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Dossier : 2003‑1169(EI)

ENTRE :

EL‑CHEM CORROSION INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 17 septembre 2003 à Hamilton (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge suppléant W. E. MacLatchy

 

Comparutions

 

Représentant de l’appelante :

Terry Carter

 

Avocat de l’intimé :

MP. Michael Appavoo

____________________________________________________________________

 

 

JUGEMENT

 

          L’appel est accueilli et la décision du ministre est annulée selon les motifs du jugement ci‑joints.

 


Signé à Toronto (Ontario), ce 26jour de novembre 2003.

 

 

 

 

« W. E. MacLatchy »

Juge suppléant MacLatchy

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de février 2004.

 

 

 

Louise-Marie Leblanc, traductrice


 

 

Référence : 2003CCI820

Date : 20031126

Dossier : 2003‑1169(EI)

ENTRE :

EL‑CHEM CORROSION INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant MacLatchy

 

[1]     Le présent appel a été entendu à Hamilton, en Ontario, le 17 septembre 2003.

 

[2]     Rose M. Purcell, la travailleuse, a interjeté appel à l’encontre d’une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») visant à déterminer si elle occupait un emploi assurable au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») lorsqu’elle travaillait pour la payeuse pendant la période pertinente, soit du 1er janvier au 30 août 2002.

 

[3]     Dans une lettre datée du 17 février 2003, le ministre a informé la travailleuse et l’appelante qu’il avait conclu que l’emploi de la travailleuse, lorsqu’elle travaillait pour l’appelante pendant la période pertinente, constituait un emploi assurable parce que la travailleuse avait été embauchée aux termes d’un contrat de louage de services.

 

[4]     Terrance Michael Carter a témoigné pour le compte de l’appelante. Son témoignage était clair et concis et offert avec une franchise agréable à entendre. En examinant les hypothèses sur lesquelles le ministre s’était fondé pour rendre sa décision, le témoin, M. Carter, a reconnu qu’en général, mis à part quelques exceptions, ces hypothèses étaient fondées. Le désaccord principal visait le degré de contrôle ou de supervision exercé sur la travailleuse. 

 

[5]     De 1995 à 1998, la travailleuse était une employée de l’appelante, mais elle a quitté son emploi parce qu’elle trouvait son travail trop stressant et qu’elle voulait travailler avec d’autres personnes et avoir plus de temps libre. En tant qu’employée, elle devait répondre au téléphone et c’était à elle que les clients de l’appelante s’adressaient tout d’abord. Elle s’occupait également de la tenue de la comptabilité de l’entreprise. L’appelante était une assez petite entreprise, et la travailleuse devait faire sa part lorsque cela était nécessaire, entre autres elle faisait des courses et traitait directement avec les clients de l’appelante. 

 

[6]     En 1999, l’appelante a demandé à la travailleuse si elle pouvait devenir une de ses clientes puisque la travailleuse avait alors sa propre entreprise de comptabilité. Le taux de rémunération a été établi à 20 $ l’heure, ce qui était plus que ce que la travailleuse recevait lorsqu’elle était à l’emploi de l’appelante. Les heures devaient être flexibles et établies par la travailleuse.

 

[7]     L’appelante et la travailleuse ont reconnu qu’elles auraient une relation d’entrepreneures autonomes et que l’on ne prélèverait aucune retenue à la source sur les paiements que recevrait la travailleuse après avoir facturé l’appelante pour ses heures de travail. La travailleuse devrait payer elle‑même ses impôts sur le revenu et ne recevrait pas de feuillet T4 de l’appelante. La travailleuse devrait facturer l’appelante pour ses heures de travail. À ce moment‑là, elle ne chargeait pas de TPS parce que son revenu n’était pas suffisant pour justifier le paiement de cette taxe. 

 

[8]     La travailleuse connaissait bien les documents comptables utilisés par l’appelante et n’a pas eu besoin de recevoir des directives de l’appelante ou presque pas. Il s’agissait de documents propres à l’appelante, et ils devaient être utilisés dans les bureaux de cette dernière. L’appelante exigeait que la travailleuse fournisse ses services à son bureau parce qu’une politique interdisait de « sortir » leurs documents du bureau. La travailleuse a cessé de fournir ses services à l’appelante parce qu’elle voulait des clients plus riches.

