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Dossier : 2005-994(EI)

ENTRE :

ARTHUR J. REYNDERS,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Arthur J. Reynders (2005-995(RPC)) le 8 janvier 2007,

à Sydney (Nouvelle-Écosse).

 

Devant : L’honorable juge Theodore E. Margeson

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me William P. Burchell

Avocate de l’intimé :

Me Deanna M. Frappier

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel interjeté en application du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») est accueilli, et la décision du ministre sur l’appel porté devant lui  aux termes de l’article 91 de la Loi est infirmée au motif que l’appelant occupait un emploi assurable chez Reynders Landscaping Limited durant les périodes du 20 juin 1999 au 20 août 1999, du 23 août 1999 au 14 juillet 2000, du 17 juillet 2000 au 28 août 2001, du 30 septembre 2001 au 28 septembre 2002 et du 30 septembre 2002 au 26 juillet 2003. 

 


Signé à New Glasgow (Nouvelle-Écosse), ce 16e jour d’avril 2007.

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de novembre 2007.

 

David Aubry, LL.B.


 

 

 

Dossier : 2005-995(CPP)

ENTRE :

ARTHUR J. REYNDERS,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Arthur J. Reynders (2005-994(AE)) le 8 janvier 2007,

à Sydney (Nouvelle-Écosse).

 

Devant : L’honorable juge Theodore E. Margeson

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me William P. Burchell

Avocate de l’intimé :

Me Deanna M. Frappier

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel interjeté en application du paragraphe 28(1) du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») est accueilli, et la décision portée en appel devant le ministre aux termes de l’article 27 du Régime est infirmée au motif que l’appelant occupait un emploi ouvrant droit à pension durant les périodes du 20 juin 1999 au 20 août 1999, du 23 août 1999 au 14 juillet 2000, du 17 juillet 2000 au 28 août 2001, du 30 septembre 2001 au 28 septembre 2002 et du 30 septembre 2002 au 26 juillet 2003.

 

      


Signé à New Glasgow (Nouvelle-Écosse), ce 16e jour d’avril 2007.

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de novembre 2007.

 

David Aubry, LL.B.


 

 

 

 

Référence : 2007CCI219

Date : 20070416

Dossiers : 2005-994(EI) et 2005-995(RPC)

ENTRE :

ARTHUR J. REYNDERS,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Margeson

 

[1]     Il a été convenu au départ que la preuve produite serait recevable dans les deux présentes instances.

 

Témoignages

 

[2]     Arthur J. Reynders a témoigné être né le 23 avril 1956. Il a neuf ans de scolarité. Il est marié et père d’un enfant de 15 ans. Il a travaillé au sein de l’entreprise d’aménagement paysager de son père pendant et après ses études. Il faisait du gazonnement et de l’ensemencement, plantait des fleurs et accomplissait d’autres travaux d’aménagement. Il s’acquittait de ces tâches principalement dans le nord de l’île du Cape-Breton. D’autres parents ont aussi travaillé avec son père dans l’entreprise d’aménagement paysager. 

 

[3]     Le travail commençait habituellement en avril ou en mai et se terminait en octobre, selon la température. L’appelant et ses collègues se livraient à ce travail saisonnier cinq ou six jours par semaine à compter de 7 h. 

 

[4]     L’appelant touchait périodiquement des prestations d’assurance-emploi durant la saison morte. Son père était l’unique propriétaire de l’entreprise d’aménagement paysager jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite, en 1984.

 

[5]     Reynders Landscaping Limited (l’« entreprise » ou  le « payeur ») a été constituée en personne morale en 1985. Comme le père de l’appelant souhaitait que l’entreprise poursuive ses activités, un avocat et un comptable ont été embauchés à cette fin. La société constituée en personne morale a pris en charge l’entreprise et ses avoirs. La société avait pour secrétaire-trésorier ce témoin tandis que son frère en était le vice-président, et son père, le président. L’appelant détenait 39 actions, son frère, 31, et son père, 30.

 

[6]     Au fil des ans, à quelques occasions, Développement des ressources humaines Canada (DRHC) l’a interrogé à quelques reprises sur les affaires de l’entreprise, mais aucun problème n’a été cerné. Lorsque son père prenait part aux activités de l’entreprise, il se rendait sur le lieu de travail pour voir si les travaux se déroulaient comme prévu. Il est mort en 1993. Anne MacNeil, la sœur de l’appelant, a obtenu les actions de leur père. Leur frère Peter travaillait également pour l’entreprise, mais uniquement en cas de besoin. L’appelant était à l’emploi de l’Entreprise et s’occupait de tous les projets. Il était en quelque sorte un « superviseur ». L’entreprise comptait d’autres employés, dont un certain Gary MacNeil. L’entreprise a cessé ses activités après la mort du père. L’appelant avait touché auparavant des prestations d’assurance-emploi à quelques reprises.

 

[7]     En 1999, il y avait très peu de travail pour le personnel de l’entreprise. L’appelant a donc décidé de se rendre dans le nord de l’Alberta l’année suivante pour y trouver du travail et il y habite toujours. En 2003, l’appelant savait que les livres comptables de l’entreprise faisaient l’objet d’une vérification. Il a fait une déclaration à M. Connor, de DRHC. L’appelant s’est vu infliger une sanction pécuniaire de 9 000 $.  Il a fait appel de cette sanction.

 

[8]     Il gagnait 750 $ et travaillait de 50 à 60 heures par semaine entre 1999 et 2003. Sa rémunération était établie en fonction de son expérience et après discussion avec les autres actionnaires. Il a touché ce montant pendant plusieurs années. Il supervisait une ou deux personnes à l’occasion. D’autres entreprises payaient 15 ou 16 $ l’heure quelqu’un qui effectuait des tâches semblables à celles accomplies par l’appelant pour le compte de l’entreprise. Cette dernière disposait de l’équipement nécessaire à l’exercice de ses activités. 

 

[9]     Avant et après la constitution de l’entreprise en personne morale, l’appelant accumulait un nombre d’heures de travail équivalent à celui des personnes exerçant des fonctions semblables dans d’autres entreprises d’aménagement paysager. Ce travail était très vulnérable aux aléas de la température. La durée du travail variait d’une année à l’autre selon le travail offert et les conditions météorologiques.

