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Dossier : 2006‑1145(CPP)

ENTRE :

ROBERT D’OVIDIO,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel Robert D’Ovidio (2006‑1146(EI)) le 22 février 2007 à Kelowna (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

 

Avocat de l’intimé :

Me Max Matas

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 22e jour de mai 2007.

 

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d’octobre 2007.

 

Suzanne Bolduc, LL.B.


Dossier : 2006‑1146(EI)

ENTRE :

 

ROBERT D’OVIDIO,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel Robert D’Ovidio (2006‑1145(CPP)) le 22 février 2007 à Kelowna (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

 

Avocat de l’intimé :

Me Max Matas

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel est accueilli et la décision du ministre est modifiée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 22e jour de mai 2007.

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d’octobre 2007.

 

Suzanne Bolduc, LL.B.


 

 

Référence : 2007CCI282

Date : 20070522

Dossiers : 2006‑1145(CPP)

2006‑1146(EI)

ENTRE :

 

ROBERT D’OVIDIO,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Rowe

 

[1]     L’appelant – D’Ovidio – interjette appel de décisions prises par le ministre du Revenu national (le « ministre ») le 3 janvier 2006 en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») et du Régime de pensions du Canada (le « Régime »), et par lesquelles le ministre a décidé que l’emploi exercé par M. D’Ovidio à l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie comme chef de service au cours de la période comprise entre le 1er janvier 2002 et le 31 août 2003 était un emploi assurable et ouvrant droit à pension parce qu’il avait été engagé aux termes d’un contrat de louage de services.

 

[2]     Les parties ont convenu que les deux appels pouvaient être entendus ensemble.

 

[3]     L’appelant a déclaré lors de son témoignage qu’il est radiologue et est domicilié à Kelowna, en Colombie‑Britannique. Il a obtenu son diplôme de l’Université de Toronto en 1981 et a terminé sa spécialisation en radiologie en 1987. Il a étudié pendant sept ans à l’Université McMaster de Hamilton, en Ontario, et, en 1995, il s’est installé à Sault‑Sainte‑Marie (Ontario) où il a exercé sa profession de radiologue hospitalier rémunéré à l’acte et facturait le Régime d’assurance‑maladie de l’Ontario (le RAMO) par l’intermédiaire d’un mécanisme interne de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie. Pendant la majeure partie de la période qui nous intéresse et qui précède la fusion, il y avait deux hôpitaux, soit l’Hôpital Plummer Memorial et l’Hôpital général de Sault‑Sainte‑Marie. L’appelant recevait chaque mois un chèque de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie. Le montant de ce chèque dépendait de la quantité de travail qu’il avait effectuée au cours de la période précédente pour laquelle il avait facturé le RAMO – et avait été payé par celui‑ci. Divers actes thérapeutiques tels que la tomographie par ordinateur (TO), l’imagerie par résonance magnétique (IRM), l’imagerie par ultrasons, les angiogrammes et les biopsies étaient facturés au tarif prévu par le RAMO. M. D’Ovidio a affirmé qu’il n’avait pas de frais généraux afférents à l’exercice de sa profession parce que tout l’équipement et le matériel – qui valaient des millions de dollars – étaient fournis par l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie, qui engageait aussi tous les technologues et techniciens dont le service de radiologie avait besoin. M. D’Ovidio a soutenu qu’il était courant pour d’autres spécialistes tels que les cardiologues ou les urologues d’offrir leurs services à l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie selon la même formule et il a ajouté que les chirurgiens avaient besoin dans l’hôpital de secteurs de travail chers et à haute technologie – qu’on appelait des « blocs ». Le bloc de la radiologie se trouvait près du service des urgences. L’appelant a expliqué qu’il était libre d’effectuer le nombre d’heures qu’il voulait et que, étant donné que le service de radiologie de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie souffrait d’une pénurie chronique de personnel, il comptait sur des médecins suppléants pour le remplacer, en son absence. Il n’y avait tout au plus que trois radiologues qui travaillaient à l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie et qui se relayaient à tout de rôle pour assurer une permanence. Le poste de chef du service d’imagerie diagnostique (le CSID ou le chef) est devenu vacant et l’appelant a décidé d’assumer cette fonction, notamment parce qu’il pouvait exercer un contrôle sur les aspects médicaux du service d’imagerie diagnostique (ID) en tant que radiologue en chef. Le service avait un directeur technique – Joe D’Angelo – qui était chargé des opérations quotidiennes relatives aux techniciens, aux technologues et au matériel. L’appelant était chargé des programmes médicaux, des actes thérapeutiques, de la qualité du service et des relations avec les autres médecins. Avant d’accepter le poste de CSID, il a été reçu en entrevue par des membres du conseil d’administration