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Dossier : 2006-103(EI)

ENTRE :

GINO ROUTHIER,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu à Roberval (Québec), le 3 octobre 2006.

 

Devant : L’honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Pierre Hébert

 

 

Avocate de l'intimé :

Me Christina Ham

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté et la décision rendue par le ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23ième jour de octobre 2006.

 

 

 

Paul Bédard

Juge Bédard

 

 


 

 

 

 

Référence : 2006CCI557

Date : 20061023

Dossier : 2006-103(EI)

ENTRE :

GINO ROUTHIER,

appelant,

 

et

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Juge Bédard

 

[1]     Monsieur Gino Routhier (« l’appelant ») interjette appel d’une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») rendue en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »). En effet, par une lettre datée du 22 juin 2005, le ministre informa l’appelant de sa décision selon laquelle :

 

          i)        en 2000, il avait travaillé pour Aménagement MYR inc (le « payeur ») du 21 mai au 8 septembre, accumulé 960 heures assurables et gagné une rémunération assurable totalisant 10 500 $;

 

          ii)       en 2001, il avait travaillé pour le payeur du 3 juin au 12 octobre, accumulé 1 045 heures assurables et gagné une rémunération totalisant 11 250 $;

 

 

 

 

          iii)      en 2002, il avait travaillé pour le payeur du 19 mai au 4 octobre, accumulé 900 heures assurables et gagné une rémunération assurable totalisant 12 250 $.

 

[2]     La décision du ministre était fondée sur les hypothèses de fait suivantes énoncées au paragraphe 6 de la Réponse à l’avis d’appel :

 

a)         le payeur exploite une entreprise forestière se spécialisant dans le débroussaillage;

 

b)         les principaux clients du payeur étaient Bowater et Abitibi-Consolidated;

 

c)         la période d’activités du payeur allait de la fonte des neiges jusqu’aux premières neiges, soit environ de la fin mai à novembre;

 

d)         le payeur embauchait entre 30 et 90 débroussailleurs par année;

 

e)         en 2000, 2001 et 2002, l’appelant a travaillé pour le payeur à titre de débroussailleur;

 

f)          à titre de débroussailleur, l’appelant travaillait 60 heures par semaine en 2000, 55 heures en 2001 et 50 heures en 2002;

 

g)         le payeur avait une pratique de cumul d’heures avec ses travailleurs;

 

h)         le payeur a plaidé coupable d’avoir émis de faux relevés d’emploi au nom de ses travailleurs;

 

i)          dans sa déclaration statutaire datée et signée le 18 février 2004, l’appelant déclarait : « il est vrai que j’ai toujours banqué une semaine de travail à chaque année »;

 

j)          dans sa déclaration statutaire datée et signée le 18 février 2004, l’appelant déclarait : « en 2001, j’ai reçu un relevé d’emploi finissant le 21 septembre 2001 alors qu’en réalité, j’ai continué à travailler jusqu’au 12 octobre 2001 »;

 

k)         les relevés d’emploi émis par le payeur ne reflètent pas la réalité quant aux périodes travaillées et aux heures assurables accumulées par l’appelant en 2000, 2001 et 2002;

 

 

 

 

l)          pour la période du 21 mai au 8 septembre 2000, le ministre a déterminé que l’appelant avait travaillé 960 heures assurables et avait reçu une rémunération assurable totalisant 10 500 $;

 

m)        pour la période du 3 juin au 12 octobre 2001, le ministre a déterminé que l’appelant avait travaillé 1 045 heures assurables et avait reçu une rémunération assurable totalisant 11 250 $;

 

n)         pour la période du 19 mai au 4 octobre 2002, le ministre a déterminé que l’appelant avait travaillé 900 heures assurables et avait reçu une rémunération assurable totalisant 12 250 $.

 

[3]     Parmi les faits énoncés au paragraphe 6 de la Réponse à l’avis d’appel, l’appelant n’a admis que ceux énoncés aux sous-paragraphes a), b), d), e), f) et h). Il a nié tous les autres.

