Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2003‑462(EI)

ENTRE :

CLAY CAFÉ LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Clay Café Ltd. (2003‑463(CPP)) et Mady Thiel‑Kopstein (2003‑464(EI) et 2003‑465(CPP)) le 26 juin 2003 à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

Devant : L’honorable juge suppléant M. F. Cain

 

Comparutions 

 

Représentante de l’appelante :

Nan Newhall

 

Avocat de l’intimé :

MJames Murphy

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est accueilli et la décision du ministre est annulée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Rothesay (Nouveau‑Brunswick), ce 14jour d’octobre 2003.

 

 

« M. F. Cain »

Juge suppléant Cain

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2004.

 

 

 

Liette Girard, traductrice


 

Dossier : 2003-463(CPP)

ENTRE :

CLAY CAFÉ LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Clay Café Ltd. (2003‑462(EI)) et Mady Thiel‑Kopstein (2003‑464(EI) et 2003‑465(CPP)) le 26 juin 2003 à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

Devant : L’honorable juge suppléant M. F. Cain

 

Comparutions

 

Représentante de l’appelante :

Nan Newhall

 

Avocat de l’intimé :

MJames Murphy

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est accueilli et la décision du ministre est annulée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Rothesay (Nouveau‑Brunswick), ce 14jour d’octobre 2003.

 

 

« M. F. Cain »

Juge suppléant Cain

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2004.

 

 

 

Liette Girard, traductrice


 

 

Dossier : 2003‑464(EI)

ENTRE :

MADY THIEL‑KOPSTEIN,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CLAY CAFÉ LTD.,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Clay Café Ltd. (2003‑462(EI) et 2003‑463(CPP)) et Mady Thiel‑Kopstein (2003‑465(CPP)) le 26 juin 2003 à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

Devant : L’honorable juge suppléant M. F. Cain

 

Comparutions

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocat de l’intimé :

MJames Murphy

 

 

Représentante de l’intervenante :

Nan Newhall

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est accueilli et la décision du ministre est annulée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Rothesay (Nouveau‑Brunswick), ce 14jour d’octobre 2003.

 

 

« M. F. Cain »

Juge suppléant Cain

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de janvier 2004.

 

 

 

Liette Girard, traductrice


 

Dossier : 2003‑465(CPP)

ENTRE :

MADY THIEL‑KOPSTEIN,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CLAY CAFÉ LTD.,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Clay Café Ltd. (2003‑462(EI) et 2003‑463(CPP)) et Mady Thiel‑Kopstein (2003‑464(EI)) le 26 juin 2003 à Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

Devant : L’honorable juge suppléant M. F. Cain

 

Comparutions

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Avocat de l’intimé :

MJames Murphy

 

 

Représentante de l’intervenante :

Nan Newhall

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est accueilli et la décision du ministre est annulée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Rothesay (Nouveau‑Brunswick), ce 14jour d’octobre 2003.

 

 

« M. F. Cain »

Juge suppléant Cain

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26jour de janvier 2004.

 

 

 

Liette Girard, traductrice


 

Référence : 2003CCI708

Date : 20031014

Dossiers : 2003‑462(EI)

2003‑463(CPP)

ENTRE :

CLAY CAFÉ LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

 

ET

2003-464(EI)

2003-465(CPP)

 

MADY THIEL‑KOPSTEIN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

CLAY CAFÉ LTD.,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Cain

 

[1]     Les appelantes interjettent appel à l’encontre de la décision de l’intimé datée du 24 décembre 2002 selon laquelle l’emploi de l’appelante Mady Thiel‑Kopstein (la « travailleuse ») auprès de l’appelante Clay Café Ltd. (la « payeuse ») durant la période du 1er janvier 2002 au 6 août 2002 (« la période en litige ») était assurable et ouvrait droit à pension puisque la travailleuse avait été engagée en vertu d’un contrat de louage de services et qu’elle était une employée de la payeuse.

 

[2]     L’audience a eu lieu à Halifax le 26 juin 2003, et les appelantes ont accepté que les appels soient entendus en même temps, la preuve recueillie devant s’appliquer à chaque appel respectif selon le contexte, et qu’il n’était pas nécessaire de créer plus d’un dossier. La Cour a pris le jugement en délibéré à la conclusion de l’audience.

