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Dossiers : 2006-3714(EI)

2007-457(EI)

2006-3715(CPP)

2007-459(CPP)

ENTRE :

ROBERT DEMPSEY,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus sur preuve commune

les 13 et 14 juin 2007, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions :

 

Avocate de l’appelant :

Me Brenda McLuhan

Avocate de l’intimé :

Me Selena Sit

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels sont accueillis, sans dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Winnipeg (Manitoba), ce 10e jour de septembre 2007.

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

Référence : 2007CCI362

Date : 20070910

Dossiers : 2006-3714(EI)

2007-457(EI)

2006-3715(CPP)

2007-459(CPP)

ENTRE :

ROBERT DEMPSEY,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

[1]     L’appelant interjette appel de la décision du ministre voulant qu’il n’ait pas exercé un emploi aux termes d’un contrat de louage de services pour Diversification de l’économie de l’Ouest (« DEO ») ni pour Conseils et Vérification Canada (maintenant Services de vérification Canada) (« CVC ») pendant la période du 5 octobre 2003 au 30 septembre 2004.

 

[2]     Dans le cadre d’un protocole d’accord (le « protocole »), DEO a fait appel à CVC pour que cet organisme lui rende des services de vérification. Pour l’aider à remplir ses obligations en matière de vérification aux termes du protocole, CVC a engagé l’appelant, par contrat écrit, pour qu’il rende à DEO les services de vérification au nom de CVC. Le premier contrat intervenu entre l’appelant et CVC a été conclu en janvier 1992. Cette entente visait une période de trois mois et prévoyait que l’appelant remplirait les fonctions qui lui seraient confiées par le gestionnaire de portefeuille de DEO, région de la C.‑B.

 

[3]     Par suite d’une série de nouvelles ententes, de reconductions et de prolongations, l’appelant a été engagé sans interruption par CVC de janvier 1992 jusqu’au 30 septembre 2004 pour rendre des services à DEO.

 

[4]     L’appelant est comptable agréé. Pendant toute la période où il a travaillé pour CVC, c’est à ce titre qu’il rendait à DEO des services que l’on peut qualifier, d’une façon générale, de services de vérification.

 

[5]     CVC, organisme relevant de Travaux publics Canada, fonctionnait selon un mode de dépenses contrôlées afin de s’autofinancer. CVC avait des employés à plein temps auxquels il pouvait faire appel pour exécuter les contrats de CVC, mais il concluait également des contrats avec des entrepreneurs indépendants pour qu’ils fournissent des services que CVC s’était, par contrat, engagé à rendre. L’appelant faisait parti de ce dernier groupe de travailleurs et il était toujours rémunéré par CVC pour le travail qu’il effectuait pour DEO aux termes du protocole.

 

[6]     Il est évident, et non contesté, que la situation contractuelle imposée à l’appelant suivant les ententes écrites conclues avec CVC était celle d’un entrepreneur indépendant.

 

[7]     Malgré le libellé de ces contrats, l’appelant soutient qu’il exerçait un emploi aux termes d’un contrat de louage de services pour DEO et que CVC était son employeur réputé selon l’alinéa 10(1)a) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations (le « Règlement sur l’AE ») et le paragraphe 8.1(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (le « Règlement sur le RPC »). À ce titre, l’appelant affirme que la rémunération qu’il a reçue pendant la période en cause constituait un revenu ouvrant droit à pension suivant le Régime de pensions du Canada (le « RPC ») et que son emploi constituait un emploi assurable suivant la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE »).

 

[8]     Même s’il n’était pas désintéressé, le témoignage de l’appelant à l’audience était franc et digne de foi, et je l’accepte lorsqu’il diverge du témoignage rendu par les témoins de l’intimé. Le directeur général des Opérations de DEO et le directeur régional de CVC ont témoigné pour l’intimé. Ils étaient tous deux des témoins dignes de foi, bien que quelque peu sur la défensive. En outre, leur connaissance personnelle de la situation de l’appelant était vraisemblablement moins étendue que celle d’autres personnes, comme le gestionnaire de portefeuille dont relevait l’appelant à DEO. Le responsable de projets de l’appelant à CVC aurait également été mieux informé, même si les communications entre l’appelant et CVC étaient rares puisqu’elles se limitaient aux discussions concernant la reconduction du contrat et à la présentation de factures mensuelles. Aucun des témoins de l’intimé n’avait travaillé directement avec l’appelant et aucun n’avait été au service de son organisation respective aussi longtemps que l’appelant. Le directeur de CVC ne travaillait pour CVC que depuis juillet 2000 et le directeur général de DEO ne travaillait pour DEO que depuis avril 2003.

 

CONTEXTE CONTRACTUEL

 

CVC – DEO

 

[9]     Les services de CVC ont été retenus dans le cadre du protocole pour qu’il fournisse des services professionnels et des services de vérification se rapportant aux subventions et aux prêts consentis par DEO à des petites entreprises de l’Ouest canadien (appelés des « accords de contribution »). Les objectifs du protocole et les obligations de CVC aux termes de celui‑ci étaient libellés de manière large afin d’englober à peu près tout ce qu’un travailleur pouvait faire dans le cadre des activités de DEO relatives aux accords de contribution. Certaines obligations plus précises incombant à l’appelant étaient énoncées de façon distincte dans d’autres documents, lettres ou mandats, mais on a omis de produire en preuve des doubles de ceux‑ci.

