrice stricte voulant qu’elle travaille de 8 h 30 à 16 h 30. Par la suite, il a mentionné qu’il avait simplement proposé qu’elle travaille selon cet horaire. Il ignorait quelles étaient ses heures de travail ou combien d’heures de travail représentait chaque vente. La seule chose dont il était au courant était le nombre de commandes qu’elle prenait. Il a affirmé qu’il lui avait dit qu’elle devait essayer de prendre au moins une commande par jour et de l’informer de ce qui se passait chaque jour. Il a indiqué qu’elle passait au bureau une fois par semaine et qu’ils se rencontraient une fois par mois. Il n’aimait pas tellement tenir des réunions.

 

[56]    En ce qui concerne la supervision de son travail, il a indiqué qu’il ne la supervisait qu’en fonction du nombre de commandes qu’elle prenait.

 

[57]    En ce qui a trait à sa rémunération, il a indiqué qu’il lui avait garanti une commission avec avance, mais qu’elle était essentiellement rémunérée à la commission, commission que lui versait AT&T. En règle générale, chez AT&T, le délai pour traiter les commandes et verser les commissions était de trois mois. Il était difficile d’engager des gens, notamment s’ils devaient attendre trois mois avant d’être rémunérés, d’où la commission avec avance garantie. Si les vendeurs gagnaient moins de 1 500 $, ils percevaient quand même la somme de 1 500 $. S’ils gagnaient plus, ils étaient payés en conséquence.

 

[58]    En ce qui concerne les congés, il a indiqué qu’à une occasion, vers la fin de son contrat de travail, il n’avait pu la joindre et qu’apparemment elle avait pris congé pour des raisons familiales. Il a donc supprimé sa commission avec avance pendant son absence. Elle ne lui avait pas demandé l’autorisation de s’absenter.

 

[59]    Il ignorait si l’appelante avait elle‑même effectué des visites à l’improviste. Il a indiqué qu’il n’existait aucune formalité à cet égard qu’elle était tenue de respecter. 

 

[60]    En ce qui concerne les outils et l’équipement, elle utilisait les brochures et les formulaires que fournissait AT&T. Elle possédait son propre véhicule automobile. Apparemment AT&T fournissait des fonds à l’entreprise Worldmax pour couvrir les frais d’essence et, sur présentation d’un reçu, l’entreprise remboursait aux vendeurs un plein d’essence par semaine.

 

[61]    M. Northwood a indiqué qu’elle n’avait pas besoin de bureau. Le bureau de M. Northwood consistait en deux pupitres et deux téléphones. Elle pouvait, si elle le souhaitait, utiliser cet espace pour son bureau. Les autres vendeurs utilisaient le bureau qu’il leur fournissait.

 

[62]    Il a abordé le sujet concernant les sommes qui lui avaient été versées, ce que corrobore un certain nombre de talons de chèque de paye déposés en preuve. Il semble qu’elle percevait 692 $ toutes les deux semaines.

 

[63]    Il a commencé à prendre en charge les frais liés à l’utilisation d’un téléphone cellulaire qu’engageaient ses vendeurs, mais il n’a pas été en mesure de se rappeler s’il avait pris en charge ceux qu’engageait l’appelante.

 

[64]    Il a élaboré des scénarios et exigeait que ses vendeurs les utilisent au début.

 

[65]    En ce qui concerne les quotas, il a indiqué que l’accord comporte des lignes directrices à cet égard. Cependant, aucun vendeur n’a jamais atteint ces quotas.

 

[66]    Il a indiqué qu’au début, l’appelante ne se rendait pas aux rendez-vous qu’avaient fixés les télévendeurs avec des clients.