de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie. Il est entré en fonction comme chef en août et, le 1er septembre 2000, il a conclu avec l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie une entente écrite aux termes de laquelle il a convenu de fournir ses services en tant que chef du service d’imagerie diagnostique (CSID) en contrepartie de « frais administratifs » de 1 500 $ par mois, conformément au paragraphe 7.1 de l’entente en question. Le contrat avait une durée de cinq ans, sous réserve de sa résiliation anticipée en conformité avec les clauses applicables qui y étaient stipulées. L’appelant a expliqué qu’il avait négocié ces frais administratifs avec le président‑directeur général (PDG) et que ce montant – versé mensuellement – était intégré au chèque signé par l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie relativement au montant qu’il avait le droit de recevoir du RAMO pour les services médicaux qu’il rendait comme radiologue. Les frais administratifs étaient cependant inscrits séparément sur le bordereau de paye détaillé qui l’accompagnait. Aucune retenue n’était effectuée sur ce chèque et l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie ne lui remettait pas de feuillet T4. Le contrat écrit ne prévoyait rien au sujet de la fréquence du travail ou du nombre d’heures de travail. L’appelant a expliqué que, lorsqu’il exerçait ses fonctions de radiologue à l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie, il discutait aussi de certaines questions – en sa qualité de CSID – avec Joe D’Angelo, le directeur technique. Selon M. D’Ovidio, cela faisait partie de ses diverses tâches au cours d’une journée de travail normale et il considérait que les 1 500 $ qu’il recevait mensuellement à titre de chef de service étaient des honoraires fixes qui n’étaient pas calculés en fonction d’une durée quelconque et qui n’étaient pas rattachés à la fourniture de services déterminés. En cette qualité, il n’était pas assujetti – en soi à un examen de son rendement, mais l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie avait établi des lignes directrices au sujet des délais de traitement des radiographies et des autres résultats diagnostiques qui relevaient des autres disciplines et spécialités exercées dans cet hôpital. M. D’Ovidio a affirmé qu’il avait cru comprendre qu’on s’attendait à ce qu’il exerce – personnellement – ses fonctions de chef et que lorsqu’un radiologue suppléant le remplaçait temporairement, ce médecin suppléant n’assumait aucune des fonctions associées au poste de CSID, de sorte que tout problème qui surgissait en son absence demeurait non résolu jusqu’à son retour. L’appelant n’a engagé aucune dépense pour accomplir ses fonctions de chef. Il conteste l’hypothèse sur laquelle le ministre s’est fondé ‑ à l’alinéa 6.s) de la réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») ‑ suivant laquelle les fonctions qu’il exerçait comme chef étaient essentielles au fonctionnement quotidien de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie parce que cet aspect relevait de la compétence du directeur technique et de son personnel. En sa qualité de chef, l’appelant s’occupait plutôt de questions comme l’opportunité d’instaurer de nouvelles techniques et de nouveaux programmes et d’évaluer la nécessité de certains équipements et de certains membres du personnel. D’après l’expérience de M. D’Ovidio, même sans CSID à l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie, la vie suivait son cours et les radiologues en poste continuaient leur travail, bien que sans encadrement et sans moyens de régler les problèmes médicaux qui surgissaient ou de se tenir en contact avec d’autres spécialistes. L’appelant a expliqué que, lorsqu’il a conclu des ententes – d’abord, verbalement, puis par écrit – en vue d’agir comme CSID, lui et le conseil d’administration s’étaient clairement entendus pour qu’il le fasse en tant qu’entrepreneur indépendant plutôt que comme employé. Cette volonté était clairement exprimée au paragraphe 16.1 du contrat. Aux termes du contrat en question – paragraphe 13.1 – il était expressément autorisé à offrir ses services comme médecin, enseignant, consultant ou chercheur. M. D’Ovidio a expliqué qu’il avait toujours considéré qu’il exploitait une entreprise pour lui‑même non seulement en tant que radiologue mais aussi lorsqu’il offrait ses services comme CSID. À son avis, pendant toute la période en cause, il avait fonctionné de façon autonome sans être tenu de participer à des réunions ou de rendre des comptes à qui que ce soit. En tant que radiologue, tous ses patients lui étaient adressés par des médecins du système hospitalier ou par d’autres médecins qui avaient rencontré ces personnes en clinique externe. Il interprétait les images générées par les technologues qui faisaient fonctionner l’équipement. Outre ces fonctions, il était également apte – en tant que radiologue interventionnel – à effectuer des biopsies et à procéder à des angiographies et à des transits barités et à accomplir les actes thérapeutiques requis pour drainer un rein bloqué. L’appelant a abandonné la radiologie, a démissionné de son poste de chef du service d’imagerie diagnostique le 31 août 2003 et a déménagé à Kelowna.