 

[10]    Toutefois, il n’est généralement pas contesté que, selon le protocole, les membres du personnel de CVC pouvaient travailler à différents aspects des accords de contribution de DEO, y compris, et en particulier dans le cas de l’appelant, le contrôle des comptes débiteurs relatifs aux prêts remboursables consentis par DEO.

 

[11]    Le protocole consistait en un contrat d’une durée déterminée de deux ans qui prévoyait le montant maximal des dépenses autorisées ou le plafond des honoraires applicable pour cette période. Par suite de reconductions, ce contrat a eu effet pendant toute la durée de l’emploi de l’appelant à CVC. Le protocole faisait état et tenait compte du caractère incertain du financement de DEO. En raison de cette incertitude, DEO ne pouvait s’engager à offrir un emploi aux personnes chargées de la vérification. À titre d’exemple, les services de contrôle du remboursement des prêts n’étaient nécessaires que tant et aussi longtemps que le gouvernement fournissait des fonds pour les prêts. Comme le financement était incertain, il était impossible pour DEO de prendre des engagements en matière d’emploi. En réalité, le protocole avait effet pour des périodes successives de deux ans justement pour permettre à DEO de vérifier périodiquement, à la lumière de ses engagements de financement, dans quelle mesure il lui était nécessaire de retenir les services de travailleurs par l’intermédiaire de CVC.

 

[12]    Selon le protocole, DEO payait les honoraires de CVC en fonction du nombre réel d’heures passées par les vérificateurs de CVC à fournir des services à DEO. De même, les frais de déplacement réellement engagés par les travailleurs de CVC dans la prestation de services à DEO étaient facturés à DEO[1]. Le protocole stipulait un montant total maximal d’honoraires pour chacune des périodes pendant lesquelles le contrat avait effet.

CVC – Appelant

[13]    Bien que les contrats aient varié quelque peu au fil des ans, les modalités principales sont demeurées en grande partie inchangées.

 

[14]    Chaque contrat fixait le taux de rémunération pour chaque journée de travail complète de 7,5 heures, à un taux quotidien prévu, sous réserve d’un montant contractuel maximal fondé sur un nombre de jours maximal. Pour les jours de travail incomplets, le taux quotidien était calculé au prorata sur une base horaire. Le nombre de jours maximal (sous réserve d’une exception mineure) correspondait au nombre exact de jours de travail de la période prévue au contrat. Par exemple, le premier contrat débutant le 20 janvier 1992 et se terminant le 31 mars 1992 (c.‑à‑d. 70 jours ou dix semaines pleines) visait une période maximale de 50 jours (c.‑à‑d. cinq jours de travail par semaine). Pour chacune des années, l’appelant a travaillé le nombre de jours maximal permis et a été rémunéré en conséquence.

 

[15]    L’appelant devait présenter tous les mois une facture pour le nombre d’heures travaillées chaque jour du mois, et ces factures devaient être approuvées par DEO.

 

[16]    Chaque contrat stipulait que les services facturés étaient assujettis à la TPS, que l’appelant devait être inscrit aux fins de la TPS et qu’il devait préciser son numéro d’inscrit sur chaque facture[2].

 

[17]    Chaque contrat prévoyait un calendrier de travail à respecter. Le premier contrat mentionnait simplement que les tâches de l’appelant étaient celles que lui confiait le gestionnaire de portefeuille de DEO aux bureaux auxquels l’appelant était affecté (« DEO, région de la C.‑B. »). Dans les contrats subséquents, le travail à accomplir était explicité de façon détaillée dans une annexe jointe au document.

 

Maintien en fonction et obligations professionnelles de l’appelant

[18]    Avant de travailler pour CVC, l’appelant avait œuvré dans ce secteur d’activité au Canada et aux États-Unis en plus d’avoir déjà exploité sa propre entreprise au Canada.

 

[19]    En 1992, il cherchait du travail et on l’a finalement dirigé vers CVC. Son entreprise commerciale avait échoué et il lui fallait trouver du travail sans délai.

 

[20]    Après une rencontre avec CVC, il a été adressé à DEO, région de la C.‑B., où il a passé deux entrevues. DEO a jugé qu’il était compétent et a retenu ses services pour qu’il s’occupe de l’examen et du contrôle du remboursement des prêts consentis. De cette façon, les services de l’appelant étaient assujettis au protocole de deux ans déjà en vigueur et au plafond des honoraires qui y était prévu.

 

[21]    Comme il est mentionné plus haut, le premier contrat conclu entre CVC et l’appelant portait sur une période de dix semaines, et ce dernier devait accomplir le travail que lui confierait le gestionnaire de portefeuille de DEO, région de la C.‑B. Le gestionnaire de portefeuille a donc remis à l’appelant certains dossiers afin que celui‑ci les examine et contrôle la ponctualité des remboursements. Ce fut la principale fonction exercée par l’appelant pendant douze ans et demi.

