Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Dossier : 2002‑3372(EI)

ENTRE :

WESTERN VARIETIES WHOLESALE (1994) LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Richard Awid (2002‑3373(EI)), Kemal Awid (2002‑3374(EI)),

Theodore Awid (2002‑3375(EI)) et Lila Awid (2002‑3376(EI))

le 23 octobre 2003 à Edmonton (Alberta)

 

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions 

 

Avocat de l’appelante :

Me Deryk W. Coward

Avocate de l’intimé :

Me Brooke Sittler

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté conformément au paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est accueilli et la décision du ministre du Revenu national concernant l’appel porté devant lui en vertu de l’article 92 de la Loi est annulée compte tenu du fait que l’emploi de Richard Awid, de Kemal Awid, de Theodore Awid et de Lila Awid était un emploi exclu au sens de l’alinéa 5(3)b) de la Loi.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2003.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

 

Crystal Lefebvre, traductrice

 

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Dossier : 2002‑3373(EI)

ENTRE :

RICHARD AWID,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Western Varieties Wholesale (1994) Ltd. (2002‑3372(EI)),

Kemal Awid (2002‑3374(EI)), Theodore Awid (2002‑3375(EI))

et Lila Awid (2002‑3376(EI))

le 23 octobre 2003 à Edmonton (Alberta)

 

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions 

 

Avocat de l’appelant :

Me Deryk W. Coward

Avocate de l’intimé :

Me Brooke Sittler

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté conformément au paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est accueilli et la décision du ministre du Revenu national concernant l’appel porté devant lui en vertu de l’article 91 de la Loi est annulée compte tenu du fait que l’emploi de l’appelant était un emploi exclu au sens de l’alinéa 5(3)b) de la Loi.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2003.

 

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

 

Crystal Lefebvre, traductrice

 

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Dossier : 2002‑3374(EI)

ENTRE :

KEMAL AWID,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Western Varieties Wholesale (1994) Ltd. (2002‑3372(EI)),

Richard Awid (2002‑3373(EI)), Theodore Awid (2002‑3375(EI))

et Lila Awid (2002‑3376(EI))

le 23 octobre 2003 à Edmonton (Alberta)

 

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions 

 

Avocat de l’appelant :

Me Deryk W. Coward

Avocate de l’intimé :

Me Brooke Sittler

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté conformément au paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est accueilli et la décision du ministre du Revenu national concernant l’appel porté devant lui en vertu de l’article 91 de la Loi est annulée compte tenu du fait que l’emploi de l’appelant était un emploi exclu au sens de l’alinéa 5(3)b) de la Loi.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2003. 

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

 

Crystal Lefebvre, traductrice

 

 


 

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2002‑3375(EI)

ENTRE :

THEODORE AWID,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Western Varieties Wholesale (1994) Ltd. (2002‑3372(EI)),

Richard Awid (2002‑3373(EI)), Kemal Awid (2002‑3374(EI))

et Lila Awid (2002‑3376(EI))

le 23 octobre 2003 à Edmonton (Alberta)

 

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions

 

Avocat de l’appelant :

Me Deryk W. Coward

Avocate de l’intimé :

Me Brooke Sittler

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté conformément au paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est accueilli et la décision du ministre du Revenu national concernant l’appel porté devant lui en vertu de l’article 91 de la Loi est annulée compte tenu du fait que l’emploi de l’appelant était un emploi exclu au sens de l’alinéa 5(3)b) de la Loi.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2003.

 

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

 

Crystal Lefebvre, traductrice

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Dossier : 2002‑3376(EI)

ENTRE :

LILA AWID,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de

Western Varieties Wholesale (1994) Ltd. (2002‑3372(EI)),

Richard Awid (2002‑3373(EI)), Kemal Awid (2002‑3374(EI))

et Theodore Awid (2002‑3375(EI))

le 23 octobre 2003 à Edmonton (Alberta)

 

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions 

 

Avocat de l’appelante :

Me Deryk W. Coward

Avocate de l’intimé :

Me Brooke Sittler

 

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté conformément au paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est accueilli et la décision du ministre du Revenu national concernant l’appel porté devant lui en vertu de l’article 91 de la Loi est annulée compte tenu du fait que l’emploi de l’appelant était un emploi exclu au sens de l’alinéa 5(3)b) de la Loi.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2003.

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

 

Crystal Lefebvre, traductrice

 

 


 

 

 

 

Référence : 2003CCI817

Date : 20031117

Dossier : 2002‑3372(EI)

ENTRE :

WESTERN VARIETIES WHOLESALE (1994) LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2002‑3373(EI)

ET ENTRE :

RICHARD AWID,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2002‑3374(EI)

ET ENTRE :

KEMAL AWID,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2002‑3375(EI)

ENTRE :

THEODORE AWID,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


 

Dossier : 2002‑3376(EI)

ENTRE :

LILA AWID,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Miller

 

[1]     Les cinq appels en l’espèce ont été interjetés, conformément à la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »), par la famille Awid et par Western Varieties Wholesale (1994) Ltd., (la « compagnie ») afin d’en appeler de la décision rendue par le ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle les quatre appelants sont estimés n’avoir aucun lien de dépendance avec la compagnie. Le ministre a conclu que, conformément à l’article 5 de la Loi, les Awid auraient conclu des contrats de travail à peu près semblables s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance avec la compagnie.

 

[2]     Richard Awid, Kemal Awid, Theodore Awid (Ted) et Lila Awid, les appelants, soutiennent que, pendant la période du 1er janvier 2001 au 7 mars 2002, ils avaient un lien de dépendance avec la compagnie et, par conséquent, leur emploi était un emploi exclu. Comme cela a été bien établi dans les affaires de cette nature, cela constitue une procédure à deux étapes. La première étape consiste à examiner la décision du ministre rendue en vertu de l’alinéa 5(3)b) de la Loi, en tenant compte des faits tels qu’ils ont été établis au procès, afin de déterminer si la décision rendue est légitime et raisonnable. La deuxième étape survient uniquement si l’on conclut que la décision du ministre n’était ni raisonnable ni légitime, auquel cas, la Cour doit prendre sa propre décision quant à l’applicabilité de l’alinéa 5(3)b).

