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Dossiers : 2007-1503(CPP) et 2007-1504(EI)

 

ENTRE :

 

MAXWELL C. BISHOP, FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM D’ULTRA‑MAX CONSTRUCTION,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus sur preuve commune le 29 août 2007,

à Halifax (Nouvelle‑Écosse).

 

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Deanna M. Frappier

 

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés par l’appelant à l’égard des décisions voulant que Claude Jesso, Brian J. Oakley et Philip K. Kaiser aient exercé pour lui un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi et un emploi ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada sont accueillis, sans dépens, et les affaires sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu’il les examine à nouveau et établisse de nouvelles cotisations compte tenu du fait que Claude Jesso, Brian J. Oakley et Philip K. Kaiser étaient des entrepreneurs indépendants et n’exerçaient pas pour l’appelant un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi ni un emploi ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada pendant les périodes frappées d’appel. La période frappée d’appel dans le cas de Brian J. Oakley est 2003 et les périodes frappées d’appel dans le cas de Claude Jesso et de Philip Kaiser sont 2003 et 2004.

 

          Les appels interjetés par l’appelant à l’égard des décisions voulant que Brian L. White et Gerry G. Gibbons aient exercé pour lui un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi et un emploi ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada sont rejetés, sans dépens. La période frappée d’appel dans le cas de Brian L. White et de Gerry G. Gibbons est 2003.

 

          Signé à Toronto (Ontario), Canada, ce 13e jour de septembre 2007.

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


 

 

 

Référence : 2007CCI541

Date : 20070913

Dossiers : 2007-1503(CPP) et 2007-1504(EI)

 

ENTRE :

 

MAXWELL C. BISHOP, FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM D’ULTRA‑MAX CONSTRUCTION,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]   Il s’agit de savoir si les cinq particuliers distincts travaillaient pour l’appelant à titre d’employés ou d’entrepreneurs indépendants. Les cinq particuliers sont Claude Jesso, Brian J. Oakley, Philip K. Kaiser, Brian L. White et Gerry G. Gibbons. La période frappée d’appel dans le cas de Brian J. Oakley, de Brian L. White et de Gerry G. Gibbons est 2003, tandis que les périodes frappées d’appel dans le cas de Claude Jesso et de Philip Kaiser sont 2003 et 2004.

 

[2]   L’appelant exploitait, à titre d’entrepreneur général, une entreprise dont il était le propriétaire unique. Il effectuait divers travaux pour différents clients. Pendant la période frappée d’appel, il a notamment installé une nouvelle couverture et, pour l’essentiel, reconstruit une maison distincte.

 

[3]   L’appelant a avancé qu’il avait retenu les services des particuliers pour les besoins de ces divers projets en leur qualité d’entrepreneurs indépendants et non d’employés. Il payait à ces particuliers un taux horaire forfaitaire pour le nombre d’heures travaillées par chacun, mais le taux horaire versé à chacun n’était pas le même. Parmi les cinq employés touchés, seuls trois ont témoigné à l’audience. Philip Kaiser a confirmé que, selon lui, il avait agi à titre d’entrepreneur indépendant et non d’employé et que telle était son intention. Brian White et Gerry Gibbons ont tous deux soutenu pendant leur témoignage qu’à leur avis, ils avaient été des employés et non des entrepreneurs indépendants. Ni Claude Jesso ni Brian Oakley n’ont témoigné à l’audience. Le seul témoignage relatif à l’engagement de Claude Jesso et de Brian Oakley est donc celui de l’appelant. Ce dernier a affirmé que Claude Jesso, qu’il avait engagé à titre de peintre, avait travaillé à l’occasion en cette qualité pour divers clients. Il a en outre déclaré que Brian Oakley avait fait paraître dans le journal local pendant un certain temps une annonce dans laquelle il offrait ses services.

 

[4]   Brian Oakley a rempli un questionnaire qu’on lui avait remis dans le cadre de la décision rendue par le ministre selon laquelle il était un employé. Ce questionnaire a été présenté en preuve uniquement pour établir qu’il avait bien été rempli et non pour prouver la véracité de son contenu puisque M. Oakley n’a pas été appelé à témoigner. Les deux particuliers ayant affirmé qu’ils estimaient avoir été des employés ont été appelés à témoigner par l’avocate de l’intimé. L’appelant a appelé Philip Kaiser à témoigner pour son compte.

