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Dossier : 2006-947(CPP)

ENTRE :

UNISON TREATMENT HOMES FOR YOUTH,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Unison Treatment Homes for Youth (2006-948(EI)),

le 27 juin 2007, à Windsor (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge G.A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelante :

Marilyn J. Crowley, CA

 

Avocat de l’intimé :

Me Daniel Bourgeois

 

____________________________________________________________________

 

 

JUGEMENT

          Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l’appel est accueilli sans dépens, et la décision du ministre du Revenu national est annulée en partant du principe que Mme Snagg n’exerçait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension pendant la période du 1er février 2002 au 5 mai 2005.

 

 

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’août 2007.

 

« G.A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de septembre 2007.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice


 

 

 

 

 

Dossier : 2006-948(EI)

ENTRE :

UNISON TREATMENT HOMES FOR YOUTH,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Unison Treatment Homes for Youth (2006-947(CPP)),

le 27 juin 2007, à Windsor (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge G.A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelante :

Marilyn J. Crowley, CA

 

Avocat de l’intimé :

Me Daniel Bourgeois

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l’appel est accueilli sans dépens, et la décision du ministre du Revenu national est annulée en partant du principe que Mme Snagg n’exerçait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension pendant la période du 1er février 2002 au 5 mai 2005.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’août 2007.

 

« G.A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de septembre 2007.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice


 

 

 

 

 

Référence : 2007CCI447

Date : 20070802

Dossiers : 2006-947(CPP)

          2006-948(EI)

ENTRE :

UNISON TREATMENT HOMES FOR YOUTH,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     L’appelante, Unison Treatment Homes for Youth (la société « Unison »), interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle la travailleuse, Velma Snagg, était une employée plutôt qu’une entrepreneure indépendante pendant la période du 1er février 2002 au 5 mai 2005.

 

[2]     Lorsqu’il a pris sa décision, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait énoncées au paragraphe 16 de la réponse à l’avis d’appel :  

 

          [traduction]

 

a)           l’appelante est une société de personnes à but lucratif qui s’occupe de la coordination des soins et du soutien offerts dans des foyers de groupe pour enfants sous la protection des sociétés d’aide à l’enfance (les « SAE »); 

 

b)           Juel Wadw, Oslyn Henry et Kathleen Jess sont propriétaires à parts égales de la société de personnes;

 

c)           les associés contrôlaient les activités quotidiennes et prenaient les décisions d’affaires importantes;

 

d)           l’appelante devait suivre les directives émises par le ministère des Services sociaux et communautaires (le « ministère ») et par les SAE;

e)           la travailleuse a été embauchée comme « travailleuse de soutien » en fonction d’un accord verbal;

f)             la travailleuse était chargée de ce qui suit :

         -     fournir des soins à des jeunes de différents programmes,

-         mettre à jour les renseignements contenus dans les dossiers, produire des rapports de comportement et d’incidents,

-         donner des cours de préparation à la vie quotidienne, voir à la sécurité et à l’hygiène des jeunes, leur faire faire des sorties de loisirs et les amener à leurs rendez-vous,

-         aider les parents de famille d’accueil à maintenir une routine en déléguant les tâches ménagères, en décidant du menu, en prévoyant les récompenses ou les conséquences et en administrant les médicaments,

-         fournir des services de relève aux parents d’accueil,

-         fournir parfois de l’aide ou une supervision personnalisée pour les jeunes ayant des besoins particuliers;

 

g)           la travailleuse exécutait ses tâches dans les foyers de groupe de l’appelante et dans la collectivité;

 

h)           l’appelante mettait un bureau à la disposition de la travailleuse dans le foyer de groupe;

 

i)             la travailleuse recevait une rémunération de 10 $ l’heure pour son travail de soutien et de 14,50 $ l’heure pour le soutien de jeunes ayant des besoins particuliers;

 

j)             la travailleuse était payée chaque mois au moyen de chèques à son nom personnel;

 

k)           le taux de salaire de la travailleuse était déterminé par l’appelante;