 

[3]     Tous les quatre appelants ont témoigné, ainsi que leur frère Jim Awid, un ancien actionnaire de la compagnie. Les appelants représentent quatre des seize frères et sœurs. Ayant émigré premièrement à Winnipeg, au Manitoba, avant de déménager en Alberta, leur père a ouvert quelques magasins à Edmonton. Les deux frères aînés des appelants se sont lancés dans l’entreprise de gros et, dans les années 50, ils ont acheté leur propre entreprise. Ils avaient premièrement une entreprise de tissus et d’articles de mercerie et, dans les années 60, ils ont agrandi l’entreprise pour y inclure des articles de cadeaux. Ils faisaient affaire sous le nom de Western Varieties Wholesale. Un certain nombre des frères et des sœurs travaillaient dans l’entreprise.

 

[4]     En 1993‑1994, la compagnie éprouvait des difficultés financières, et les maladies des frères aînés ont amené Kemal, Theodore, Lila et Jim à songer à reprendre la gestion de l’entreprise familiale sous les auspices de Western Varieties Wholesale (1994) Ltd. Comme ils l’ont expliqué, ils ne voulaient pas que le nom disparaisse. Ils croyaient clairement qu’il y existait un achalandage lié au nom « Western Varieties ». Ils ont pris les mesures relatives au financement avec la Banque Canadienne Impériale de Commerce (CIBC) en engageant chacun leur régime enregistré d’épargne‑retraite à titre de bien donné en garantie. Ils ont continué avec leurs responsabilités respectives, bien qu’ils le fassent maintenant, à titre de propriétaires de 25 p. 100 du capital respectivement. Ils se sont donnés des titres de poste : Kemal était le directeur général, Theodore était le gérant, Lila était la directrice de bureau et Jim était le président. Il ressort clairement de leur témoignage que cela était plutôt pour concilier les formalités des exigences de la banque que d’un véritable désir d’avoir des titres. Il n’existait aucune description de travail écrite. Deux d’entre les quatre étaient nécessaires aux fins du pouvoir de signature auprès de la banque.

 

[5]     Tandis que je décrirai, plus loin, chacun de leur rôle en détail, il existait un thème constant ressortant de leurs éléments de preuve que chacun d’entre eux, y compris Richard, ferait ce qu’il fallait afin de maintenir leur entreprise en activité. Cela comprenait la préparation du café, les relations avec les clients, le pelletage de la neige, la livraison et le ramassage, les services bancaires par messager, l’obtention des commandes et la liste continue.

 

[6]     Les quatre actionnaires tenaient des assemblées générales d’actionnaires régulièrement afin de prendre des décisions importantes. Ils votaient auxdites assemblées. Richard était invité à y assister.

 

[7]     Lorsque les quatre frères et sœur ont repris la gestion en 1994 l’entreprise n’avait pas les moyens de les rémunérer; toutefois, après quelques mois, ils ont reçu un salaire minimum. Quelques mois plus tard, suivant l’avis de leur comptable, chacun a accepté un salaire de 3 250 $ par mois. Ils recevaient une petite avance au milieu du mois et le solde à la fin du mois. À titre de directrice de bureau du groupe, Lila était au courant de la situation financière de la compagnie et, de temps à autre, elle était des semaines sans encaisser son chèque. Aucune prime n’a jamais été payée. Les profits demeuraient dans l’entreprise familiale. Les salaires mensuels au montant de 3 250 $ n’ont pas été modifiés depuis le milieu des années 90 et, sauf pour l’encaissement de chèques différés de Lila, ils étaient payés régulièrement et systématiquement.

 

[8]     L’entreprise de la compagnie consistait en la vente en gros, servant des clients principalement dans l’Ouest canadien en leur fournissant une diversité de tissus et d’articles de mercerie, d’articles de ménage, de vêtements, de linge de maison, d’articles de cadeaux et de jouets. Elle trouvait également, à l’occasion, des produits particuliers, tels que des réfrigérateurs et des poêles‑cuisinières pour des clients données. Une partie importante de l’entreprise de la compagnie consistait à fournir les jouets aux clients pour leurs réceptions de Noël. Kemal estime que cela représente entre 50 p. 100 et 70 p. 100 de l’entreprise de la compagnie. Cela supposait la recherche de jouets nécessitant un voyage à Montréal et à Toronto dans la nouvelle année, leur expédition à l’entrepôt, leur emballage, leur étiquetage et leur livraison. La période de la mi‑octobre à la mi‑décembre représentait systématiquement la haute saison de la compagnie. Cela nécessitait l’embauche de dix à quinze employés. Durant le reste de l’année, les quatre appelants et, jusqu’à la fin de 2001, Jim Awid, le frère aîné, avaient la capacité de gérer l’entreprise avec deux ou trois autres membres du personnel et, de temps en temps, avec un aide‑comptable. Jan Watson, un membre du personnel à plein temps, travaillait au sein de l’entreprise familiale depuis plus de 25 années.

 

[9]     Durant la haute saison, l’entreprise ouvrait le samedi en plus de ses heures normales d’ouverture, soit du lundi au vendredi. Toutefois, les appelants travaillaient jusque tard dans la soirée pendant cette période de deux mois. Je dépeindrai maintenant le portrait de la convention d’emploi de chacun des appelants, de Jim Awid et de Jan Watson.

 

Kemal Awid

 

[10]    Puisqu’il faisait souvent affaire avec l’Est du Canada, Kemal commençait ses journées à 6 h 30. En règle générale, du mois de janvier au mois d’octobre, il quittait le lieu de travail à l’heure de clôture – 16 h 30. Les samedis, il travaillait souvent une demi‑journée. Durant la haute saison, il travaillait jusqu’à 21 h ou 22 h.

 

[11]    La responsabilité principale de Kemal consistait en l’achat de tissus et d’articles de mercerie qui n’étaient pas des jouets, tels que des articles de ménage. Il faisait le voyage annuel dans l’Est du pays avec Ted et l’aidait avec la période de Noël. Il aidait également les autres par tous les moyens nécessaires. Il a indiqué qu’il croyait être très sous‑payé en gagnant probablement un peu plus que le salaire minimum. Pourquoi l’a‑t‑il fait? Parce que c’était une entreprise familiale comprenant des clients fidèles et il en prenait plaisir.