 

[10]    En septembre ou en octobre 2000, l’appelant s’est déplacé à l’ouest. L’Entreprise ne lui avait versé que son salaire. Il se peut que l’appelant ait travaillé pendant 18 semaines au total. 

 

[11]    Les pièces R-1, R-2 et R-3 ont été déposées en preuve par consentement. L’appelant a fait mention de la pièce R-1, onglet 4, la demande de prestations d’assurance-emploi. Il a reconnu sa signature à la page 4 du document. À la question 21 de la demande de prestations d’assurance-emploi, il a répondu que son employeur ne lui avait pas versé d’indemnité de vacances et qu’il ne lui en verserait pas à l’avenir. Il a toutefois dit que sa rémunération hebdomadaire incluait cette indemnité. Il avait répondu à la question par la négative parce qu’il ne la comprenait pas.

 

[12]    Il a également reconnu sa signature à la page 3 de la pièce R-1, onglet 5, une demande de prestations d’assurance-emploi visant la période du 10 octobre 2000 au 14 décembre 2000. Il a aussi identifié le relevé d’emploi qui figure à la page 6 du même onglet et la demande de prestations d’assurance-emploi se trouvant à l’onglet 6 de cette pièce. Encore une fois, il a affirmé avoir touché une indemnité de vacances de la part de son dernier employeur, mais il a répondu à la question 1 par la négative. C’était une erreur vu que sa rémunération hebdomadaire incluait son indemnité de vacances.

 

[13]    La réponse à la question 35 était inexacte; il a admis avoir un lien de parenté avec son employeur. Il a aussi identifié la demande de prestations d’assurance‑emploi qui se trouve à la pièce R-1, onglet 7, et sa signature apposée à la page 3 de ce document. Encore une fois, il a mal répondu à la question 21 en disant ne pas avoir reçu d’indemnité de vacances de son dernier employeur.  

 

[14]    Il a identifié la demande de prestations d’assurance-emploi qui figure aux onglets 7 et 8 de la pièce R-1. Encore une fois, la réponde donnée dans ce document concernant la réception d’une indemnité de vacances était erronée. 

 

[15]    Il a signé des chèques au nom du payeur. Il était toujours payé par chèque.   Gregory Francis, le comptable du payeur, n’a pas été remplacé à la suite de sa mort, survenue en 2004.

 

[16]    On a renvoyé l’appelant à la pièce R-2, onglet, 20, un relevé de la rémunération de l’employé. Ce relevé indiquait le nom d’autres employés que l’appelant qui avaient travaillé pour l’entreprise. L’appelant a été prié de dire qui avait embauché ces employés. Il a répondu qu’il supervisait tous les actionnaires.  Il leur assignait les tâches à accomplir, et les actionnaires fixaient le taux horaire. Il touchait 750 $ par semaine et accumulait plus d’heures de travail que les autres. Il envoyait les factures, sinon les autres actionnaires s’en occupaient. Tous les actionnaires tentaient de recouvrer les sommes dues au titre des factures. L’appelant payait les factures adressées à l’entreprise.

 

[17]    Ni l’appelant ni les autres actionnaires n’ont utilisé le véhicule de l’entreprise à des fins personnelles. Le véhicule est enregistré au nom du payeur. Aucun syndicat ne représentait le personnel de l’entreprise.

 

[18]    On a renvoyé l’appelant à la pièce R-1, onglet 10, page 28. Il s’agissait  d’un chèque de cotisations syndicales à l’ordre de la section locale 1115 du Labourers International Union (syndicat international des ouvriers). L’appelant ne savait pas pourquoi le chèque avait été émis. Les cotisations étaient les siennes. Le chèque de 160 $ à l’ordre de la [traduction] « fiducie de la section locale 1115 » qui figure à la page 40 avait également été fait en son nom pour les fins du régime d’avantages sociaux. Le comptable a remis les preuves de versement à l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») après les avoir signées. Ce témoin faisait affaire avec le bureau d’indemnisation des accidents du travail au nom du payeur.

 

[19]    La pièce R-4 est un questionnaire à l’intention de l’employé qui a été rempli par Arthur Reynders en date du 24 août 2004. Le témoin a identifié ce document. L’entreprise a pour adresse celle de son domicile. Le numéro de téléphone de l’entreprise est également le sien. Il a dit que les trois actionnaires avaient négocié les prêts.

 

[20]    Ce témoin fixait le coût des projets confiés à l’entreprise. La paie était versée le vendredi, et le témoin signait les chèques. L’entreprise avait cessé ses activités quand le témoin s’était rendu à l’ouest. Il n’a reçu aucune prestation à ce moment‑là. Il a admis avoir réparé plusieurs fois l’équipement de l’Entreprise à titre gracieux. Les actionnaires décidaient s’il y avait lieu de le congédier. 

 

[21]    On a renvoyé le témoin à la pièce R-2, onglet 14, une facture de 305,03 $ adressée à la Nova Scotia Liquor Commission de Halifax, et le témoin a admis que personne n’était inscrit sur la liste de paie quand cette facture a été dressée. Cela vaut aussi pour la facture de 316,25 $ qui se trouve à la page 2 de cet onglet. Il a envoyé les factures, mais a reconnu qu’aucun nom d’employé ne figurait sur la liste de paie avant le 19 juin. Le témoin n’a pas été payé pour avoir envoyé ces factures.

 

[22]    On a montré au témoin la facture du B & M Service Centre adressée à l’entreprise en date du 1er juin 1999; il s’agissait d’une compilation d’un certain nombre de frais imputés à l’entreprise du 7 au 31 mai. Le témoin a convenu qu’aucun employé n’était inscrit sur la liste de paie avant le 19 juin 1999. Il y avait deux factures d’essence. Selon le témoin, l’entreprise n’avait aucun projet en cours, mais avait tout de même besoin d’essence. Lorsqu’on l’a mis en présence d’autres factures d’essence, il a dit que le véhicule n’avait pas été conduit. Il a ensuite affirmé qu’il utilisait le véhicule à des fins personnelles pour faire des travaux près de la ferme.

 

[23]    La pièce R-3, onglet 31, contient une facture de 44,83 $ adressée par  le B & M Service Centre à « Reynders Landscaping » en date du 5 août 2000. Selon le témoin, la liste de paie était vierge à ce moment-là, mais on avait payé de l’essence [traduction] « pour que l’équipement soit prêt ». Il a admis avoir employé certains des outils pour des fins personnelles. 

