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Dossier : 2006-326(EI)

 

ENTRE :

JOSÉE GAUTHIER,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 22 août 2006, à Québec (Québec)

 

Devant : L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Pour l'appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l'intimé :

Me Stéphanie Côté

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté et la décision rendue par le ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 24e jour d'octobre 2006.

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


 

 

 

 

Référence : 2006CCI537

Date : 20061024

Dossier : 2006-326(EI)

ENTRE :

JOSÉE GAUTHIER,

appelante,

 

et

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Savoie

 

[1]     Cet appel a été entendu à Québec (Québec) le 22 août 2006.

 

[2]     Il s’agit d’un appel de la décision du ministre du Revenu national (le « Ministre ») en date du 25 octobre 2005. La période en litige débute le 20 septembre 2004 et se termine le 27 novembre 2004. Au centre du débat se situe le travail exécuté par l’appelante pour le compte de monsieur Lucien Paquet, le payeur.

 

[3]     Le Ministre a déterminé que l’appelante n’exerçait pas un emploi assurable aux termes d’un contrat de louage de services. Subsidiairement, le Ministre a déterminé que même s’il était adjugé que l’appelante exerçait un emploi assurable, celui-ci serait exclu des emplois assurables selon l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») en raison du lien de dépendance liant l’appelante au payeur).

 

[4]     En rendant sa décision, le Ministre s’est appuyé sur les faits présumés suivants :

 

5.a)    Le payeur, Lucien Paquet, est l’unique propriétaire de l’entreprise; (admis)

 

b)        le payeur exploite une entreprise de transport se spécialisant dans le transport de bois ; (admis)

 

c)        le payeur exploite son entreprise à l’année mais connaît une période de ralentissement durant la période du dégel; (admis)

 

d)        la place d’affaires du payeur est située dans sa résidence et il possède un garage à quelques pas de sa résidence; (admis)

 

e)        durant les 7 dernières années d’exploitation, M. Patrick Paquet, fils du payeur, a été le seul employé régulier de l’entreprise; (admis)

 

f)         la principale tâche de Patrick consistait à conduire le camion du payeur; (admis)

 

g)        durant la période en litige (10 semaines), le payeur aurait embauché l’appelante pour la première fois avec rémunération; (admis);

 

h)        les principales tâches de l’appelante se résumeraient à faire des commissions pour le payeur soit, aller à la caisse, aller payer les comptes des fournisseurs, aller porter les factures au comptable, etc.; (admis avec précisions)

 

i)                    durant la période en litige, l’appelante prétend qu’elle faisait 40 heures par semaine alors que le payeur mentionne qu’elle travaillait « au besoin » (nié)

 

j)         selon le payeur, l’appelante pouvait ne pas travailler durant des journées complètes et ne faire qu’une demi-journée à d’autres moments; (nié)

 

k)         les heures de travail de l’appelante n’étaient pas comptabilisées par le payeur; (admis)

 

l)          l’appelante prétend que sa principale tâche a été de s’occuper de vendre des pommes de terre sur une période de 2 mois alors que le payeur précise que la vente de pommes de terre ne s’étend que sur 2 fins de semaine par année (vendredi, samedi et dimanche); (nié)

 

m)        l’appelante a précisé qu’elle ne travaillait pas les fins de semaine; (admis)

 

n)         durant la saison 2004, le payeur aurait fait 2 voyages pour l’achat de pommes de terre qu’il vendait dans son garage; (admis)

 

o)         le payeur ne préparait aucune facture concernant l’achat et la vente des pommes de terre; (admis avec précisions)

 

p)         sur le relevé d’emploi qu’elle a soumis avec sa demande de prestations, l’appelante a indiqué qu’elle travaillait pour le payeur à titre de commis de bureau et n’a aucunement mentionné son travail comme vendeuse de pommes de terre; (admis)

 

q)         le payeur précise que l’appelante recevait entre 6,00 $ et 7,00 $ de l’heure alors que l’appelante a mentionné qu’elle gagnait 13,00 $ de l’heure; (nié)

 

r)          durant la période en litige, l’appelante prétend qu’elle a reçu une rémunération fixe de 520,00 $ brut par semaine pour, prétendument, 40 heures de travail; (admis)

 

s)         il n’existe aucune preuve de paiement de la rémunération de l’appelante qui aurait été rémunérée en argent liquide par le payeur; (admis)

 

t)          l’appelante avait besoin de 700 heures de travail pour se qualifier à recevoir des prestations de chômage; (admis)

 

u)         les 400 heures inscrites sur le prétendu relevé d’emploi du payeur permettaient à l’appelante d’obtenir un total de 736 heures assurables; (admis)

 

v)         il y a eu arrangement entre les parties dans l’unique but de permettre à l’appelante de retirer des prestations d’assurance-emploi. (nié)

 

6.         L’appelante et le payeur sont des personnes liées au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu car :

 

a)         M. Lucien Paquet était l’unique propriétaire de l’entreprise; (admis)

 

b)         l’appelante est la conjointe de Patrick Paquet; (admis)

 

c)         Patrick Paquet est le fils de Lucien Paquet; (admis)


 

d)         l’appelante est la belle-fille de M. Lucien Paquet; (admis)

 

e)         l’appelante était liée à une personne qui contrôle le payeur. (admis)

 

 

[5]     L’appelante a admis tous les faits présumés du Ministre, sauf ceux énoncés aux alinéas 5.i), j), l), q) et v) qu’elle a niés et ceux énoncés aux alinéas 5.h) et o) auxquels elle a voulu apporter certaines précisions.