 

[12]    Lorsqu’on lui a posé des questions portant sur ses vacances, il semblait être un peu perplexe quant à ce à quoi il aurait droit. Il n’avait pris que cinq journées dans les deux ou trois dernières années. Il est devenu évident que la famille Awid ne prenait simplement pas de congés payés. Il appelait le bureau, même lors d’une journée de congé et entrait travailler si cela était nécessaire. Il croyait qu’il pouvait aller et venir à sa guise durant la journée et il le faisait lors des commissions pour l’entreprise, mais il limitait ses commissions personnelles.

 

[13]    Kemal admet également qu’il a utilisé sa propre voiture aux fins de l’entreprise (par exemple, des livraisons et des services bancaires par messager) sans jamais avoir facturé la compagnie pour les frais d’automobile qui y étaient liés. Il utilisait également, à l’occasion, ses propres outils lorsque quelque chose devait être réparé. Il engageait également des dépenses accessoires pour les repas avec des clients ou lors des foires commerciales, ce qui n’était pas facturé à la compagnie.

 

[14]    Kemal a expliqué que rien d’officiel n’était établi pour un congé de maladie payé mais que les membres de la famille étaient payés alors que les employés n’ayant aucun lien familial ne l’étaient pas. Il a décrit son travail comme important pour l’entreprise et dans le cadre duquel il a fait preuve d’une grande compétence.

 

Theodore (Ted) Awid

 

[15]    Ted a confirmé que les titres de postes que chacun des frères et sœur se sont donnés constitueraient uniquement des titres aux fins bancaires. Bien qu’il ait également admis qu’il s’occupait de l’expédition et de la réception, de l’emballage, de la conciergerie, des relations avec les clients, de la livraison, et même, à l’occasion, des opérations bancaires, il a décrit ses fonctions comme essentiellement liés à l’achat de jouets pour les clients de Noël. En fait, il faisait tout ce qui devait être fait. S’il ne pouvait pas s’occuper de quelque chose, les autres l’aidaient. Il n’existait aucune description de travail officielle.

 

[16]    Ted a pu seulement deviner le montant de son salaire net, bien que ce montant ne semble pas le préoccuper sinon qu’il considérait que cela était très peu élevé pour les fonctions qu’il exerçait. Selon lui, il recevrait trois fois ce salaire ailleurs. Il a déclaré que, du mois de janvier au mois d’octobre, il travaillait des semaines de 50 à 60 heures et des semaines de 80 heures lors de la haute saison de Noël. Lui aussi travaillait parce qu’il y prenait plaisir, et cela représente simplement ce qui est fait dans une entreprise familiale. Il a indiqué qu’au début, il a été obligé de tirer des fonds de son compte d’épargne afin de pouvoir joindre les deux bouts.

 

[17]    Comme les autres membres de sa famille, Ted a pris des vacances minimes en ne citant que trois semaines dans les quatre dernières années, toutefois, en indiquant qu’il aurait pu en prendre plus s’il l’avait voulu. Tandis qu’il croyait qu’il pouvait aller et venir à sa guise, il essayait de ne pas faire des affaires personnelles durant les heures normales d’ouverture.

 

[18]    Ted a apporté quelquefois ses propres outils au travail pour effectuer des réparations et il n’a jamais facturé la compagnie, ni à cet égard, ni pour l’utilisation de sa propre automobile, ni pour d’autres dépenses accessoires mineures telles que, de temps à autre, le déjeuner des clients.

 

Richard Awid

 

[19]    Richard a été professeur pendant de nombreuses années, mais lorsqu’il a pris sa retraite en 1999, il s’est joint à ses frères et à sa sœur au sein de l’entreprise familiale. Lorsqu’il était jeune, il aidait souvent dans les affaires de l’entreprise. Son poste était essentiellement lié à l’aspect de l’entreprise ayant trait à la réception de Noël pour les enfants, ce qui comportait l’emballage et la livraison de 40 000 à 50 000 cadeaux. Il a indiqué qu’une telle quantité exigeait un effort durant toute l’année. Lui aussi effectuait des travaux divers à son lieu de travail, y compris le remplacement de lumières, le lavage des planchers, la livraison et le ramassage, les services bancaires par messager et l’emballage. Comme il l’a dit, il y existait toujours un certain chevauchement avec les autres postes.

 

[20]    Contrairement aux autres, Richard n’était pas un actionnaire. Il pointait une fiche de présence et se faisait rémunérer sur une base horaire (8,50 $ par heure); cependant, il a indiqué qu’il a passé beaucoup de temps au sein de l’entreprise dont on n’a pas tenu compte. Il estime qu’il travaillait des semaines de travail de 50 à 55 heures mais qu’il pointait uniquement 40 heures. Pourquoi? – parce que, selon le thème universel – cela était une entreprise familiale. Il voyait les heures supplémentaires comme un don d’heures pour aider la famille. Il croyait qu’il pouvait demander une augmentation de salaire, mais il ne voulait pas le faire puisqu’il ne voulait pas avoir une tranche d’imposition plus élevée. Il croyait qu’il pouvait prendre des congés lorsqu’il le voulait et qu’il pouvait aller et venir à sa guise. Parfois il pointait à son arrivée, parfois il ne pointait pas. Il apportait au travail quelques outils, tels que des pinces ou des pelles à neige, lorsque cela était nécessaire. Il utilisait également son véhicule personnel sans y facturer la compagnie.

 

[21]    En relisant le questionnaire sur l’emploi de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) lors du contre‑interrogatoire, que Richard a signé, il a admis la présence de plusieurs erreurs dans les réponses. Par exemple, il ne possédait pas d’actions et il n’était pas l’administrateur de la compagnie. Il est évident que les questionnaires des quatre appelants étaient identiques, peu importe les circonstances particulières.

 

[22]    Richard assistait parfois aux assemblées générales d’actionnaires, bien qu’il ne soit pas actionnaire, et il prenait part aux décisions importantes qui avaient une incidence sur l’entreprise des réceptions de Noël.

 

Lila Awid

 

[23]    Lorsque Lila et ses trois frères, Jim, Kemal et Ted, ont décidé de reprendre la gestion de l’entreprise familiale, en 1994, aucun d’entre eux n’a été embauché comme tel pour aucun poste en particulier. Elle a simplement continué de faire ce qu’elle avait fait auparavant pour ses deux frères aînés lorsqu’ils étaient responsables de la gestion; c’est‑à‑dire, s’occuper de la majorité du travail de bureau. Cela comprenait la responsabilité des comptes créditeurs, des comptes débiteurs, du classement, des relations avec les clients, de l’expédition, du nettoyage, des commandes, de la livraison et du ramassage, de l’emballage et, comme elle le dit, « de tout ». Elle a même régulièrement fourni de la nourriture aux membres du personnel et aux clients. Lors de la période de Noël, sa famille et elle ont fourni, sans frais à la compagnie, toute la nourriture pour la fête de bureau.