 

[24]    Le témoin a identifié la pièce R-1, onglet 4, une demande de prestations d’assurance-emploi datée du 8 octobre 1999. Il a répondu à la question 35 qu’il était lié à son employeur. Ce n’est pas lui qui a enregistré l’information dans l’ordinateur. L’onglet 5 de cette pièce est une demande de prestations datée du 2 janvier 2001. Il a répondu à la question 35 de cette demande qu’il n’était pas lié à son employeur, ce qui est faux.

 

[25]    Le témoin signait les chèques du payeur et se faisait toujours payer par chèque. Gregory Francis était le comptable du Payeur, et personne ne l’a remplacé après sa mort, survenue en 2004. La pièce R-2, onglet 20, établit la rémunération versée au personnel de l’Entreprise de 1999 à 2003. Le témoin a convenu que les documents étaient exacts.

 

[26]    Il aurait réparé l’équipement de l’entreprise à titre gracieux. Les actionnaires décidaient s’il y avait lieu de le congédier. On l’a renvoyé aux factures qui se trouvent à l’onglet 14 de la pièce R-2. Le témoin a dit que personne n’était inscrit sur la liste de paie lorsque la facture a été établie. 

 

[27]    Il a dit que la facture se trouvant à la page 3 était prévue par le contrat et que lui et les autres employés touchaient une rémunération, que le travail ait été exécuté ou non. Le témoin a envoyé ces factures à titre gracieux. Lorsqu’on lui a montré la facture qui figure à l’onglet 30 de la pièce R-3, il a dit qu’aucun employé n’était inscrit sur la liste de paie à ce moment-là. Deux des factures concernaient de l’essence. Le véhicule n’avait pas été utilisé, mais l’entreprise avait tout de même besoin d’essence. Le témoin a ensuite admis que le véhicule avait notamment servi à des fins personnelles près de la ferme. 

 

[28]    En réinterrogatoire, on a renvoyé le témoin à la pièce R-1, onglet 4. Il y avait indiqué être lié à son employeur. C’est quelqu’un d’autre qui a enregistré l’information dans l’ordinateur. Sa réponse à la question 35 était incorrecte. Le commis avait appuyé sur la mauvaise touche. Sa rémunération hebdomadaire incluait son indemnité de vacances. L’entreprise n’a pas poursuivi ses activités alors que le témoin était parti à l’ouest, vu qu’il n’y avait pas de travail. Il était parti à l’ouest pour cette raison. Le témoin affirme avoir fourni l’information bancaire au ministre du Revenu national (le « ministre ») et il croyait n’avoir rien oublié. Il ne le savait pas.

 

[29]    L’intimé a appelé à la barre un dénommé James Alfred O'Connell. Ce dernier travaillait pour DRHC en tant qu’agent responsable des enquêtes et de la surveillance. Il a interrogé l’appelant relativement à la présente demande. 

 

[30]    La pièce R-5 a été produite sur consentement des parties. Il s’agit du compte rendu de l’entrevue. L’appelant a dit à M. O’Connell qu’il avait exercé les fonctions de secrétaire-trésorier à titre bénévole. Il s’est aussi procuré à ses frais des pièces pour réparer le matériel de l’entreprise. Personne d’autre ne pouvait faire ce travail.

 

[31]    Quant aux estimations, l’appelant a dit que lui et son frère se partageaient cette tâche. Il donnait des instructions aux employés et leur disait quel travail devait être accompli. Puis, il surveillait l’exécution du travail.

 

[32]    L’appelant admet s’être servi de la fourgonnette de l’entreprise pour faire la navette entre la ville et son domicile lorsqu’il ne pouvait pas utiliser son propre véhicule. Il se chargeait lui-même de recouvrer les sommes dues à l’entreprise, demandait à un collègue de le faire ou envoyait la facture par la poste. 

 

[33]    En contre-interrogatoire, le témoin a dit que l’appelant était entré dans son bureau. Il s’était montré coopératif mais parfois vague au sujet des factures. Il n’a pas énoncé clairement l’objet des factures. Le témoin a montré à l’appelant trois factures envoyées en 1999, alors que son nom ne figurait pas sur la liste de paie. Ces factures sont datées du 1er décembre, du 11 décembre et du 7 décembre respectivement.

 

[34]    Vingt-trois factures ont été dressées entre le 10 janvier et le 27 septembre 2000, une période pendant laquelle l’appelant n’était pas inscrit sur la liste de paie. L’année suivante, l’entreprise avait établi 29 factures entre le 23 janvier et le 9 novembre. C’est au cours du mois de novembre qu’a été dressé le plus grand nombre de factures. L’entreprise a établi 28 factures entre le 9 juillet et le 20 décembre 2002 et les a envoyées de la fin novembre à décembre. Le nom du témoin ne figurait pas alors sur la liste de paie. Vingt-trois factures ont été dressées entre mars et le 28 juin 2003, autre période au cours de laquelle l’appelant n’était pas inscrit sur la liste de paie. Le témoin a dit à M. O’Connell qu’il réparait l’équipement de l’entreprise. Personne d’autre ne pouvait le faire, et le témoin espérait pouvoir utiliser l’équipement à un moment donné. L’entreprise n’avait pas les moyens de payer un autre réparateur. L’appelant s’était acquitté de cette tâche pendant des années à titre bénévole. Il a admis qu’il lui arrivait parfois de superviser bénévolement des employés.

 

[35]    L’intimé a appelé Peter Reynders à témoigner. Celui-ci a été renvoyé à la pièce R-6, qui a été produite sur consentement des parties. Il s’agit d’un questionnaire rempli par ce témoin. Peter Reynders a répondu à la question 8 qu’il était devenu actionnaire de l’entreprise pour aider à la création de cette dernière. Il en tirerait peut-être un bénéfice à long terme. Il a aussi travaillé pour l’entreprise dont il était le vice-président. Les dirigeants de l’entreprise discutaient entre eux de vive voix. Ils se rencontraient parfois à son domicile, parfois à la résidence de l’appelant. Peter Reynders ne dressait pas de compte rendu des rencontres parce qu’il ne jugeait pas cette mesure nécessaire. Arthur Reynders faisait la plupart du travail pour le compte de l’Entreprise. Peter Reynders participait de temps en temps à l’acquisition de fournitures et du matériel de même qu’à l’embauche du personnel. Il croyait que le teneur de comptes s’occupait de toute la comptabilité.