 

[5]   Dans leur ouvrage intitulé Law of Evidence in Canada, deuxième édition, les auteurs Sopinka, Lederman et Bryant mentionnent ce qui suit à la page 297 :

 

[traduction]

 

Dans les affaires civiles, une inférence défavorable peut être tirée lorsqu’une partie au litige, sans explication, omet de témoigner, de fournir une preuve par affidavit dans le cadre d’une demande ou encore d’appeler à témoigner un témoin susceptible d’avoir connaissance des faits et dont on pourrait penser qu’il consentirait à aider cette partie.

 

[6]   Compte tenu des faits énoncés ci‑dessous, je tire l’inférence que Claude Jesso et Brian J. Oakley n’ont pas été appelés à témoigner parce que leur témoignage n’aurait pas aidé l’intimé :

 

a) l’intimé était représenté par avocat, mais pas l’appelant;

 

b) aucune explication suffisante n’a été offerte par l’avocate de l’intimé pour ne pas avoir appelé Clause Jesso et Brian J. Oakley à témoigner;

 

c) dans son témoignage, l’appelant a déclaré que tous les particuliers avaient été engagés à titre d’entrepreneurs indépendants;

 

d) l’intimé a appelé Brian White et Gerry Gibbons à témoigner.

 

Par conséquent, je conclus que l’appelant, lorsqu’il a retenu les services de Claude Jesso, de Brian J. Oakley et de Philip Kaiser, avait l’intention de les engager à titre d’entrepreneurs indépendants et que l’intention de chacun de ces particuliers allait dans le même sens.

 

[7]   Dans son récent arrêt Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N., 2006 CAF 87, 2006 DTC 6323, la Cour d’appel fédérale a examiné l’importance qu’il faut accorder à l’intention pour décider si les particuliers sont des employés ou des entrepreneurs indépendants. Dans l’arrêt subséquent Combined Insurance Co. of America, 2007 CAF 60, M. le juge Nadon de la Cour d’appel fédérale résume ainsi les propos tenus par la Cour :

 

[35]   De ces décisions, il se dégage, à mon avis, les principes suivants :

 

1.      Les faits pertinents, incluant l’intention des parties quant à la nature de leur relation contractuelle, doivent être examinés à la lumière des facteurs de Wiebe Door, précitée, et à la lumière de tout autre facteur qui peut s’avérer pertinent compte tenu des circonstances particulières de l’instance.

 

2.      Il n’existe aucune manière préétablie d’appliquer les facteurs pertinents et leur importance dépendra des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

Même si en règle générale, le critère de contrôle aura une importance marquée, les critères élaborés dans Wiebe Door et Sagaz, précités, s’avéreront néanmoins utiles pour déterminer la véritable nature du contrat.

 

[8]   Dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet, il était de la commune intention du corps de ballet et des danseurs que ces derniers soient engagés en leur qualité d’entrepreneurs indépendants. La Cour d’appel fédérale a ensuite examiné les faits dont elle était saisie et s’est demandé s’ils avaient pour effet, à la lumière des facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Le ministre du Revenu national, [1986] 3 C.F. 553, [1986] 2 C.T.C. 200, 87 DTC 5025, de modifier l’entente intervenue entre le corps de ballet et les danseurs. La Cour a conclu que, dans cette affaire, les faits n’avaient pas modifié la relation de travail et que les danseurs étaient des entrepreneurs indépendants. Madame la juge Sharlow de la Cour d’appel fédérale a formulé les observations suivantes dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet :

 

[65]    Le juge a retenu les facteurs énoncés ci‑dessous pour effectuer l’analyse exposée dans l’arrêt Wiebe Door (il n’est pas suggéré qu’il a utilisé des facteurs non pertinents ou qu’il a omis de tenir compte de facteurs pertinents) :

 

-        L’élément indispensable de l’expression artistique individuelle appartient nécessairement aux danseurs. Le RWB choisit les œuvres qui seront exécutées, décide de l’heure et du lieu des représentations et des répétitions, attribue les rôles, fournit la chorégraphie et dirige les représentations.

 

-        Les danseurs n’ont aucune responsabilité en matière de gestion ou d’investissement pour ce qui est du travail qu’ils effectuent pour le RWB.

 

-        Les danseurs n’assument pratiquement aucun risque financier pour le travail qu’ils effectuent pour le RWB pendant la saison pour laquelle ils ont été engagés. Cependant, le RWB ne les engage que pour une seule saison et ils n’ont aucune garantie d’être engagés à nouveau la saison suivante.

 

-        Les danseurs ont la possibilité de faire quelques bénéfices, même lorsqu’ils sont engagés par le RWB, dans la mesure où ils peuvent négocier une rémunération supplémentaire par rapport à celle que prévoit le Canadian Ballet Agreement. Cependant, l’essentiel de la rémunération versée par le RWB est basé sur l’ancienneté et il est rare qu’on s’écarte de ce barème.