 

l)             la travailleuse ne recevait pas de paie de vacances ou de congé;

 

m)         l’appelante fournissait un régime de soins de santé dont elle payait la moitié de la couverture pour les parents de famille d’accueil et pour les travailleurs de soutien;

 

n)           l’établissement de l’appelante était ouvert tous les jours, 24 heures sur 24;

 

o)           l’horaire de la travailleuse variait selon les besoins du programme et selon ses disponibilités à elle;

 

p)           la travailleuse devait consigner ses heures de travail sur une feuille de temps;

 

q)           La feuille de temps comportait les éléments suivants :

-         elle était comprise dans le formulaire de l’appelante et

      portait le titre « heures de relève ou de soutien de l’appelante »,

-         l’appelante était payée à l’heure, à l’exception des week-ends, où elle était payée selon un taux de salaire fixe,

-         elle était signée par la travailleuse et par le père ou la

      mère de famille d’accueil,

-         elle indiquait ce que l’appelante faisait, l’endroit où elle le faisait, le moment où elle le faisait et à qui les services étaient rendus, et comportait une description de l’activité en question,

-         elle indiquait que l’appelante était payée pour le temps consacré à de

      la formation,

-     elle indiquait les heures consacrées au service de relève;

 

r)            chaque année, l’appelante fournissait à la travailleuse de la formation portant sur l’intervention non violente en situation d’urgence, les premiers soins et le RCR, conformément aux normes du ministère;  

 

s)            la travailleuse devait aviser l’appelante de tout incident grave pouvant toucher les enfants – les normes du ministère établissent les types d’incidents graves et les délais prévus pour les déclarer; 

 

t)             la travailleuse n’engageait aucune dépense dans l’exécution de ses tâches;

 

u)           la travailleuse avait reçu un « manuel des politiques et des procédures » de l’appelante et, chaque année, elle devait signer un formulaire attestant le fait qu’elle avait bel et bien pris connaissance du manuel;

 

v)           la travailleuse avait également reçu des lignes directrices, les règles de la maison et des directives, au besoin;

 

w)         la travailleuse faisait l’objet de multiples évaluations dans une année;

 

x)           la travailleuse devait consigner toutes les informations sur sa journée dans un « journal quotidien » pour chacun des enfants; 

 

y)           la travailleuse et le père ou la mère de famille d’accueil évaluaient si certaines tâches devaient être faites de nouveau et ils en assumaient les frais;

 

z)            l’appelante fournissait l’assurance-responsabilité, conformément aux normes du ministère;

 

aa)        la travailleuse, le père ou la mère de famille d’accueil et la SAE étaient tous chargés de traiter les plaintes;

 

bb)       la travailleuse devait elle-même fournir ses propres services;

 

cc)        la travailleuse devait aviser l’appelante si elle était malade, et c’est l’appelante qui était chargée de trouver un remplaçant;

 

dd)       la travailleuse travaillait exclusivement auprès de l’appelante pendant la période en cause;

 

ee)        l’appelante avait le droit de cesser de recourir aux services de la travailleuse.  

 

[3]     La seule question en litige dans les présents appels est de savoir si la travailleuse, Mme Snagg, exerçait un emploi assurable et ouvrant droit à pension dans l’exécution de ses tâches à titre de travailleuse de soutien auprès de Unison Treatment Homes for Youth. Pour trancher cette question, il faut d’abord établir si Mme Snagg était une employée ou bien une entrepreneure indépendante. Le critère qu’il faut appliquer a été élaboré dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. The Minister of National Revenue[1] et a été suivi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt 671121 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc.[2] :

 

[47]      Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante.  La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte.  Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

 

[48]      Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer.  Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire[3].

 

[4]     En plus de tenir compte du degré de contrôle, de la propriété des outils, de la possibilité de profit ou du risque de perte et du degré d’intégration à l’entreprise, la Cour peut aussi examiner l’intention des parties[4].

