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Dossier : 2006-1672(CPP)

ENTRE :

765750 ALBERTA LTD. sous le nom de

SPARKLING-CLEAN JANITORIAL SERVICES,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 21 février 2007, à Edmonton (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge G. Sheridan

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Ronald Agar

 

 

Avocate de l’intimé :

MCarrie Mymko

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JUGEMENT

 

            L’appel est accueilli conformément aux motifs du jugement ci‑joints et la décision du ministre du Revenu national est annulée compte tenu du fait que Mme Soroka n’occupait pas un emploi auprès de l’appelante, Sparkling‑Clean Janitorial Services, au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004.

 

           Signé à Ottawa, Canada, ce 15jour de mars 2007.

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2008.

D. Laberge, LL.L.


 

 

Référence : 2007CCI149

Date : 20070315

Dossier : 2006-1672(CPP)

ENTRE :

765750 ALBERTA LTD.

s/n SPARKLING-CLEAN JANITORIAL SERVICES,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     L’appelante, 765750 Alberta Ltd., faisant affaire sous le nom de Sparkling‑Clean Janitorial Services (« Sparkling‑Clean ») interjette appel de l’évaluation établie par le ministre du Revenu national à l’égard des cotisations au Régime de pensions du Canada[1] concernant Deborah Soroka pour les années 2002 à 2004 inclusivement. Deborah Soroka est l’actionnaire majoritaire et administratrice de Sparkling‑Clean. L’évaluation du ministre est fondée sur la décision selon laquelle Mme Soroka occupait un emploi auprès de Sparkling‑Clean.

 

[2]     Pour avoir gain de cause dans son appel, Sparkling‑Clean doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Soroka n’était pas une employée au cours de la période pertinente. Mme Soroka a été fort sincère en présentant son témoignage. Je l’ai trouvée tout à fait crédible. Pour les motifs énoncés ci‑dessous, je suis convaincue que l’appelante s’est acquittée de l’obligation qui lui incombait sur le plan de la preuve et que l’appel doit être accueilli.

 

[3]     Au cours de la période visée par le présent appel, Sparkling‑Clean fournissait des services de nettoyage et d’entretien, à Edmonton (Alberta). Avant que l’entreprise soit constituée en société, Mme Soroka fournissait personnellement les mêmes services, à titre de propriétaire unique, sous le nom « Sparkling‑Clean ». Lorsque la demande a augmenté, elle a constitué Sparkling‑Clean en personne morale. La société comptait quatre employés : un directeur de l’exploitation à plein temps, un préposé à l’entretien à plein temps et deux préposés à l’entretien à temps partiel. Toutes les retenues à la source nécessaires étaient effectuées et versées à l’Agence du revenu du Canada. Sparkling‑Clean engageait également 25 préposés à l’entretien à titre d’entrepreneurs indépendants; on a procédé à deux reprises à une vérification au sujet de leur statut d’entrepreneurs indépendants et tout a été jugé en règle.

 

[4]     Sparkling-Clean avait recours aux services de Mme Soroka à titre de directrice; Mme Soroka prenait notamment les rendez‑vous avec les clients, elle établissait le prix des services de nettoyage et d’entretien, elle s’occupait de la publicité et de la commercialisation, elle tenait les livres, elle s’occupait des opérations bancaires et elle accomplissait diverses tâches administratives. Même si cela ne faisait pas partie de sa description de travail, Mme Soroka aidait de temps en temps aux travaux d’entretien ou remplaçait de temps en temps un préposé à l’entretien. Elle travaillait, au besoin, conformément aux exigences des clients de la société et selon ce qu’elle jugeait elle‑même nécessaire. Son horaire n’était pas fixe et elle n’avait pas à enregistrer les heures effectuées. Si elle s’absentait pendant un certain temps, elle demandait à l’un des employés à plein temps, le directeur de l’exploitation, de s’occuper de ses tâches de gestion. Mme Soroka, en sa qualité personnelle, ne soumettait pas de factures régulières à Sparkling‑Clean pour ses services; sa rémunération était fonction de la rentabilité de la société à un montant donné. Mme Soroka avait donc le droit de retirer de l’argent plus ou moins aux deux semaines, dans la mesure où un solde d’exploitation était maintenu dans le compte de la société, à l’égard de la pleine valeur de ses services pour l’année. À la fin de l’année, en sa qualité d’âme dirigeante et d’actionnaire de Sparkling‑Clean, Mme Soroka tenait compte des attributs fiscaux découlant du paiement de ses services à titre d’entrepreneur indépendant, du paiement de dividendes ou de l’attribution des bénéfices de la société de quelque autre manière. Mme Soroka a reçu 75 000 $, 75 000 $ et 120 000 $ pour les services qu’elle a fournis en 2002, en 2003 et en 2004 respectivement, et elle a déclaré ces montants dans ses déclarations de revenus annuelles. Elle a également déclaré certains montants qu’elle avait reçus à titre de revenu de dividendes. Elle a payé tout l’impôt établi à l’égard des montants déclarés.