 

[6]     L’appelante a révélé à l’audition qu’en raison de problèmes de santé éprouvés par son beau-père depuis mars 2004, elle a dû assumer ses tâches. Elle a produit à l’audition un rapport médical sur son état de santé. Ledit rapport médical, produit sous la cote A-1, daté du 5 juillet 2005, ai été émis par la Clinique Médicale St-Zacharie et se lit comme suit :

 

À qui de droit

 

M. Paquet est un patient âgé de 79 ans souffrant de diabète II, insuffisance coronarienne, A.T.A., perte de vision importante et surdité importante. Cette condition est inchangée depuis le mois de mars 2004.

 

[7]     L’appelante a révélé que la condition physique de son beau-père était telle qu’il ne pouvait plus conduire en raison de sa perte de vision et de surdité. Cependant, la preuve a révélé que Lucien Paquet, en septembre 2004, avait conduit son camion pour transporter une charge de pommes de terre dans son garage. Par ailleurs, il a été établi qu’après la mise à pied de l’appelante, les tâches de celle-ci ont été assumées par Lucien Paquet et son fils Patrick.

 

[8]     Aux tâches qui lui ont été reconnues par le Ministre, l’appelante a ajouté qu’elle s’occupait de régler le tonnage de la marchandise transportée aux États‑Unis. Cette tâche consiste à convertir les données du système métrique au système anglais.

 

[9]     À l’audition, l’appelante a précisé qu’elle était en mesure de fournir les factures portant sur l’achat des pommes de terre, mais que pour ce qui concerne la vente, c’était toujours au comptant.

 

[10]    À l’audition, le Ministre a produit un document intitulé « Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations » (pièce I-5) préparée par Yolaine Vachon, enquêteur à l’emploi de Développement des ressources humaines Canada, qui a également témoigné à l’audition. L’enquête a révélé que l’entreprise du payeur a été vérifiée en février 2004 et qu’à ce moment les retenues à la source ont été remises pour janvier et février 2004 seulement. Cependant, le comptable de l’entreprise, Pierre E. Rodrigue, a affirmé à l’enquêteur que l’appelante avait fait les remises des retenues à la source pour les mois de septembre à décembre 2004. Ainsi, l’extrait du livre des salaires, préparé par l’appelante, révèle, à titre de retenues à la source pour fins de cotisations au régime d’assurance-emploi, les sommes de 116,16 $ pour le mois de septembre 2004 et de 293,52 $ pour le mois d’octobre 2004, mais après vérification avec l’Agence du revenu du Canada, il a été découvert que les montants des retenues à la source pour l’emploi de l’appelante se chiffraient à 116,16 $ pour septembre 2004 et à 145,20 $ pour octobre 2004. Or, ces montants ne représentent que la contribution de l’employeur au régime de l’assurance-emploi.

 

[11]    Ayant été informés que l’appelante complétait le livre des salaires, les enquêteurs ont constaté que la main d’écriture de la personne affectée aux inscriptions était inchangée au cours des périodes précédant l’emploi de l’appelante, pendant celui-ci et après, ce qui a eu pour effet de mettre en doute les affirmations de l’appelante sur la durée de son emploi.

 

[12]    La prépondérance de la preuve est à l’effet que l’appelante travaillait à temps partiel pour le payeur pour une rémunération d’environ 6 $ à 7 $ l’heure. Elle avait pour tâches de faire les commissions, soit aller à la caisse, se rendre chez les fournisseurs pour payer les factures, faire la livraison des factures chez le comptable, aller à la poste et régler le tonnage de la marchandise livrée aux États‑Unis. Elle n’avait aucun horaire fixe de travail. Elle était payée au comptant et n’était assujettie à aucun lien de subordination puisque son travail n’était aucunement supervisé.

 

[13]    L’appelante et Patrick Paquet, son conjoint, ont approché le payeur pour que celui-ci fournisse du travail à celle-ci et auraient eux-mêmes fixé son salaire à 13 $ l’heure. L’appelante avait besoin de 700 heures de travail pour se qualifier à recevoir des prestations de chômage. Cette démarche aurait eu pour résultat que le payeur a acquiescé à leur demande et leur a demandé d’en informer le comptable. Devant ces revendications, les enquêteurs ont demandé à l’appelante, au payeur et au comptable de produire les documents qui pourraient servir à les appuyer. Aucun document n’a été produit sauf le relevé d’emploi (pièce A-2) qui a été discrédité par le reste de la preuve. Il faut signaler que les 400 heures inscrites sur le relevé d’emploi permettaient à l’appelante d’obtenir un total de 736 heures.