 

[4]     L’appelant a été contre‑interrogé par l’avocat de l’intimé. Au sujet de la nature du poste de CSID, M. D’Ovidio a expliqué que ce poste était demeuré vacant au moins jusqu’à la fin de 2006. L’avocat l’a renvoyé au paragraphe 5 de l’entente écrite – annexe A‑1 – et l’appelant a reconnu qu’il avait le droit de conserver 100 pour 100 du volet professionnel des frais payables – par le RAMO – pour les services diagnostiques; il a en outre admis que l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie avait droit au volet technique. L’appelant n’a pas facturé l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie pour ses services et n’a pas fait payer de taxe sur les produits et services (TPS). La personne qui avait occupé le poste de CSID avant l’appelant était elle aussi rémunérée 1 500 $ par mois. M. D’Ovidio a expliqué que le paragraphe 11.1 de l’entente écrite l’obligeait à indemniser l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie relativement à toute action, réclamation ou demande formulée contre l’institution en question par suite d’une faute professionnelle médicale commise par lui. L’appelant a reconnu qu’il avait rempli, signé et retourné le questionnaire – annexe R‑1 – daté du 23 septembre 2005. L’avocat a signalé qu’à l’alinéa 2.b), l’appelant avait expliqué qu’il avait le contrôle de la gestion quotidienne du volet médical du service d’imagerie diagnostique. M. D’Ovidio a admis qu’il en était ainsi, mais il a ajouté que l’aspect contrôle évoqué n’avait rien à voir avec le fonctionnement des machines et du matériel et avec la gestion du personnel étant donné que ces aspects relevaient de la compétence du directeur technique. L’appelant a déclaré qu’il avait examiné les études pertinentes se rapportant à la qualité de l’imagerie et de la dépendance envers le technicien opérateur et il a expliqué que, dans ce contexte, il avait parlé de questions de qualité avec Joe D’Angelo et lui avait laissé le soin de corriger ce qui devait l’être. M. D’Ovidio a convenu que, si un radiologue suppléant ne s’était pas conformé aux normes professionnelles, il aurait eu à régler ce problème en tant que chef. En raison de la pénurie chronique de radiologues compétents dans la région de Sault‑Sainte‑Marie, l’appelant a tenté de recruter des radiologues à Toronto et il était consulté lorsque des radiologues étaient engagés comme suppléants. L’appelant et Joe D’Angelo ont constitué une réserve de suppléants parce que M. D’Ovidio connaissait la plupart des radiologues étant donné qu’il avait exercé sa profession dans la région de Toronto. En sa qualité de CSID, l’appelant participait à des réunions portant sur des questions médicales dans son champ de compétence ainsi que sur des questions concernant d’autres services. Sa présence n’était cependant pas obligatoire et il était entendu qu’il ne participerait à ces réunions que lorsqu’il le pourrait. L’appelant a estimé qu’au cours de la période en cause, il ne s’était pas absenté de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie pour des périodes de plus de deux semaines à la fois. Pour ce qui est des obligations qui lui incombaient en vertu du paragraphe 15.1 de l’entente écrite, M. D’Ovidio a déclaré qu’aucun remplaçant n’était prévu et qu’il était seul responsable de l’exécution des fonctions du CSID. Selon l’alinéa 15.1d), l’appelant était censé [TRADUCTION] « former les technologues médicaux qui ont été embauchés pour faciliter l’exécution des tâches du service ». M. D’Ovidio a expliqué qu’à l’occasion, des étudiants en médecine observaient les actes thérapeutiques mais que Joe D’Angelo – en sa qualité de directeur technique – était chargé de la formation et qu’il n’intervenait que lorsqu’il fallait donner des instructions au technologue à la suite de l’adoption d’un nouvel acte thérapeutique. Au cours de la période en cause, l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie n’était affilié à aucune faculté de médecine, mais des internes et des médecins résidents étaient à l’occasion affectés au service de radiologie. L’appelant a expliqué que cet aspect de son rôle de chef lui plaisait parce qu’il avait enseigné à l’Université McMaster. Il a convenu qu’il était obligé en vertu de son contrat – alinéa 15.1k) – d’assurer sur place les services de radiologues compétents et Joe D’Angelo avait établi un calendrier et une rotation des permanences pour répondre à ce besoin. Dans les rares cas où le rapport d’une image diagnostique prenait plus de temps que d’habitude, M. D’Angelo – qui avait des connaissances particulières en tant qu’ancien technologue d’imagerie par ultrasons – enquêtait sur la question. M. D’Ovidio a reconnu que, conformément au paragraphe 14.1 de l’entente, il relevait du président de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie et du Comité consultatif médical (CCM), qui était chargé d’établir les normes médicales au sein du service. L’appelant a convenu que, si le service d’ID avait cessé de bien fonctionner, il aurait fallu que le président et le CCM examinent la question, étant donné que les membres du conseil n’avaient pas de formation médicale et voulaient s’assurer que les services de radiologie étaient fournis de façon adéquate, L’appelant a déclaré qu’il ne s’était mêlé d’aucune question portant sur le congédiement de membres du personnel du service et qu’il n’avait pas compétence sur ces questions. L’avocat a renvoyé l’appelant à un organigramme du corps médical – pièce R‑2 datée d’août 2004 – de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie. M. D’Ovidio a expliqué que cette structure avait été adoptée à la suite de la fusion et après sa réinstallation à Kelowna. Pendant le temps où il avait exercé les fonctions de chef, il avait travaillé de façon autonome et il aurait parlé avec le chef du personnel – le docteur Tait – avant d’aborder quelque sujet que ce soit avec le président/PDG. M. D’Ovidio a expliqué que le docteur Tait était un chirurgien orthopédique qui avait son propre cabinet alors qu’il agissait comme chef du personnel de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie, lequel desservait une population de 110 000 personnes. L’appelant a convenu que, en sa qualité de chef, il avait mené des pourparlers et participé à un congrès à Toronto à la demande du PDG de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie, mais qu’il n’avait jamais fait imprimer de cartes d’affaires l’identifiant comme chef du service de l’ID. Il dirigeait aussi le Programme de dépistage du cancer du sein d’Algoma. Il a admis que le libellé du paragraphe 16.1 du contrat semblait se rapporter à son statut d’entrepreneur indépendant en ce qui concerne la fourniture de services comme radiologue – plutôt que comme CSID –, mais il a ajouté que l’objet de cette entente était de définir les fonctions se rapportant à ce rôle précis. M. D’Ovidio a convenu qu’il avait dû payer la prime d’assurance pour faute professionnelle médicale et que l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie assumait en totalité le paiement de l’assurance‑responsabilité publique couvrant à la fois les employés et le personnel médical du service de radiologie. L’appelant a déclaré que la rémunération de 1 500 $ par mois qu’il recevait comme chef représentait un faible pourcentage de son revenu annuel.

 

[5]     L’appelant a fait valoir qu’il avait exécuté ses fonctions de chef en conformité avec les modalités du contrat écrit, lequel exprimait explicitement l’intention des parties qu’il fournisse ses services en tant qu’entrepreneur indépendant.

 

[6]     L’avocat de l’intimé a admis que l’intention de l’appelant et de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie était claire et que l’intimé devait faire l’objet d’un contrôle moins poussé que ce à quoi on aurait autrement pu s’attendre étant donné qu’il était un spécialiste compétent et hautement spécialisé. L’avocat a fait valoir que, tout bien considéré, les autres facteurs pesaient lourd en faveur de la décision du ministre, qui a estimé que l’appelant – en sa qualité de CSID – était un employé de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie et ce, même si le ministre avait reconnu que l’appelant fournissait ses services – de radiologue hospitalier – en qualité d’entrepreneur indépendant.