 

[22]    L’appelant a suivi, à Edmonton, une formation initiale de deux jours payée par DEO. De même, DEO a payé deux cours supplémentaires. L’appelant était rémunéré pour le temps passé en formation. On lui a fourni des manuels exposant les méthodes suivies à DEO.

 

Conditions de travail et responsabilités

[23]    L’appelant travaillait pendant les heures normales aux bureaux de DEO à Vancouver, où se trouvaient les dossiers qui lui étaient confiés. Il ne pouvait faire son travail ailleurs qu’à son bureau à DEO puisque les dossiers et les bases de données avec lesquels il travaillait étaient mis sous clé et inaccessibles en dehors des heures normales de bureau. Pendant la plus grande partie des treize années qu’a duré sa relation de travail avec DEO, il n’a pour ainsi dire jamais fourni de services ailleurs qu’à son bureau, sauf lorsqu’il se déplaçait pour rencontrer des clients de DEO dans le cadre de ses fonctions.

 

[24]    Son principal outil de travail était son ordinateur, que lui fournissait DEO, ainsi que son bureau et les fournitures de bureau. Il lui arrivait de recourir aux services d’une secrétaire mais, la plupart du temps, ce n’était pas nécessaire. Il pouvait utiliser le télécopieur et le photocopieur du bureau, comme tous les autres employés.

 

[25]    Il traitait directement avec les clients de DEO dans cette fonction et on le présentait comme un agent principal des services aux entreprises de DEO. Il allait rencontrer les clients et il rendait compte à son gestionnaire des dossiers qu’il était chargé de contrôler. Il formulait des recommandations quant aux mesures de recouvrement, aux radiations et aux éventuelles poursuites judiciaires. Ses rapports étaient remis à son gestionnaire, au directeur général régional de DEO puis au bureau principal à Edmonton. Ils faisaient l’objet de vérifications et de révisions à chacune de ces étapes et ils étaient parfois renvoyés à l’appelant pour qu’il les révise conformément aux instructions reçues par une ou plusieurs de ces personnes des niveaux supérieurs. Il était rémunéré pour le temps passé à revoir son propre travail.

 

[26]    Il avait un titre (agent principal des services aux entreprises ) et son nom figurait dans les annuaires et le site Web de DEO. Il avait des cartes professionnelles de DEO ainsi qu’une plaque d’identité sur la porte de son bureau. Il avait une adresse électronique professionnelle de DEO qu’il utilisait dans ses communications avec les clients et le personnel de DEO. Il a été dans une grande mesure intégré au personnel de bureau pendant presque treize ans. Il faisait partie du réseau social du bureau, il a participé à au moins un événement visant à présenter et à promouvoir les services de DEO[3] et on lui confiait parfois des tâches qui ne relevaient pas de ses fonctions précises mais qu’il accomplissait néanmoins. À titre d’exemple, il lui est arrivé à quelques occasions d’examiner des demandes de crédit.

 

[27]    Dans le cadre de ses fonctions de contrôle du recouvrement, il devait établir des prévisions de recouvrement dans un délai donné, et ses rencontres avec son gestionnaire faisaient également l’objet d’échéances.

 

[28]    Même si l’appelant avait droit à des absences autorisées et pouvait organiser ses heures de travail à sa guise, il n’en demeure pas moins qu’en réalité, il ne pouvait accomplir son travail qu’aux bureaux de DEO et ne pouvait s’absenter que pendant les jours fériés et autres congés semblables, si, après avoir discuté avec son gestionnaire, ce dernier estimait que l’absence de l’appelant n’entraînerait pas de problèmes opérationnels. En outre, les délais auxquels il était parfois assujetti restreignaient la mesure dans laquelle il pouvait choisir ses propres heures de travail. Il avait des rapports quotidiens avec son gestionnaire, dont le bureau était situé à deux portes du sien, et il assistait aux réunions du personnel et aux ateliers de planification annuels.

 

[29]    Par ailleurs, il ne participait pas aux réunions d’évaluation du personnel et il ne faisait pas l’objet des mêmes examens du rendement ou processus d’évaluation que les employés. Il ne faisait pas partie du système de jumelage dans le cadre duquel des employés de DEO travaillaient en équipe à certains dossiers.

 

[30]    L’appelant ne participait à aucun régime d’avantages sociaux ni régime de pension, il n’avait pas droit à des vacances payées ni à des prestations ou à des congés de maladie et il n’était pas membre du syndicat auquel appartenaient les employés de DEO et de CVC. Il économisait en vue de sa retraite en contribuant à un REER et il participait à un régime privé de soins médicaux.

