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Dossier : 2003-718(EI)

ENTRE :

CATHY BOUCHARD,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 29 juillet 2003 à Québec (Québec)

 

Devant : L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Avocate de l'appelante :

Me Christine Gagnon

 

Avocate de l'intimé :

Me Marie-Claude Landry

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 18e jour de novembre 2003.

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


 

 

 

Référence : 2003CCI765

Date : 20031118

Dossier : 2003-718(EI)

ENTRE :

CATHY BOUCHARD,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Savoie

 

[1]     Cet appel a été entendu à Québec (Québec), le 29 juillet 2003.

 

[2]     Il s'agit d'un appel portant sur l'assurabilité de l'emploi de l'appelante lorsqu'au service de 9076-2956 Québec Inc., le payeur, pendant la période en litige, soit du 8 au 19 avril 2002, au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi »).

 

[3]     Le 26 novembre 2002, le ministre du Revenu national (le « Ministre ») a informé l'appelante de sa décision selon laquelle cet emploi n'était pas assurable car il ne rencontrait pas les exigences d'un contrat de louage de services et qu'il n'y avait pas de relation employeur-employée entre elle et le payeur.

 

[4]     En rendant sa décision, le Ministre s'est fondé sur les présomptions de fait suivantes lesquelles ont été admises, niées ou ignorées par l'appelante :

 

a)         Le payeur, constitué en société le 13 avril 1999, exploite une entreprise de camionnage. (admis)

 

b)         M. François Gagnon était l'unique actionnaire du payeur. (admis)

 

c)         Le payeur se spécialise dans le transport de copeaux de bois au Québec. (admis)

 

d)         Le payeur possédait un seul camion. (admis)

 

e)         La place d'affaires du payeur était située au 69, rang St-Antoine à Notre-Dame-des-Monts, soit à la résidence familiale des parents de M. Gagnon qui y occupait une chambre. (admis)

 

f)          Le payeur n'y possédait aucun bureau; les papiers étaient accumulés sur une table au selon de la résidence. (nié tel que rédigé)

 

g)         Durant les 2 premières semaines d'avril 2002, M. Gagnon a été malade et il aurait embauché l'appelante, une connaissance, pour lui donner un coup de main. (admis)

 

h)         L'appelante prétend avoir aidé M. Gagnon aux tâches suivantes :

 

            - Elle l'aurait aidé à faire un changement d'huile et à changer les « rubbers » sur le camion.

 

            - Elle aurait démêlé les papiers du payeur (sur la table).

 

            - Elle aurait lavé le plancher de la chambre de M. Gagnon.

 

            - Elle aurait fait le ménage intérieur et extérieur du camion du payeur. (admis)

 

i)          L'appelante prétend avoir fait 2 semaines de 35 heures par semaine pour accomplir ses prétendues tâches. (admis)

 

j)          L'appelante a reçu 2 chèques de 294,35 $ pour son prétendu travail pour le payeur. (admis)

 

k)         Les 2 chèques de l'appelante sont passés au compte du payeur le 3 mai 2002. (admis)

 

l)          L'appelante avait besoin de 910 heures de travail pour lui permettre de se qualifier, une première fois, pour recevoir des prestations d'assurance-emploi. (admis)

 

m)        Avant son prétendu travail pour le payeur, l'appelante avait accumulé 883.75 heures de travail auprès de 2 employeurs différents. (admis)

 

n)         Le payeur n'a pas voulu collaborer avec l'agent de l'Agence des douanes et du revenu du Canada pour déterminer les faits dans le présent dossier. (nié/ignoré)

 

[5]     Il est important de souligner que la présomption du Ministre énoncée à l'alinéa n) a été prouvée à l'audition ainsi que celle énoncée à l'alinéa f) de la Réponse à l'avis d'appel.

 

[6]     Il a été établi que l'appelante a rencontré l'actionnaire unique du payeur, François Gagnon, dans une salle de danse, il y a à peu près dix ans. Ils se sont revus en l'an 2000 alors que l'appelante se cherchait un emploi. Elle avait besoin d'heures additionnelles pour se qualifier à des prestations sous le régime de l'assurance-emploi. François Gagnon s'est dit prêt à l'aider et lui a indiqué qu'il l'appellerait. En 2002, François Gagnon est tombé malade et il a appelé l'appelante pour qu'elle vienne lui prêter main forte.

