Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2005-3717(IT)G

ENTRE :

BENOÎT BERGERON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 11 mai 2007, à New Carlisle (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Anne Poirier

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), pour l’année d’imposition 2001 est rejeté. L’intimée a droit à ses dépens.

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi pour l’année d’imposition 2002 est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, le tout selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2007.

 

 

"François Angers"

Juge Angers


 

 

 

Référence : 2007CCI328

Date : 20071206

Dossier : 2005-3717(IT)G

ENTRE :

BENOÎT BERGERON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]     L’appelant interjette appel des avis de nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « Ministre ») le 21 juillet 2005 pour les années d’imposition 2001 et 2002. Ces avis de nouvelle cotisation ont pour effet d’augmenter les revenus de l’appelant d’une somme de 26 844 $ et de 64 691 $ respectivement pour chacune des années en cause. L’appelant s’est également vu imposer des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard des sommes de 17 517 $ et de 57 916 $ respectivement, ajoutées à son revenu pour les années en cause. Il s’agit de décider si le Ministre a correctement ajouté au revenu de l’appelant les revenus supplémentaires en question de même que les pénalités. Les appels soulèvent six points que l’appelant demande à cette Cour d'examiner.

 

[2]     L’appelant est optométriste de profession. Ses revenus professionnels proviennent des examens de la vue qui sont remboursés par la Régie de l’assurance maladie de Québec (RAMQ) et sont établis à partir des rapports mensuels de la RAMQ. L’appelant est aussi actionnaire unique de la Clinique Visuelle Bonaventure inc. (la Clinique) qui constitue aussi une source de revenus pour l’appelant pour la vente de lunettes.

 

[3]     L’appelant a fait l’objet d’une vérification par avoir net au motif que le vérificateur de l’Agence des douanes et du revenu (l’Agence) n’était pas en mesure de mener une vérification fondée sur des faits en raison d’un contrôle interne inexistant, de l’absence de piste de vérification de registres et de documents de base. Le vérificateur était d’avis que les revenus déclarés par l’appelant, soit 46 177 $ et 61 127 $ respectivement pour chacune des années étaient des revenus de profession personnels qui correspondaient aux montants remboursés par la RAMQ. Il lui était donc possible d’affirmer que les revenus non-déclarés provenaient de la Clinique, soit de la vente de lunettes, de lentilles, des accessoires ainsi que des réparations diverses. L’appelant se serait approprié ces fonds qui furent considérés comme des avantages imposables reçus à titre d’actionnaire et donc rajoutés aux revenus déclarés.

 

[4]     Quant à l’opposition, certains ajustements furent accordés à l’appelant suite à certaines précisions; on a finalement abouti au montant des revenus mentionnés dans les avis de nouvelle cotisation identifiés au paragraphe 1 des présentes.

 

[5]     L’appelant demande à la Cour d’intervenir et de prendre en considération six points justifiant les réductions du montant des revenus ajoutés au terme de la vérification. En ce qui concerne les cinq premiers points, il prétend pouvoir :

 

1.       Soustraire des revenus imposables le montant de 2 892,24 $ qui constitue une avance consentie à la conjointe de l’appelante par la Clinique sous forme de salaire;

 

2.       Soustraire de ses revenus imposables de 2002 le montant d’un prêt de 6 000 $ accordé à sa conjointe par la Citi Financière et qui fut déposé dans le compte de sa marge de crédit pour lequel il est signataire;

 

3.       Soustraire de ses revenus imposables le montant de 6 000 $ pour 2001 et 3 500 $ pour 2002 qui sont des revenus de location de la maison de sa conjointe pour les années d’imposition mentionnées. Selon l’appelant, ces sommes furent investies dans le ménage mais ne furent pas prises en compte dans le calcul de l’avoir net.