Prolongations et fin du contrat

 

[31]    À la fin de chaque contrat conclu avec l’appelant, CVC procédait à un appel d’offres par voie concurrentielle. Après avoir entendu les trois témoins exposer leur point de vue au sujet de ce processus « concurrentiel », j’estime qu’il ne faisait aucun doute que le contrat de l’appelant serait reconduit tant et aussi longtemps que l’emploi existerait. Je sais gré au directeur régional de CVC pour son témoignage selon lequel tous les efforts possibles devaient être déployés pour respecter les lignes directrices de l’organisation afin de veiller à ce que le processus soit concurrentiel et que tous les entrepreneurs externes bénéficient de chances égales de présenter des soumissions concurrentielles en vue d’obtenir le contrat. Si le contrat visait une somme supérieure à 89 000 $, il était affiché au Service électronique d’appels d’offres du gouvernement. Sinon, CVC pouvait recourir à la base de données de Contrats Canada ou à ses propres données pour lancer un appel d’offres. Or, il semble qu’en réalité, les options de reconduction du contrat faisaient en sorte que l’appelant pouvait être engagé pour de longues périodes sans que de nouveaux appels d’offres soient lancés[4]. Quoi qu’il en soit, à la lumière de la preuve présentée devant moi, je suis convaincu qu’en réalité toujours, selon toute probabilité, aucun autre soumissionnaire n’aurait vraiment eu une chance de remplacer l’appelant. Ce dernier habitait à Vancouver[5]. À DEO, on était satisfait de son travail. Il avait été formé et il était expérimenté dans le travail qui était justement donné en sous‑traitance. Il connaissait le personnel, les clients ainsi que les accords de contribution en cours dont il fallait s’occuper. La reconduction du contrat de l’appelant permettait à DEO de bénéficier d’un service ininterrompu sans subir aucune des difficultés liées à l’introduction d’un nouveau membre du personnel[6].

 

[32]    De même, l’appelant savait quand son poste était affiché, et CVC l’informait des taux de soumission acceptables. L’appelant a même, à une occasion, diminué son taux (horaire) quotidien après avoir été informé de l’existence de réductions budgétaires[7]. Il n’aurait peut‑être pas été possible d’imposer cette situation à l’appelant si DEO avait été son employeur, mais cela était tout à fait possible dans le cadre contractuel à l’intérieur duquel l’appelant fournissait des services à DEO. En réalité, non seulement cette situation était possible, mais elle sert peut‑être aussi à illustrer la raison même de l’existence du protocole. Le protocole permettait de mieux gérer les incertitudes budgétaires que ne l’auraient fait des contrats de travail personnels conclus directement avec le travailleur. Le directeur régional de CVC a toutefois reconnu que les contrats de CVC ne constituaient habituellement pas des conventions à long terme. Il s’agissait le plus souvent de travail saisonnier ou de travaux devant être terminés à une date donnée. Le cas de l’appelant s’écartait de la norme, et au moins quelques‑unes des dispositions contractuelles ne s’appliquaient pas à sa situation, comme l’obligation d’avoir son propre bureau à partir duquel il aurait exécuté les services visés par le contrat. La liste de plus en plus longue des tâches énumérées dans les contrats pour refléter le rôle de subalterne de l’appelant serait également attribuable à cette situation inhabituelle. Le directeur régional de CVC a pour ainsi dire reconnu qu’on avait peut‑être abusé des services de CVC dans la présente situation.

 

[33]    Bien qu’il lui ait toujours été nécessaire, sur le plan budgétaire, de conclure des contrats avec CVC pour combler une partie de ses besoins en personnel pendant cette période de douze ans et demi, DEO disposait, à l’été 2004, d’un engagement de financement plus solide de la part du gouvernement en place. Il y avait alors trois personnes travaillant à DEO dont les services avaient été retenus dans le cadre du contrat que ce dernier avait conclu avec CVC. L’une de ces personnes était un employé de CVC et les deux autres étaient des entrepreneurs indépendants de CVC. Les deux entrepreneurs indépendants, dont l’appelant, se sont fait offrir des emplois à plein temps pour DEO au cours de l’été 2004. L’autre entrepreneur indépendant a accepté le poste. L’appelant l’a refusé.

 

[34]    Le contrat de l’appelant avec CVC s’est terminé à la fin septembre 2004 et n’a pas été reconduit. L’appelant a présenté une demande d’assurance‑emploi.

 

Faits accessoires

[35]    Pour chacune des années en cause, sauf 2004, l’appelant a produit des déclarations de revenus dans lesquelles il déclarait son revenu de CVC à titre d’entrepreneur indépendant et déduisait des dépenses dont les employés ne peuvent se prévaloir. Pour 2004, il a déclaré que son revenu était un revenu d’emploi.

 

[36]    Pendant les douze années et demie où il a obtenu du travail par contrat à DEO, l’appelant n’avait aucun bureau à domicile et n’avait aucun travail autre que celui‑là. Il était abonné au Service électronique d’appels d’offres du gouvernement et son nom figurait dans la base de données de Contrats Canada et de DEO. Il a présenté les soumissions nécessaires pour obtenir le contrat initial et les contrats subséquents auprès de DEO. Rien dans la preuve ne permet de penser qu’il a tenté d’entrer en concurrence avec d’autres entrepreneurs pour obtenir des contrats, sauf lorsqu’il a présenté des soumissions à CVC en vue de fournir des services à DEO.

 

[37]    Avant l’offre d’emploi qui lui a été faite en 2004, l’appelant avait demandé pourquoi il n’était pas reconnu comme employé. Après avoir lu sur le sujet, il s’était en effet rendu compte qu’il était vraisemblable qu’il soit de toute manière considéré comme tel en droit. Il n’a pas tenté de changer ou de clarifier sa situation.