 

[7]     Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 – (Sagaz), la Cour suprême du Canada était saisie d’une affaire de responsabilité du fait d’autrui. Au nombre des diverses questions qu’elle était appelée à examiner, la Cour devait se prononcer sur les éléments qui font qu’il s’agit d’un entrepreneur indépendant. L’arrêt de la Cour a été rendu par le juge Major, qui a examiné l’évolution de la jurisprudence à la lumière de l’importance de la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant dans la mesure où cet aspect avait une incidence sur la question de la responsabilité du fait d’autrui. Après avoir analysé les motifs du juge McGuigan dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 2 C.T.C. 200, et le renvoi qui était fait, dans cet arrêt, au critère de l’organisation élaboré par lord Denning – et à la synthèse faite par le juge Cooke dans l’arrêt Market Investigations Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, le juge Major a déclaré ce qui suit, au paragraphe 47 de ses motifs :

 

Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge McGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui‑même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

 

[8]     Dans plusieurs affaires récentes, et notamment dans Wolf v. Canada, [2002] DTC 6853, The Royal Winnipeg Ballet v. The Minister of National Revenue, [2006] DTC 6323 (RWB), Vida Wellness Corporation DBA Vida Wellness Spa c. M.R.N., [2006] C.C.I. no 534, 2005‑1677(EI), et City Water International Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.F. no 1653, l’intention mutuelle des parties ne faisait pas de doute. Elles entendaient toutes les deux que la personne qui fournissait les services le fasse à titre d’entrepreneur indépendant et non en tant qu’employé. C’est le cas dans les appels qui nous intéressent.

 

[9]     Dans l’affaire RWB, précitée, la question en litige était celle de savoir si les danseurs qui travaillaient pour cette compagnie de ballet de renommée mondiale étaient des employés ou des entrepreneurs indépendants. La compagnie de ballet avait l’appui de l’agent de négociation des danseurs, la Canadian Actors’ Equity Association (CAEA). Pour décider que les danseurs n’étaient pas des employés de la compagnie de ballet, la juge Sharlow a déclaré ce qui suit, aux paragraphes 60 à 64, en s’appuyant sur l’arrêt Wolf, précité :

 

[60] Le juge Décary n’affirmait pas que la nature juridique d’une relation donnée est toujours celle que lui prêtent les parties. Il faisait référence en particulier aux articles 1425 et 1426 du Code civil du Québec, qui énoncent des principes du droit des contrats que l’on retrouve également en common law. Un de ces principes veut que, lorsqu’il s’agit d’interpréter un contrat, il faut rechercher l’intention commune des parties plutôt que de s’en remettre uniquement au sens littéral des mots utilisés. Un autre principe est que, pour interpréter un contrat, il convient de tenir compte des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que lui ont déjà donnée les parties ou d’autres personnes, ainsi que de l’usage. La conclusion inévitable est qu’il faut toujours examiner les éléments de preuve qui reflètent la façon dont les parties ont compris leur contrat et leur accorder une force probante appropriée.

 

[61] Je souligne, une fois de plus, que cela ne veut pas dire que les affirmations que font les parties quant à la nature juridique de leur contrat sont concluantes. Cela ne veut pas dire non plus que les déclarations que font les parties quant à leurs intentions doivent nécessairement amener le tribunal à conclure que leurs intentions ont été concrétisées. Pour paraphraser la juge Desjardins (au paragraphe 71 des motifs principaux de l’arrêt Wolf), lorsqu’il est prouvé que les termes du contrat, examinées dans le contexte factuel approprié, ne reflètent pas la relation juridique que les parties affirment avoir souhaité établir, alors il ne faut pas tenir compte de leur intention déclarée.

 

[62] La question de savoir si l’intention contractuelle qu’une des parties déclare avoir eue coïncide avec celle de l’autre partie donne fréquemment lieu à des différends. En particulier, dans les appels intentés aux termes du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l’assurance‑emploi, il arrive que les parties présentent des preuves contradictoires au sujet de la nature de la relation juridique qu’elles souhaitaient créer. Ce genre de différend prend habituellement naissance dans le cas où une personne est embauchée pour fournir des services et signe un formulaire de contrat présenté par l’employeur dans lequel la personne en question est qualifiée d’entrepreneur indépendant. L’employeur insère parfois une telle clause dans le contrat dans le but d’éviter de créer une relation employeur‑employé. Il arrive que la personne en question affirme par la suite qu’elle était une employée. Elle pourrait déclarer qu’elle s’est sentie obligée d’indiquer son consentement sur le formulaire de contrat pour des raisons financières ou autres. Elle pourrait également déclarer qu’elle pensait, malgré le fait qu’elle a signé un contrat contenant ces termes, qu’elle serait traitée comme les autres travailleurs qui étaient manifestement des employés. Dans ce genre d’affaire, le tribunal pourrait fort bien conclure, en se fondant sur les facteurs exposés dans Wiebe Door, que la personne en question est une employée, mais cela ne veut pas dire que l’intention des parties n’est pas pertinente. En fait, les parties sont généralement d’accord sur le sens à donner à la plupart des modalités énoncées dans leur contrat. Cela veut simplement dire qu’une stipulation du contrat portant sur la nature juridique de la relation créée par celui‑ci n’est pas déterminante.

 

[63] Ce qui est inhabituel en l’espèce, c’est qu’il n’y a pas d’accord écrit qui vise à qualifier la relation juridique existant entre les danseurs et le RWB, et que, parallèlement, les parties s’entendent sur ce qu’elles croient être la nature de leur relation. La preuve révèle que le RWB, la CAEA et les danseurs pensaient tous que les danseurs étaient des travailleurs indépendants et que toutes ces parties ont agi en conséquence. Le litige portant sur la nature de la relation juridique existant entre les danseurs et le RWB vient du fait qu’un tiers (le ministre), qui a un intérêt légitime à ce que la relation juridique soit correctement qualifiée, souhaite faire écarter le témoignage des parties au sujet de leur intention commune parce que ce témoignage n’est pas compatible avec les faits objectifs.