 

[24]    Lila tirait le même salaire que ses frères, parce que, selon elle, ils voulaient être juste l’un envers l’autre. Dès le début, en 1994, elle n’a rien tiré pendant plusieurs semaines et, afin de survivre, elle a tiré des fonds de son compte d’épargne. Depuis, si le financement le justifiait, elle était plusieurs semaines ou mois sans encaisser son chèque. Elle estimait qu’elle avait travaillé des semaines de 60 à 65 heures en dehors de la haute saison et des semaines de 80 à 85 heures durant la haute saison de Noël. Elle croyait qu’elle était [traduction] « absolument sous‑payée » et le faisait uniquement parce que cela était une entreprise familiale – elle l’avait dans son sang.

 

[25]    Lila a soutenu qu’elle n’avait pas pris de vacances depuis 1980 et présumait avoir accumulé probablement 20 ans de vacances. En 2001, elle était en congé de maladie pour plusieurs mois en raison d’une blessure au pied. Elle a été avisée par un agent de l’assurance‑emploi qu’elle ne pouvait pas recevoir de prestations d’emploi pendant cette période. La compagnie lui a, en bout de ligne, payé son salaire pendant qu’elle était en congé de maladie.

 

Jim Awid

 

[26]    Jim Awid n’était pas un appelant. Il est le frère des appelants et l’ancien président de la compagnie. Il s’est querellé avec les autres en 2001, a démissionné et leur a vendu sa participation de 25 p. 100. Il y a eu peu de communications, s’il y en a eu, entre Jim et les autres depuis cette époque. Il est un peu amer. Les appelants ont avancé de façon unanime que la raison du départ de Jim découle de sa réticence à signer, avec les autres, pour les emprunts de sociétés. Jim a dépeint un portrait quelque peu différent en ce qu’il croyait que la compagnie sollicitait un emprunt beaucoup trop élevé et qu’il ne voulait pas s’engager à ce point, mais qu’il aurait accepté le montant moindre négocié au bout du compte. Alors que les appelants ont fait preuve de prudence dans leurs descriptions du départ de Jim, il était évident qu’il existait entre eux un sentiment que Jim ne fournissait pas sa part d’effort. Malheureusement, cela a créé une rupture au sein de la famille.

 

[27]    Le point de vue de Jim concernant la rétribution et les heures travaillées par ses frères et sa sœur diffère de celui des appelants. Selon lui, Ted et Lila étaient surpayés pour les fonctions qu’ils exerçaient. Étant donné l’acrimonie familiale, j’accorde moins de poids au témoignage de Jim à cet égard.

 

Jan Watson

 

[28]    Mme Watson n’a pas témoigné. Elle était la seule employée à long terme (25 années) sans lien familial. Elle non plus n’était pas une appelante. Selon les appelants, elle connaissait bien l’entreprise, mais pas assez pour remplacer Lila à juste titre durant son congé de maladie. Mme Watson travaillait dans le magasin et non dans le bureau. Elle pointait à son arrivée et elle était payée un salaire horaire. Elle a également travaillé de longues heures durant la haute saison pour laquelle elle s’est fait payer pour ses heures supplémentaires. Elle ne prenait pas part aux décisions prises par la famille concernant les questions importantes qui touchaient l’entreprise. Elle relevait principalement de Kamal, mais également des autres.

 

[29]    En résumé, pour ce qui est de l’entente de travail, la famille Awid représente un groupe qui travaille très fort, qui est loyal envers leur entreprise et qui est certes préparé à faire ce qui doit être fait pour rester viable. Ils ne se distinguent pas entre eux par leurs titres de poste, ni par les différents chapeaux qu’ils portent, que ce soit celui d’actionnaire, d’administrateur ou d’employé. Ils prennent les décisions importantes en groupe et essayent toujours d’en venir à un consensus.

 

[30]    M. Orest Slywka, l’agent des appels du Régime de pensions du Canada (RPC) et de l’assurance‑emploi (a.‑e.) a également témoigné. À titre d’agent des appels, il a examiné la compagnie comme il le ferait pour tout autre dossier, comme un nouvel appel. Même si tout ce qu’il avait devant lui était le dossier des décisions rendues, il a admis qu’il n’avait pas à faire montre de retenue à l’égard de l’agent d’assurabilité. Sur réception du dossier, il a envoyé des questionnaires aux Awid et à la compagnie et il a reçu quatre questionnaires identiques provenant des appelants ainsi que le questionnaire de l’entreprise. Après avoir examiné les questionnaires et le rapport de l’agent d’assurabilité, il a noté des contradictions. Selon lui, le rapport des décisions était plus significatif. Il n’a pas fait un suivi des Awid. Il s’est fondé sur le site Web des normes provinciales du travail pour en conclure que la rétribution des appelants correspond à ce qui est offert dans le marché, bien qu’elle soit au bas de l’échelle en comparaison des autres postes de commerce semblables. Le 29 mai 2002, il a communiqué un rapport CPT110 dans lequel on recommande qu’il soit reconnu que les Awid exerçaient un emploi assurable. Cela a été envoyé à Ronald Smith, son superviseur, qui a signé la décision le lendemain et qui l’a envoyée aux appelants le même jour. Elle exposait ce qui suit[1] :

 

[traduction]

 

Il a été décidé que cet emploi était assurable selon les raisons suivantes : Kemal Awid, Theodore Awid et Lila Awid étaient engagés en vertu de contrats de louage de services et, pour ces motifs, ils étaient vos employés. Le ministre est convaincu que vous auriez conclu un contrat à peu près semblable avec Kemal Awid, Theodore Awid et Lila Awid si vous n’aviez au aucun lien de dépendance.