 

[67]    Il a fait référence à deux autres entreprises qu’exploitait l’appelante. L’une d’elles était une entreprise de mannequin et de produits cosmétiques. Il est clair, selon son témoignage, que cette entreprise a définitivement cessé ses activités avant qu’elle ne commence à travailler pour le compte de l’entreprise Worldmax. L’autre entreprise dont il a fait mention concerne sa tentative de vendre des services de téléphonie cellulaire pour le compte de Rogers AT&T au cours de cette même période. Toutefois, selon les témoignages, ses arrangements contractuels à cet égard sont nébuleux.

 

[68]    Lorsque l’appelante l’a contre‑interrogé, il a admis qu’il était possible qu’elle se soit présentée à lui à la suite d’une offre d’emploi qu’il avait fait paraître. Cependant, il a semblé qu’il ne s’en rappelait pas vraiment.

 

[69]    Il a de nouveau soutenu qu’elle ne percevait pas un salaire mais une commission avec avance garantie. Il a également reconnu qu’il ne l’aurait pas engagée si elle n’avait pas signé le contrat.

 

[70]    Il a indiqué qu’il était possible qu’il lui ait dit qu’il examinerait la possibilité de lui offrir des avantages, tel qu’un régime d’assurance dentaire. Cependant, il a affirmé que, même si tel avait été le cas, cela n’aurait rien donné.

 

[71]    Il n’a pas été en mesure de se rappeler si l’appelante avait suivi une formation qu’offrait AT&T ou si elle connaissait quoi que ce soit au sujet des activités de cette entreprise. Il a expliqué qu’il avait travaillé pendant neuf ans pour le compte de l’entreprise Worldmax, qu’il n’avait vu son patron qu’à deux reprises. Il improvisait quant à ses ventes lorsqu’il a commencé.

 

[72]    Il a admis qu’AT&T accordait des primes à l’entreprise Worldmax et qu’il pouvait les dépenser à sa discrétion. 

 

[73]    Il a nié qu’il avait obligé l’appelante à participer aux colloques qu’offrait AT&T ou à travailler quelques heures au bureau. Bien qu’il ait nié cette allégation, il exigeait tout de même qu’elle travaille de 8 h à 17 h et il a mentionné qu’il s’attendait, à ce moment‑là, qu’elle travaille selon cet horaire. Manifestement, il avait des attentes à son égard.

 

[74]    Voilà donc, en bref, en quoi consiste réellement son témoignage. Si je compare son témoignage avec celui de l’appelante, je peux affirmer sans équivoque que j’admets celui de l’appelante, notamment lorsqu’il diffère de celui de M. Northwood. À mon avis, le témoignage de ce dernier était vague et ponctué de son incapacité à se souvenir. Par ailleurs, il manquait de conviction. Par contre, celui de l’appelante était tout à fait honnête et vraisemblable. 

 

[75]    Je suis tout à fait convaincu, lorsqu’elle a été convoquée en entrevue, qu’elle n’était ni intéressée à travailler à son compte ni n’en avait le désir. À mon avis, on l’a incitée à signer le contrat en l’assurant que les modalités seraient éventuellement modifiées. La promesse d’une commission avec avance lui a donné l’impression qu’il s’agissait en fait d’un salaire avec la possibilité de toucher en plus des commissions. Manifestement, on avait des attentes à son égard quant à la façon d’accomplir son travail. Ces attentes étaient subtilement déguisées, mais il était clair pour elle qu’elle devait y répondre si elle voulait conserver son emploi, ce qui correspondait à un degré élevé de contrôle. De même, on s’attendait à ce qu’elle utilise le bureau qui lui était fourni.

 

[76]    Voilà donc en quoi consiste la preuve, telle que je la conçois.

