Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2006‑2290(EI)

ENTRE :

PREMIER CAREER MANAGEMENT GROUP CORP.,

appelante,

 

 

le ministre du Revenu national,

intimé,

et

 

JOE LOPUSHINSKY,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu le 24 avril 2007, à Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge T. O'Connor

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

Minto Roy

Avocat de l’intimé :

Me Christa Akey

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté et la décision du ministre en date du 27 mars 2006 est confirmée, en accord avec les motifs de jugement ci‑joints.

 

          Signé à Ottawa (Canada), ce 3e jour de mai 2007.

 

 

« T. O'Connor »

Juge O’Connor

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de septembre 2007.

Marie‑Christine Gervais, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2007CCI264

Date : 20070503

Dossier : 2006‑2290(EI)

ENTRE :

PREMIER CAREER MANAGEMENT GROUP CORP.,

appelante,

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et 

 

JOE LOPUSHINSKY,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge O’Connor

 

[1]     Dans le présent appel, la question est de savoir si l’intervenant (ci‑après « M. Lopushinsky ») était employé par l’appelante (la société « Premier ») au titre d’un contrat de louage de services, durant la période allant du 31 octobre 2004 au 14 novembre 2004 (la « période »). Une question liée est de savoir s’il s’agissait durant la période d’un contrat de services (entrepreneur indépendant).

 

Faits

 

[2]     Certains des faits sont énoncés dans la réponse à l’avis d’appel, soit comme affirmations, soit comme hypothèses; et la teneur de ceux qui n’ont pas été réfutés est rapportée ci‑après. D’autres faits ont été établis par la preuve et sont également mentionnés ci‑après.

 

1.       M. Lopushinsky et Minto Roy (ci‑après « M. Roy ») travaillaient tous deux pour une société appelée BH Careers International (la société « BH »), dont le siège est aux États‑Unis.

 

2.       BH a cessé ses opérations dans le courant d’octobre 2004.

 

3.       En tant que directeur de la succursale de BH à Vancouver (700, rue West Georgia, bureau 2920), M. Roy encadrait une dizaine d’employés de BH.

 

4.       Lors de la fermeture de la succursale de BH à Vancouver, ces employés ont perdu leur travail.

 

5.       M. Roy détenait 100 % des actions de Premier, constituée en société le 20 octobre 2004, sous la dénomination 0706672 B.C. ltée. Le nom commercial utilisé pour l’exploitation de son entreprise Premier Management Group Corp. ou PCMG.

 

6.       Dans son témoignage, M. Lopushinsky a déclaré avoir reçu, dans le courant de novembre 2004, un chèque de Premier s’élevant à 355,50 $, les détails au dos du chèque précisant que le montant du chèque correspondait au montant de 450 $, moins 94,50 $ d’impôt retenu. Il a déclaré en outre que les 94,50 $ de retenue n’étaient indiqués sur aucun feuillet d’impôt par la suite.

 

7.       En réponse à une demande de décision de M. Lopushinsky, la Direction des décisions de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a décidé que M. Lopushinsky n’exerçait pas un emploi assurable au service de Premier durant la période. Selon la décision de la Direction des décisions de l’ARC, datée du 28 octobre 2005, M. Lopushinsky n’était pas employé par Premier au titre d’un contrat de louage de services durant la période, aux termes de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. (1996), ch. 23 (la « LAE »).

 

8.       M. Lopushinsky a fait appel auprès du ministre du Revenu national (le « Ministre »), le 8 novembre 2005, conformément à l’article 91 de la LAE.

 

9.       Dans une lettre datée du 27 mars 2006, le ministre a indiqué sa décision : soit que M. Lopushinsky était employé par Premier au titre d’un contrat de louage de services durant la période, aux termes de l’alinéa 5(1)a) de la LAE.