 

[36]    En contre-interrogatoire, Peter Reynders a dit que l’appelant touchait 750 $ par semaine. Peter Reynders croyait qu’il s’agissait d’une rémunération adéquate pour une semaine de 50 à 60 heures de travail. Il y avait parfois des interruptions en raison de la température et des problèmes d’équipement. Cette rémunération était équivalente à celle de personnes exécutant du travail de même nature. L’entreprise se livrait à ses activités principalement de la même manière que les autres entreprises d’aménagement paysager de la région. Les biens qu’il acquérait pour l’Entreprise étaient destinés à la réparation de l’équipement de celle-ci.

 

[37]    Anne MacNeil a témoigné avoir rempli le questionnaire à l’intention du payeur qui a été présenté sous la cote R-7. Sa signature apparaît sur le document, écrit de sa main. Elle a acquis des actions de l’entreprise lorsque son père est décédé. Elle a payé ses actions en travaillant gratuitement pour l’entreprise. Elle a acquis ses actions parce qu’elle et ses frère voulaient créer une enterprise. Arthur Reynders souhaitait que l’entreprise poursuive ses activités et qu’Anne MacNeil en devienne une actionnaire. Elle n’a jamais exercé son droit de vote en tant qu’actionnaire et n’a pris aucune décision à ce titre.

 

[38]    Sa mère lui a cédé les actions de son père.

 

Argument présenté au nom de l’appelant

 

[39]    L’avocat de l’appelant a fait valoir par écrit qu’Henry Reynders est mort le 19 février 1993 et qu’il était demeuré actif au sein de l’entreprise jusqu’à son décès. Subséquemment, Anne Reynders, sa veuve, a cédé ses actions à Anne MacNeil, une cession consignée le 6 juin 1994 dans le registre de l’entreprise.

 

[40]    L’entreprise a poursuivi ses activités comme dans le passé. L’appelant a continué d’entretenir l’équipement de la même manière qu’à l’époque où son père était l’unique propriétaire de l’entreprise. 

 

[41]    Selon l’avocat de l’appelant, pour une raison ou une autre, DRHC s’est mise à surveiller de près le fonctionnement de l’entreprise et a procédé à un examen visant la période de juin 1999 à juillet 2003. L’appelant a cependant coopéré sans réserve avec DRHC. Malgré sa coopération, l’appelant s’est vu imposer une pénalité de 9 086 $ pour fausses déclarations.

 

[42]    Le ministre a pris ses décisions à l’encontre de l’appelant, décisions qui ont été portées en appel. 

 

[43]    L’avocat de l’appelant dit qu’un grand nombre d’hypothèses de fait énoncées par le ministre dans sa réponse avaient été réfutées par l’appelant, Anne MacNeil et Peter Reynders. Certaines de ces hypothèses ne sont pas pertinentes. Importe-t-il de savoir si Anne MacNeil a acquis ses actions ou non? Bon nombre de ces hypothèses reposent sur des conjectures et des soupçons plutôt que sur la preuve. On n'a produit aucune preuve pour appuyer tout au moins cette  hypothèse. Les témoignages d’Anne MacNeil et de Peter Reynders ainsi que les questionnaires qu’ils avaient auparavant remplis à l’intention de DRHC et qui ont été déposés en preuve dans le cadre de la présente instance réfutent entièrement l’hypothèse selon laquelle l’appelant a pris les décisions influant sur l’entreprise, et Anne MacNeil et Peter Reynders n’ont pas participé à la prise de ces décisions. 

 

[44]    Il semble que les paragraphes 8f) g) et i) de la réponse forment la pierre angulaire de la décision du ministre; cependant, en dernière analyse, ils sont dénués de sens. Les présomptions faites aux paragraphes 8j), k), l), m), n), o) et p) n’ont aucun rapport avec les questions dont est saisie la Cour, et le ministre n’aurait pas dû tenir compte de ces présomptions lorsqu’il a pris sa décision.

 

[45]    L’avocat s’est référé à la décision Wilfred Oldford c. M.R.N., 96‑1691(AC), où le juge suppléant Cuddihy a infirmé la décision du ministre parce qu’il était persuadé que celui-ci avait exercé son pouvoir discrétionnaire en contravention de la loi. Il en est ainsi notamment lorsque le ministre :

 

1.       agit de mauvaise foi ou pour un motif illégitime;

2.       ne prend pas en considération toutes les circonstances pertinentes, comme l’exige expressément la Loi;

3.       prend en considération un facteur non pertinent quel qu’il soit. 

 

[46]    L’avocat de l’appelant soutient que les paragraphes 8j), k), l), m), n), o) et p) n’ont aucun rapport avec la présente affaire. Par exemple, l’omission de produire une déclaration de revenus, de garder le statut actuel de la société dans les registres, de tenir les autres actionnaires au courant de ces démarches, de ne pas tenir de réunions officielles des actionnaires, etc. n’ont rien à voir avec une demande de prestations d’assurance-emploi. D’après l’avocat de l’appelant, son client a accompli les tâches qui lui revenait. Les actionnaires ont décidé de lui verser un salaire de 750 $ par semaine. Cette rémunération est inférieure à celle des autres personnes exécutant le même travail dans la collectivité. L’entreprise aurait pu facilement offrir une rémunération équivalente ou supérieure à une personne exécutant les mêmes tâches que l’appelant. Il y a donc lieu d’accueillir l’appel et d’infirmer la décision du ministre. 

 


Argument présenté au nom de l’intimé

 

[47]    L’intimé prétend qu’aucun contrat de louage de services ne liait l’appelant au payeur, comme l’exigent l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») et l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada (le « Régime »). Il s’est référé aux décisions de principe en matière de contrat de louage de services telles que Wiebe Door Services Ltd c. Canada[1] et 67112 Ontario Ltd c. Sagaz Industries Canada Inc.[2] Ces arrêts établissent les critères à appliquer pour faire la distinction entre un contrat de louage de services et un contrat d’entreprise. 