 

[5]     Au cours de la même période, Mme Soroka gérait également une société de portefeuille familiale et une autre société que son mari avait établie pour son entreprise d’expert‑conseil en construction.

 

[6]     Il s’agit uniquement de savoir si Mme Soroka occupait un emploi auprès de Sparkling‑Clean. Compte tenu du critère comprenant quatre éléments énoncé dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. Minister of National Revenue[2] et de la jurisprudence concernant l’intention des parties, je suis convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que Mme Soroka n’occupait pas un emploi.

 

[7]     L’avocate de l’intimé a renvoyé la Cour à une décision dans laquelle le juge Rip (avant qu’il devienne juge en chef adjoint) soulignait jusqu’à quel point il était difficile d’appliquer le critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door dans des cas comme celui de Sparkling‑Clean et de Mme Soroka :

 

Dans une situation où une personne est l’unique administrateur et actionnaire d’une société et qu’elle fournit ses services à cette société, les critères traditionnels pour déterminer si cette personne est un employé ou un entrepreneur indépendant ne sont pas toujours utiles. Par exemple, comment peut‑on évaluer le degré de contrôle qu’exerce un employeur sur les activités du travailleur lorsque la personne qui dirige l’employeur est le travailleur?[3]

 

[8]     Toutefois, bien que la tâche soit plus difficile, cela ne veut pas pour autant dire qu’il faut résoudre une telle difficulté en supposant que le travailleur était un employé. En pareil cas, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’en l’absence d’une preuve de « trompe‑l’oeil », la cour ne doit pas lever le voile corporatif[4]. Aucun facteur faisant partie du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door n’est à lui seul plus important que les autres; en outre, la jurisprudence montre clairement que ce ne sont pas tous les facteurs qui s’appliqueront à un ensemble donné de faits. Comme l’avocate de l’intimé l’a affirmé avec raison, il faut tenir compte de l’ensemble des circonstances.

 

[9]     Eu égard à la preuve présentée en l’espèce, je suis convaincue que Sparkling‑Clean a réussi à prouver le caractère erroné de l’hypothèse du ministre selon laquelle Mme Soroka était une employée. Premièrement, je retiens la preuve de Mme Soroka lorsqu’elle déclare qu’en ses qualités respectives d’âme dirigeante de Sparkling‑Clean et de personne fournissant des services de gestion à la société, elle n’avait pas l’intention d’agir comme employée. Mme Soroka était bien au courant de la différence entre un contrat de louage de services et un contrat d’entreprise : en sa qualité d’âme dirigeante de la société, elle avait engagé des employés et des entrepreneurs indépendants; avant que Sparkling‑Clean soit constituée en personne morale, Mme Soroka était elle‑même travailleuse autonome; enfin, elle avait consulté son conseiller financier à ce sujet et deux vérifications avaient été effectuées sur ce point.

 

[10]    Au cours des années en question, Mme Soroka s’occupait de fournir des services de gestion à titre d’entrepreneur indépendant. Elle fournissait des services similaires à d’autres sociétés. Il s’agissait de sociétés à peu d’actionnaires, mais ces sociétés étaient néanmoins des entités juridiques distinctes qui rémunéraient Mme Soroka pour son travail. Comme tout autre travailleur autonome, Mme Soroka décidait de la façon de répartir son temps entre ses clients. La nature de son travail était telle qu’elle n’avait pas besoin d’un grand nombre d’instruments de travail pour exercer ses fonctions de gestion; le fait qu’il arrivait parfois qu’elle utilise un aspirateur appartenant à Sparkling‑Clean lorsqu’elle remplaçait un préposé absent (qu’il s’agisse d’un employé ou d’un entrepreneur indépendant) ne suffit pas pour faire d’elle une employée de Sparkling‑Clean, étant donné en particulier que cela ne faisait pas partie de ses services de gestion.

