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Dossiers : 2006-274(EI)

2006-277(CPP)

ENTRE :

WAYNE DERKSEN,

appelant,

et

                                                                    

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Dale Derksen [2006-373(EI) et 2006-374(CPP)]

le 13 avril 2007, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L’honorable juge G.A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Anne Jinnouchi

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

Les appels sont rejetés et les décisions du ministre sont confirmées conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d’août 2007.

 

 

« G.A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

Dossiers : 2006-373(EI)

2006-374(CPP)

ENTRE :

DALE DERKSEN,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Wayne Derksen [2006-274(EI) et (2006-277(CPP)]

le 13 avril 2007, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L’honorable juge G.A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Anne Jinnouchi

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

Les appels sont rejetés et les décisions du ministre sont confirmées conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d’août 2007.

 

 

« G.A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

Référence : 2007CCI477

Date : 20070817

Dossiers : 2006-274(EI)

2006-277(CPP)

ENTRE :

WAYNE DERKSEN,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

 

Dossiers : 2006-373(EI)

2006-374(CPP)

ET ENTRE :

 

DALE DERKSEN,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     Les appelants[1], Dale[2] et Wayne[3] Derksen, interjettent appel des décisions respectives du ministre du Revenu national selon lesquelles ils travaillaient comme entrepreneurs indépendants. Leurs appels ont été entendus ensemble, même si les faits de chacune des affaires comportent de légères différences qui seront signalées plus loin lorsque cela sera pertinent.

 

[2]     La plupart des faits ne sont pas contestés et ils consistent pour l’essentiel en ceux énoncés dans les hypothèses formulées par le ministre dans la réponse à l’avis d’appel produit par Dale[4] :

 

[TRADUCTION]

 

a)         les activités du payeur [Thermal Tek Insulation Contracting Inc. (« Thermal Tek »)] consistaient à fournir et à installer des matériaux isolants et des pare‑vapeur;

 

b)         les fonctions de l’appelant comprenaient l’installation de matériaux isolants et de pare‑vapeur;

 

c)         le 21 janvier 2004, l’appelant [les appelants] […] et le payeur ont conclu, par écrit, un contrat de sous‑traitance qui comprenait notamment les dispositions suivantes :

 

(i)      l’appelant était désigné comme le sous‑traitant,

 

(ii)     l’appelant devait fournir des services conformément à un bon de commande joint au contrat,

 

(iii)    l’appelant était tenu de travailler dans le respect des normes de l’industrie et de corriger les défauts à ses propres frais,

 

(iv)    l’appelant était tenu de fournir ses propres outils et son propre véhicule,

 

(v)     l’appelant pouvait embaucher des mandataires ou d’autres sous‑traitants,

 

(vi)    l’appelant convenait qu’il n’était pas un employé et que le payeur n’était pas tenu de faire des remises;

 

d)         il était de l’intention initiale de l’appelant et du payeur que l’appelant soit un travailleur indépendant;

 

            e)         l’appelant rendait ses services aux lieux de travail du payeur;

 

f)          l’appelant était rémunéré à la pièce, y compris une somme de 0,10 $ par panneau isolant semi‑rigide installé ou de 0,09 $ pour du poly;

 

g)         l’appelant présentait des factures au payeur;

 

h)         les heures d’ouverture habituelles du payeur allaient de 8 h à 17 h, du lundi au vendredi;

 

i)          les heures de travail de l’appelant variaient selon le temps qu’il faisait et le travail à accomplir;

 

j)          l’appelant ne consignait pas ses heures de travail et il ne présentait pas de feuilles de temps;

 

k)         le payeur ne supervisait pas l’appelant;

 

l)          le payeur n’attribuait pas de travail à l’appelant;

 

            m)        le payeur offrait du travail à l’appelant;

 

n)         l’appelant pouvait accepter ou refuser le travail offert;

 

o)         le payeur ne donnait pas d’instructions à l’appelant sur la façon d’accomplir les tâches qui lui étaient confiées;

 

p)         l’appelant n’était pas tenu de se présenter à des réunions;

 

q)         l’appelant n’établissait pas de rapports;

 

r)         l’appelant n’était pas payé lorsqu’il corrigeait ses erreurs;

 

s)         le payeur n’offrait aucune formation à l’appelant;

 

            t)          l’appelant pouvait embaucher ses propres aides ou se faire remplacer;

 

u)              l’appelant avait la possibilité de travailler pour des tiers pendant qu’il fournissait ses services au payeur;

 

v)         le payeur n’offrait aucune garantie de travail à l’appelant;

 

w)        le payeur fournissait le matériel nécessaire, y compris le calfeutre, l’isolant, les agrafes, le ruban et le poly;

 

x)       l’appelant fournissait ses propres outils, y compris les outils à main, les échelles, les chevalets de sciage, les madriers, le compresseur, l’agrafeuse pneumatique et le véhicule;

           

  y)       l’appelant engageait des dépenses au titre des outils et du véhicule;

 

z)             l’appelant exploitait son entreprise sous le nom commercial « Dales [sic] Insulators »; [Note : ne fait pas partie des hypothèses relatives à Wayne.]