 

[48]    L’avocate de l’intimé a soutenu qu’il n’y avait aucune relation contractuelle entre l’appelant et le payeur. Aucune entente écrite n’est intervenue entre les parties. Il ne s’agissait que d’un arrangement informel entre parents. L’appelant travaillait en autonomie, et certains éléments de preuve montrent que les autres actionnaires, soit sa sœur, Anne MacNeil, et son frère, Peter Reynders, s’occupaient rarement des activités régulières du payeur ou du travail de l’appelant. L’appelant avait voix au chapitre concernant son propre salaire et se rémunérait à même le compte bancaire du payeur. Il décidait des projets que réaliserait le payeur et accomplissait des travaux pour lesquels il ne touchait aucune rémunération. Il ne s’attendait pas non plus à être rémunéré pour ces travaux. Il fixait ses propres heures de travail et n’était pas surveillé dans l’exercice de ses fonctions. L’appelant ne comptabilisait pas les dépenses qu’il engageait au nom du payeur et se servait fréquemment du compte bancaire du payeur pour payer des dépenses personnelles. Il utilisait l’équipement et la fourgonnette du payeur à des fins personnelles sans avoir à rendre compte de ses agissements. En fait, il pouvait exploiter le payeur comme bon lui semblait sans être assujetti à la stipulation d’un contrat quelconque conclu avec le payeur. 

 

[49]    Si la Cour devait déterminer qu’il existe une relation contractuelle entre le payeur et le travailleur, il s’agirait alors d’un contrat d’entreprise et non pas d’un contrat de louage de services. L’avocate s’est appuyée sur les divers éléments dont il est question dans Wiebe Door, précité, et a dit que la preuve n’appuie pas la prétention des actionnaires selon laquelle ils ont exercé un contrôle à l’endroit de l’appelant. La preuve concernant le contrôle ne tend pas à démontrer l’existence d’un contrat de louage de services. Il ressort de la preuve que les outils étaient la propriété du payeur, mais l’appelant employait les outils et les véhicules comme s’ils lui appartenaient et les utilisait à des fins personnelles. L’appelant s’est également servi du compte bancaire du payeur pour payer les dépenses connexes. Ces éléments indiquent que nous sommes en présence d’autre chose qu’un contrat de louage de services.

 

[50]    Pour ce qui est de la possibilité de réaliser un profit et du risque de subir une perte, seul l’appelant avait l’occasion de faire un profit vu qu’il était la seule personne à toucher une rémunération. Seul l’appelant pouvait tirer profit du payeur ou en subir une perte, car le payeur lui versait une rémunération. Ce facteur indique qu’il ne s’agit pas d’un contrat de louage de services. 

 

[51]    Quant à l’intégration, l’avocate a dit que l’appelant exploitait manifestement le payeur comme s’il en était le propriétaire. Son travail faisait partie intégrante de l’exploitation de l’entreprise, et il était responsable du compte bancaire de l’Entreprise en plus de devoir mener à bien les réparations faites sur l’équipement, acquérir le matériel et les fournitures, établir le coût des projets, embaucher et  superviser le personnel ainsi que préparer les factures et recouvrer les sommes dues au titre de ces factures. L’appelant travaillait pour le payeur alors que personne d’autre n’était inscrit sur la liste de paie et il exécutait des travaux à titre gracieux. De plus, les autres actionnaires ont dit que l’[traduction] « appelant et l’entreprise ne faisaient qu’un », qu’il était [traduction] « un personnage influent » et que le payeur ne pouvait pas continuer ses activités en l’absence de l’appelant. 

 

[52]    Tous les éléments susmentionnés tendent à prouver qu’aucun contrat de louage de services ne liait le payeur à l’appelant.

 

[53]    L’appelant a témoigné que son travail pour le compte du payeur constituait son emploi principal, mais son relevé d’emploi ainsi que les registres de paie du payeur indiquent le contraire. Les registres montrent que le nom de l’appelant figurait sur la liste de paie moins longtemps que le reste du personnel et qu’il travaillait davantage pour d’autres employeurs. En outre, les autres employés du payeur travaillaient plus longtemps que l’appelant durant les périodes visées par l’appel. Pendant les années 2001, 2002 et 2003, l’appelant n’était jamais inscrit sur la liste de paie en même temps que les autres employés. 

 

[54]    Même si l’appelant a témoigné que le payeur exerçait ses activités sur une base saisonnière du début du printemps jusqu’à la fin de l’automne, au gré des conditions météorologiques, le nom de l’appelant n’a figuré sur la liste de paie que pendant neuf semaines durant une saison sur les quelque 28 semaines d’activité de l’entreprise. 

 

[55]    L’avocate de l’intimé a fait valoir que le travail réalisé par l’appelant pour le compte du payeur n’était pas son emploi principal.

 

[56]    Elle a également soutenu que l’appelant ne pouvait pas être à l’emploi d’une entreprise qui n’existait pas. L’avocate est de cet avis parce que le Registre des sociétés de capitaux avait révoqué le statut du payeur avant les périodes visées par l’appel.  

 

[57]    Quant à l’absence de lien de dépendance, l’avocate a soutenu qu’il ressort clairement des facteurs énumérés à l’alinéa 5(3)b) de la Loi que l’appelant ne saurait être réputé n’avoir aucun lien de dépendance avec le payeur.

 

[58]    Selon le témoignage d’Anne MacNeil, les dirigeants du payeur n’auraient pas demandé à un employé n’étant pas lié à eux de faire le même travail que l’appelant à titre bénévole; les dirigeants du payeur auraient alors été tenus de verser à cet employé une rémunération supérieure à celle de l’appelant. Anne MacNeil a aussi dit que la rémunération de l’appelant ne prenait pas en compte les réparations qu’il effectuait ni le fait qu’il travaillait gratuitement lorsque le payeur n’exerçait pas ses activités.

 

[59]    Pour ce qui est des conditions d’emploi, l’avocate a fait valoir que, d’après la preuve, un employé n’ayant aucun lien de parenté avec les dirigeants du payeur aurait touché une rémunération supérieure à celle de l’appelant parce que le payeur n’avait pas les moyens d’offrir un meilleur salaire. En outre, cet employé n’aurait pas été le seul à détenir un pouvoir de signature à l’égard du compte bancaire de l’entreprise et n’aurait pas eu autant de latitude que l’appelant dans la gestion de l’entreprise.

 

[60]    Un employé non lié aux dirigeants du payeur n’aurait pas été en mesure d’employer les outils et les véhicules du payeur et n’aurait pas pu payer les dépenses connexes à même le compte bancaire du payeur. Celui-ci payait les cotisations syndicales de l’appelant, mais ne le faisait pas dans le cas de ses autres employés.