 

[4]     Il convient de souligner que les relevés d’emploi de l’appelant révèlent que[1] :

 

          i)        en 2000, il avait travaillé pour le payeur du 29 mai au 8 septembre, accumulé 900 heures assurables et gagné une rémunération assurable totalisant 10 500 $;

 

          ii)       en 2001, il avait travaillé pour le payeur du 11 juin au 21 septembre, accumulé 825 heures assurables et gagné une rémunération assurable totalisant 11 250 $;

 

          iii)      en 2002, il avait travaillé pour le payeur du 27 mai au 4 octobre, accumulé 850 heures assurables et gagné une rémunération assurable totalisant 12 250 $.

 

Contexte

 

[5]     Le payeur a plaidé coupable en 2004 d’avoir établi de faux relevés d’emploi au nom de ses travailleurs, notamment en 2000, 2001 et 2002 et a payé une amende de 50 000 $ à cet égard. Le payeur avait notamment établi un système de cumul d’heures en plus de délivrer des relevés d’emploi pour des périodes pendant lesquelles ses employés n’avaient pas travaillé. Dans le cadre de leur enquête sur les pratiques illégales du payeur, des agents de participation au RPC/AE ont rendu des décisions défavorables à l’encontre de 24 employés du payeur, parmi lesquels 9 (y compris l’appelant) ont interjeté appel.

 

[6]     Dans la déclaration statutaire (pièce A-2) que l’appelant a signée le 18 février 2004 aux bureaux de Développement des ressources humaines Canada (DRHC) situés au 1500, rue des Érables, à Dolbeau en présence de monsieur Réal Couture, enquêteur principal à la DRHC et d’un agent de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), l’appelant reconnaissait avoir travaillé pour le payeur hors des périodes indiquées sur les relevés d’emploi. Il faut comprendre que c’est essentiellement sur la base de cette déclaration volontaire que le ministre a rendu la décision du 22 juin 2005 à l’encontre de l’appelant. Maintenant, l’appelant allègue que les aveux figurent dans la déclaration statutaire ont été obtenus par la menace et l’intimidation. En résumé, dans la présente affaire, l’appelant, qui avait le fardeau de la preuve, devait me convaincre que sa version des faits était plus crédible que celle de monsieur Réal Couture.

 

[7]     Les passages pertinents de la déclaration statutaire sont rédigés ainsi :

 

…Concernant la banque de une semaine qu’il se fait au début de chaque saison, il est vrai que j’ai toujours banqué une semaine de travail à chaque année, sauf en 2003 où je faisait de la peinture au camp. C’est Mario Richard qui a proposé de banquer une semaine au début de la saison et j’ai accepté, par après, les autres années c’était comme automatique, on se disait on fais tu comme l’année passée et c’était correct. En 2001, j’ai reçu un relevé d’emploi finissant le 21 septembre 2001 alors qu’en réalité, j’ai continué à travailler jusqu’au 12 octobre 2001. Ce qui est arrivé, c’est que j’avais eu des problèmes de production et j’avais trop été payé. Mario Richard m’a dit je vais te donner ton relevé d’emploi pour que tu puisses avoir ton chômage et continue à travailler pour me rembourser l’argent que tu me dois, ceci va rajuster tes timbres…

 

Témoignage de l’appelant

 

[8]     L’essentiel du témoignage de l’appelant a porté sur les circonstances de la signature de la déclaration statutaire. Il a d’abord déclaré qu’il avait été sommé de se présenter le 28 février 2004 à 8 h 30 aux bureaux de DRHC sans qu’on lui ait indiqué le but de la rencontre. Il croyait sincèrement que la rencontre avait pour objet la communication de renseignements généraux. Il a alors expliqué que, s’il avait connu l’objet de la rencontre, il aurait apporté avec lui les documents (tels les relevés d’emploi) qui auraient pu l’aider à répondre aux questions des enquêteurs.

 

[9]     L’appelant a témoigné qu’il avait été accueilli lors de cette rencontre par monsieur Couture et un agent de la GRC. Il a affirmé avoir été intimidé dès le début de la rencontre par l’agent de la GRC qui s’est présenté en lui montrant ses pièces d’identification. L’appelant a expliqué qu’il avait été intimidé et menacé par ces deux enquêteurs qui lui auraient rappelé ses démêlés antérieurs avec la justice et qui lui auraient dit : « si tu ne signes pas la déclaration, t’es aussi bien d’appeler un avocat … ».

 

[10]    En résumé, l’appelant a témoigné qu’il avait signé la déclaration statutaire sous la menace et l’intimidation. Il était tellement « sur les nerfs » qu’il avait signé la déclaration que les deux enquêteurs lui avaient demandé de signer, déclaration qui avait été préparée par monsieur Couture. L’appelant voulait « juste s’en aller ».