 

[7]     Dans son témoignage François Gagnon a indiqué qu'il avait besoin de quelqu'un pour l'aider à faire l'entretien de son camion, c'est-à-dire le lavage, le changement de pneus et d'huile, le ménage dans son bureau et mettre de l'ordre dans ses papiers. Il s'engageait à lui payer 10 $ l'heure. Les tâches devaient être exécutées par l'appelante à la place d'affaires du payeur, soit à la résidence familiale des parents de François Gagnon. Lesdites tâches devaient être exécutées entre 8 h et 16 h. L'appelante, lors de son témoignage, a précisé que François Gagnon lui disait quoi faire et qu'elle utilisait les outils de ce dernier dans l'exécution de ses tâches. Selon elle, elle exécutait ses ordres. L'appelante a précisé que François Gagnon contrôlait ses heures et lui donnait son horaire. Elle était payée par chèque et pendant la période en litige elle a reçu deux chèques du payeur.

 

[8]     En contre-interrogatoire, cependant, l'appelante a dû admettre qu'elle n'avait aucune expérience dans l'entretien d'un camion, soit les changements de pneus, etc.

 

[9]     Dans sa demande de prestations d'assurance-emploi, l'appelante a précisé qu'elle avait travaillé deux semaines de 35 heures pour un total de 70 heures pour le payeur. Elle a précisé, lors de son témoignage à l'audition de cet appel, que pour faire le lavage du camion il lui a fallu une demi-journée, pour le lavage du plancher de la chambre du payeur il lui a fallu une heure et pour l'entretien du camion, à deux personnes c'est-à-dire avec l'aide de François Gagnon, il lui a fallu une journée. Pour ce qui est de mettre de l'ordre dans les papiers du payeur, il lui a fallu une semaine.

 

[10]    L'appelante a admis que le payeur savait qu'elle avait besoin d'heures pour se qualifier aux prestations d'assurance-emploi.

 

[11]    La preuve a établi que le bureau du payeur était situé dans le salon de la résidence des parents de François Gagnon où il occupait une chambre et se servait d'une table dans le salon de cette résidence pour y loger les articles de son bureau.

 

[12]    Dans son témoignage, François Gagnon a indiqué que l'appelante lui a aidé quoique souvent en son absence parce qu'il n'était pas toujours là. En ce qui concerne le temps qu'il a fallu à l'appelante pour exécuter chacune de ses tâches, il l'ignore. Il a indiqué avoir eu un certain contrôle sur les heures de l'appelante, mais seulement quant il était présent sur les lieux. Il a précisé que lorsque l'appelante avait fini son travail elle l'appelait pour qu'il lui donne d'autres tâches à exécuter. Il a, de plus, indiqué que l'appelante n'avait aucun horaire fixe de travail et a admis que, parfois, elle ne pouvait pas se rendre au travail mais qu'elle reprenait le temps les fins de semaine.

 

[13]    En contre-interrogatoire, François Gagnon a indiqué qu'avant la venue de l'appelante c'était lui qui exécutait toutes ces tâches. Quant à ses papiers, particulièrement en ce qui concerne ses impôts, cette tâches était exécutée par une certaine madame Côté. Il a prétendu que le lavage du plancher de sa chambre « c'était relié » puisqu'il fallait bien qu'il se couche. Il a admis que si ses parents avaient eu besoin de la pièce (salon) dont il se servait comme son petit bureau d'appoint, il aurait dû le déménager ailleurs et a ajouté que ses parents étaient à la retraite et que leur mobilité était restreinte.

 

[14]    Il a été établi à l'audition de cet appel que l'appelante avait, avant la période en litige, présenté une demande de prestations d'assurance-emploi mais qu'elle n'avait pas suffisamment d'heures pour se qualifier et qu'après ladite période elle s'est présentée avec une nouvelle demande qui contenait un total de 70 heures additionnelles. La preuve apportée par l'appelante n'a pas établi le nombre d'heures que contenait sa demande de prestations.