 

[61]    En ce qui concerne la durée, la nature et l’importance du travail, l’avocate a soutenu que les services fournis par l’appelant étaient importants et faisaient partie intégrante du fonctionnement du payeur et que celui-ci ne pouvait pas fonctionner sans l’apport de l’appelant.

 

[62]    Par conséquent, il est raisonnable de conclure que des parties non apparentées n’auraient pas conclu un contrat de louage de services à peu près semblable à celui qui liait l’appelant et le payeur. 

 

[63]    Il convient de rejeter l’appel et de confirmer la décision du ministre.

 

Analyse et décision

 

[64]    L’avocate de l’intimé estime qu’il ne pouvait y avoir de contrat de louage de services liant le payeur à l’appelant pendant la période en cause vu que l’entreprise n’existait pas à ce moment-là. En effet, le Registre des sociétés de capitaux a révoqué le statut du payeur avant les périodes visées par l’appel. L’appelant aurait donc exploité le payeur en tant que propriétaire, et non à titre d’employé d’une société constituée en personne morale.

 

[65]    L’avocate n’a pas invoqué les bonnes dispositions de la législation néo‑écossaise. La loi applicable est la Corporations Registration Act, chapitre 101 des lois révisées, 1989, et ses modifications.

 

[66]    Deux dispositions de la Corporations Registration Act s’appliquent en l’espèce, dont le paragraphe 13(1) qui prévoit ce qui suit :

 

[traduction]

Est passible d’une pénalité de cinquante dollars toute société, qu’elle ait été constituée le 1er octobre 1912, avant ou après cette date, se livre à des activités dans la province sans certificat d’enregistrement valide. Tout administrateur, gestionnaire, secrétaire, représentant, commis voyageur ou vendeur de la société qui transige au nom de celle-ci dans la province en sachant que la société ne détient pas un certificat d’enregistrement valide est passible d’une pénalité de cinquante dollars par jour de transaction.

 

Le paragraphe 17(1) énonce ce qui suit :

 

[traduction]

La société non munie d’un certificat d’enregistrement en règle ne peut ester en justice dans un tribunal de la province à l’égard de tout contrat signé en tout ou partie dans la province relativement à l’une de ses activités exercée dans la province alors qu’elle n’avait pas de certificat d’enregistrement valide. Le présent paragraphe ne s’applique pas aux sociétés constituées en personne morale aux termes d’une loi fédérale ou d’une loi de la Nouvelle-Écosse.

 

Le juge A. Boudreau a analysé ces dispositions dans la décision Kaeser Compressors Inc. c. Bent[3]. Le savant juge de première instance y a tiré la conclusion suivante :

 

[traduction]

À mon avis, le paragraphe 17(1) de la Loi [Corporations Registration Act] ne s’applique pas aux « sociétés canadiennes », c.‑à‑d. les sociétés constituées en personne morale en vertu d’une loi fédérale ou d’une loi de la Nouvelle-Écosse [...] Le paragraphe 17(1) s’applique, semble-t-il, uniquement aux « sociétés étrangères » au sens de l’alinéa 2g) de la Loi, tandis que la disposition portant imposition d’une pénalité, le paragraphe 13(1), vise « toute société ».

 

[67]    En outre, le paragraphe 13(1) semble disposer qu’une société comme le payeur peut poursuivre ses activités même si son certificat d’enregistrement n’est pas valide. La seule chose qui risque d’en découler est l’imposition d’une amende. Il ne s’ensuit pas que la société n’existe plus ou qu’elle ne peut plus exercer ses activités.

 

[68]    En conséquence, l’entreprise pouvait conclure un contrat de louage de services avec l’appelant durant la période en question malgré la possibilité que son certificat d’enregistrement ait été révoqué. L’argument de l’avocate de l’intimé sur ce point est donc rejeté.

 

[69]    La Cour est convaincue qu’un certain nombre des présomptions énoncées dans la réponse à l’avis d’appel ont été réfutées adéquatement.

 

[70]    Dans le paragraphe 8f) de la réponse, il est supposé qu’Anne MacNeil n’a pas acheté ses actions du payeur. La preuve dont dispose la Cour montre qu’elle a bel et bien acheté ses actions en travaillant gratuitement pour l’entreprise. Quoi qu’il en soit, la Cour n’est pas persuadée qu’il s’agissait une présomption importante ou pertinente qui aurait pu aider le ministre à prendre la décision qu’il a prise.

 

[71]    On suppose au paragraphe 8g) de la réponse qu’Anne MacNeil était devenue actionnaire principalement pour faire en sorte que l’appelant ne détienne pas plus que 40 % des actions du payeur et qu’il reste admissible à des prestations d’assurance-emploi. Rien n’appuie cette prétention; la preuve montre clairement qu’Anne MacNeil est devenue actionnaire à la suite de la mort de son père parce qu’elle et ses frères voulaient que l’entreprise poursuive ses activités. Rien dans la preuve ne laisse croire qu’Anne MacNeil est devenue actionnaire pour permettre à l’appelant de rester admissible à des prestations d’assurance-emploi.

 

[72]    Au paragraphe 8h), il est présumé que Peter Reynders et Anne MacNeil avaient un autre employeur que le payeur. Cette présomption relativement « peu pertinente » n’aurait pas aidé le ministre à prendre la décision qu’il a prise. 

 

[73]    On présume au paragraphe 8i) que l’appelant a pris les décisions influant sur l’exploitation du payeur et qu’Anne MacNeil et Peter Reynders n’ont pas participé à la prise de ces décisions. Cette présomption a été entièrement réfutée vu qu’il ressort manifestement de la preuve des parties que tous les actionnaires, et non pas seulement l’appelant, ont pris des décisions ayant une incidence sur l’entreprise. Il s’agissait sans doute d’une présomption importante pour le ministre au moment où il a pris sa décision, et la preuve révèle que cette présomption était erronée.

 

[74]    Au paragraphe 8j) de la réponse, il est présumé que le payeur n’a pas présenté de déclarations de revenus durant les périodes visées par l’appel. Encore une fois, la Cour ne peut pas conclure qu’il s’agit d’une considération pertinente. En tout état de cause, l’appelant a bel et bien dit qu’il n’en savait rien avant l’introduction de la présente instance. Il a également affirmé, à l’instar des autres actionnaires, que l’entreprise comptait essentiellement sur leur comptable pour faire tout ce qu’il y avait à faire.