 

Analyse

 

[31]    Me Coward, l’avocat des appelants, a établi le contexte de la question en litige des appels en l’espèce de la manière suivante. Depuis qu’ils ont repris la gestion de l’entreprise en 1994, les appelants Awid ont toujours payé des cotisations d’assurance‑emploi. Mais, à titre d’employés ayant un lien de dépendance, ils auraient dû, de prime abord, être exclus du régime d’assurance‑emploi. C’est ce qu’exige l’alinéa 5(2)i). Ils ne seront soumis au régime d’assurance‑emploi que si le ministre est convaincu, en vertu de l’alinéa 5(3)b), qu’il est raisonnable de conclure qu’ils auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance. En conséquence, les appelants ont continué de payer les cotisations. Maintenant, ils veulent que ces cotisations leur soient remboursées. Il ne s’agit pas d’une situation où les appelants veulent être soumis au régime et où ils essaient de convaincre le ministre que l’emploi ne comportait pas de lien de dépendance. Il s’agit du ministre qui essaie de se convaincre que le régime s’applique aux appelants réticents. Cela semble aller contre le questionnaire du gouvernement qui énonce que les employés doivent fournir des détails de l’entente de travail afin de convaincre le ministre que l’entente était en fait différente.

 

[32]    La Couronne soutient que, nonobstant le questionnaire, la loi exprime clairement que le ministre doit être convaincu de ce point, mais cela n’impose pas aux appelants le fardeau de convaincre le ministre. Le devoir du ministre est de simplement prendre une décision fondée sur les facteurs non exhaustifs cités dans l’article lui‑même. Il est utile, à ce stade, de reproduire l’article en question :

 

5(3)      Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

 

             [...]

 

b)         l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

 

Me Coward a insisté que l’alinéa 5(3)b) constitue une mesure corrective visant à aider les employés liés qui seraient par ailleurs exclus.

 

[33]    Afin que je puisse examiner la décision du ministre et la remplacer avec ma propre décision, il faut établir ce qui suit :

 

a)       le ministre a agi de mauvaise foi ou pour un motif irrégulier ou il a violé un principe de droit;

          b)      il a omis de tenir compte de toutes les circonstances pertinentes;

          c)       ou il a tenu compte de facteurs non pertinents.

 

[34]    En ce qui concerne la première partie de cette analyse tripartite, je suis convaincu qu’il n’y existe aucune preuve de mauvaise foi ou de motif irrégulier. Il s’agit de savoir si le ministre a agi illégalement en violant des principes de justice naturelle. Les appelants soutiennent que le ministre a agi illégalement, et ils citent les cas de violations suivants :

 

i)        il est parvenu à une décision en se fondant principalement sur le dossier de décision, lequel n’a jamais été communiqué aux appelants;

 

ii)       à l’étape des appels, un réexamen selon l’agent des appels; ce dernier a reçu les questionnaires des appelants qui contredisaient des parties du rapport des décisions qui n’ont rien modifié sinon que d’écarter les réponses des questionnaires;

 

iii)      le superviseur de l’agent des appels a envoyé des avis de la décision aux appelants le lendemain de la réception des recommandations de l’agent des appels, en n’offrant comme explication des motifs des décisions qu’une simple répétition de l’alinéa 5(3)b).

 

[35]    Bien que l’intimé admette que la procédure laisse à désirer, son avocate soutient que le ministre a fait tout ce qui était exigé par la loi. Les appelants avaient deux occasions d’énoncer clairement leur position – premièrement à l’agent d’assurabilité et deuxièmement à l’agent des appels par l’entremise du questionnaire. L’intimé demande combien d’autres occasions le ministre doit offrir. Et, oui, l’intimé est d’accord que l’avis n’est pas long, mais il indique que le ministre a estimé que les contrats de travail étaient à peu près semblables à des contrats de travail entre des parties n’ayant pas de lien de dépendance. Aucun principe de justice naturelle n’a été violé, compte tenu surtout de la dernière occasion des appelants à en faire appel devant cette Cour.

 

[36]    Si l’appel devant cette Cour portait simplement sur la révision de la question de fond, je serais peut‑être d’accord avec l’intimé sur ce dernier point, mais la présente audience est plutôt de la nature d’une révision judiciaire de la décision du ministre. Les principes de justice naturelle devraient être appliqués à la procédure avant de cogner à la porte de la Cour de l’impôt plutôt que de voir cette Cour comme une sorte de sauveur des principes de justice naturelle pour des appelants tels que les Awid.

 

[37]    À l’appui de la conclusion selon laquelle les actes du ministre étaient illégaux, les appelants m’ont renvoyé à ma décision dans l’affaire Bancheri v. M.N.R.[2]. La situation dans cette affaire comportait un élément de mauvaise foi qui ne se trouve pas en l’espèce. À défaut de mauvaise foi, les lacunes de la procédure appliquée en l’espèce par le gouvernement, qui sont exposées adéquatement dans les trois points ci‑dessus, constituent-elles une violation suffisante pour justifier une révision? Avant de répondre à cette question, j’ajouterais que l’envoi du questionnaire aux appelants, de par sa formulation, leur imposant le fardeau de prouver que les contrats de travail en l’espèce sont différents des contrats de travail entre des parties n’ayant pas un lien de dépendance, constitue une lacune supplémentaire de la procédure.

 

[38]    Le ministre est tenu, comme l’avocate de l’intimé l’a fait observer, de prendre une décision objective. Le fait que les Awid soient exclus par leur relation non indépendante constitue le point de départ législatif. L’approche du ministre, par l’intermédiaire des questionnaires, selon laquelle il exige que les Awid prouvent la dissimilitude entre leurs contrats et des contrats entre des parties n’ayant pas de lien de dépendance, est trompeuse et elle ne représente certainement pas une approche objective.

 

[39]    Le fait de se fonder sur le rapport des décisions, qui n’a jamais été communiqué aux appelants, n’est pas en soi déterminant quant à savoir s’il y a procédure injuste, mais le fait de s’y fier en raison de contradictions entre ce dernier et les réponses des questionnaires subséquents, sans offrir aux Awid l’occasion d’expliquer ces contradictions, constitue un grave déni du droit d’être entendu. L’agent des appels n’a jamais adressé la parole aux Awid. Il n’a pas communiqué avec eux pour leur demander une explication des différences entre leurs réponses écrites dans le questionnaire et les réponses orales données à une autre personne. Si le questionnaire avait été conforme au rapport des décisions, un suivi n’aurait peut‑être pas été nécessaire. Mais, en admettant qu’il s’est simplement fondé plus sur le rapport des décisions sans communiquer davantage avec les appelants, l’agent des appels a nié le droit des appelants de répondre, le droit d’être entendu.