 

aa)         l’appelant a déclaré un revenu d’entreprise dans ses déclarations de revenus antérieures à la période en cause; [Note : ne fait pas partie des hypothèses relatives à Wayne.]

 

bb)        l’appelant facturait la TPS au payeur;

 

cc)     le payeur ne traitait pas l’appelant et ses employés de la même façon.

 

[3]     La question du droit à l’assurance‑emploi et à une pension de Dale et de Wayne a été soulevée après que Dale a été blessé et qu’il a fait une demande de prestations d’assurance‑emploi. Le critère à quatre volets pertinent pour décider si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant a été élaboré dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. The Minister of National Revenue[5] et appliqué par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc.[6] :

 

[47]     Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

[48]     Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[4]     Outre les facteurs relatifs au contrôle, à la propriété des instruments de travail, à la possibilité de faire un profit, au risque de perte et au degré d’intégration, la Cour peut également tenir compte de l’intention des parties[7]. Il ressort sans équivoque de la jurisprudence en matière de common law qu’aucun facteur particulier ne l’emporte; en effet, les facteurs énoncés visent plutôt à offrir un cadre d’analyse des faits propres à chaque affaire.

 

[5]     L’intimé a appelé le directeur de Thermal Tek, M. Wes Sass, à témoigner. J’estime que son témoignage est entièrement digne de foi.

 

[6]     Dale et Wayne se sont représentés eux‑mêmes et ils ont témoigné à l’audience. Ils avaient manifestement passé beaucoup de temps à s’informer des principes régissant la détermination de la situation d’un travailleur. Ils ont soutenu que la preuve étayait la conclusion voulant qu’ils aient travaillé à titre d’employés pour Thermal Tek. Malgré la vigueur dont ils ont fait preuve pour présenter leur thèse, je ne suis pas convaincue, pour les raisons exposées plus loin, qu’ils se sont acquittés du fardeau d’établir que les hypothèses sur lesquelles le ministre s’est appuyé pour conclure qu’ils étaient des entrepreneurs indépendants étaient erronées.

 

[7]     Même s’ils ont fourni des détails ou des précisions supplémentaires, Dale et Wayne ont pour l’essentiel reconnu l’exactitude des hypothèses de fait du ministre. En particulier, ils ont admis qu’ils avaient signé le contrat daté du 21 janvier 2004[8] et qu’[TRADUCTION] « au début », ils croyaient, à l’instar de M. Sass, qu’ils acceptaient à titre d’entrepreneurs indépendants le travail offert par Thermal Tek. Dans son témoignage, Wayne a déclaré qu’il avait signé le contrat [TRADUCTION] « sous l’effet de la contrainte », voulant dire par là qu’il croyait que s’il n’avait pas signé le contrat, il n’aurait pas obtenu le travail. En elle‑même, cette préoccupation (d’autant plus qu’elle a été soulevée bien après le fait) est loin de constituer une preuve de « contrainte » au sens juridique du terme.

 

[8]     Le témoignage des appelants était entièrement compatible avec celui de M. Sass en ce qui concerne les points suivants : les appelants négociaient avec M. Sass le prix de chacun des mandats d’installation offerts; les appelants étaient libres d’accepter ou de rejeter les projets; ils pouvaient travailler pour d’autres (et l’ont fait), y compris les concurrents de Thermal Tek; ils établissaient leur propre horaire, sous réserve uniquement des échéances externes imposées par l’industrie de la construction; Thermal Tek ne leur [TRADUCTION] « attribuait » pas de travail, ils exécutaient plutôt celui‑ci selon les spécifications du client précisées dans les bons de commande[9]. Une fois leur travail terminé, ils présentaient des factures[10], sans lesquelles ils n’auraient pas été payés; longtemps avant les périodes en cause, ils étaient inscrits aux fins de la TPS et, dans le cas de Dale, la TPS était perçue et remise relativement aux travaux effectués pour Thermal Tek. Le fait que « Dale’s Insulators » n’était pas un nom commercial enregistré en bonne et due forme ne fait pas, en soi, obstacle à la conclusion voulant que Dale ait travaillé pour son compte.