 

[5]     Les éléments de jurisprudence issus de la common law établissent clairement qu’aucun des volets du critère n’a préséance. Le critère se veut un cadre à l’intérieur duquel on doit analyser les faits particuliers de chaque affaire. L’appelante observe que ce ne sont pas tant les faits qui sont l’objet du litige que l’interprétation qu’on leur donne. Selon l’appelante, certaines des hypothèses de fait sont incorrectes parce que l’information est incomplète. Une des associés de la société de personnes appelante, Kathleen Jess, ainsi que la travailleuse, Mme Snagg, ont témoigné au nom de l’appelante. Mme Snagg n’était pas présente en Cour au moment où Mme Jess a témoigné. Le contre‑interrogatoire de Mme Jess a été très approfondi, et la position de cette dernière n’a pas été ébranlée. Dans l’ensemble, son témoignage corroborait celui de Mme Snagg. J’ai trouvé les deux femmes franches et, à mon avis, leurs témoignages étaient crédibles.

 

[6]     Personne n’a été appelé à témoigner au nom de l’intimé.

 

[7]     L’intimé adopte la position que la preuve permet de conclure que Mme Snagg était une employée et que, par conséquent, son emploi ouvrait droit à pension et était assurable. L’avocat de l’intimé exhorte la Cour de suivre les décisions qu’elle a elle-même rendues dans trois affaires portant sur d’autres établissements de traitement pour jeunes de l’Ontario[5]. De toute évidence, l’approche adoptée par la Cour dans ces affaires-là était la bonne : les décisions ont été rendues à la suite d’une analyse approfondie des éléments probants établissant la relation qu’entretenait le payeur avec chacun des travailleurs. Cependant, si j’applique la même approche aux présents appels, je dois conclure que Mme Snagg fournissait des services de « travailleuse de soutien » à titre d’entrepreneure indépendante.

 

[8]     Selon la position de l’appelante, Mme Snagg était [traduction] « contrôlée » par l’appelante, rien de moins, parce qu’elle se devait d’observer les politiques et les procédures de Unison établies dans le manuel[6], ainsi que les [traduction]  « règles de la maison »[7] et les [traduction] « choses à ne pas oublier »[8]. Cependant, cet argument ne tient pas compte de l’incidence d’une des hypothèses que le ministre a lui-même formulées, soit celle voulant que « l’appelante devait suivre les directives émises par le ministère [des Services sociaux et communautaires] et par les [sociétés d’aide à l’enfance] SAE »[9]. Les pratiques énoncées dans le manuel découlaient des obligations d’origine législative imposées par le gouvernement de l’Ontario aux personnes chargées des enfants recevant des soins. La pénalité applicable en cas de non observation de ces exigences était le non renouvellement du permis annuel de l’appelante. En plus d’établir les normes concernant le soin approprié des enfants, en veillant à ce que les parents de famille d’accueil et les travailleurs de soutien soient mis au courant des exigences externes à observer, les documents susmentionnés avaient pour but d’éviter l’application de telles pénalités. Le manuel de politiques et de procédures ainsi que les [traduction] « choses à ne pas oublier » portaient principalement sur des questions de sécurité. J’apprécie le témoignage de l’appelante indiquant que les [traduction]  « règles de la maison » visaient davantage les enfants. Ces règles étaient affichées à proximité des chambres à coucher afin que les enfants puissent facilement les consulter et pour éviter qu’elles ne soient visibles dans les pièces principales de la maison. Elles servaient de rappel aux enfants bénéficiant des soins de l’engagement qu’ils ont pris, en arrivant au foyer Unison, d’observer certains comportements exigés. (Si j’ai bien compris, la façon de faire du ministère pour ce qui est du soin des enfants semble être fondée sur l’idée de rallier les enfants en établissant des objectifs, en évaluant régulièrement si ces objectifs ont été atteints et en modifiant ces mêmes objectifs en conséquence.) Dans les circonstances en l’espèce, les documents ne sont pas de même nature que les directives employeur-employés qui régissent normalement une relation d’emploi. 