 

[38]    L’appelant a refusé l’offre d’emploi qui lui a été faite vers la fin de son dernier contrat (qui se terminait le 30 septembre 2004) parce qu’il croyait que son contrat à titre d’entrepreneur indépendant allait être reconduit. Il estimait que l’offre de contrat de travail n’était pas satisfaisante. L’offre ne visait qu’une période d’un an, à un taux de salaire moindre, et elle lui a été présentée alors qu’il était âgé de 65 ans et qu’il ne pouvait plus participer au régime de pension des employés. Le contrat à titre d’entrepreneur indépendant était plus avantageux pour lui. En un sens, et il l’a reconnu lui‑même, il a misé sur le fait que son contrat à titre d’entrepreneur indépendant serait reconduit, mais il a perdu.

 

Analyse

 

[39]    Si l’intention permettait à elle seule de décider de la situation dans laquelle se trouvait l’appelant, il ne fait aucun doute que ses activités auraient été celles d’un entrepreneur indépendant. L’appelant a non seulement accepté la situation que lui imposaient les circonstances et la structure organisationnelle en place, il a en outre joué le rôle d’entrepreneur indépendant jusqu’à ce que ce ne soit plus dans son intérêt de le faire. Par ses actes – il s’est inscrit aux fins de la TPS, il a présenté des factures montrant les heures travaillées et la TPS exigible et il a soumissionné pour de nouveaux contrats lorsque les contrats existants venaient à échéance –, il a honoré le contrat qui définissait sa situation. Il déduisait des dépenses d’entreprise dans ses déclarations de revenus et il ne payait aucune cotisation syndicale à titre de fonctionnaire. Il n’avait pas d’avantages sociaux et ne participait pas au régime de pension de retraite de la fonction publique. Toutes ces modalités étaient établies par contrat; l’appelant les avait comprises et acceptées. En définitive, il a préféré la situation d’entrepreneur indépendant découlant de cette entente contractuelle mais, lorsqu’il a perdu l’avantage qu’elle lui procurait, il s’est empressé de nier ce qu’il avait accepté pendant presque 13 ans.

 

[40]    Il est toutefois établi de longue date que, même lorsqu’un contrat précise à quel titre le travailleur est engagé (employé ou entrepreneur indépendant), cette stipulation ne permet pas de décider de la nature de la relation de travail pour l’application de la LAE et du RPC. C’est le cas même quand les deux parties, en dehors du cadre concret de la relation de travail, traitent cette stipulation comme si elle définissait véritablement leur relation. La réciprocité de l’intention des parties quant à la nature de l’engagement – même jumelée à une conduite qui, hors du cadre de la relation de travail, tient compte de cette situation contractuelle voulue – ne permet pas de se prononcer sur la nature de cette situation. Bien que de récentes décisions aient reconnu l’éventuelle importance de l’intention des parties dans des affaires où l’issue est qualifiée de serrée[8], l’issue en l’espèce n’est pas serrée. Le critère applicable dans la présente affaire a été énoncé sans équivoque par la Cour suprême du Canada en 2001 dans l’arrêt Sagaz Industries Canada Inc. c. 671122 Ontario Limited[9] où la Cour a, dans une grande mesure, accepté les critères appliqués dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national)[10].

 

[41]    À la lumière des critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, l’appelant est manifestement un employé. Il a été engagé pour occuper un poste entièrement subalterne et il avait l’obligation, comme n’importe quel autre employé professionnel, de faire ce que son supérieur lui disait de faire. Il n’avait aucune latitude pour décider quand, comment et où il fournissait ses services. Sur presque tous les plans, il était assujetti au contrôle de son gestionnaire à DEO. Il était traité à presque tous les égards comme un employé et il était présenté à ce titre. Il faisait ce qu’on lui disait de faire dans le cadre de son poste. Il devait corriger des rapports conformément aux instructions que lui donnaient des supérieurs hiérarchiques et il devait respecter des délais. La liste précise des fonctions que l’appelant devait remplir pour DEO, aux termes de son contrat, ne cessait de s’allonger pour englober toutes les tâches que DEO pouvait demander d’accomplir à un employé occupant le poste de l’appelant. Qui plus est, à la demande de son gestionnaire, l’appelant assumait d’autres fonctions que celles pour lesquelles on avait précisément retenu ses services par contrat et il était rémunéré dans le cours normal des activités pour ces services supplémentaires. Cette situation était attribuable au fait qu’il était sous le plein contrôle de son gestionnaire à DEO, comme n’importe quel autre employé. Si le contrôle exercé sur le travailleur est le critère pertinent, la situation de l’appelant était celle d’un employé.

 

[42]    L’appelant ne fournissait aucun instrument de travail pour remplir ses fonctions. Tous les instruments étaient fournis par DEO. Si la fourniture des instruments de travail est le critère pertinent, la situation de l’appelant était celle d’un employé.

 

[43]    L’appelant travaillait à un taux fixe, selon un horaire fixe, et il n’engageait aucune dépense dans l’exercice de ses fonctions. Il ne courait pas un risque plus grand de perte et il n’avait pas de possibilité plus grande de profit que les autres employés travaillant dans le cadre d’un contrat de durée déterminée. Le fait qu’il n’avait aucune sécurité d’emploi à l’échéance de chaque contrat et qu’il devait soumissionner pour chaque contrat est compatible avec l’existence d’une série de contrats de travail à durée négociée. Pendant la durée de chaque contrat, le travail était effectué contre rémunération. S’il s’agit du critère pertinent, la situation de l’appelant était celle d’un employé.