 

[9]     La question à laquelle la Cour doit répondre est de savoir s’il existait un contrat de louage de services ou un contrat d’entreprise entre l’appelante et la travailleuse. Autrement dit, la travailleuse était‑elle une employée ou une entrepreneure autonome?

 

[10]    Les directives fournies par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025) ont permis d’établir certains critères pour aider la Cour à déterminer la relation qui existe entre l’appelante et la travailleuse. L’examen des critères du contrôle, de la propriété des instruments de travail, de la chance de profit, du risque de perte ainsi que la question de l’intégration, c’est‑à‑dire « À qui appartient l’entreprise? » a été proposé comme méthode pour déterminer la nature de la relation. Comme le juge Major de la Cour suprême du Canada l’a exprimé, dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, lorsqu’il a fait connaître sa décision aux paragraphes 46 à 48 inclusivement, il n’existe aucun critère ni aucune formule établie qui puisse être utilisé afin de déterminer la nature de la relation existante. L’importance accordée aux différents critères dépendra des faits et des circonstances liés à chaque affaire.

 

À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l'arrêt Stevenson Jordan, […] [[1952] 1 The Times L.R. 101] qu'il peut être impossible d'établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [TRADUCTION] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d'apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l'opinion du juge MacGuigan lorsqu'il affirme – en citant Atiyah, […] [Vicarious Liability in the Law of Torts, Londres, Butterworths, 1967] à la p. 38, dans l'arrêt Wiebe Door, p. 563 – qu'il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

 

       [TRADUCTION] [N]ous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant […] d'identifier les contrats de louage de services [...] La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui‑même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

 

[11]    Dans les présentes circonstances, la travailleuse établissait ses propres heures de travail à son goût et décidait du nombre d’heures qu’elle consacrerait à l’appelante. Ses services n’exigeaient que son expertise et aucun autre équipement. Elle avait accepté de fournir ses services au bureau de l’appelante en raison du système de comptabilité utilisé par l’appelante. La travailleuse savait ce qu’elle avait à faire pour l’appelante et était en mesure d’estimer combien de temps il lui faudrait pour mettre la comptabilité à jour. Son travail était supervisé dans la mesure où les autres travailleurs dans les bureaux de l’appelante examinaient les résultats de son travail et pouvaient savoir quels services elle avait fournis et s’ils l’avaient été correctement. Si la travailleuse ne se présentait pas au bureau de l’appelante, comme elle l’a déjà indiqué, elle en informait l’entreprise et on reportait ses services jusqu’à ce qu’elle soit disponible ou si les services étaient nécessaires sur le champ, on demandait à M. Carter de le faire.

 

La question portant sur la chance de profit dépendait entièrement de la travailleuse. Elle décidait si elle travaillait ou non et établissait le taux de rémunération pour ses heures de travail. Elle indiquait les dépenses à payer et elle choisissait ses clients. Elle avait sa propre entreprise et pouvait subir des pertes au sein de celle‑ci. Si l’appelante subissait des pertes, cela avait une incidence sur la travailleuse qui devait trouver un autre client. Le critère de l’intégration est difficile à appliquer étant donné que l’appelante avait besoin de services de comptabilité pour son entreprise tout comme la travailleuse avait besoin de clients à qui offrir ses services. L’une ne dépendait pas de l’autre pour l’ensemble de ses activités.

 

[12]    Que doivent faire l’appelante et la travailleuse en établissant la nature de leur relation afin d’indiquer leur intention l’une envers l’autre? Le fait que les parties donnent à leur relation un caractère indépendant ne détermine pas nécessairement la nature de la relation. Les tribunaux doivent examiner soigneusement l’intention des parties et être prêts à reconnaître cette intention si les faits et les circonstances liés à l’affaire montrent cette intention.

 

[13]    Dans l’affaire en l’espèce, il semble à la Cour que les critères habituels montrent qu’il y avait un contrat d’entreprise entre l’appelante et la travailleuse et qu’il faut respecter la relation voulue par les parties. La travailleuse était une entrepreneure autonome et exploitait sa propre entreprise indépendamment de celle de l’appelante. 

 

[14]    L’appel est accueilli et la décision du ministre est annulée.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 26jour de novembre 2003. 

 

 

 

 

« W. E. MacLatchy »

Juge suppléant MacLatchy

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de février 2004.

 

 

 

Louise-Marie Leblanc, traductrice

 

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