 

[40]    En dernier lieu, la formulation de la décision ne constitue pas en soi une violation assez grave pour justifier une révision. Il ne suffit pas de simplement répéter les dispositions de la Loi. Cela dit, je ne propose pas qu’un tome de 25 pages sur le sujet soit nécessaire, mais certainement une élaboration des facteurs sur lesquels la décision était fondée. Par exemple, en examinant le facteur de la rétribution, il serait utile d’avoir un énoncé qui précise qu’il y a eu une comparaison entre la rétribution des appelants et les renseignements obtenus des normes du travail et qu’elle a été trouvée à correspondre à l’échelle du marché, bien qu’au bas de l’échelle. Il serait également utile aux appelants de voir une certaine référence à la régularité de la rétribution. Cela ne nécessite pas des heures de travail. Je le dis parce que je suis conscient de l’application pratique d’une préoccupation afférente à la procédure du ministre. Est‑ce que ces préoccupations se transforment en des procédures coûteuses, longues et à forte main‑d’œuvre pour lesquelles le gouvernement est peut‑être à court de personnel? Je ne le crois pas. La réponse ne consiste pas en plus d’agents des appels qui consacreraient beaucoup plus de temps. La réponse consiste en une bonne divulgation, en des questionnaires objectifs, un suivi approprié lorsque cela est justifié, terminant avec des motifs faciles à comprendre qui ne sont pas limités à une simple répétition de la loi. Ce ne sont pas des violations flagrantes qui nécessitent un effort monumental pour les corriger, mais ajoutées les unes aux autres, elles justifient l’intervention de la Cour.

 

[41]    Bien que, fondé sur mes conclusions auxquelles je suis parvenu jusqu’à maintenant, je sois prêt à examiner la décision du ministre, je peux arriver à la même conclusion en examinant les deux autres étapes de la première partie de l’analyse; c’est‑à‑dire, les questions de savoir si le ministre a omis de tenir compte de facteurs pertinents ou s’il a tenu compte de facteurs non pertinents. Le juge Marceau a précisé cet aspect de l’examen dans l’affaire Légaré c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.).[3]

 

[4]      La Loi confie au ministre le soin de faire une détermination à partir de la conviction à laquelle son examen du dossier peut le conduire. L'expression utilisée introduit une sorte d'élément de subjectivité et on a pu parler de pouvoir discrétionnaire du ministre, mais la qualification ne devrait pas faire oublier qu'il s'agit sans doute d'un pouvoir dont l'exercice doit se fonder pleinement et exclusivement sur une appréciation objective des faits connus ou supposés. Et la détermination du ministre n'est pas sans appel. La Loi accorde, en effet, à la Cour canadienne de l'impôt le pouvoir de la réviser sur la base de ce que pourra révéler une enquête conduite, là, en présence de tous les intéressés. La Cour n'est pas chargée de faire la détermination au même titre que le ministre et, en ce sens, elle ne saurait substituer purement et simplement son appréciation à celle du ministre : c'est ce qui relève du pouvoir dit discrétionnaire du ministre. Mais la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement en tenant compte du contexte où ils sont survenus, et après cette vérification, elle doit décider si la conclusion dont le ministre était « convaincu » paraît toujours raisonnable.

 

[42]    En comprenant maintenant le contexte tel qu’il a été présenté au procès, les faits de l’espèce sur lesquels le ministre s’est fondé sont-ils réels et bien saisis? Comme l’examen de ces faits énoncés dans la Réponse de l’intimé le montrera, je ne le crois pas. Il n’est pas nécessaire d’examiner chacun des faits qu’a fait valoir l’intimé, mais j’en soulignerai plusieurs qui m’ont convaincu sur ce point. Tous les renvois sont au paragraphe 7 de la Réponse à l’avis d’appel du ministre.

 

[traduction]

 

7          Pour prendre sa décision, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

             [...]

 

f)          Kemal Awid a été embauché comme directeur général, et ses fonctions comprenaient la surveillance de l’exploitation de l’entreprise, l’achat des articles de ménage et de divers articles, l’embauche du personnel, les relations avec les clients et le fait de donner un coup de main durant la période de Noël;

 

g)         Theodore Awid a été embauché comme gérant, et ses fonctions comprenaient la surveillance de l’achat de jouets et d’autres marchandises;

 

h)         Lila Awid a été embauchée comme directrice de bureau, et ses fonctions comprenaient la responsabilité des comptes débiteurs et créditeurs, la tenue de la comptabilité, les écritures, les questions de fret, la supervision du personnel de bureau, l’embauchage et les relations avec les clients;

 

i)          Richard Awid a été embauché en vue d’organiser les cadeaux de Noël pour les réceptions de Noël des clients et de solliciter de nouveaux clients;

 

[43]    Ces énoncés indiquent tous qu’un « embauchage » a eu lieu pour des postes précis et identifiables. Cela ne représente simplement pas le contexte. Personne n’a en fait embauché les quatre appelants à ce titre et certainement pas pour des postes précis. Kemal, Lila et Ted étaient des membres de la famille qui continuaient d’exercer les mêmes fonctions qu’ils exerçaient depuis des années, toutefois, en 1994, en devenant les propriétaires et tout ce que cela entraînait (précisément les nouvelles fonctions d’actionnaires et d’administrateurs), ils ont consenti de se donner des titres de poste à des fins bancaires. Il n’y a eu aucun embauchage officiel ou aucune description de travail. Les Awid ont simplement agi à titre de propriétaires d’entreprise et de gestionnaires d’entreprise et ils ont convenu de faire ce qui était nécessaire pour garder l’entreprise viable. Au sujet de Richard, il est évident qu’à sa retraite, il avait toute liberté de joindre l’entreprise familiale de la même manière que le reste de la famille; c’est‑à‑dire, tu travailles aussi longtemps et aussi fort que cela est nécessaire.