 

[75]    Il est allégué au paragraphe 8k) de la réponse que le payeur n’a pas remis de déclarations de revenus annuelles au Registre des sociétés de capitaux, le mandataire de la province de Nouvelle-Écosse, pour les périodes visées par l’appel. Encore une fois, il est difficile pour la Cour de juger cette considération pertinente. Quoi qu’il en soit, d’après la preuve, le comptable de l’entreprise a été malade pendant plusieurs années. C’est la raison pour laquelle personne ne s’est occupé des affaires de l’entreprise, y compris les travaux d’écritures.

 

[76]    Il est allégué au paragraphe 8m) de la réponse que les actionnaires du payeur ne se sont pas réunis pendant les périodes visées par l’appel. Les actionnaires ont réfuté cette présomption dans leurs témoignages. Les actionnaires ont dit ne pas avoir tenu de réunions officielles ni dressé de procès-verbaux, mais ils ont clairement affirmé s’être réunis et avoir traité comme il se doit des affaires de l’entreprise à ces réunions. Bien entendu, il importe de souligner la décision de l’entreprise d’embaucher l’appelant au cours des périodes durant lesquelles il devait travailler.

 

[77]    Au paragraphe 8n) de la réponse, le ministre confirme avoir jugé que les tâches exécutées par l’appelant pour le compte de l’entreprise comprenaient la sollicitation de travaux, l’obtention de l’équipement et des fournitures nécessaires, l’accomplissement des travaux ainsi que l’embauche, la surveillance et le congédiement des autres employés au besoin, l’entretien des outils requis pour faire le travail de même que la gestion du compte bancaire de l’entreprise. L’allégation précitée s’accorde tout à fait avec les témoignages de l’appelant et des autres actionnaires et n’aurait pas aidé le ministre dans la prise de sa décision.

 

[78]    Il est allégué au paragraphe 8o) de la réponse que l’appelant a continué de s’acquitter à titre gracieux des tâches susmentionnées durant des périodes au cours desquelles des projets avaient été confiés au payeur. L’appelant a affirmé à cet égard qu’il ne convenait pas de l’exactitude du paragraphe dans son ensemble et a dit [traduction]  « non, certains de ses éléments ». La Cour ne sait pas avec certitude ce qu’il voulait dire par là, mais il a clairement rejeté en partie l’allégation.

 

[79]    La réponse contient un certain nombre de présomptions non réfutées qui revêtent de l’importance en l’espèce. La Cour est persuadée que le nom de l’appelant ne figurait pas sur la liste de paie durant des périodes au cours desquelles d’autres employés étaient inscrits sur la liste de paie et des travaux avaient été confiés à l’entreprise. En outre, la Cour est convaincue que, d’après la preuve, l’appelant a exécuté des travaux pour le compte de l’entreprise, notamment l’établissement de factures et la réparation de l’équipement, alors qu’il n’était pas inscrit sur la liste de paie. La Cour est aussi convaincue que l’appelant a employé gratuitement l’équipement de l’entreprise de temps à autre.

 

[80]    La Cour a tenu compte des points susmentionnés dans son examen de tous les éléments de preuve quant à la véritable nature de la relation entre le payeur et l’appelant. Aucun facteur particulier ne détermine l’issue de l’espèce.

 

[81]    L’avocate de l’intimé a soutenu qu’il est seulement possible de tenir compte des différents facteurs exposés dans Wiebe Door, précité, lorsque la question consiste à savoir si le contrat en cause est un contrat de louage de services ou un contrat d’entreprise. La Cour est toutefois convaincue que ce n’est pas le cas. Il est loisible à la Cour de prendre en considération l’ensemble de ces facteurs dans tous les cas où elle est appelée à établir l’existence d’un contrat de louage de services et à déterminer si des parties non liées auraient conclu un contrat semblable.

 

[82]    Pour établir s’il y avait en l’espèce un contrat de louage de services et si des parties non apparentées auraient conclu un contrat semblable, la Cour prend en considération les facteurs suivants : 

 

1.       la supervision et le contrôle;

2.       la propriété des outils et de l’équipement;

3.       la possibilité de réaliser un profit et le risque de subir une perte;

4.       l’intégration.

 

Pour ce qui est du contrôle, la Cour est persuadée, sur la foi de la preuve, que le payeur exerçait beaucoup de contrôle à l’endroit du travailleur. C’est ce qui ressort des propos des témoins, et le ministre n’a rien produit pour réfuter cette preuve. 

 

[83]    La preuve révèle que les actionnaires décidaient qui devait être embauché, fixaient la rémunération du personnel et exerçaient à leur égard le contrôle nécessaire. L’appelant ne pouvait pas agir à son gré.

 

[84]    Il n’y a aucun doute que l’appelant, en tant qu’employé principal et gestionnaire du payeur, disposait d’une grande autonomie, mais il faut s’y attendre dans le cas d’un arrangement comme celui qui nous occupe. La Cour est convaincue que l’appelant n’a pas exercé plus de contrôle sur lui-même et ses conditions d’emploi que l’aurait fait un gestionnaire ou un superviseur se trouvant dans la même situation. En tout état de cause, la Cour est persuadée que les actionnaires auraient pu, en fin de compte, exercer un contrôle à son égard, comme ils l’ont affirmé dans leurs témoignages.

 

[85]    Quant à la supervision et au contrôle, la Cour est convaincue que le payeur a exercé un contrôle suffisant, comme le prévoit l’arrêt Wiebe Door, précité.

 

[86]    Pour ce qui est de la propriété des outils, les témoignages de tous les actionnaires révèlent sans équivoque que les outils et les véhicules appartenaient au payeur, et aucun élément de preuve n’indique le contraire. L’intimé a accepté ce fait tel quel. Il se peut fort bien que l’appelant ait employé quelques fois les outils et l’équipement de l’entreprise à des fins personnelles, mais ce n’était pas monnaie courante.

 

[87]    L’argument concernant la propriété des outils milite en faveur d’un contrat de louage de services et de l’importance de l’autorité qu’un employeur exerce habituellement sur un employé n’ayant aucun lien de parenté avec les dirigeants du payeur.