 

[64] Dans les circonstances, il me semble qu’il serait contraire aux principes applicables de mettre de côté, en le considérant comme dépourvu de toute force probante, le témoignage non contredit des parties quant à la façon dont elles comprennent la nature de leur relation juridique, même si ce témoignage ne saurait être déterminant. Le juge aurait dû examiner les facteurs de Wiebe Door à la lumière de ce témoignage non contredit et se demander si, dans l’ensemble, les faits étaient compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des travailleurs indépendants, comme les parties le pensaient, ou s’ils étaient davantage compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des employés. C’est parce que le juge n’a pas adopté cette approche qu’il en est arrivé à une conclusion erronée.

 

[10]    Dans l’affaire City Water International Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2006 CAF 350, la Cour d’appel fédérale était saisie de l’appel de la décision par laquelle la Cour canadienne de l’impôt avait conclu que les ouvriers de la compagnie City Water n’en étaient pas des employés. L’arrêt de la Cour a été prononcé par le juge Malone, qui a relaté les faits comme suit, aux paragraphes 5 à 12 de ses motifs :


 

II. Le contexte factuel

 

[5]   City Water vend et loue des purificateurs d’eau (les purificateurs) à des entreprises et à des particuliers. L’Agence du revenu du Canada a délivré des avis de cotisation à City Water pour les années d’imposition 2002 et 2003, le calcul desquelles tenait pour acquis que certains des travailleurs occupaient des emplois assurables et ouvrant droit à pension.

 

[6]   City Water fournit à ses clients deux services distincts : l’installation des purificateurs et par la suite leur entretien et leur réparation. Le présent appel ne concerne que les travailleurs qui entretiennent et réparent les purificateurs (les travailleurs en entretien). Les contrats d’embauche de ces travailleurs ont été conclus oralement. Les modalités de leur emploi ont été définies par l’administration de City Water et chaque travailleur les a approuvées avant de commencer à travailler. Dès le début, City Water a clairement fait savoir aux travailleurs en entretien qu’ils étaient embauchés à titre de travailleurs autonomes.

 

[7]   Les travailleurs en entretien effectuaient tant des travaux de routine que des travaux d’urgence chez les clients de City Water. Pour les travaux de routine, ils recevaient une liste des clients qu’il fallait visiter dans les 30 jours suivants et ils pouvaient ensuite établir à leur guise l’horaire de ces visites pendant cette période. Ils avaient la liberté de planifier leur trajet et d’assurer le service comme il leur convenait et ils n’avaient pas à effectuer un nombre préétabli de visites par jour ou par semaine. Pour ce qui est des visites d’urgence, elles devaient être effectuées le plus tôt possible. Ces travaux d’urgence étaient payés à part aux employés qui les avaient effectués.

 

[8]   Aucun représentant de City Water n’allait chez le client pour superviser ou inspecter les travaux effectués par les travailleurs en entretien.

 

[9]   Comme il avait été convenu à leur embauche, les travailleurs en entretien n’avaient pas droit au paiement de vacances, d’heures supplémentaires ou de congés de maladie. Ils ne bénéficiaient d’aucun avantage social et aucune retenue salariale n’était effectuée. Ils devaient envoyer des factures et justifier le travail effectué, les heures travaillées et les dépenses réclamées, et ils étaient payés à l’heure selon des taux différents. Ils n’étaient pas tenus de se rendre quotidiennement au bureau de City Water. City Waters tenait des réunions mensuelles à Toronto afin d’informer les travailleurs en entretien des nouveaux produits, afin de payer le travail effectué et afin d’attribuer les tâches pour le mois à venir. La présence à ces réunions n’était pas obligatoire.

 

[10] Les travailleurs en entretien ne devaient avoir qu’un tournevis et une clé à molette. City Water leur fournissait tous les autres outils de travail, comme un sceau [sic], des éponges, des serviettes, des pastilles pour tester l’eau, des gants, du désinfectant, du nettoyant pour verre, des filtres de rechange, une clé de plastique pour les filtres et un appareil pour mesurer la teneur en métaux de l’eau.

 

[11] Les travailleurs en entretien devaient également fournir leur propre véhicule automobile, ou leur propre bicyclette s’ils travaillaient au centre‑ville de Toronto. Beaucoup d’entre eux parcouraient de grandes distances dans la région du Grand Toronto et ailleurs afin de fournir les services. Ils assumaient les coûts de l’assurance et de l’entretien de leur véhicule ou de leur bicyclette. Certaines dépenses leur étaient remboursées, comme l’essence et le stationnement, et ils recevaient chaque mois une indemnité pour usage de leur véhicule personnel lorsqu’ils parcouraient plus de 100 kilomètres.

 

[12] Dans la ville de Toronto, les travailleurs, s’ils n’avaient pas à être rappelés pour reprendre le travail, recevaient une prime de rendement de 200 $, dont étaient déduits 50 $ par rappel jusqu’à ce que les 200 $ soient épuisés.

 

 

[11]    Aux paragraphes 13, 14 et 15, citant la décision de la Cour de l’impôt, le juge Malone dit :

 

III. La décision du juge

 

[13] Sur la question du contrôle, le juge a conclu que City Water exerçait peu ou aucun contrôle ou surveillance sur les travailleurs en entretien. Cependant, il a conclu que ce facteur ne devait pas avoir la même valeur que dans d’autres affaires, car l’absence de contrôle, à son avis, découlait de la simplicité de la tâche à exécuter. Pour ce qui était des outils, le juge a conclu que l’usage d’un véhicule automobile n’était pas nécessaire puisque trois travailleurs se déplaçaient à bicyclette pour assurer le service d’entretien plutôt qu’en automobile. En conséquence, il a jugé que City Water fournissait la plus grande partie des outils utilisés par les travailleurs en entretien.