 

[44]    7l)        [traduction] Les salaires des employés n’étaient pas déraisonnables. M. Slywka a témoigné qu’il avait comparé les salaires des Awid à ceux des représentants de commerce, fondé sur un site Web des normes provinciales du travail. Il a admis que la limite supérieure de ces renseignements représentait un salaire annuel de plus de 125 000 $ et que les salaires des Awid se situaient au bas de l’échelle. Le témoignage des appelants était unanime ‑ ils croyaient qu’ils étaient sous‑payés. Ils ont seulement travaillé pour la compagnie à ce salaire parce qu’elle constituait une entreprise familiale. Ils tiraient le même salaire que lorsqu’ils ont repris la gestion de l’entreprise en 1994. Kemal, Ted et Lila ont tous travaillé au sein de l’entreprise pendant des années. Il ne s’agissait pas d’employés moins anciens qui débutaient mais de personnes dans la cinquantaine et la soixantaine à la fin plutôt qu’au début de leurs carrières. Ce contexte me convainc que l’évaluation de la Couronne selon laquelle les salaires n’étaient « pas déraisonnables » ne décrit pas la situation avec exactitude.

 

[45]    7p)       [traduction] Un service de paye s’occupait de la paye des appelants. Cela n’était pas le cas.

 

[46]    7t)        [traduction] Les employés avaient droit à des vacances payées. Bien que les appelants aient reconnu qu’ils avaient droit à des vacances payées, ils étaient tous confus quant à ce que cela voulait réellement dire. La réponse de Lila précisant qu’elle croyait avoir droit à « 20 ans » de vacances payées plutôt qu’à deux ou à trois semaines comme on aurait été enclin à croire, était révélatrice. Les appelants n’ont pas pris de vacances considérables. Au cours des quelques jours de congé qu’ils ont pu prendre, ils se sentaient obligés de rester en communication avec le bureau. J’estime que l’omission de tenir compte de toutes les circonstances de la question des vacances payées constitue une omission importante de faits pertinents.

 

[47]    7y)       [traduction] En règle générale, les employés n’allaient et ne venaient pas à leur guise. Bien que les appelants aient admis qu’en règle générale, ils n’allaient et ne venaient pas à leur guise, cela ne découlait pas d’une obligation contractuelle (en fait, ils croyaient tous qu’ils pouvaient aller et venir à leur guise et ils l’ont fait dans une faible mesure) mais plutôt de leur dévouement à leur entreprise familiale.

 

[48]    7cc)     [traduction] Les appelants ont fourni tous les outils et les équipements nécessaires, y compris un lieu de travail tout équipé. Le fait que les appelants se fiaient à leurs propres voitures pour les aider à remplir leurs obligations constitue un écart flagrant par rapport à cet énoncé. Aucuns frais n’ont été facturés à la compagnie pour cette utilisation. Un autre point mineur consiste en ce que les appelants ont indiqué qu’ils apportaient leurs propres outils, tels que des tournevis ou des marteaux, pour effectuer des réparations mineures.

 

[49]    7dd)     [traduction] Les employés n’ont pas engagé de dépenses dans l’exercice de leurs fonctions. Les appelants ont indiqué que, lorsqu’ils faisaient affaire avec des clients, ils se chargeaient de temps à autre des dépenses accessoires telles que des déjeuners et souvent, sans les facturer à la compagnie.

 

[50]    Je conclus de ces exemples que le fondement de la décision du ministre est susceptible de révision puisque les faits n’ont pas été bien saisis, à savoir en tenant compte du contexte de l’entreprise familiale et des modalités par lesquelles les Awid exploitaient l’entreprise. Je crois que les Awid ont présenté de nouveaux faits et nous ont fourni un contexte qui indique que les faits sur lesquels le ministre s’est fondé ont été mal interprétés.

 

[51]    Ayant conclu que la décision du ministre est susceptible de révision et pour passer à la deuxième étape de l’analyse, je dois déterminer si les appelants et la compagnie sont réputés n’avoir aucun lien de dépendance; c’est‑à‑dire, s’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[52]    Il ne s’agit pas d’un cas d’emplois fictifs pour les membres d’une même famille. La question à savoir si les postes tenus par les appelants sont légitimes ne se pose simplement pas. Il s’agit de l’histoire d’une famille de travailleurs acharnés où la hiérarchisation des responsabilités se chevauche entre les membres de la famille, où les décisions sont prises par un consensus et où le travail est toute leur vie. Le mot « vacances » semble être un mot honteux. Par conséquent, en tentant de répondre à la question portant sur la similarité importante avec un contrat entre deux personnes n’ayant pas de lien de dépendance, je ne fais pas face au dilemme habituel d’être convaincu qu’il existe assez de marques d’un travail à plein temps, légitime, pertinent et important. Là n’est pas la question. En l’espèce, il ne fait aucun doute que les quatre appelants se livraient à un emploi valable et à plein temps à l’égard duquel ils ont fait preuve d’une grande compétence. La question est de savoir si les circonstances d’un tel emploi sont à peu près semblables à un contrat de travail entre des parties n’ayant pas de lien de dépendance. Certes, aucun des appelants n’était de cet avis. Chacun d’eux n’arrivait pas à croire que quelqu’un envisagerait de travailler dans ces conditions autrement que dans une entreprise familiale. Je dois indiquer qu’à leur propre demande, aucun des appelants n’était présent pour entendre le témoignage des autres.

 

 

[53]    L’intimé indique que ce type de situation d’emploi familial représente exactement ce que vise l’alinéa 5(3)b).

 

[54]    La loi exige que j’examine «  [...] toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli [...] ».

 

 

 

 

Rétribution

 

[55]    En 1994, Ted, Kemal et Lila se sont lancés dans l’entreprise de gros à titre de propriétaires et de gestionnaires en tirant un petit salaire. Ils ont décidé, après quelques mois et suivant l’avis de leur comptable, que chacun d’eux tirerait un salaire au montant de 3 250 $ par mois, un salaire qui demeure, à ce moment, inchangé. Quoique le montant se situe dans les limites de ce qu’une personne ayant un poste de gestion de commerce tirerait comme salaire par un contrat de travail conclu entre des parties n’ayant pas de lien de dépendance, j’indique les différences importantes suivantes d’un contrat de travail conclu entre des parties n’ayant pas de lien de dépendance :

 

          –        les employés fixaient eux‑mêmes leurs salaires;

                   les employés ne se sont jamais fait rémunérer pour les heures

supplémentaires;

–        les employés n’ont jamais demandé une augmentation de salaire, mais tiraient un montant fondé sur les besoins plutôt que sur la valeur de l’emploi;

          –        les employés se faisaient payer leurs congés de maladie;

          –        les employés n’ont jamais reçu de primes.