 

[9]     Le même raisonnement s’applique à la consignation de données que les employés devaient faire. Le ministère et les SAE exigeaient la tenue d’un journal quotidien des activités des enfants. Tout [traduction] « incident grave » (comme un décès, un suicide, un enlèvement, une fugue) devait être consigné conformément à des procédures spéciales imposées par le ministère. Tous les registres devaient être dûment tenus en temps opportun. La consignation des renseignements était faite par la travailleuse de soutien pour ce qui est des enfants dont elle avait soin. Les données consignées étaient ensuite entrées par un travailleur de soutien. L’objet de cette consignation n’était pas l’évaluation du travail de Mme Snagg. Elle servait plutôt à garantir que chaque enfant bénéficiant de soins avait un dossier complet. L’appelante n’effectuait pas normalement d’évaluations du rendement des travailleurs de soutien, et Mme Snagg n’a jamais fait l’objet d’une telle évaluation[10].

 

[10]    Personne ne « supervisait » Mme Snagg dans l’accomplissement de ses tâches. En fait, la nature même du travail auprès des enfants ayant des problèmes de comportement, psychologiques ou autres demande que le travailleur de soutien soit en mesure d’agir sur le moment et d’user de jugement pour résoudre les problèmes quand ils surviennent. Il semble bien que Mme Snagg possédait les compétences nécessaires. Comme elle l’a indiqué à l’audience, elle avait ses propres idées et elle les mettait en pratique. Les associés de l’appelante, y compris Mme Jess, n’étaient normalement pas présents plus d’une fois par mois dans les cinq foyers dirigés par Unison. Les travailleurs de soutien comme Mme Snagg offraient des services de relève aux parents de famille d’accueil qui étaient responsables de chaque foyer. Par conséquent, en temps normal, Mme Snagg travaillait seule.

 

[11]    L’intimé a tenu pour acquis que le taux de salaire de Mme Snagg lui était imposé par l’appelante. Cependant, je retiens le témoignage de Mme Jess et de Mme Snagg à savoir que chaque travailleur négociait son propre taux de salaire. Il semble que Mme Snagg se soit établi une réputation de travailleuse compétente. Elle acceptait de prendre en charge des cas difficiles en soins individuels, une tâche pour laquelle le ministère (et non l’appelante) prévoyait un taux de salaire supérieur (soit 14 $ l’heure) à celui pour les soins réguliers (soit 10 $ l’heure). De plus, elle s’était négocié un taux fixe plus élevé que la moyenne pour les fois où amenait les enfants en excursion. Elle était libre d’accepter ou non toute affectation sans que cela n’entraîne de conséquences. Dans un même ordre d’idées, Mme Snagg avait l’occasion de gagner plus d’argent en se chargeant, sans rémunération supplémentaire, d’établir les horaires de travail de quatre des cinq foyers de groupe situés à Windsor. Il s’agissait‑là d’une stratégie lui donnant l’occasion de choisir la première le nombre de quarts de travail qu’elle voulait et de prendre ceux qui offraient un taux de salaire plus élevé. En outre, il lui arrivait parfois de payer de sa poche des surprises aux enfants afin de renforcer sa relation avec eux, ce qui faisait en sorte qu’elle était très en demande. Ceci tient du renforcement de la cote d’estime qui est pratique courante chez les gens travaillant à leur propre compte (et qui fait normalement l’objet d’une demande de déduction pour dépense d’entreprise). Toutefois, comme l’a correctement souligné l’avocat de l’intimée, Mme Snagg n’avait pas investi d’argent, à proprement parler, dans l’entreprise de l’appelante. Je conclus cependant qu’étant donné le contexte particulier des présents appels, elle avait une certaine possibilité de tirer un profit. Elle assumait également un risque de perte. L’appelante ne lui fournissait pas d’assurance‑responsabilité professionnelle. Elle n’avait aucune sécurité d’emploi, pas de paie de vacances et pas de congés de maladie. Comme le souligne le juge Décary dans l’arrêt Lawrence Wolf c. Sa Majesté la Reine[11], il s’agit de la réalité du risque du marché du travail actuel :

 