 

[14] Le juge a ensuite examiné la possibilité qu’avaient les travailleurs en entretien de réaliser un profit. Il s’est appuyé sur la décision de la Cour dans l’arrêt Hennick c. Canada (M.R.N.) (1995), 53 A.C.W.S. (3d) 1134 (C.A.F.), et a conclu que la rémunération selon un taux horaire, que les heures travaillées soient des heures supplémentaires ou des heures normales, ne constitue pas un profit. Ainsi, les travailleurs n’avaient pas la possibilité de réaliser un profit avec leur travail d’entretien et de réparation. Enfin, le juge a conclu que, puisqu’ils n’avaient pratiquement aucune dépense, ils ne couraient aucun risque de perte.

 

[15] Dans ses conclusions de fait, le juge a conclu que l’intention des parties était que tous les travailleurs soient des entrepreneurs indépendants. À cet égard, il a mentionné l’arrêt de la Cour Wolf c. Canada (C.A.F.), [2002] 4 C.F. 396, où le juge Noël a conclu que, en règle générale, lorsqu’un contrat est conclu et qu’il est exécuté conformément à ses modalités, on ne peut faire abstraction de l’intention des parties. Toutefois, il ne semble pas que le juge ait réellement pris en considération les intentions des parties en tirant sa conclusion finale : il a statué que, pendant la période en cause, dans la mesure où les travailleurs effectuaient des tâches d’entretien et de réparation, le revenu ainsi gagné était un revenu d’emploi.

 

 

[12]    Au sujet de la question du contrôle, le juge Malone a expliqué ce qui suit, aux paragraphes 18 et 19 :

 

[18] Un contrat d’emploi nécessite l’existence d’un rapport de subordination entre l’employé et l’employeur. La notion de contrôle est le facteur clé permettant de qualifier cette relation (voir D&J Driveway Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2003 CAF 453). City Water a également fait référence à l’arrêt Le Livreur Plus Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CAF 68, où la Cour a appliqué le critère énoncé dans Wiebe Door pour déterminer si l’emploi de deux travailleurs était assurable selon la LAE. En examinant le critère contrôle, le juge Létourneau a déclaré au paragraphe 19 :

 

[…] il ne faut pas […] confondre le contrôle, du résultat ou de la qualité des travaux avec le contrôle de leur exécution par l’ouvrier chargé de les réaliser […] Comme le disait notre collègue le juge Décary dans l’affaire Charbonneau c. Canada (Ministre du Revenu national ‑ M.R.N.), [1996] A.C.F. no 1337, « rares sont les donneurs d’ouvrage qui ne s’assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. Le contrôle du résultat ne doit pas être confondu avec le contrôle du travailleur. »

 

En d’autres mots, contrôler la qualité du travail ne revient pas à contrôler son exécution par les travailleurs engagés pour le faire.

 

[19] D’après mon analyse, la simplicité de la tâche ne peut en rien influer sur le contrôle et ne doit pas être prise en compte quand il s’agit d’établir l’existence ou non d’une certaine subordination. Par conséquent, le juge a commis une erreur de droit en concluant qu’il ne fallait attribuer que peu de valeur au critère contrôle en raison de la simplicité de la tâche exécutée par les travailleurs en entretien. En l’espèce, City Water trouvait les clients, mais laissait la prestation comme telle du service aux travailleurs en entretien sans exercer de supervision. Par conséquent, le critère contrôle laisse clairement entrevoir la possibilité qu’il s’agisse d’un contrat d’entreprise.

 

 

[13]    Dans cette affaire, les travailleurs de City Water fournissaient leur propre véhicule, lequel était non seulement essentiel à leur travail, mais constituait aussi un investissement important. Le juge Malone a estimé que cet élément militait en faveur de la conclusion que les personnes en question fournissaient leurs services en tant qu’entrepreneurs indépendants. Pour ce qui est de la possibilité de profit et du degré de risque financier, le juge a poursuivi en écrivant ce qui suit, aux paragraphes 24 à 26 :

 

[24] De la façon que j’analyse les faits en l’espèce, la possibilité de réaliser un profit revenait entièrement à City Water. Les travailleurs en entretien étaient assurés de recevoir un salaire horaire et pouvaient recevoir une prime de rendement. Bien qu’il soit vrai que les travailleurs pouvaient gagner plus d’argent s’ils travaillaient plus d’heures, la jurisprudence établit clairement que cela ne constitue pas une possibilité de réaliser un profit (voir Hennick, au paragraphe 14). Il est vrai qu’ils étaient incités à travailler plus fort et à recevoir 200 $ supplémentaires, mais cela n’équivaut pas au risque commercial de diriger une entreprise (voir Page c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CCI 211, au paragraphe 38). En conséquence, je serais d’accord avec le juge quand il a conclu que les travailleurs n’avaient pas la possibilité de réaliser un profit, ce qui suggère qu’il s’agissait d’un contrat de louage de services.

 

4. Le degré de risque financier

 

[25] Puisque j’ai conclu que, selon la preuve, les travailleurs en entretien avaient besoin d’un véhicule, je dois également juger s’ils risquaient de subir des pertes de quelque ordre que ce soit. La preuve démontre que les travailleurs en entretien se voyaient rembourser plusieurs dépenses, y compris l’essence, le stationnement et le téléphone cellulaire. Ils recevaient également chaque mois une indemnité pour utilisation d’un véhicule personnel. Surtout, ils ne couraient aucun risque d’assumer une créance irrécouvrable puisqu’ils étaient assurés d’être payés, que le client paye City Water ou non.

 

[26] Compte tenu des faits au dossier, je conviendrais avec le juge que les travailleurs en entretien ne couraient aucun risque de perte, indépendamment du fait qu’ils devaient assurer leur propre véhicule. Le facteur risque financier suggère que les travailleurs en entretien se chargeaient de leur travail dans le cadre d’un contrat de louage de services.