 

[14]    À l’audition, madame Yolaine Vachon a déclaré que les informations recueillies au cours de leur enquête étaient très contradictoires. Elle a demandé la production de documents à maintes reprises mais ces démarches n’ont pas porté fruit. Le 3 février 2005, madame Vachon, au cours de son enquête, s’est entretenue au téléphone avec le comptable, Pierre E. Rodrigue. Elle lui a demandé de produire les livres comptables mais celui-ci lui a répondu qu’il lui était impossible de les produire puisque la comptabilité n’était faite qu’une fois par année. Elle lui a donc demandé de produire les chèques du payeur et à ce même moment il lui a fait cette déclaration troublante :

 

Ce que je vous ai dit auparavant (dans ce dossier) ça ne vaut rien. La seule personne qui peut vous aider, c’est l’appelante.

 

[15]    Les quelques documents remis par la suite à l’enquêteur n’ont rien révélé qui n’était pas contradictoire avec l’information déjà recueillie. C’est à ce moment que l’enquêteur a tout remis à l’Agence du revenu du Canada.

 

[16]    Lors de son témoignage à l’audition, l’appelante a révélé que sa tâche principale pour le payeur consistait à vendre les pommes de terre qu’il avait achetées à l’automne 2004. Cependant ni sa demande de prestations, ni son relevé d’emploi ne mentionne cette fonction. Son témoignage sur ce point est discrédité par celui du payeur et, par surcroît, le comptable n’en a jamais fait mention.

 

[17]    L’appelante demande à cette Cour d’annuler la décision du Ministre, mais l’analyse de la preuve recueillie à la lumière des critères établis ne justifie pas l’intervention de celle-ci.

 

[18]    L’appelante avait le fardeau de prouver, selon la prépondérance de la preuve, que les faits sur lesquels s’est appuyé le Ministre pour rendre sa décision étaient faux, mais elle ne s’est pas acquittée de cette tâche.

 

[19]    Dans ces circonstances, il convient de citer le passage du juge Pratte dans l’arrêt Elia c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1998] A.C.F. no 316, qui statuait ce qui suit :

 

Le juge, contrairement à ce qu’il a cru, aurait donc pu intervenir et aurait dû intervenir si, comme il l’a affirmé, la preuve révélait que la décision du Ministre était déraisonnable. Mais cette affirmation du juge nous paraît, elle aussi, inexacte et fondée sur une erreur de droit puisque le juge n’a pas tenu compte de la règle bien établie selon laquelle les allégations de la réponse à l’avis d’appel, où le Ministre énonce les faits sur lesquels il a fondé sa décision, doivent être tenus pour avérés aussi longtemps que l’appelant n’en a pas prouvé la fausseté.

 

[20]    Une situation analogue à celle sous étude a fait l’objet d’une analyse par cette Cour dans l’arrêt Lemay c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.I. no 304, où le juge Tardif, en rejetant l’appel, s’exprimait ainsi :

 

Le travail doit également être authentique, tout particulièrement s’il s’agit d’un contrat de travail assujetti aux dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

 

En effet, toute entente en matière d’exécution de travail rémunéré doit être respectée à la lettre par les parties contractantes. Cependant, lorsqu’un contrat est examiné en ce qui concerne sa conformité aux dispositions de la Loi, la Cour peut conclure qu’il ne s’agit essentiellement que d’un arrangement entre les parties pour rendre le supposé exécutant admissible aux prestations d’assurance‑emploi.

 

Pour s’acquitter du fardeau de la preuve, il faut présenter une preuve vraisemblable. Cette vraisemblance repose généralement sur des explications fiables et cohérentes. La preuve peut laisser subsister des doutes en raison de l’écoulement du temps. Or, le niveau de preuve requis est celui de la prépondérance des probabilités et non pas la certitude hors de tout doute.

 

En l’espèce, l’appelante n’a pas présenté une preuve prépondérante. Bien au contraire, la preuve soumise comprenait plusieurs incohérences. La prépondérance de la preuve est à l’effet que l’appelante et son employeur avaient convenu, lors des périodes en question, d’un arrangement dont l’un des objectifs fondamentaux était de faire en sorte que l’appelante reçoive les prestations d’assurance-emploi les plus élevées possible et non pas de rémunérer l’appelante pour le travail accompli à sa juste valeur.

 

[21]    Au terme de cette analyse, cette Cour doit conclure, comme l’a fait le Ministre, qu’il y a eu arrangement entre les parties dans l’unique but de permettre à


l’appelante de se qualifier à des prestations d’assurance-emploi.

 

[22]    Pour toutes ces raisons, l’appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 24e jour d'octobre 2006.

 

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


 

 

 

RÉFÉRENCE :

 

2006CCI537

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2006-326(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Josée Gauthier et M.R.N.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 22 août 2006

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable S.J. Savoie,

juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 24 octobre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

 

Pour l'intimé :

Me Stéphanie Côté

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

 

Pour l'appelant :

 

Nom :

 

 

Étude :

 

 

Pour l'intimé :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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