 

Application des faits à la preuve

 

[77]     Titre : On doit bien comprendre que même lorsque les parties choisissent de mettre un titre à leur relation, si la véritable nature et la substance de l’entente ne concordent pas avec ce titre, c’est la substance que la Cour doit examiner. Ce principe juridique n’a pas changé (voir l’affaire Shell Canada Ltée c. Canada [1999] A.C.S. n30). Cela étant dit, il est également juste de dire que lorsque les parties choisissent réellement une méthode particulière pour créer un arrangement de travail, il ne revient pas au ministre ou à la Cour d’écarter ce choix. On doit faire preuve de retenue à l’égard de la méthode choisie par les parties et si, selon la preuve dans son ensemble, il n’y a pas de raison substantielle pour modifier le titre choisi par les parties, ce dernier ne devrait donc pas l’être. Les affaires Wolf et Precision Gutters (précitées) étayent largement cette proposition.

 

[78]    Dans l’affaire en l’espèce, bien que l’entreprise Worldmax ait tenté de donner le titre d’entrepreneur indépendant au contrat écrit, M. Northwood a présenté ledit contrat à l’appelante sous un jour différent. Par conséquent, cet aspect de la preuve est assez équivoque.

 

[79]     Contrôle : Selon l’application traditionnelle que l’on a faite de cet aspect, on a constamment fait remarquer que ce n’est pas le contrôle réel qui est important pour la Cour mais bien le droit de contrôle. Plus une personne sera professionnelle et compétente ou aura de l’expérience dans son domaine et moins il y aura un contrôle réel, ce qui rendra difficile l’application de ce critère. En effet, comme l’a fait observer le juge Major dans l’affaire Sagaz (précitée), le contrôle exercé peut être moindre dans le cas d’un employé professionnel et compétent que dans le cas d’un entrepreneur indépendant. Néanmoins, c’est un autre facteur qui doit être soupesé.

 

[80]    Dans la présente affaire, je suis d’avis que Ken Northwood exerçait un contrôle considérable sur l’appelante, et ce, dès sa première formation, allant même jusqu’à contrôler ses heures de travail, ainsi que sur la façon dont elle devait communiquer avec les clients éventuels. On s’attendait à ce qu’elle se présente au bureau quotidiennement pour participer à des réunions qui, probablement, consistaient davantage en des entretiens de motivation, et à ce qu’elle rende compte régulièrement à Ken Northwood des progrès qu’elle réalisait. Son territoire était limité. Elle ne pouvait pas travailler pour le compte de quelqu’un d’autre sans sa permission. Tous ces aspects relatifs au contrôle sont en règle générale caractéristiques d’une relation employeur‑employé. Ce facteur montre clairement qu’il s’agissait d’un contrat de louage de services.

 

[81]    Les outils et équipement de travail : L’entreprise Worldmax fournissait tout l’équipement de bureau. En outre, l’appelante utilisait (quelquefois) son propre téléphone cellulaire et son propre véhicule automobile dont les frais d’essence qu’elle engageait lui étaient remboursés. Ce facteur est quelque peu équivoque, mais tout bien pesé, notamment si je tiens compte de la situation relative au bureau, je suis porté à croire qu’elle était une employée plutôt qu’une entrepreneure indépendante.

 

[82]    Les chances de bénéfice et les risques de perte : Plus l’appelante concluait des contrats, plus elle touchait des commissions en plus de son salaire minimum garanti. En fait, il semble qu’elle n’a jamais réalisé de tels bénéfices. Cependant, ces chances de bénéfice existaient. Par contre, outre les coûts liés à son véhicule automobile et à son téléphone cellulaire qui, semble‑t‑il, étaient assez minimes (un plein d’essence par semaine), elle ne courait aucun risque de subir une perte. Ici encore, ce facteur est quelque peu équivoque mais dans l’ensemble, je conclus que, sur le plan financier, l’accord conclu entre les parties n’était pas une entente au sens entrepreneurial. Il était surtout fondé sur une rémunération de base avec une chance d’accroître ses revenus si elle avait un bon rendement.

 

[83]    Tout bien pesé, je conclus que ce facteur tend une fois de plus à montrer qu’il s’agissait d’un contrat de louage de services et non d’un contrat d’entreprise conclu avec un entrepreneur indépendant.