 

[3]     L’intimé a fondé sa décision sur les hypothèses de fait suivantes :

 

          [Traduction]

 

a)         la payeuse a été constituée en mars 1999 et comptait les actionnaires suivants :

 

            Nancy (Nan) Newhall                           40 p. 100

            Geoff Crinean                                       40 p. 100

            James Gimian                                       10 p. 100

            Susan Klabunde                                   10 p. 100

 

b)         le 27 février 2002, les actions possédées par James Gimian et Susan Klabunde ont été transférées à parts égales à Nan Newhall et à Geoff Crinean;

 

c)         la payeuse était un commerce de détail offrant aux clients la possibilité de peindre leur propre poterie;

 

d)         la payeuse exploitait son entreprise à partir d’un studio situé à Halifax qui était ouvert sept jours par semaine, soit du lundi au jeudi de midi à 21 h, le vendredi de midi à minuit, le samedi de 10 h à 21 h et le dimanche de midi à 18 h;

 

e)         Nan Newhall et Shauna Jones, la gestionnaire, contrôlaient les activités quotidiennes de la payeuse;

 

f)          Van Go Pottery (« Van Go »), une unité mobile de la payeuse, a été créée afin d’offrir des services de moulage et de peinture d’argile à la collectivité, particulièrement aux écoles, et de tenir des camps artistiques au studio de Halifax;

 

g)         la payeuse a d’abord versé à l’appelante 1 500 $ pour faire de la recherche à l’égard du programme scolaire Van Go ainsi que pour le créer, le commercialiser et le mettre en œuvre;

 

h)         durant la période en litige, l’appelante devait notamment obtenir des clients pour Van Go, commercialiser les arrangements logistiques, entreprendre et mettre en œuvre la commercialisation, tenir des ateliers et des camps, gérer les fournitures, s’occuper des ententes financières et établir un lien avec le personnel de la payeuse;

 

i)          l’appelante recevait 10 $ l’heure pour le temps qu’elle consacrait à la préparation et à la tenue des ateliers et des camps de jour, plus 1 $ par personne présente;

 

j)          l’appelante inscrivait ses heures sur la feuille de temps de l’employé fournie par la payeuse et elle était payée toutes les deux semaines le jour habituel de la paie de la payeuse;

 

k)         l’appelante devait tenir l’atelier ou le camp de jour personnellement;

 

l)          les services de l’appelante seraient résiliés s’il n’y avait pas d’atelier, s’il y avait une activité illégale ou si la payeuse recevait constamment des plaintes de clients;

 

m)        le personnel de la payeuse aidait l’appelante lorsque cette dernière avait besoin d’aide pour les ateliers ou les camps de jour;

 

n)         la payeuse payait son personnel pour le temps qu’il consacrait à aider l’appelante;

 

o)         la payeuse fournissait gratuitement à l’appelante le studio durant les camps de jour;

 

p)         la payeuse fournissait gratuitement à l’appelante l’argile, la peinture et les petits outils nécessaires aux ateliers et aux camps de jour;

 

q)         la payeuse devait cuire et vernir les pièces d’argile réalisées durant les camps de jour et les ateliers;

 

r)          l’appelante a accepté de ne pas démarrer ni d’exploiter un studio de peinture de poterie dans un rayon de 10 milles du studio de la payeuse sauf si elle était une associée ou une franchisée de la payeuse;

 

s)         un contrat de louage de services a été signé par l’appelante et la payeuse.

 

Les hypothèses susmentionnées figurent dans la Réponse à l’avis d’appel de Mady Theil‑Kopstein et sont les mêmes que celles sur lesquelles l’intimé a fondé sa décision dans le cadre de l’appel de l’appelante Clay Café Ltd. Lorsque l’on applique ces hypothèses à l’appelante Clay Café Ltd., il faut substituer l’expression « la payeuse » par « l’appelante » chaque fois qu’elle apparaît.

 

FAITS

 

[4]     La Cour formule les conclusions de fait suivantes.

 

[5]     La payeuse a été constituée en 1999 et elle exploite un commerce de détail offrant aux clients la possibilité de peinturer leur propre poterie dans la région métropolitaine de Halifax, en Nouvelle‑Écosse.

 

[6]     À un certain moment en 2000, la payeuse et la travailleuse ont entrepris des discussions quant à la création d’un programme de poterie mobile à être offert dans la région métropolitaine de Halifax, en Nouvelle‑Écosse, et qui serait réalisé dans les écoles, les centres communautaires, des maisons, lors d’événements organisationnels et conjointement avec des camps artistiques exploités par la payeuse. La travailleuse était une artiste professionnelle et était intéressée à faire la promotion de l’artisanat du moulage et de la peinture à la main de l’argile, une entreprise non exploitée par la payeuse. Les parties se sont entendues sur le concept, et la travailleuse devait réaliser les activités dans le but d’offrir une voie créative pour les enfants et les adultes afin qu’ils pratiquent cet artisanat.