 

[11]    En ce qui concerne les chances de bénéfice et les risques de perte et la question de la mesure dans laquelle Mme Soroka était intégrée à Sparkling‑Clean, c’est à Mme Soroka qu’il revenait d’assurer la rentabilité de son entreprise de gestion; Sparkling‑Clean entretenait les mêmes espoirs pour son entreprise de services de nettoyage et d’entretien. Elles avaient toutes deux des chances de bénéficier de la rentabilité de Sparkling‑Clean, mais cet intérêt partagé ne change rien à leur statut respectif en tant qu’entités distinctes dont les objectifs commerciaux étaient distincts. Si Sparkling‑Clean avait échoué, Mme Soroka, en sa qualité d’entrepreneur indépendant fournissant des services de gestion, aurait perdu une cliente; en sa qualité d’actionnaire de la société, elle aurait perdu un revenu de dividendes. Mme Soroka a témoigné qu’elle comptait sur ses compétences en matière de gestion; si, pour une raison ou une autre, Sparkling‑Clean avait cessé d’être sa cliente, elle aurait été en mesure d’utiliser ailleurs son expertise en matière de gestion. Je ne doute aucunement qu’il en est ainsi.

 

[12]    Mme Soroka m’a semblé une femme compétente, qui ne craignait pas de prendre des risques ou de travailler avec acharnement. Lorsque la demande concernant ses services personnels de nettoyage et d’entretien a commencé à dépasser sa capacité d’y répondre, c’est elle qui a emprunté de l’argent[5] en vue d’établir Sparkling‑Clean. C’est grâce à sa compétence et à son initiative que Mme Soroka a réussi à passer si facilement du statut de femme fournissant seule des services de nettoyage et d’entretien à quelques personnes à celui d’âme dirigeante d’une société, avec ses propres employés et entrepreneurs, fournissant des services de nettoyage et d’entretien à une myriade de clients. Ce changement a permis à Mme Soroka de relever de nouveaux défis à titre de conseillère en gestion.

 

[13]    Le contribuable est libre d’organiser ses affaires de la façon qui est pour lui la plus avantageuse, sur le plan économique, pourvu que ce soit dans les paramètres de la loi. Mme Soroka a démontré qu’elle avait le sens des responsabilités et qu’elle respectait la loi lorsqu’il s’agissait de produire des déclarations de revenus et de déclarer ou de verser tous les montants requis en temps opportun. Dans les domaines où elle estimait ne pas avoir la compétence requise, elle demandait conseil à son conseiller financier. Je suis convaincue qu’en ce qui concerne ses services de gestion, Mme Soroka n’était pas une employée.

 

[14]    L’appel est accueilli et la décision du ministre est annulée compte tenu du fait que Mme Soroka n’occupait pas un emploi auprès de l’appelante, Sparkling‑Clean.

 

           Signé à Ottawa, Canada, ce 15jour de mars 2007.

 

 

 

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2008.

D. Laberge, LL.L.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI149

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-1672(CPP)

 

INTITULÉ :                                       765750 ALBERTA LTD. s/n SPARKLING‑CLEAN JANITORIAL SERVICES

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 21 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 15 mars 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Ronald Agar

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Carrie Mymko

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1] Conformément à l’alinéa 6(1)a) et au paragraphe 2(1) du Régime de pensions du Canada.

[2] 87 DTC 5025 (C.A.F.); 671122 Ontario Ltd. v. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 4 C.T.C. 139 (C.S.C.).

 

[3] Pro-Style Stucco & Plastering Ltd. c. Canada, [2004] A.C.I. no 14, paragraphe 21.

 

[4] Meredith c. Canada, 2002 C.A.F. 258, paragraphe 12.

[5] Environ 40 000 $, pour du matériel et des fournitures.

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