 

-        La carrière d’un danseur est susceptible d’être gérée, en particulier à mesure que le danseur acquiert de l’expérience. Les danseurs engagés par le RWB ont une grande latitude lorsqu’il s’agit d’accepter des engagements avec d’autres compagnies de ballet, même s’ils doivent respecter des restrictions contractuelles importantes (la nécessité d’obtenir le consentement du RWB et l’obligation de se présenter comme étant engagé par le RWB).

 

-        Les danseurs payent de leur poche de nombreux frais liés à leur engagement par le RWB et leur carrière de danseur en général, mais le RWB est tenu de fournir les chaussons, les costumes, les collants, les perruques et certains autres articles nécessaires.

 

-        Il incombe aux danseurs de demeurer en bonne forme physique pour pouvoir exécuter les rôles qui leur sont attribués. Le RWB est toutefois tenu, en vertu du contrat, de fournir certains avantages liés à la santé et de prévoir des périodes de réchauffement.

 

[66]    Dans la présente affaire, comme dans la plupart des affaires d’ailleurs, le facteur du contrôle mérite une attention particulière. Il me semble que le RWB exerce un contrôle étroit sur le travail des danseurs, mais ce contrôle ne dépasse pas ce qu’exige la présentation d’une série de ballets pendant une saison de spectacles bien planifiée. Si le RWB devait présenter un ballet en ayant recours à des artistes invités pour tous les rôles principaux, le contrôle qu’exercerait le RWB sur les artistes invités serait le même que si tous ces rôles étaient exécutés par des danseurs engagés pour la saison. Si l’on accepte (comme on doit le faire) le fait qu’un artiste invité peut accepter un rôle au sein du RWB sans pour autant devenir son employé, il faut en déduire que le facteur du contrôle exercé doit être compatible avec le fait que l’artiste invité est un entrepreneur indépendant. Il s’ensuit donc qu’on ne peut raisonnablement considérer comme incompatible avec l’intention des parties d’attribuer aux danseurs le statut d’entrepreneur indépendant le contrôle exercé en l’espèce sur les danseurs.

 

[67]    Le même raisonnement s’applique à tous les facteurs, considérés dans leur ensemble, dans le contexte de la nature des activités qu’exerce le RWB et du travail qu’exécutent les danseurs engagés par le RWB. À mon avis, dans la présente affaire, la façon dont les parties interprétaient la nature de leur relation juridique est étayée par les clauses contractuelles et les autres faits pertinents.

 

[9]   L’application des facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door aux faits de l’affaire Royal Winnipeg Ballet n’a pas permis de modifier l’entente que les parties avaient eu l’intention de conclure. Par conséquent, à moins que l’application des facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door aux faits en l’espèce ne dénote plus nettement une relation employeur‑employé que dans l’affaire Royal Winnipeg Ballet, il me semble que les particuliers, dont l’intention était d’agir comme des entrepreneurs indépendants, étaient des entrepreneurs indépendants.

 

[10]  Quant au facteur du contrôle, il ressort de la preuve en l’espèce que le degré de contrôle exercé par l’appelant sur Claude Jesso, Brian Oakley et Philip Kaiser était moindre que le degré de contrôle que le Royal Winnipeg Ballet exerçait sur les danseurs de ballet.

 

[11]  En outre, Brian Oakley et Claude Jesso ont été engagés pour accomplir certaines tâches particulières. Brian Oakley a été engagé pour aider l’appelant à exécuter des travaux de couverture particuliers, et Claude Jesso a été engagé pour qu’il se charge des travaux de peinture dans le cadre d’un projet que des clients avaient confié à l’appelant.

 

[12]  Dans la décision Direct Care In-Home Health Services Inc. c. M.R.N., 2005 CCI 173, M. le juge Hershfield s’exprime en ces termes sur la question du contrôle :

 

[11]  Dans le cadre de l’analyse de ce facteur, il faut déterminer qui contrôle le travail et comment, quand et où il doit être effectué. S’il est jugé que le travailleur a le contrôle du travail une fois qu’il lui est confié, cela semble davantage indiquer que le travailleur est un entrepreneur indépendant, et s’il est jugé que l’employeur exerce un contrôle sur l’exécution du travail par le travailleur, cela laisse entendre qu’il y a une relation employeur‑employé. Toutefois, lorsque les travailleurs ont une spécialisation accrue, il se peut que ce critère soit considéré comme moins fiable. On accorde donc plus d’importance à la question de savoir si le service que le travailleur doit fournir dans le cadre de ses fonctions est simplement axé sur les « résultats »; c.‑à‑d. « voici une tâche précise – vous avez été engagé pour l’exécuter ». Dans un tel cas, il n’y a pas de lien de subordination, ce qui est une exigence fondamentale pour qu’il y ait une relation employé-employeur. De plus, il ne faut pas confondre le contrôle des résultats, qui peut être exigé à chaque fois qu’un travailleur est engagé pour fournir des services, avec le contrôle ou la subordination d’un travailleur.