 

[7]     La payeuse versait à la travailleuse 1 500 $ pour créer un programme mobile de moulage à la main de poterie devant commencer à l’automne 2000. La travailleuse, qui était une artiste, a fait la recherche et a appris la technique dans ses temps libres. Elle a créé le programme et, bien que la payeuse soit consultée à chaque étape de la création, la décision finale quant à la conception, aux systèmes et à la mise en œuvre du programme lui revenait entièrement.

 

[8]     Au départ, la payeuse versait à la travailleuse 1 500 $ pour créer un programme de poterie mobile devant commencer à l’automne 2000. Rien dans la preuve n’indique à quel moment le programme a commencé. Le temps consacré par la travailleuse à la création du programme ne faisait pas partie de la période en litige. Il semblerait que le contrat état un contrat « d’entreprise » par opposition à un contrat « de louage de services », mais il n’entrait pas dans la période en litige.

 

[9]     La travailleuse a finalement présenté le programme proposé à la payeuse qui l’a accepté. Par accord daté du 15 septembre 2000, la payeuse, par l’entremise de sa représentante Nan Newhall, et la travailleuse ont créé le service de poterie mobile (voir la pièce A‑5).

 

[10]    La travailleuse a accepté de mener une stratégie de commercialisation et de créer un service de poterie, travaillant de façon indépendante, mais en s’entretenant avec la payeuse sur tous les changements et l’évolution future du programme. De plus, la travailleuse devrait créer des présentoirs, des contenants mobiles et tout autre matériel pour les ateliers. On lui a fourni un véhicule pour le service, et elle assumait tous les frais connexes, dont les coûts de réparation du véhicule, les coûts d’exploitation et les frais téléphoniques. Des prospectus ont été préparés par la travailleuse, et l’équipement du studio de la payeuse a été utilisé pour les imprimer, et ce, gratuitement.

 

[11]    La travailleuse n’avait pas à tenir un calendrier des heures de travail et ne devait que donner des séances de poterie établies conformément à son propre calendrier, créer un programme et y assister. Elle recevait 10 $ l’heure seulement en tenant les séances de moulage à la main. Elle avait un bureau à la maison d’où elle travaillait. La travailleuse conservait un dossier de ses heures sur des feuilles fournies par la payeuse intitulée [Traduction] « Feuille de temps des employés de Clay Café ».

 

[12]    Chaque personne inscrite dans une classe organisée par la travailleuse payait un taux de 5 $ l’heure à la payeuse. Tous les articles créés dans le cadre du programme étaient vernis et cuits dans les fours de la payeuse. De plus, la payeuse a accepté de fournir toute la peinture et l’argile puisqu’elle pouvait en acheter au prix du gros et qu’elle en utilisait pour les services offerts dans son studio. Le coût de ces matériaux était minime et probablement récupéré au moyen des frais payés par ses clients. De plus, certains outils à main, ayant une valeur d’environ 20 $ et étant la propriété de la payeuse, ont été mis à la disposition de la travailleuse. Cette dernière était responsable de la perte de tout matériau, produit ou équipement en raison d’un accident, d’un vol ou de la négligence de sa part ou de la négligence des clients. Elle devait également conserver un inventaire et un compte des matériaux fournis.

 

[13]    La travailleuse a accepté de ne pas démarrer de studio de poterie comme celui exploité par la payeuse dans la région métropolitaine de Halifax, probablement durant son association avec la payeuse. Cependant, elle était libre d’exploiter une entreprise de moulage de poterie en association avec une autre entreprise établie de la région.

 

[14]    Si, à tout moment durant l’une des séances, la travailleuse avait besoin d’aide, la payeuse lui en fournissait gratuitement. Une fois encore, les coûts engagés par la payeuse étaient probablement tous récupérés à partir des frais payés par les clients.

 

[15]    La payeuse et la travailleuse ont rempli un questionnaire standard (voir la pièce A‑1A) produit par Développement des ressources humaines Canada. L’explication suivante figure sur la première page :

 

Si la réponse à la majorité de ces questions est « Payeur », cela indique que le payeur exerce un contrôle sur les activités du travailleur. Il est donc probable qu’une relation employeur‑employé existe. Dans le cas contraire, cela indique qu’une relation d’affaires pourrait exister.

 

Sur un total de 77 questions possibles, la payeuse a répondu à 10 d’entre elles, la travailleuse, 59, et 15 sont demeurées sans réponse puisqu’elles ne s’appliquaient pas. Dans sept cas, la payeuse et la travailleuse ont indiqué qu’elles faisaient un effort conjoint quant à la responsabilité déterminée. Selon ce résultat, la payeuse et la travailleuse ont créé ce qu’elles considéraient une relation entrepreneur‑sous‑entrepreneur.