120      De nos jours, quand un travailleur décide de garder sa liberté pour pouvoir signer un contrat et en sortir pratiquement quand il le veut, lorsque la personne qui l'embauche ne veut pas avoir de responsabilités envers un travailleur si ce n'est le prix de son travail et lorsque les conditions du contrat et son exécution reflètent cette intention, le contrat devrait en général être qualifié de contrat de service. Si l'on devait mentionner des facteurs particuliers, je nommerais le manque de sécurité d'emploi, le peu d'égard pour les prestations salariales, la liberté de choix et les questions de mobilité.[12]

 

 

[12]    Le ministère avait comme exigence que seuls les travailleurs de soutien ayant reçu une formation en RCR, en premiers soins et en intervention non violente en situation d’urgence pouvaient travailler dans les foyers de traitement pour jeunes. Par conséquent, l’appelante devait veiller à ce que ses travailleurs de soutien aient les compétences nécessaires. Elle fournissait d’ailleurs une formation gratuite à ceux qui ne les possédaient pas. Si les travailleurs de soutien facturaient à l’appelante leur temps de formation, cette dernière payait la facture. Les travailleurs de soutien qui avaient déjà suivi ces formations ou qui désiraient les suivre ailleurs n’étaient pas tenus d’accepter celle offerte par l’appelante. La formation offerte par l’appelante n’était donc pas adaptée à ses propres activités mais relevait plutôt d’une exigence ministérielle. Mme Snagg a suivi la formation fournie par l’appelante. Il n’y a cependant aucune preuve indiquant si elle a facturé l’appelante pour le temps qu’elle a consacré à sa formation.

 

[13]    L’intimé a soutenu que le fait que Mme Snagg devait remplir et présenter des feuilles de temps montrait qu’elle était bel et bien une employée. Toutefois, à mon avis, ces feuilles de temps étaient comme des factures. Si elle ne les avait pas produites à l’appelante, Mme Snagg n’aurait pas reçu de paie. En effet, dans son témoignage, cette dernière a affirmé avoir déjà remis sa feuille après le délai de facturation prévu, soit le 15e jour du mois, et ne pas avoir reçu de paie pour la période visée. Les feuilles de temps, comme des factures, comprenaient des renseignements comme la liste des tâches accomplies, le nombre d’heures de travail, etc. Mme Jess a expliqué en peu de mots la raison pour laquelle ses renseignements étaient nécessaires : elle voulait savoir pour quels services elle payait. Lors de son contre‑interrogatoire, Mme Snagg a expliqué les détails qu’elle avait fournis pour un quart de travail particulièrement long où un enfant avait été renvoyé temporairement de l’école, ce qui lui avait demandé de passer toute la journée avec lui plutôt que seulement après l’école. Comment une telle situation se distingue‑t‑elle d’une situation où un avocat ou un comptable produit une facture détaillée indiquant les services fournis et le temps consacré à chacun d’entre eux pour justifier le montant demandé? Dans un tel cas, personne n’essaierait de faire valoir que l’avocat ou le comptable est l’« employé » de son client.

 

[14]    Mme Snagg était libre de travailler dans d’autres centres de traitement pour jeunes, même si, parce qu’elle avait trouvé une façon d’obtenir toutes les heures de travail dont elle avait besoin à Unison, elle avait choisi de ne pas le faire. Si elle ne pouvait pas se présenter à son quart de travail pour Unison, elle avait le droit de trouver quelqu’un pour la remplacer, pourvu que son remplaçant détienne toutes les attestations exigées par le ministère. Donc, Mme Snagg pouvait faire appel à un tel travailleur de soutien (et elle le faisait parfois) pour qu’il effectue ses tâches. Elle prenait les dispositions nécessaires pour payer son remplaçant, soit en le payant directement, soit en lui demandant de facturer le père ou la mère de famille d’accueil ou bien l’appelante. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas vraiment d’incitatif monétaire à recourir aux services d’un remplaçant, selon le concept normalement accepté de la chose, pour du travail qui rapporte de 10 $ à 14 $ l’heure. 