 

[12]  En l’espèce, la travailleuse pouvait refuser une affectation pour quelque raison que ce soit, ou même sans raison. […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[13]  L’entente conclue avec Brian Oakley et Claude Jesso paraît très semblable à celle qui a été examinée par le juge Hershfield en ce que chacun de ces particuliers s’était vu confier une tâche précise et avait été engagé pour l’exécuter.

 

[14]  Quant à la propriété des instruments de travail, les trois particuliers en l’espèce ont tous fourni leurs propres outils à main et petits outils. Les gros instruments de travail étaient fournis par l’appelant. Cette situation ressemble beaucoup à celle dont il était question dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet, où les danseurs prenaient en charge de nombreux frais, mais où Royal Winnipeg Ballet était tenu de fournir les chaussons de danse, les costumes, les collants, les perruques et certains autres articles nécessaires.

 

[15]  La preuve en l’espèce ne permet pas de savoir si les trois particuliers et l’appelant avaient discuté de la possibilité d’engager des aides. Dans son témoignage, l’appelant a déclaré que chacun des particuliers aurait pu engager un remplaçant à la condition que la qualité du travail demeure la même, mais rien ne permet de penser que de telles discussions ont réellement eu lieu. Dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet, il n’y avait pas eu de discussions sur la question de savoir si les danseurs pouvaient ou non engager des aides, mais il semble illogique de supposer que les danseurs auraient pu engager n’importe qui pour les remplacer au sein de la production.

 

[16]  Quant au degré de risque financier ou à la possibilité de profit, les trois particuliers en l’espèce assumaient un certain risque financier dans le cadre de leur travail puisqu’ils devaient corriger à leurs frais leurs erreurs éventuelles. Dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet, la Cour d’appel fédérale a statué que les danseurs ne couraient qu’un très faible risque financier. Les particuliers en l’espèce devaient donc faire face à un risque financier un peu plus grand que celui qu’assumaient les danseurs dans l’affaire Royal Winnipeg Ballet.

 

[17]  En ce qui touche la possibilité de profit, les danseurs du Royal Winnipeg Ballet pouvaient négocier une rémunération supplémentaire, mais la plupart d’entre eux étaient payés suivant une échelle préétablie. En l’espèce, les particuliers recevaient des sommes établies par l’appelant. Dans l’affaire Royal Winnipeg Ballet, les danseurs pouvaient accepter des engagements avec d’autres corps de ballet à la condition d’obtenir le consentement du Royal Winnipeg Ballet et de se présenter eux‑mêmes comme étant engagés par le Royal Winnipeg Ballet. Dans la présente affaire, les particuliers pouvaient accepter d’autres engagements sans être assujettis à de telles restrictions.

 

[18]  Par conséquent, je conclus que l’application des facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door aux faits se rapportant à Claude Jesso, à Brian Oakley et à Philip Kaiser n’incite pas plus fortement à penser qu’il existait une relation employeur‑employé que ne le faisaient les faits dans l’affaire Royal Winnipeg Ballet. En outre, comme il y avait une commune intention de créer une relation d’entrepreneur indépendant, les trois particuliers en l’espèce étaient des entrepreneurs indépendants et non des employés de l’appelant pendant les périodes frappées d’appel.

 

[19]  Cependant, en ce qui concerne Brian White et Gerry Gibbons, ces particuliers et l’appelant n’avaient pas de commune intention quant à la nature de la situation des travailleurs. Dans leur témoignage, Brian White et Gerry Gibbons ont tous deux déclaré que, selon eux, ils avaient été des employés et non des entrepreneurs indépendants. Gerry Gibbons a affirmé que c’est lui qui avait demandé du travail à l’appelant. Il a mentionné qu’il connaissait Brian White et qu’il l’avait vu travailler sur une toiture. Il avait alors abordé l’appelant pour lui demander s’il avait du travail pour lui, mais l’appelant lui avait répondu qu’il n’avait besoin de personne à ce moment‑là. L’appelant a par la suite communiqué avec lui et l’a engagé comme ouvrier pour qu’il exécute non pas une tâche particulière, mais plutôt les tâches qui lui seraient confiées de temps à autre. Gerry Gibbons a précisé que, lorsqu’il s’était rendu compte qu’aucune retenue n’était déduite de son chèque de paye, il avait communiqué avec l’appelant pour lui demander d’effectuer les retenues pertinentes.