 

[16]    Dans une lettre datée du 7 août 2002, l’intimé a informé la payeuse que la relation établie entre elle et la travailleuse avait créé un emploi assurable puisque la dernière était employée en vertu d’un contrat de louage de services (voir la pièce A‑6). Les raisons étaient indiquées de la façon suivante :

 

                   [Traduction]

 

Vous, en tant qu’employeur, exercez un contrôle sur elle et son travail parce que :

 

            – vous établissez ses heures de travail;

            – vous contrôlez ses heures de travail;

            – elle doit rendre les services personnellement;

– elle ne peut embaucher d’autres personnes pour effectuer le travail;

            – vous lui offrez une formation.

 

Vous fournissez tout outil et équipement nécessaires au travail.

 

Les conditions de son emploi ne lui permettent pas de réaliser des profits ni ne l’exposent à un risque de perte :

 

            – elle n’a pas à acheter les matériaux utilisés dans le cadre du travail;

            – elle ne tient pas un inventaire des matériaux qu’elle utilise pour faire le travail;

            – elle n’a pas à louer de l’équipement pour faire le travail.

 

DÉCISION

 

[17]    Le critère jurisprudentiel décisif portant sur la différence entre un contrat de louage de services et un contrat d’entreprise est établi par le juge d’appel McGuigan dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1986] 3 C.F. 553 ([1986] 70 N.R. 214). Après avoir examiné les critères permettant de déterminer si un contrat en est un de louage de services ou de prestation de services, à savoir les critères du contrôle, de la propriété des outils, de la chance de profit ou du risque de perte, il a adopté le raisonnement de lord Wright dans Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd. [1947] 1 D.L.R. 161 aux pages 169 et 170 puisqu’ils se rapportent à ceux de la page 559 :

 

[…] Dans bien des cas, il faut, pour résoudre la question, examiner l’ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties. Ainsi, il est dans certains cas possible de décider en posant la question « à qui appartient l’entreprise », en d’autres mots, en demandant si la partie exploite l’entreprise, c’est‑à‑dire qu’elle l’exploite pour elle‑même ou pour son propre compte et pas seulement pour un supérieur. […]

 

Et, continuant à la page 560, il a déclaré ce qui suit :

 

Dans ce contexte, les quatre critères établis par lord Wright constituent une règle générale, et même universelle, qui nous oblige à « examiner l’ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties ». Quand il s’est servi de cette règle pour déterminer la nature du lien existant dans l’affaire Montreal Locomotive Works, lord Wright a combiné et intégré les quatre critères afin d’interpréter l’ensemble de la transaction.

 

Poursuivant à la page 562, il a déclaré ce qui suit :

 

[…] Je considère le critère de lord Wright non pas comme une règle comprenant quatre critères, comme beaucoup l'ont interprété, mais comme un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur ce que lord Wright a appelé ci‑dessus « l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations », et ce, même si je reconnais l'utilité des quatre critères subordonnés.

 

[18]    Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 (274 N.R. 366), la Cour suprême du Canada a suivi l’arrêt Wiebe (précité) en décidant qu’une entreprise de commercialisation (AIM) embauchée par un fournisseur de marchandises (Sagaz) n’était pas responsable du fait d’autrui à l’égard d’un client pour les dommages subis par ce dernier à la suite du comportement illégal de l’entreprise de commercialisation qui a mis sur pied un système complexe de pots‑de‑vin. La décision de la Cour a été rendu par le juge Major qui a déclaré ce qui suit au paragraphe 46 :

 

            À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant.  Lord Denning a affirmé, dans l'arrêt Stevenson Jordan, précité, qu'il peut être impossible d'établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [TRADUCTION] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d'apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416).  Je partage en outre l'opinion du juge MacGuigan lorsqu'il affirme – en citant Atiyah, op. cit., p. 38, dans l'arrêt Wiebe Door, p. 563 – qu'il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

[Traduction]  [N]ous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d'identifier les contrats de louage de services [...]  La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties.  De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance.  De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

            Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante.  La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte.  Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui‑même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

 

            Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer.  Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

 

Poursuivant au paragraphe 52, il a déclaré ce qui suit :

 

            Des éléments convaincants indiquent, par contre, que AIM et Sagaz étaient des entités juridiques distinctes, dont le fait que AIM possédait ses propres bureaux à New York alors que le siège social de Sagaz était situé en Floride. Aux termes de l'accord conclu entre les parties, AIM assumait tous les frais liés à l'exploitation de son entreprise, y compris les frais de déplacement, les commissions et autres rémunérations versées aux vendeurs qu'elle employait. AIM était libre de poursuivre d'autres activités et de représenter d'autres fournisseurs pourvu qu'il ne s'agisse pas d'entreprises rivales. (La Cour souligne.)