 

10.     Pour parvenir à sa décision, le ministre s’est appuyé sur plusieurs hypothèses. Celles qui n’ont pas été énumérées plus haut peuvent se résumer pour ce qui nous intéresse comme suit :

 

a)       Premier fournissait à sa clientèle des services d’orientation professionnelle, de gestion de carrière ainsi que de gestion des affaires;

 

b)      Premier a repris les bureaux, l’équipement et la liste de clients de BH le 31 octobre 2004 environ;

 

c)       à compter du 31 octobre 2004, certains des anciens employés de BH ont commencé à remplir des tâches pour Premier;

 

d)      M. Lopushinsky et les autres travailleurs avaient pour tâches de rencontrer les clients et de fournir des conseils sur la carrière, la gestion et les affaires (les « tâches »);

 

e)       M. Lopushinsky était un employé de BH jusqu’au 30 octobre 2004 inclusivement;

 

f)       M. Lopushinsky a commencé à effectuer les tâches pour Premier le 31 octobre 2004;

 

g)       Premier a fourni à M. Lopushinsky, à M. Roy et à d’autres des cartes professionnelles. Celles de Minto Roy indiquaient qu’il était administrateur‑gérant de Premier; celles de M. Lopushinsky, qu’il était conseiller principal de Premier.

 

h)       Premier fournissait l’espace de bureau, les lignes de téléphone et de télécopieur, les fournitures et la réceptionniste auxquels M. Lopushinsky avait recours pour effectuer les tâches.

 

i)        Premier a conclu un bail avec l’ancien locateur et a continué d’occuper les lieux;

 

j)        M. Roy a renvoyé M. Lopushinsky le 24 novembre 2004.

 

[3]     L’avis d’appel de Premier indique ce qui suit :

 

[traduction]

 

M. Lopushinsky n’a jamais été un employé de Premier Career Management Group.

 

Premier Career Management Group a commencé à exploiter son entreprise en novembre 2004. Avant cela, M. Lopushinsky et moi travaillions pour la même société, une entreprise nommée BH Careers International.

 

À la suite d’une décision unilatérale, et sans préavis, BH Careers a mis fin à ses opérations au Canada en octobre 2004.

 

En tant que directeur de la filiale de Bh [sic] Careers Int. à Vancouver, je gérais une dizaine d’employés, dont M. Loposhinsky [sic].

 

À la suite de la fermeture de BH Careers, tous les employés ont perdu leur emploi. Le bureau n’avait toutefois aucune indication sur la façon de procéder à la fermeture, de servir la clientèle, de traiter avec les fournisseurs ou les vendeurs, sur ce qui se passerait au niveau du registre de paie, etc. C’était la confusion totale. La société a annoncé par télécopie la fermeture du bureau. Mais toute l’infrastructure du bureau restait ouverte : lignes de téléphone maintenues, serveurs de courriel, espace de bureaux, etc.

 

En conséquence, de nombreux employés de Bh [sic] Careers ont continué à venir au bureau et à s’en servir comme base pour leur recherche d’un nouvel emploi, ainsi que pour établir des contacts, rencontrer des clients, etc. Je n’avais aucune autorité pour imposer une politique ou une procédure en tant que directeur, vu que j’avais été un employé et que j’étais maintenant sans travail.

 

Après une semaine, j’ai décidé de lancer ma propre entreprise. J’ai demandé à deux anciens employés de se joindre à ma nouvelle société, mais Joe Lopushinsky n’était pas l’un d’eux. J’ai fixé un rendez‑vous avec le locateur et négocié un nouveau bail pour ma nouvelle société. Après être devenu le titulaire du bail et avoir constitué Premier Career Management Group, j’ai demandé à M. Lopushinsky de quitter les locaux du bureau. Il a refusé, en fait, et j’ai dû le faire mettre dehors par le service de sécurité. J’ai des notes et une déclaration des gardes de sécurité à l’appui de cet incident.

 

M. Loposhinsky [sic] a effectivement reçu un chèque de ma part. Mais ce n’était pas un chèque pour un travail effectué pour PCMG Canada. C’était un chèque de commission pour l’obtention d’un client à laquelle nous avions tous deux collaboré à l’époque où nous travaillions pour BH Careers. En tant que directeur, je partageais souvent une commission avec des conseillers aux ventes. La différence est que mes commissions étaient versées une période de paie avant celles des conseillers aux ventes. C’est ainsi que j’ai reçu des fonds. Je trouvais simplement juste de donner à M. Lopushinsky sa part de la transaction. J’ai une copie de la transaction, ainsi que du chèque encaissé par M. Lopushinsky, où figure, dans la partie réservée aux indications, le nom du client.

 

[...]