 

[88]    En ce qui concerne l’intégration, il n’y a aucun doute que le travail de l’appelant faisait entièrement partie intégrante des activités du payeur. La Cour doit analyser l’intégration du point de vue du travailleur. Pour conclure à l’existence d’un contrat de louage de services, la Cour doit juger que le travail de l’appelant fait entièrement partie intégrante des activités du payeur.

 

[89]    Il est vrai que l’appelant en l’espèce était le principal travailleur de l’entreprise, qu’il en était le superviseur et qu’il s’acquittait de la plupart des tâches non liées au travail pour le compte de l’entreprise. Toutefois, il demeure que le travail faisait partie des activités du payeur.

 

[90]    L’intégration milite en faveur d’un contrat de louage de services à l’exclusion d’autres types d’entente.

 

[91]    Pour ce qui est de la possibilité de réaliser un profit et du risque de subir une perte, rien ne prouve que l’appelant avait l’occasion de tirer quelque profit de l’exploitation de l’entreprise au sens commercial de cette expression, tel que le prévoit la jurisprudence en la matière. La seule forme de revenu que l’appelant pouvait toucher était sa rémunération, et la preuve révèle que c’est tout ce qu’il a reçu jusqu’à présent. De même, l’appelant ne risquait pas de subir une perte, si ce n’est sa rémunération. Ce n’est pas le genre de perte dont parle la jurisprudence dans ce domaine. La perte de rémunération ne peut survenir que si l’entreprise n’a aucun travail à offrir à l’appelant. Il ne s’agit pas du type de perte dont il est question dans la jurisprudence.

 

[92]    En ce qui concerne la propriété de l’entreprise ou, pour reprendre l’expression employée dans Sagaz, précité, la personne engagée pour fournir les services les fournit-elle en tant que personne travaillant à son compte? Contrairement à ce qu’a fait valoir l’intimé, la Cour est persuadée que l’appelant n’exploitait pas sa propre entreprise. Il n’accomplissait pas ces tâches en son nom propre, mais au nom de la société constituée en personne morale formée, non seulement de lui-même, mais de deux autres actionnaires. Il a témoigné que les démarches qu’il prenait en tant que travailleur étaient assujetties à la direction et au contrôle des trois actionnaires.

 

[93]    Comme Sagaz, précité, et d’autres décisions l’ont établi, la Cour doit répondre à la question suivante : La décision de la ministre est-elle raisonnable vu l’ensemble des circonstances révélées par la preuve?

 

[94]    Compte tenu de la mention par la Cour des présomptions faites dans la réponse et de l’incidence de la preuve sur ces présomptions, la Cour répond à la question par la négative. La Cour est convaincue que la décision de la ministre est déraisonnable dans l’ensemble des circonstances et que des parties non liées auraient conclu un contrat de louage de services semblable.  La Cour aurait donné une réponse différente si le témoignage de l’appelant et ceux des autres témoins à l’égard de ces faits avaient été réfutés.

 

[95]    La Cour tranche ainsi même si elle prend en considération l’avis de l’intimé selon lequel des personnes n’ayant entre elles aucun lien de dépendance ne fournissent pas normalement des services à titre gracieux, comme l’a fait l’appelant en l’espèce. Cependant, la Cour est convaincue que ces services étaient de très faible envergure et qu’ils ont été fournis la plupart du temps alors que le nom de l’appelant ne figurait pas sur la liste de paie et que l’entreprise n’avait pas, de toute évidence, les moyens de le payer. Si l’appelant avait touché une rémunération pendant la saison morte pendant que le payeur ne recevait aucun fonds, on aurait peut-être posé la question de savoir s’il s’agissait d’une mesure opportune de la part de l’entreprise. Compte tenu des circonstances de l’espèce, les autres tâches exécutées gratuitement par l’appelant pour le compte de l’entreprise étaient négligeables et ne représentaient pas un facteur déterminant.

 

[96]    Pour ces motifs, la Cour est persuadée qu’il y avait un contrat de louage de services entre l’appelant et le payeur malgré l’absence d’un accord écrit à cet effet. C’était plus qu’un arrangement informel entre parents, comme le soutenait l’intimé. La Cour est convaincue que l’appelant n’a effectivement pas travaillé en autonomie sous une supervision limitée de la part des autres actionnaires dans l’exécution de ses tâches relativement à l’exploitation quotidienne du payeur. En outre, l’appelant avait voix au chapitre quant à son propre salaire, mais il était rémunéré à même le compte bancaire du payeur en fonction d’une décision des actionnaires, et le taux de salaire était raisonnable.

 

[97]    Compte tenu de la preuve, la Cour n’est pas convaincue que l’appelant fixait lui-même ses heures de travail et que personne ne le surveillait dans l’exercice de ses fonctions. Les autres actionnaires réfutent cette thèse dans leurs témoignages. De plus, comme le montre la preuve, l’utilisation par l’appelant de l’équipement  (fourgonnette) et du compte bancaire de l’entreprise à des fins personnelles est négligeable eu égard aux autres circonstances. La Cour n’est pas persuadée que l’appelant pouvait exploiter le payeur comme bon lui semblait; il était assujetti à des conditions établies par le payeur.

 

[98]    En dernière analyse, la Cour est convaincue qu’il existait un contrat de louage de services pendant la période en cause et que des parties non liées auraient conclu un contrat de ce genre.

 

[99]    La Cour accueille l’appel, infirme la décision de la ministre et juge que l’appelant occupait un emploi assurable durant la période en question.

 

[100]  Tel qu’en ont convenu les avocats au début de la présente audience, les faits de l’espèce concernent aussi l’instance intéressant le Régime de pensions du Canada, et la Cour conclut, sur la foi de cette preuve, que l’appelant occupait un emploi ouvrant droit à pension pendant la période en question.

 

       Signé à New Glasgow (Nouvelle-Écosse), ce 16e jour d’avril 2007.

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de novembre 2007.

 

 

David Aubry, LL.B.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI219

 

NO DU DOSSIER :                            2005-994(EI)

 

INTITULÉ :                                       Arthur J. Reynders et le ministre du

                                                          Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Sydney (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 8 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge T.E. Margeson

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 16 avril 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me William P. Burchell

Avocat de l’intimé :

Me Deanna M. Frappier

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      William P. Burchell

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] [1986] 3 C.F. 553 (No du greffe A-531-85).

[2] [2001] 2 R.C.S. 983.

[3] [2006] N.S.J. no 390.

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