 

[44]    Tous les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door portent à croire que l’appelant était un employé. Il ne s’agit pas d’une issue serrée où l’intention des parties peut influer sur la situation du travailleur.

 

[45]    Avant de conclure les présents motifs, il est toutefois important de revenir à l’analyse faite par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sagaz. Bien que les critères examinés plus haut aient effectivement été confirmés dans cette décision, ils ont été appliqués à la question centrale – selon l’expression employée par la Cour suprême – qu’il faut se poser lorsqu’on doit décider si le travailleur agissait comme une personne exploitant une entreprise pour son propre compte. Au moment d’examiner cette question relative au degré de contrôle exercé sur le travailleur par la partie qui embauche, la fourniture des instruments de travail et l’entrepreneurship du travailleur deviennent des facteurs à prendre en considération. L’appréciation de ce dernier facteur exige davantage qu’un examen du risque de perte et de la possibilité de profit. Il faut également se demander s’il est possible d’affirmer que le travailleur exploitait une entreprise. Dans la présente affaire, certains indices laissent à penser que l’appelant exploitait une entreprise. Il était inscrit aux fins de la TPS, il facturait ses heures, son nom figurait dans des bases de données servant à retenir les services d’entrepreneurs et il participait à un service de propositions de contrats ou de soumissions[11]. Cependant, ces indices ne suffisent pas en l’espèce pour fonder la Cour à conclure que l’appelant exploitait une entreprise pour son propre compte lorsqu’il fournissait des services à DEO.

 

[46]    L’appelant ne participait en réalité d’aucune manière à un marché gouvernemental en vue de faire des affaires. Il avait un emploi qui n’était garanti que pour une durée déterminée et il devait périodiquement présenter une demande pour conserver cet emploi. La façon dont cette demande était présentée et traitée n’avait toutefois rien d’entrepreneurial. On a pour l’essentiel reconnu que le système de passation des marchés n’avait pas été respecté en l’espèce. Même si ce n’était pas le cas, il est difficile d’imaginer qu’on puisse dire d’une personne qui n’a pas en propre d’entreprise concrète (ni bureau ni instruments de travail) et qui a travaillé pour un seul « client » pendant presque 13 ans dans un poste de subalterne qu’elle était en affaires pour son propre compte parce qu’elle pouvait « négocier » le taux du marché. En réalité, de façon générale, la constance à long terme de la relation de travail qui existait entre DEO et l’appelant en qualité de travailleur à plein temps ne peut être réconciliée avec l’idée que l’appelant était un entrepreneur indépendant exploitant une entreprise pour son propre compte.

 

[47]    De même, à la lumière des faits en l’espèce, le régime mis en place dans le cadre du protocole ne me fait pas grande impression. De nombreuses entreprises sont confrontées à des incertitudes budgétaires. Nombreuses sont celles qui peuvent pallier ces incertitudes en embauchant du personnel sur le fondement de contrats d’emploi à court terme. Le fait que certaines entreprises ne puissent adopter cette solution, pour des raisons syndicales par exemple, ne leur permet pas d’utiliser leurs incertitudes budgétaires pour décider unilatéralement de la situation d’un travailleur pour l’application de la LAE et du RPC par le recours à un régime contractuel particulier conçu à cette fin précise. Ces régimes n’offrent habituellement pas de choix. Les besoins de DEO ne visaient pas un projet de vérification précis auquel un entrepreneur indépendant pouvait se joindre à l’improviste de la façon généralement envisagée par CVC. DEO avait continuellement besoin d’une personne pour combler un poste à plein temps et il s’appuyait sur le protocole et sur CVC pour doter ce poste. Le fait que CVC avait choisi de conclure un contrat avec un entrepreneur indépendant n’a pas eu pour effet, à tout le moins en l’espèce, de modifier la nature de l’engagement pour l’application de la LAE et du RPC. L’engagement était de la nature d’un contrat de louage de services.

 

[48]    Bien que cette conclusion se soit imposée à la lumière des critères traditionnels, je n’y suis pas arrivé aisément. En effet, l’argument voulant que je doive accepter que l’appelant exploitait lui‑même sa propre entreprise est des plus attirants si je tiens compte de chacun des contrats distincts et de l’adhésion, par chacune des parties, au régime contractuel mis en place. L’appelant a même choisi ce régime puisqu’il s’attendait à obtenir un autre contrat. Il s’est servi de cette situation pour réclamer des déductions fiscales, il facturait ses honoraires et il percevait et remettait la TPS. Il détenait sa propre assurance pour les soins médicaux. Ses soumissions visant à obtenir des contrats étaient présentées dans une optique commerciale même si l’absence de neutralité sur le plan concurrentiel lui offrait une certaine forme de sécurité quant à son engagement. Sa conduite m’oblige presque à dire qu’il devrait être préclus de nier sa situation d’entrepreneur indépendant. Cependant, adopter ce point de vue en l’espèce reviendrait à accepter (ou non) que l’intention des parties doive régir la nature de la relation dans la présente affaire. Manifestement, c’est une conséquence de la vision commune de la nature de la relation qui rendait impérative la conduite dans une « optique commerciale » qui reflète cette vision. Cette conduite dans une « optique commerciale » découle uniquement de cette vision et mettre l’accent sur ce facteur dans le présent contexte ne ferait qu’accorder une importance déterminante à l’intention des parties. Il s’agit donc de savoir s’il est justifié en l’espèce, à la lumière de la jurisprudence récente, d’accorder un tel poids à l’intention des parties.