 

[15]    Comme je l’ai déjà mentionné, ce ne sont pas tous les facteurs du critère énoncé Wiebe Door qui s’appliquent dans chaque contexte. En l’espèce, la question des « outils » n’a pas d’incidence particulière sur l’issue de l’affaire. L’avocat de l’intimé a fait valoir assez vigoureusement que les foyers de groupe et leur contenu, y compris les ordinateurs utilisés par Mme Snagg pour l’entrée de données, étaient des outils fournis exclusivement par l’appelante. Je conviens que les outils étaient fournis par l’appelante, mais je suis aussi d’avis que l’appelante en avait tout autant besoin afin d’accomplir sa tâche principale, soit celle de fournir des soins en foyer de groupe aux jeunes en difficulté, et ce, suivant les normes ministérielles. Je suis du même avis que la représentante de l’appelante, Mme Crowley, qui explique qu’il est important de ne pas oublier à qui appartient l’entreprise dont il est question. Cette détermination doit être faite du point de vue du travailleur[13]. En l’espèce, Mme Snagg exploitait une entreprise où elle fournissait ses services à titre de travailleuse de soutien à des foyers de groupe comme ceux établis et dirigés par l’appelante. Comme la plupart des experts-conseils de nos jours, les seuls « outils » dont elle avait besoin étaient ses propres compétences et son jugement.

 

[16]    Au moment de l’instruction des présents appels, Mme Snagg occupait toujours le poste de travailleuse de soutien auprès de Unison. Elle a témoigné au nom de l’appelante. Ceci peut laisser entendre qu’elle se considérait elle‑même comme une entrepreneure indépendante. C’est de toute évidence à ce titre que Mme Jess traitait avec cette travailleuse appréciée.

 

[17]    Dans l’ensemble, la preuve dont j’ai été saisie me permet de conclure que pendant la période en cause, Mme Snagg fournissait des services de travailleuse de soutien à titre d’entrepreneure indépendante travaillant pour son propre compte. Par conséquent, l’appel est accueilli sans dépens, et la décision du ministre du Revenu national est annulée en partant du principe que Mme Snagg n’exerçait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension pendant la période du 1er février 2002 au 5 mai.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’août 2007.

 

 

« G.A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de septembre 2007.

 

 

Hélène Tremblay, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI443

 

Nos DES DOSSIERS :                        2006-947(CPP) et 2006-948(EI)

 

INTITULÉ :                                       UNISON TREATMENT HOMES FOR YOUTH ET LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Windsor (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 27 juin 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge G.A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 2 août 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante de l’appelante :

Marilyn J. Crowley, CA

Avocat de l’intimé :

Me Daniel Bourgeois

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                         Nom :                      

 

                     Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] 87 DTC 5025.

 

[2] [2001] 2 R.C.S. 983.

 

[3] Sagaz, précité, paragraphes 47 et 48.

 

[4] Lawrence Wolf c. Sa Majesté la Reine, 2002 ACF 96, 2002 DTC 6853; The Royal Winnipeg Ballet c. Le ministre du Revenu national, [2006] A.C.F. n° 339.

 

[5] 1392644 Ontario Inc. (Connor Homes) c. Canada, [2003] A.C.I. n° 670 (juge McArthur); 1392644 Ontario Inc. (Windswept on the Trent) c. Canada; [2004] A.C.I. n° 214 (juge Paris); 1392644 Ontario Inc. (Connor Homes) c. Canada, [2006] A.C.I. n° 416 (juge O’Connor).

 

[6] Pièce A-1.

 

[7] Pièce A-3.

 

[8] Pièce R-2.

 

[9] Alinéa 16d) de la réponse à l’avis d’appel.

[10] Comme il avait été présumé à tort à l’alinéa 16w) de la réponse à l’avis d’appel.

 

[11] 2002 CAF 96, 2002 DTC 6853.

 

[12] Wolf, précité, au paragraphe 120.

[13] Direct Care In-Home Health Services Inc. v. The Minister of National Revenue, 2005 TCC 173, au paragraphe 8.

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