 

[11]    Par ailleurs, l’appelant a témoigné que la première version de la déclaration statutaire avait été détruite à sa demande parce qu’il avait constaté qu’elle contenait une erreur.

 

Témoignage de monsieur Couture

 

[12]    Monsieur Couture est un témoin dont la crédibilité, selon moi, n’a pas été mise en doute dans la présente affaire. Il a déclaré que :

 

          i)        dans le cadre de son enquête sur les activités du payeur, il avait rencontré, en 2004, 24 employés de ce dernier, dont l’appelant;

 

          ii)       il avait rencontré l’appelant aux bureaux du DRHC le 18 février 2004 à 8 h 30 à Dolbeau en présence d’un agent de la GRC;

 

          iii)      l’appelant avait été convoqué par écrit (pièce I-1) et que le but de la rencontre était indiqué très clairement dans l’avis de convocation;

 

          iv)      l’entrevue s’était bien déroulée ; monsieur Couture ne se souvenait pas que l’agent de la GRC ait rappelé à l’appelant ses antécédents judiciaires liés à sa condamnation pour conduite en état d’ébriété. Il ne se souvenait pas non plus que l’agent de la GRC n’ait posé de questions à l’appelant. Il a affirmé catégoriquement et calmement que ni lui ni l’agent de la GRC n’avaient proféré directement ou indirectement quelque menace que ce soit à l’endroit de l’appelant ni forcé l’appelant à signer la déclaration statutaire.

 

Analyse et conclusion

 

[13]    Le fardeau de la preuve appartenait à l’appelant. Il devait me convaincre, selon la prépondérance des probabilités, que le ministre avait eu tort de rendre la décision du 22 juin 2005. La position de l’appelant est à l’effet que les relevés d’emploi reflètent la réalité quand aux périodes de travail, aux heures assurables et la rémunération assurable. La preuve de l’appelant à cet égard reposait uniquement sur son témoignage qui a été contredit, je le rappelle, par sa propre déclaration statutaire. Sa position à l’égard de la déclaration statutaire est à l’effet qu’elle avait été obtenue par la menace et l’intimidation.

 

[14]    L’appelant ne m’a absolument pas convaincu qu’il avait fait l’objet de menaces et d’intimidation lors de la rencontre du 18 février 2004. En effet, je m’explique mal que l’appelant, s’il était perturbé et intimidé dès le début de la rencontre, ait pu lire la première version de la déclaration statutaire et oser demander à monsieur Couture de la détruire parce qu’elle contenait un renseignement qui était inexact. Je m’explique mal que des enquêteurs aussi intimidants et menaçants que monsieur Couture et l’agent de la GRC aient permis à l’appelant de prendre le temps de lire la première version de la déclaration statutaire et aient acquiescé à sa destruction. Le comportement que reproche l’appelant à ces deux personnes me semble tout à fait incompatible avec les événements liés à la première version de la déclaration statutaire.

 

[15]    Je tiens à souligner que le témoignage de l’appelant lié à l’avis de convocation à la rencontre du 18 février 2004 n’a fait qu’ajouter à mes doutes quant à la crédibilité de l’appelant. Son explication à l’effet qu’il croyait que la rencontre ne visait que la communication de renseignements généraux m’a parue pour le moins invraisemblable compte tenu que l’objet de la rencontre était précisé dans l’avis de convocation écrit dont l’appelant a reconnu avoir pris connaissance.

 

[16]    En résumé, j’avais à choisir entre la version des faits donnée par monsieur Couture et celle de l’appelant. J’ai choisi la version des faits donnée par monsieur Couture parce qu’il m’a paru plus crédible que l’appelant.

 

[17]    Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23ième jour de octobre 2006.

 

 

 

 

 

Paul Bédard

Juge Bédard

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI557

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-103(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              GINO ROUTHIER ET M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Roberval (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 3 octobre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 23 octobre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Pierre Hébert

 

 

Avocate de l'intimé :

Me Christina Ham

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant:

 

                   Nom :                             Me Pierre Hébert

 

                   Étude :                            Simard, Boivin, Lemieux

                                                          Dolbeau-Mistassini (Québec)

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]Pièce A-1.

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