 

 

[14]    Le juge Malone a ajouté, aux paragraphes 27 et 28 :

 

5. Les autres facteurs

 

[27] Le bilan des facteurs analysés ci‑dessus ne donne pas un résultat clair. Par conséquent, il est nécessaire d’établir la valeur qu’il faudrait accorder à l’intention de City Water et des travailleurs en entretien au moment de la conclusion du contrat.

 

[28] S’il peut être établi que les modalités du contrat, examinées dans le contexte factuel approprié, sont conformes à la relation juridique que les parties souhaitaient établir, alors il ne peut être fait abstraction de leur déclaration d’intention (voir l’arrêt Royal Winnipeg Ballet c. Canada (Ministre du Revenu national), [2006] A.C.F. no 339, 2006 CAF 87, au paragraphe 61). Royal Winnipeg n’était pas tranché quand le juge a rendu sa décision.

 

[15]    Pour en arriver à la conclusion que les travailleurs n’étaient pas des employés de City Water, le juge Malone a résumé comme suit sa pensée:

 

[30] Donc, il ne convient d’accorder de la valeur à l’intention des parties que si le contrat reflète de façon satisfaisante la relation juridique qui les unit (voir Royal Winnipeg, au paragraphe 81). En l’espèce, il n’existe aucun accord écrit prétendant qualifier la relation juridique entre les travailleurs en entretien et City Water. Toutefois, les parties concevaient de la même façon la nature de leur relation. Selon la preuve, les deux parties croyaient que les travailleurs étaient autonomes et chacune a agi en conséquence.

 

[31]      Selon mon analyse, puisque les facteurs pertinents ne suggèrent pas de résultat clair, le juge aurait dû accorder plus d’importance à l’intention des parties en l’espèce. Le juge devait examiner les facteurs à la lumière de la preuve non contestée et se demander si, dans l’ensemble, les faits concordaient avec la conclusion voulant que les travailleurs soient des personnes « travaillant à leur compte » (voir Sagaz, précité au paragraphe 3) ou s’ils concordaient plus avec la conclusion voulant que les travailleurs soient des employés. En omettant de ce faire, il a commis une erreur manifeste et dominante sur une question mixte de droit et de fait. S’il avait procédé à cette analyse, à mon sens, il n’aurait eu d’autre choix que de conclure que City Water n’était pas l’employeur des travailleurs en entretien.

 

 

[16]    Mais revenons aux faits du présent appel. Après examen de l’ensemble de la preuve, l’intention des parties est – ainsi qu’il a été dit plus haut ‑ claire. L’examen de toutes les stipulations du contrat écrit appuie la conclusion que tant M. D’Ovidio que l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie voulaient qu’il agisse comme entrepreneur indépendant lorsqu’il exerçait ses fonctions de CSID en contrepartie de frais administratifs de 1 500 $ par mois et ce, même si le contrat n’exprimait pas cette intention expressément, alors qu’il l’exprimait explicitement au sujet de la fourniture de ses services de radiologue partout ailleurs.

 

[17]    Je vais examiner les faits en fonction des indices proposés par le juge Major dans l’arrêt Sagaz.

 

Degré de contrôle

 

[18]    L’appelant était un radiologue hautement qualifié et un spécialiste dans son domaine, de sorte qu’il n’avait pas besoin de supervision. Aux termes de l’entente écrite, il était tenu d’exécuter certains services précis, de siéger à divers comités et de se livrer à des recherches dans le mesure où le temps et les installations le lui permettaient. Dans ce contrat, l’appelant s’engageait à accomplir les fonctions cliniques et les tâches administratives exigées pour le bon fonctionnement du service. La preuve révèle que M. D’Ovidio n’avait pas de comptes à rendre à qui que ce soit en position d’autorité à l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie et qu’il était entendu qu’il participerait aux rencontres ou conférences ainsi qu’aux autres activités énumérées au paragraphe 15.1 du contrat s’il n’était par ailleurs pas occupé à exercer ses fonctions principales de radiologue. L’organigramme – pièce R‑2 – n’existait pas au moment des faits et, à l’époque où l’appelant exerçait ses fonctions, le chef du personnel était un chirurgien qui exerçait activement sa profession. Tout comme il n’y a aucun précédent permettant d’atténuer l’importance du critère du contrôle lorsque la nature du travail est simple, il n’y a aucune raison de le faire non plus lorsque le travail est complexe et spécialisé. Souvent, l’appelant s’acquittait de ses fonctions de chef en même temps que de ses propres tâches professionnelles de radiologue hospitalier et – au sens figuré – il changeait d’étiquette à l’occasion selon les impératifs de son horaire chargé. En tant que radiologue praticien, il avait affaire à d’autres médecins qui lui adressaient des patients ou qui le consultaient et il entretenait ensuite des rapports – en tant que CSID – avec bon nombre de ces mêmes collègues dans l’exécution de son mandat. Dans l’éventualité où l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie aurait souhaité se passer de ses services en tant que chef, notamment pour répondre à une plainte, l’Hôpital était lié par les termes du contrat écrit, notamment en ce qui concerne la participation à l’arbitrage.