 

Modalités d’emploi

 

[56]    Les modalités d’emploi des Awid illustrent bien le gouffre entre leur contrat et un contrat auquel il n’y existe pas de lien de dépendance. Je me fonde notamment sur les facteurs suivants :

 

–        les fonctions des employés n’étaient pas ceux d’employés embauchés pour remplir des fonctions précises. Bien que chacun des appelants aient en fait des domaines importants de responsabilités, on s’attendait à ce que les Awid s’aideraient les uns les autres, ce qu’ils ont fait, ainsi que de faire tout ce qui était nécessaire pour maintenir l’entreprise familiale en exploitation;

 

–        les employés utilisaient leurs propres véhicules ainsi que leurs outils moins importants pour aider dans l’exécution de leurs responsabilités. Aucun d’eux n’a déposé un compte de charges à la compagnie pour ces utilisations;

 

–        les employés ont engagé des dépenses accessoires telles que des déjeuners des clients, qui provenaient de leurs propres poches pour lesquelles ils ne se sont pas fait rembourser;

 

–        la description donnée par Lila de la réception de Noël pour le personnel était révélatrice. Toute la nourriture parvenait des ressources propres de la famille et non de la caisse de la compagnie;

 

–        le droit à des vacances payées représentait une fiction pour ces employés et même lorsqu’ils prenaient une journée ici et là, on s’attendait à ce qu’ils communiquent avec le bureau;

 

–        les employés allaient et venaient à leur guise, mais ils n’ont pas abusé de ce droit. Il est évident qu’ils donnaient priorité à l’entreprise;

 

–        les employés ne rendent compte à aucun patron et accomplissent leur travail sans supervision. Ils ont leurs postes tant qu’ils le veulent. Comme l’a dit Lila, s’il y avait des différends concernant le travail, ils en discutaient tout simplement.

 

Durée, nature et importance du travail

 

[57]    Les employés étaient tous des employés à long terme ayant des emplois importants et à plein temps à l’égard desquels ils ont fait preuve d’une grande compétence. À cet égard, oui, ils effectuaient un travail semblable à celui d’un employé n’ayant pas de lien de dépendance, mais cela doit être mis en contexte. Les Awid constituaient les directeurs de leur entreprise de distribution, et leur relation avec la compagnie reposait sur cette notion de base. Même Richard, qui n’était pas un des propriétaires, était invité à participer à la prise de décisions qui auraient une incidence sur la gestion et sur la viabilité durable de l’entreprise. Les Awid n’occupaient, en aucun cas, de postes subalternes. Ils prenaient les décisions, notamment les modalités de leur contrat de travail, et je suis convaincu qu’ils pouvaient modifier ces modalités à leur guise et comme ils le voulaient. Je ne crois pas que cela soit le type d’accord tripartite de travail visé par l’alinéa 5(3)b) de la Loi.

 

[58]    Bien que les circonstances soient différentes dans l’affaire Crawford and Co. c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N)[4], je souscris aux commentaires suivants du juge Porter :

 

 91      Enfin, il me semble, de façon générale, que le régime établi par le législateur exclut très clairement des emplois assurables les situations où des personnes sont en affaires pour elles-mêmes ou exercent un contrôle important sur la société pour laquelle elles travaillent, soit avec des personnes avec lesquelles elles sont liées ou avec lesquelles elles ont un lien de dépendance. Dans les situations où la relation de travail est à peu près semblable à celle qui existe entre des personnes non liées traitant entre elles sans lien de dépendance, le législateur a manifestement atténué la sévérité des dispositions visant à priver ces personnes de la possibilité de se prévaloir du régime en accordant au ministre le pouvoir discrétionnaire de les y admettre. Il semble manifeste que le processus n'a pas été conçu par le législateur dans le but d'englober dans le filet du régime d'assurance-emploi les arrangements de travail où les personnes exploitent à toutes fins utiles leurs entreprises constituées en société comme leur propre entreprise; où elles font à ce point corps avec leurs sociétés sur le plan économique qu'il n'y a en réalité aucun intérêt économique contraire entre eux; où, essentiellement, elles sont des entrepreneurs, plutôt que des travailleurs exerçant un emploi.

 

 92      Bien qu'il y ait manifestement de nombreux cotisants au régime qui pourraient ne jamais s'attendre à en bénéficier, ce qui n'est pas pertinent en l'espèce, il est clair que le régime est conçu pour les vrais employés qui le soutiennent par leurs cotisations et non pour ceux qui prennent en quelque sorte le risque de se lancer en affaires. Ceux qui agissent ainsi le font à leurs risques et sont censés, selon le législateur, subvenir à leurs propres besoins en cas de crise. Le régime a très clairement été mis sur pied pour assurer la protection des personnes qui occupent des emplois réguliers et non pas celle des personnes qui sont en affaires pour elles‑mêmes. Il est manifeste, dans les appels en l'instance, que les trois travailleurs en cause étaient en affaires pour eux-mêmes.

 

[59]    Je conclus que Kemal, Ted et Lila exploitaient effectivement l’entreprise pour eux‑mêmes. Bien que Richard n’ait pas été propriétaire, il a agi comme s’il l’était. Dans son cas, je suis influencé par le fait que c’est lui qui s’est fixé le salaire pour lequel il voulait travailler et il était au courant que cela était un salaire moins élevé que ce qu’il aurait pu demander ailleurs.

 

[60]    En résumé, la rétribution et les modalités de l’emploi des appelants sont suffisamment différentes de celles comprises dans un contrat dans le cadre duquel il n’y existe pas de lien de dépendance pour y conclure que l’emploi des appelants est exclu d’un emploi assurable. Le contexte de leur emploi à titre d’administrateurs d’une entreprise familiale renforce ce point de vue.

 

[61]    J’accueille les appels et je renvoie l’affaire au ministre du Revenu national en tenant pour acquis que les appelants n’occupaient pas un emploi assurable. Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2003.

 

 

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de janvier 2004.

 

 

 

 

 

Crystal Lefebvre, traductrice

 

 


 

 



[1] Pièce A‑6.

[2] [2001] T.C.J. No. 278.

[3] C.A.F., nos A‑392‑98, A‑393‑98, 28 mai 1999 ((1999), 246 N.R. 176).

[4] [1999] A.C.I. n850.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.