 

[15]    Le contrôle du travail de l'appelante, selon la preuve, était à peu près inexistant. Par ailleurs, les témoignages de l'appelante et de l'actionnaire unique du payeur, François Gagnon, ont été peu convaincants.

 

[16]    Le processus par lequel il est déterminé si un emploi rencontre les exigences d'un contrat de louage de services place beaucoup d'importance sur le critère du contrôle. Ce facteur, par lequel le lien de subordination est déterminé, est crucial puisque selon qu'il est présent ou absent, ainsi suivra le règlement de la question de l'assurabilité. La jurisprudence en a statué ainsi.

 

[17]    Plusieurs faits dans la preuve présentée par l'appelante ont contribué à la discréditer, par exemple la rencontre de l'appelante avec le propriétaire du payeur et l'arrangement convenu pour permettre à l'appelante de se qualifier aux prestations de l'assurance-emploi. Par ailleurs, l'offre d'emploi à l'appelante pour un travail pour lequel elle n'avait aucune expérience ou aptitude et pour un nombre d'heures restreint servant à établir le quota nécessaire pour bénéficier des prestations d'assurance-emploi, contribue également à discréditer la preuve de l'appelante. En outre, certaines tâches que l'appelante devait exécuter, comme le lavage du plancher de la chambre à coucher de François Gagnon qui n'avait vraisemblablement rien à voir avec l'entreprise du payeur, contribue à mettre en doute la sincérité des parties dans toute cette entreprise. Cette situation a fait dire à la procureure du Ministre que l'appel de l'appelante n'avait rien de sérieux.

 

[18]    Un scénario semblable à celui de la cause sous étude faisait dire au juge Tardif de cette Cour dans l'arrêt Laverdière c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.I. no 124, ce qui suit :

 

            Par contre, je crois que le travail exécuté par l'appelant durant cette même période en 1992 ne constitue pas pour autant un véritable contrat de louage de services et ce, notamment, pour les raisons suivantes. Tout d'abord, seul un véritable contrat de travail peut rencontrer les exigences pour être qualifié de contrat de louage de services; un véritable contrat de louage de services doit regrouper certaines composantes essentielles dont une prestation de travail; son exécution doit être subordonnée à l'autorité du payeur de la rétribution. La rémunération doit être fonction de la quantité et qualité du travail exécuté.

 

Toute entente ou arrangement prévoyant des modalités de paiement de la rétribution non pas en fonction du temps ou de la période d'exécution du travail rémunéré, mais en fonction de d'autres objectifs tel tirer avantage des dispositions de la Loi, vicie la qualité du contrat de louage de services.

 

Et le juge Tardif, en poursuivant son analyse, écrit ce qui suit au paragraphe 51 :

 

La Loi n'assure que les véritables contrats de louage de services; un contrat de travail dont la rétribution n'est pas fonction de la période d'exécution du travail ne peut être définie comme un véritable contrat de louage de services. Il s'agit d'une entente ou d'un arrangement qui discrédite la qualité d'un véritable contrat de louage à ce qu'il associe des éléments étrangers à la réalité contractuelle exigée par la Loi.

 

[19]    À mon avis, il y a eu arrangement entre les parties impliquées dans le seul but de permettre à l'appelante de se qualifier aux prestations de l'assurance‑emploi.

 

[20]    En conséquence, cet emploi n'était pas assurable car il ne rencontrait pas les exigences d'un contrat de louage de services; il n'y avait pas de relation employeur-employée entre l'appelante et le payeur.

 

[21]    En raison de ce qui précède, l'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 18e jour de novembre 2003.

 

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


 

 

RÉFÉRENCE :

2003CCI765

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-718(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Cathy Bouchard et M.R.N.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

le 29 juillet 2003

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable S.J. Savoie,

juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :

le 18 novembre 2003

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

Me Christine Gagnon

 

Pour l'intimé :

Me Marie-Claude Landry

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

 

Pour l'appelante :

 

Nom :

Me Christine Gagnon

 

Étude :

Sullivan & Lavoie

La Malbaie (Québec)

 

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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