 

[9]     Dale et Wayne n’étaient pas supervisés dans leur travail. M. Sass a dit que leur compétence et leur expérience dans le domaine de l’isolation les classaient [TRADUCTION] « parmi les meilleurs en ville ». À ce titre, ils étaient totalement en mesure de faire le travail par eux‑mêmes, ce qui rendait sans nul doute leurs services intéressants. Dans son propre témoignage, Dale a mentionné que, même si le responsable de la surveillance des travaux de Thermal Tek, Trevor, pouvait critiquer leur travail, ils n’étaient pas tenus de donner suite à ses suggestions. Outre ses fonctions de superviseur, Trevor effectuait le même genre de travail d’isolation que Dale et Wayne. J’accepte le témoignage de M. Sass selon lequel les similitudes s’arrêtaient là. Contrairement à Dale et à Wayne, Trevor était tenu de rendre compte à M. Sass, il recevait un salaire annuel fixe et il travaillait suivant un horaire établi, il ne pouvait prendre congé sans y être autorisé et Thermal Tek lui fournissait l’outillage et un véhicule.

 

[10]    Dale, par ailleurs, fournissait son propre outillage et avait investi une somme importante dans son agrafeuse pneumatique, son compresseur et son camion. Le matériel fourni par Thermal Tek, comme l’isolant lui‑même, le calfeutre, le ruban et le « poly », ne constituait pas en soi de l’« outillage » puisqu’il était facturé au client.

 

[11]    J’accepte le témoignage de Dale et de Wayne voulant que Thermal Tek ait payé pour leur compte des cotisations au titre de l’indemnisation des accidents du travail et qu’ils aient obtenu un numéro auprès de la Workers’ Compensation Board. Il s’agissait toutefois d’une exigence législative provinciale qui, si elle n’est pas respectée, empêche le travailleur d’avoir accès au lieu de travail. L’observation de cette disposition législative ne permet pas de se prononcer sur la nature de la relation de travail qui existait entre les appelants et Thermal Tek.

 

[12]    Dans l’ensemble, la preuve me convainc que Dale travaillait pour son propre compte à titre d’entrepreneur indépendant dans le domaine de l’isolation.

 

[13]    Comme Wayne l’a à juste titre signalé à l’audience, même si les appels des appelants ont été entendus sur preuve commune, chaque affaire doit être tranchée à la lumière des faits qui lui sont propres. Or, la situation de Wayne est légèrement différente de celle de Dale en ce qu’il ne possédait pas son propre outillage; les outils qu’il utilisait lui étaient cependant fournis par Dale et non par Thermal Tek. Dans le même ordre d’idées, ce n’était pas M. Sass qui lui offrait des projets de Thermal Tek, mais bien son frère, Dale, lequel exploitait sa propre entreprise d’isolation. On pourrait en conclure que, si Wayne avait un quelconque employeur, c’était Dale. Cette conclusion n’est toutefois pas étayée par la preuve : dans son témoignage, Dale a précisé on ne peut plus clairement qu’il ne voulait pas d’employés dans son entreprise parce qu’il voulait éviter d’avoir à remettre des retenues sur la paye. Compte tenu des étroites relations de travail existant entre les appelants, je n’ai aucune raison de penser que Wayne ne connaissait pas le point de vue de son frère sur la question. Même s’il est vrai que Wayne n’avait pas de nom commercial et qu’il ne possédait pas d’outillage, ces faits, lorsqu’ils sont appréciés par rapport aux autres éléments de preuve, ne peuvent suffire à transformer sa situation d’entrepreneur indépendant en celle d’employé. Par conséquent, je suis convaincue que Wayne travaillait aussi à titre d’entrepreneur indépendant pour Thermal Tek pendant la période en cause.

 

[14]    Les appels sont rejetés et les décisions du ministre sont confirmées.

 

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d’août 2007.

 

 

 

« G.A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI477

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006-274(EI); 2006-277(CPP);

                                                          2006-373(EI); 2006-374(CPP)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              WAYNE DERKSEN c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL et DALE DERKSEN c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 13 avril 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G.A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 17 août 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour les appelants :

Les appelants eux‑mêmes

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Anne Jinnouchi

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

                                                         

      

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Je désigne habituellement les parties appelantes de façon protocolaire, ce qui donnerait « M. Derksen » en l’espèce. Toutefois, pour éviter la confusion manifeste qu’il en résulterait, je désignerai les appelants par leur prénom, soit « Dale » et « Wayne ».

 

[2] La période frappée d’appel est celle du 1er janvier 2004 au 21 février 2005.

 

[3] La période frappée d’appel est celle du 1er janvier 2004 au 2 mars 2005.

[4] Le paragraphe 5 de la réponse à l’avis d’appel (Régime de pensions du Canada et Loi sur l’assurance‑emploi).

[5] 87 DTC 5025.

 

[6] [2001] 2 R.C.S. 983.

 

[7] The Royal Winnipeg Ballet c. Le ministre du Revenu national, [2006] A.C.F. no 339.

[8] Pièce R-1.

 

[9] Pièces A-2 et A-3.

 

[10] Pièce R-2.

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