 

[49]    Lorsque j’ai examiné cette question, j’ai tenu compte de la similitude existant entre les faits dont je suis saisi et ceux de l’affaire Wolf. Bien qu’il s’agisse d’une décision en matière d’impôt et non en matière d’AE et de RPC, j’estime qu’elle est digne de mention parce que l’analyse qui y est faite est celle qui m’incite le plus à affirmer que l’appelant en l’espèce devrait être lié par l’entente contractuelle qu’il a signée et respectée jusqu’à ce qu’il entrevoie la possibilité d’obtenir un avantage en la niant, à savoir des prestations d’assurance‑emploi.

 

[50]    L’affaire Wolf concerne également un travailleur professionnel dont les services étaient retenus en sous‑traitance par un tiers afin que ce travailleur rende des services à titre d’entrepreneur indépendant à une société qui ne voulait pas engager une personne dans le cadre d’un contrat de travail. Le contrat visait initialement une période d’un an et était assorti d’une option de prolongation pour une période supplémentaire d’un an. Les prolongations et reconductions ont fait en sorte que l’engagement a duré quelques cinq années. Certaines reconductions étaient attribuables à du travail trouvé dans d’autres services. Il existait un élément de contrôle sur le travail accompli en ce sens qu’on disait au travailleur de quels projets il devait s’occuper et qu’on pouvait lui demander de travailler sur de nombreux projets à la fois, chacun faisant l’objet d’objectifs précis. Des instruments de travail à fonctions particulières, comme un ordinateur spécialisé, étaient mis à sa disposition. Il était pour l’essentiel rémunéré à l’heure.

 

[51]    Bien que les trois juges de la Cour d’appel fédérale aient rédigé des motifs distincts, ils ont tous souscrit à la conclusion que le travailleur dans cette affaire était un entrepreneur indépendant. Les trois juges ont mis l’accent sur le principe énoncé à l’article 1425 du Code civil du Québec selon lequel il faut rechercher la commune intention des parties pour interpréter les contrats. Même si chaque juge a conclu que l’application de chacun des critères traditionnels ne permettait pas de trancher la question en litige, l’insistance qu’ils ont mise sur le fait que l’intention des contribuables devait l’emporter compte tenu de l’orientation de l’emploi et des besoins commerciaux des parties me porte à souligner les raisons pour lesquelles je n’ai pas suivi cette approche.

 

[52]    En premier lieu, évidemment, les distinctions entre les faits dont je suis saisi et ceux de l’affaire Wolf justifient une conclusion différente au regard de l’application des critères traditionnels. L’application de chacun des ces critères en l’espèce est concluante. L’appelant se trouvait dans une relation de subalterne à DEO et, pendant toutes les années où il a travaillé pour cet organisme, il n’a pas exploité d’entreprise pour son propre compte. Il n’y avait aucun risque de nature entrepreneuriale, aucune récompense ni aucun investissement. Il n’y avait qu’une conduite compatible avec les exigences contractuelles de l’employeur. Si j’applique les principes énoncés dans les arrêts Royal Winnipeg Ballet et City Water International dans ces circonstances, l’intention des parties ne peut modifier l’issue découlant de la conclusion ainsi tirée. L’arrêt Wolf, comme les décisions susmentionnées, donne effet à l’intention des parties uniquement lorsque les critères traditionnels ne sont pas concluants.

 

[53]    En deuxième lieu, la propension à accepter que l’interprétation des contrats doive reposer sur les principes de common law ou de droit civil selon lesquels l’intention des parties doit l’emporter s’oppose à l’exercice obligatoire qu’a énoncé la Cour suprême dans l’arrêt Sagaz.

 

[54]    En troisième lieu – et ce facteur est important pour moi parce que je m’efforce de ne pas faire abstraction du revirement intéressé de l’appelant au sujet de sa situation contractuelle –, contrairement aux juges de la Cour d’appel dans l’arrêt Wolf, je suis convaincu, à la lumière de la preuve en l’espèce, que les engagements continus n’étaient pas du même « genre » que les engagements à titre d’entrepreneur indépendant examinés dans l’arrêt Wolf. Les besoins de DEO ne visaient pas le genre de projets de vérification précis qu’un entrepreneur indépendant pouvait être appelé à réaliser à l’improviste. Comme il est mentionné plus haut, DEO avait un besoin continu de combler un emploi à plein temps et il s’est servi à la fois du protocole et de CVC pour y arriver. Cette situation est différente de celle envisagée par CVC ou par la Cour d’appel dans l’arrêt Wolf.