 

[19]    La tâche de cette Cour est d’appliquer ce raisonnement à la relation qu’ont créée la payeuse et la travailleuse afin de déterminer si, comme elles le souhaitaient, il s’agit d’un contrat d’entreprise. Il convient de noter, cependant, que la relation que les parties avaient l’intention de créer ou la façon dont elles l’appelaient n’a pas d’incidence du point de vue juridique. La Cour doit déterminer à partir de l’entente si, après application des critères susmentionnés, elle crée de fait cette relation.

 

[20]    Il y a de nombreux facteurs présents qui sont normalement associés aux relations employeur‑employé. Les taux horaires de salaire, les feuilles de temps remplies par la travailleuse sur un formulaire utilisé par la payeuse pour ses employés, les services offerts aux clients de la payeuse qui payaient cette dernière pour l’instruction reçue, l’utilisation de matériaux et d’équipement fournis par la payeuse, la prestation du programme par moments dans le studio de la payeuse et l’obtention d’aide lors de la prestation de services aux clients de la payeuse auprès de cette dernière, et ce, gratuitement.

 

[21]    Selon la preuve, il semble évident que la travailleuse pouvait exploiter l’entreprise de moulage de poterie à la main elle‑même sans l’intervention de la payeuse ou sans y être associée. Aucune raison n’a été donnée quant à la raison pour laquelle elle ne l’a pas fait. Apparemment, elle souhaitait s’associer avec un studio établi, qui possédait l’équipement et les installations permettant de finir le produit en le cuisant et en le vernissant. Cependant, l’un des faits les plus importants à considérer est que la travailleuse était une artiste, qu’elle possédait la technique du moulage à la main de la même façon que tout professionnel possède et vend son talent à un client, ce dernier étant en l’espèce la payeuse. L’entreprise de moulage à la main et de peinture était exploitée par la payeuse. Cependant, l’entreprise offrant l’apprentissage de la technique du moulage de l’argile à la main était la propriété de la travailleuse.

 

[22]    De plus, la relation comportait également des éléments que l’on associe aux contrats d’entreprise. La travailleuse était totalement responsable de ses cours et elle ne recevait aucune instruction de la payeuse. La travailleuse, sans compensation, a cherché des clients sans consulter la payeuse sauf lorsque les cours devaient avoir lieu dans le studio de cette dernière. La travailleuse n’était payée que pour offrir ses services aux clients de la payeuse. Elle a acheté un camion grâce auquel elle offrait un service mobile et s’occupait du transport. Elle était responsable du produit tant qu’elle ne l’avait pas remis à la payeuse pour le faire cuir et le faire vernir.

 

[23]    Un facteur important était le fait que la travailleuse avait le droit de s’associer avec un autre studio et d’offrir les mêmes services que ce studio dans la région métropolitaine. Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. (précité), la Cour, en décidant que AIM était une entrepreneuse indépendante, a souligné le fait que AIM pouvait représenter d’autres employés dans la mesure où elle ne s’engageait pas dans un secteur d’activités concurrent.

 

[24]    En l’espèce, non seulement la travailleuse pouvait‑elle conclure des contrats avec d’autres studios, mais elle pouvait également offrir les mêmes services à ses clients. Cela est particulièrement significatif lorsque l’on considère que la payeuse a versé initialement à la travailleuse 1 500 $ pour créer et mettre en œuvre le programme et qu’elle n’a fait qu’obliger la travailleuse à ne pas mettre sur pied un studio de poterie dans la région métropolitaine.

 

[25]    La Cour est convaincue que les éléments de l’absence de contrôle ou de supervision, le fait qu’elle assumait les dépenses, la responsabilité liée à la conservation et à la livraison du produit ainsi que la liberté d’offrir ses services à un autre studio l’emporte sur tous les autres facteurs et font d’elle une entrepreneuse indépendante.

 

[26]    La Cour conclut que durant la période en litige, la travailleuse était une entrepreneuse indépendante et que son emploi comme tel n’était pas assurable ni n’ouvrait droit à pension. Les appels sont accueillis et les décisions du ministre sont annulées.

 

Signé à Rothesay (Nouveau‑Brunswick), ce 14jour d’octobre 2003.

 

 

« M. F. Cain »

Juge suppléant Cain

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26jour de janvier 2004.

 

 

 

 

Liette Girard, traductrice

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