 

[20]  Brian White a déclaré qu’il avait commencé à travailler pour l’appelant après avoir répondu à une annonce de recherche de main‑d’œuvre. Brian White est compagnon charpentier. Apparemment, Brian White assumait davantage de responsabilités puisqu’il surveillait différents travaux pour le compte de l’appelant pendant cette période. Il semble donc qu’il n’était pas engagé pour accomplir une tâche en particulier, mais bien toutes les tâches qui lui étaient confiées à l’occasion.

 

[21]  L’appelant a mentionné qu’il avait été gravement malade pendant la période frappée d’appel touchant Brian White et Gerry Gibbons et qu’il prenait des médicaments à cette époque. En conséquence, il est difficile de savoir si des discussions relatives à la situation des travailleurs ont eu lieu, le cas échéant, entre l’appelant et Brian White, d’une part, et entre l’appelant et Gerry Gibbons, d’autre part, au moment où leurs services ont été retenus en 2003. De même, l’appelant a traité Brian White et Gerry Gibbons comme des employés à une certaine période au cours de l’été 2003 sans modifier les conditions ou les modalités de leur engagement. Brian White a affirmé qu’il avait été traité comme un employé à partir du moment où il avait reçu son troisième chèque de paye. De même, Brian White a ajouté que seuls lui et Gerry Gibbons travaillaient alors pour l’appelant et il a confirmé que ce dernier n’allait pas bien à cette époque.

 

[22]  La situation en ce qui concerne Brian White et Gerry Gibbons ressemble sensiblement à la situation dans l’affaire Reed Marcotte, 2007 CCI 386. Dans cette décision, l’appelant, Reed Marcotte, exploitait une entreprise d’entrepreneur général dont il était l’unique propriétaire. Il précisait aux travailleurs dont il retenait les services pour ses divers projets qu’ils étaient engagés à titre d’entrepreneurs indépendants et il les payait à l’heure. Dans cette affaire, j’estime qu’il n’y avait aucune commune intention quant à la situation du travailleur au moment où il a été engagé. Je crois en outre que ce particulier était un employé et non un entrepreneur indépendant. Les seules différences existant entre l’affaire Reed Marcotte et le présent appel au regard de l’application des facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door à Brian White et à Gerry Gibbons tiennent à ce que ces derniers ont peut‑être fourni leurs propres petits outils et que, dans l’affaire Reed Marcotte, le particulier avait déclaré dans son témoignage que, selon lui, il n’était pas autorisé à travailler pour d’autres alors que ce point n’a pas été abordé en l’espèce. J’estime que ces facteurs, à eux seuls, ne sont pas suffisants pour établir une distinction entre la présente affaire et la décision Reed Marcotte parce que les instruments de travail fournis par Brian White et Gerry Gibbons étaient de petits outils et que de nombreux employés peuvent travailler pour quelqu’un d’autre pendant les périodes où ils ne travaillent pas pour leur employeur. J’arrive donc à la conclusion que Brian White et Gerry Gibbons étaient des employés de l’appelant pendant les périodes frappées d’appel. Selon moi, il importe aussi de remarquer que l’appelant traitait ces deux particuliers comme des employés quelques mois après avoir retenu leurs services sans avoir modifié les conditions de leur engagement.

 

[23]  Par conséquent, l’appel de la décision voulant que Claude Jesso, Brian Oakley et Philip Kaiser aient exercé pour l’appelant un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») et un emploi ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») est accueilli, sans dépens, et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il l’examine à nouveau et établisse une nouvelle cotisation compte tenu du fait que Claude Jesso, Brian Oakley et Philip Kaiser étaient des entrepreneurs indépendants et n’exerçaient pas pour l’appelant un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi ni un emploi ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime pendant les périodes frappées d’appel.

 

[24]  L’appel de la décision voulant que Brian White et Gerry Gibbons aient exercé pour l’appelant un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi et un emploi ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime est rejeté, sans dépens.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 13e jour de septembre 2007.

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour d’octobre 2007.

 

Johanne Brassard, trad. a.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI541

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2007-1503(CPP), 2007-1504(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MAXWELL C. BISHOP, FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM D’ULTRA‑MAX CONSTRUCTION, c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 29 août 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 13 septembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Deanna M. Frappier

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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