 

Fourniture d’outillage et/ou d’assistants

 

[19]    Dans le préambule du contrat écrit, l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie exprime son intention de recourir aux services de l’appelant comme CSID. Toutefois, une grande partie du contrat porte sur les modalités des rapports entre M. D’Ovidio – et les autres radiologues – et l’Hôpital ainsi que sur les mécanismes régissant la prestation de leurs services et la rémunération de ces services. Curieusement, le paragraphe 15.1 – qui définit les fonctions de M. D’Ovidio vraisemblablement en tant que chef – lui permet de s’acquitter par le truchement de la personne qu’il pourra désigner des fonctions qui sont par la suite énumérées. L’appelant a expliqué que, dans les faits, il n’avait pas été en mesure de se prévaloir de cette possibilité et qu’en son absence, personne n’exerçait les fonctions de chef et qu’on attendait son retour pour résoudre les problèmes. Le matériel requis pour le service d’ID vaut des millions de dollars. En tant que radiologue praticien offrant ses services à l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie à titre d’entrepreneur indépendant rémunéré à l’acte, il n’était pas propriétaire de son propre outillage ou équipement et la même infrastructure coûteuse était nécessaire pour l’exécution de ses fonctions de chef. En raison de la nature des tâches à exécuter, il est impossible pour celui qui fournit le service d’être propriétaire des équipements utilisés, sauf peut‑être dans le cas d’une clinique privée appartenant à des radiologues qui peuvent compter sur une bourse bien garnie et sur un banquier compréhensif et qui peuvent se permettre d’acheter ce type d’équipements et d’appareils.


 

Étendue des risques financiers et responsabilité en matière de mises de fonds et de gestion

 

[20]    Il n’y avait aucun risque financier étant donné que l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie souscrivait l’assurance‑responsabilité publique nécessaire pour couvrir les actions qui pouvaient être intentées contre M. D’Ovidio dans le cadre de ses fonctions de chef. Ce dernier n’était pas tenu de faire de mises de fonds pour toucher la somme de 1 500 $ par mois.

 

 

Profit tiré de l’accomplissement des tâches

 

[21]    Ainsi qu’il a déjà été signalé, l’appelant touchait 1 500 $ par mois pour ses tâches administratives indépendamment du temps qu’il consacrait à l’exécution de ses fonctions de chef. Toutefois, comme il contrôlait entièrement cet aspect de son rôle, il lui était loisible de consacrer plus de temps aux besoins de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie en vue de remplir tous ses engagements contractuels de radiologue. Chaque fois qu’il choisissait d’exécuter un service moyennant des honoraires facturés au RAMO – par l’entremise de l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie –, au lieu de consacrer ce bloc de temps à travailler en sa qualité de chef pour le montant mensuel fixe susmentionné, il avait la possibilité d’augmenter ses revenus professionnels. Lorsqu’il a négocié ce montant mensuel, l’appelant s’est certainement assuré que la combinaison des services qu’il offrait à l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie en tant que médecin et chef administratif d’un service était rentable de son point de vue, compte tenu du temps dont il disposait pour s’acquitter de ses deux fonctions.

 

[22]    Il vaut la peine de signaler que le poste de CSID n’était pas essentiel, comme le démontre le fait qu’il est demeuré vacant pendant plus de trois ans après le départ de l’appelant de l’Hôpital. Le travail effectué par l’appelant en tant que chef était si profondément et inextricablement lié à son travail parallèle de radiologue praticien offrant ses services à l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie qu’on ne peut pas logiquement dissocier les deux fonctions, en ce sens que, comme médecin praticien, il était un entrepreneur indépendant alors qu’il aurait été un employé lorsqu’il s’acquittait de ses fonctions de chef de service. La mensualité versée à l’appelant ne constituait pas des honoraires au sens propre, mais elle n’était pas non plus un salaire au sens du contrat. L’épithète qui qualifie le mieux ce paiement est celle qui est employée dans le contrat, en l’occurrence celle de « frais administratifs » payés en contrepartie de l’exécution des fonctions de chef de service. De son point de vue, l’appelant n’a pas reçu d’indemnité de vacances ou de prestations imputables à ce revenu et il n’a jamais considéré que ces services avaient été fournis dans le cadre d’une relation d’emploi qu’il aurait eue avec l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie. Il recevait ces frais administratifs ainsi que la partie du paiement du RAMO auquel il avait droit pour la période de facturation pertinente. L’appelant n’avait donc aucune raison de se considérer comme un employé, même dans le but limité d’exercer les fonctions de chef de service. Ainsi qu’il l’a expliqué, le présent différend s’explique probablement par une vérification des feuilles de paye effectuée par l’ARC qui s’est soldée par une décision suivant laquelle il était considéré comme un employé et par la confirmation de cette décision par le ministre.

 

[23]    À mon avis, l’intention des parties est importante, compte tenu du fait que l’application des autres facteurs pertinents ne permet pas de dégager une conclusion évidente lorsqu’on les examine globalement en tenant compte de tous les faits pertinents se rapportant à la relation de travail de l’intéressé. L’appelant et l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie voulaient qu’il soit un entrepreneur indépendant tant comme radiologue que comme CSID – même s’ils auraient pu l’exprimer plus élégamment dans le contrat – et ils ont agi en conséquence pendant toute la durée de la relation de travail.

 

[24]    Tenant compte de l’ensemble de la preuve et appliquant la jurisprudence pertinente, je suis convaincu qu’au cours de la période en cause, l’appelant n’a pas fourni ses services comme chef du service d’imagerie diagnostique à l’Hôpital de Sault‑Sainte‑Marie conformément à un contrat de louage de services et je conclus donc qu’il n’était pas un employé qui exerçait un emploi qui était assurable ou qui ouvrait droit à une pension.

 

[25]    Les deux appels sont accueillis et les décisions prises en vertu de la Loi et du Régime sont par les présentes modifiées pour tenir compte de cette conclusion.

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 22e jour de mai 2007.

 

 

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d’octobre 2007.

 

Suzanne Bolduc, LL.B.

 


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2007CCI282

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006‑1145(CPP) 2006‑1146(EI)

 

INTITULÉ :                                       ROBERT D’OVIDIO c. M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Kelowna (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 22 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 22 mai 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

 

Avocat de l’intimé :

Me Max Matas

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                            Nom :                   

 

                            Cabinet:

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Canada)

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