 

[55]    La situation envisagée et réglée dans l’arrêt Wolf touchait au genre de travail que les entrepreneurs peuvent être appelés à accomplir à l’improviste afin que la société qui embauche puisse bénéficier d’une certaine souplesse et réaliser des économies de coût pour faire face aux fluctuations de ses activités. Dans l’arrêt Wolf, le travailleur remplissait exactement cette fonction même s’il avait trouvé de nouveaux emplois dans des services différents qui permettaient des prolongations de contrat. Il était défini comme un entrepreneur indépendant dans chacune des affectations et il n’avait jamais été intégré au personnel. Il n’avait pas de bureau. On ne lui avait même pas assigné d’ordinateur – il devait trouver un poste de travail libre au fur et à mesure des besoins. Il était considéré et traité comme un étranger auquel on demandait à l’improviste des conseils en matière de projet. La situation dont je suis saisi est différente. Dans la présente affaire, il s’agit d’un travailleur qui faisait partie de l’effectif quotidien de DEO et qui fournissait des services à titre de subalterne. Compte tenu de la situation, il n’est pas étonnant que l’application des critères traditionnels entraîne la conclusion selon laquelle l’engagement s’apparentait à un emploi. Le fait qu’un travailleur puisse retirer de cette conclusion la possibilité d’obtenir un avantage social confirme simplement que c’est ce que prévoyait ce régime, peu importe les conditions convenues et exécutées par les parties contractantes.

 

[56]    Par conséquent, j’arrive à la conclusion que les appels doivent être accueillis. Le revenu de l’appelant pendant la période en cause consistait en un revenu ouvrant droit à pension aux termes du RPC, et son emploi constituait un emploi assurable aux termes de la LAE. Comme CVC a rémunéré l’appelant pour les services qu’il a rendus, cet organisme était l’employeur réputé de l’appelant selon l’alinéa 10(1)a) du Règlement sur l’AE et le paragraphe 8.1(1) du Règlement sur le RPC.

 

 

Signé à Winnipeg (Manitoba), ce 10e jour de septembre 2007.

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI362

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006-3714(EI)

                                                          2007-457(EI)

                                                          2006-3715(CPP)

                                                          2007-459(CPP)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              ROBERT DEMPSEY c.

                                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 13 et 14 juin 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 10 septembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l’appelant :

Me Brenda McLuhan

Avocate de l’intimé :

Me Selena Sit

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      Me Brenda McLuhan

 

                          Cabinet :                  Ratcliff & Company

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Le contrat comportait des dispositions touchant les frais de déplacement et de subsistance réellement [traduction] « engagés au titre des travaux accomplis ». Il s’agissait notamment des frais de déplacement entre le bureau à domicile et les bureaux de DEO puisque, selon le contrat conclu entre CVC et l’appelant, ce dernier était tenu d’avoir un bureau à domicile (à tout le moins dans les derniers contrats) à partir duquel il devait travailler. L’appelant n’a jamais été remboursé pour des déplacements entre son bureau à domicile et les bureaux de DEO. Il n’a jamais eu de bureau à domicile. Il travaillait aux bureaux de DEO. On lui remboursait ses frais de déplacement lorsqu’il allait rencontrer des clients de DEO ou qu’il suivait des cours.

 

[2]  Les petits fournisseurs devaient présenter une confirmation écrite de leur qualité d’inscrit.

[3] Il a été rémunéré pour sa présence à un colloque de l’APEX au cours duquel il a fait la promotion des services de DEO dans un stand aménagé par ce dernier.

[4] Après les premières reconductions du contrat conclu avec l’appelant, CVC a ajouté une clause lui offrant la possibilité de prolonger la durée du contrat pour une période supplémentaire, aux conditions antérieurement définies. Cette clause avait pour objet de permettre à DEO de combler les éventuelles lacunes du protocole et d’assurer une continuité dans les services des travailleurs. Un contrat a été prolongé de 15 mois. Un autre contrat de 18 mois prévoyait une option de prolongation de six mois. De même, des périodes contractuelles plus courtes étaient fixées de manière à pouvoir recourir aux contrats à fournisseur unique.

 

[5] En règle générale, les soumissions présentées à CVC par des entrepreneurs indépendants qui devaient exiger des frais de déplacement pour exécuter le contrat étaient moins intéressantes.

 

[6] Cela était particulièrement important au cours des dernières années puisqu’il était le seul agent de contrôle travaillant à DEO.

 

[7] De même, l’appelant pouvait accepter de réduire le nombre d’heures prévu par un contrat donné pour satisfaire aux exigences budgétaires. On l’informait de ce qui était nécessaire pour qu’il obtienne le contrat.

[8] Lawrence Wolf c. Sa Majesté la Reine, 2002 CAF 96; Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N., 2006 CAF 87; City Water International Inc. c. Sa Majesté la Reine, 2006 CAF 350.

 

[9] [2001] A.C.S. no 61 (C.S.C.).

 

[10] [1986] 3 C.F. 553 (C.A.F.).

[11] D’autres indices découlent du modèle contractuel accepté par l’appelant, notamment le fait d’avoir ses propres régimes de soins de santé et de revenu de retraite, de ne pas être membre d’un syndicat et de ne pas être assujetti au processus d’évaluation des employés. Ces indices en soi n’aident pas à décider de la nature de sa situation d’emploi, peu importe les modalités du contrat.

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