 

 

Éclaicissements

 

[4]     La période va seulement du 31 octobre 2004 au 14 novembre 2004, mais la preuve montre que, s’il y a eu une relation employeur‑employé entre Premier et M. Lopushinsky, elle s’est poursuivie jusqu’au 24 novembre 2004. Je crois toutefois que le jugement à rendre ici doit se limiter à la période, vu que c’est celle à laquelle s’applique la décision du ministre en date du 27 mars 2006, dont Premier a fait appel.

 

[5]     Notons aussi que, dans la plupart des causes ayant trait à l’assurance‑emploi, la question est de savoir si un travailleur exerçait un emploi aux termes d’un contrat de louage de services (comme employé) ou d’un contrat de services (comme entrepreneur indépendant). En l’espèce, Premier a indiqué par l’intermédiaire de son représentant, M. Roy, que la question en litige était principalement de savoir si M. Lopushinsky était un employé de Premier durant la période. Toutefois, je crois que, pour résoudre pleinement la question, je dois aussi rendre une décision sur la question du statut de M. Lopushinsky : employé contre entrepreneur indépendant.

 

Observations

 

[6]     Le directeur de Premier, M. Roy, maintient qu’il n’a pas fourni les cartes professionnelles, que le chèque dont il a été question plus haut était en rémunération d’un travail effectué pour l’ancienne société, BH, qu’il n’y avait pas de contrat d’emploi entre Premier et M. Lopushinsky et que M. Lopushinsky n’était manifestement pas un employé de Premier. D’après les observations de M. Lopushinsky, il était manifestement un employé, il a continué à occuper les locaux et a quitté le bureau seulement quand il a été renvoyé le 24 novembre, le chèque dont il a été question plus haut est une indication de l’existence d’une relation employeur‑employé entre Premier et lui, relation confirmée par la remise des cartes professionnelles mentionnées plus haut. M. Lopushinsky a également soumis (pièce R‑2) une fiche de travail indiquant qu’il a continué à travailler durant la période allant du 1er novembre 2004 au vendredi 19 novembre 2004.

 

Analyse

 

[7]     Selon moi, il convient de reconnaître la crédibilité de M. Lopushinsky, dont le témoignage était éloquent. Le témoignage indique clairement qu’il existait une relation employeur‑employé durant la période. En témoignent fortement : (i) la poursuite des opérations sur les lieux par Premier; (ii) le travail que M. Lopushinsky a continué a effectué (pièce R‑2); (iii) le chèque remis, même si M. Roy affirme qu’il représentait le partage d’une commission pour un travail effectué pour BH; (iv) les cartes professionnelles (pourquoi préparer et distribuer ces cartes si M. Lopushinsky n’était pas un employé de Premier?). On peut aussi se demander de quel droit le directeur de Premier, M. Roy, peut « renvoyer » M. Lopushinsky, le 24 novembre, si celui‑ci n’était effectivement pas un employé. Vu que M. Roy avait déjà constitué Premier en société le 20 octobre 2004, donc avant le 1er novembre 2004, on peut douter aussi de ce qu’il indique dans son avis d’appel : « Après une semaine, j’ai décidé de lancer ma propre entreprise. » Pour ce qui est de la question du statut de M. Lopushinsky : employé contre entrepreneur indépendant, je suis convaincu que, si on applique les quatre critères retenus par la jurisprudence, soit le contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice ou les risques de perte, ainsi que l'intégration et l’intention, ils indiquent tous l’existence d’un contrat de louage de services, c’est‑à‑dire une relation employeur‑employé.

 

[8]     En conclusion, il existait un contrat d’employé durant la période, soit du 31 octobre 2004 au 14 novembre 2004. Conséquemment, l’appel est rejeté. Il n’y a pas d’adjudication des dépens.

 

          Signé à Ottawa (Canada), ce 3e jour de mai 2007.

 

« T. O'Connor »

Juge O’Connor

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de septembre 2007.

Marie‑Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI264

 

NO DU DOSSIER :                            2006‑2290(EI)

 

INTITULÉ :                                       Premier Career Management Group Corp. c. M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 24 avril 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge T. O'Connor

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 3 mai 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

Minto Roy

Avocate de l’intimé :

Me Christa Akey

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

 

                            Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.