 

[84]    Le critère de l’intégration : Il s’agit d’un facteur qui a souvent fait l’objet de critiques. La question que l’on doit fréquemment se poser est la suivante : « à qui appartient l’entreprise? ». On doit poser cette question du point de vue du travailleur et non de l’employeur puisque du point de vue de ce dernier, il s’agira toujours de son entreprise. La question centrale dans l’affaire en l’instance consiste à savoir si une seule ou deux entreprises distinctes étaient exploitées. Ainsi, selon l’arrêt Sagaz (précité), la question centrale est de savoir si l’appelante était « une personne travaillant à son compte », ce qui, bien sûr, constitue la question centrale dans les présents appels. Par conséquent, la Cour doit déterminer si les services qu’elle fournissait faisaient partie intégrante de l’entreprise Worldmax ou s’ils n’étaient qu’accessoires, bien que ces services soient fournis pour le compte de cette entreprise. 

 

[85]    Manifestement, les activités commerciales de l’entreprise Worldmax consistaient en la vente de services téléphoniques locaux et interurbains pour le compte d’AT&T Canada. Si l’appelante avait travaillé à son propre compte, son entreprise aurait été classée dans cette même catégorie d’entreprise.

 

[86]    À mon avis, l’aspect entrepreneurial du travail qu’accomplissait l’appelante n’était pas significatif. Dès le début elle a clairement indiqué qu’elle ne voulait plus travailler à son compte, et ce, même si elle a signé l’accord. M. Northwood a même pris certains engagements envers elle à cet égard. Par la suite, la façon dont elle accomplissait son travail n’avait rien à voir avec la façon de travailler d’un entrepreneur indépendant. C’est Ken Northwood qui lui assignait des territoires et il la supervisait étroitement. Tous les services qu’elle fournissait l’étaient beaucoup plus dans le contexte de l’entreprise Worldmax. Il existe toutefois une exception quelque peu ennuyeuse, notamment le fait qu’elle ait vendu de l’équipement cellulaire pour le compte de Rogers AT&T, mais même là, elle s’est sentie obligée d’obtenir l’autorisation de M. Northwood.

 

[87]    Dans ce genre de litiges, la situation est rarement évidente en ce sens que souvent, une situation d’emploi comporte des aspects qui ressemblent à un contrat d’entreprise et qu’un contrat d’entreprise comporte des aspects qui ressemblent à une situation d’emploi. La Cour doit donc trancher selon la prépondérance. Tout bien pesé, je suis d’avis qu’une seule entreprise était exploitée, soit l’entreprise Worldmax, et que les services que fournissait l’appelante faisaient entièrement partie intégrante de cette entreprise. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai notamment évalué la rémunération minimale garantie, les engagements qu’avait pris M. Northwood envers l’appelante en dépit de l’accord qu’ils avaient signé, le critère de contrôle, l’absence d’un aspect entrepreneurial quelconque relativement à son travail et le fait qu’elle a consciencieusement pris la décision de ne plus travailler à son compte, ce qu’elle avait d’ailleurs mentionné à M. Northwood.

 

Conclusion

 

[88]     Lorsque j’examine la forêt dans son ensemble et non seulement chacun des arbres qui la compose, je suis tout à fait convaincu, selon la preuve, que l’appelante était une employée en vertu d’un contrat de louage de services. À mon avis, l’affaire en l’instance se distingue considérablement de la décision Wolf (précitée). Bien que les principes énoncés dans cette décision puissent maintenant inciter de nombreux experts‑conseils à se faire engager en tant qu’entrepreneurs autonomes plutôt qu’en tant qu’employés, l’affaire en l’espèce m’a néanmoins donné l’impression générale que l’appelante en cause était en réalité une employée.

 

[89]    Par conséquent, l’appel est admis et les décisions du ministre sont infirmées.

 

Signé à Calgary (Alberta), ce 28jour d’octobre 2003.

 

 

 

 

« Michael H. Porter »

Juge suppléant Porter

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2jour de février 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

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