 

4.       Soustraire de ses revenus imposables de 2002 le montant de 30 000 $ qui a servi à payer le solde d’un prêt sur son camion (environ 17 500 $) et une partie de l’hypothèque sur sa résidence. Selon l’appelant, il s’agit d’économies faites au cours des années antérieures et pour lesquelles les impôts furent payés.

 

5.       Réduire le montant des pénalités et des intérêts de moitié sur les montants qui resteront après les présents appels au motif que l'instruction de son dossier a été lente et effectuée de manière peu conventionnelle.

 

 

[6]     Au début de l’audience, l’appelant a demandé de pouvoir invoquer un sixième point : il demande que l'on tienne compte du montant payé par la Clinique sous forme de cotisation supplémentaire suite à l’émission des nouvelles cotisations de 2001 et 2002 de la Clinique. Selon l’appelant, il y aurait double imposition et il faudrait donc déduire ce montant de l’impôt qu’il aurait à payer. Cependant, lors de son contre-interrogatoire, l’appelant a reconnu qu’il ne s’agissait pas d’une double imposition et il a donc renoncé à invoquer ce dernier point. Il en va de même pour le premier. L’appelant a reconnu qu’au stade de l’opposition, le salaire de son ancienne conjointe avait servi à réduire le revenu ajouté.

 

[7]     Avant de considérer les autres points, je tiens à préciser que la Cour n’a pas compétence pour réduire de moitié le montant des pénalités et des intérêts. Il s’agit d’une mesure qui peut faire l’objet de négociations dans le but de régler à l’amiable un litige, mais sur laquelle la Cour ne peut statuer. Les pénalités sont imposables en entier ou pas du tout, aux termes de la Loi. Quant aux intérêts, ils peuvent faire l’objet d’une demande auprès du Ministre.

 

[8]     La vérification en l’espèce a été effectuée par M. Marc André Raymond. Celle de l’appelant a été plus facile mais celle de la Clinique a exigé un travail plus important en raison du manque d’information. M. Raymond a été incapable de faire des regroupements, puisqu’il manquait environ 80% des factures; il a donc dû avoir recours à la méthode indirecte. Il déclare que l’appelant a coopéré lors de la vérification. Il a donc dressé le bilan personnel des avoirs de l’appelant au 31 décembre des deux années en cause.

 

[9]     L’appelant pour sa part nous a exposé les difficultés matrimoniales qu’il a vécues et particulièrement le départ de son ancienne conjointe et les difficultés financières et autres que tout cela a provoqué. Il reconnaît ne pas avoir payé les impôts sur tous ses revenus depuis 1999 à raison de 3 000 $ par année. Pour 2001, ce montant est de 6 000 $ et pour 2002, il est de 16 000 $. Il reconnaît qu’il s’agit d’une moyenne de 5 à 10% par année. Il fait valoir qu’il a changé depuis la vérification et que sa vie est maintenant beaucoup plus stable. Il reconnaît que lorsque le vérificateur lui a demandé s’il avait des revenus non-déclarés, il lui a répondu par la négative.

 

[10]    L’appelant faisait sa propre comptabilité et il est la seule personne à avoir eu accès à l’argent provenant des examens de la vue, des réparations et les frais reliés à la préparation de formulaires. Ce sont ces revenus‑là qui n’étaient pas déclarés.

 

Point # 2

 

[11]    L’appelant prétend qu’il faut soustraire des revenus additionnels de 2002 la somme de 6 000 $ qui constitue un prêt accordé à son ancienne conjointe par la Citi Financière. Cette somme a été déposée dans le compte marge de crédit dont il est signataire et paraît dans les documents de travail du vérificateur. Il prétend ne pas utiliser ce compte marge de crédit et qu’il n’en est que le garant. Cependant, les relevés bancaires nous indiquent qu’il s’agit d’un compte conjoint de l’appelant avec son ancienne conjointe. De plus, le dépôt a été effectué le 20 février 2001 et non en 2002. L’appelant aurait effectué deux remboursements à la Citi Financière de 333,81 $ le 7 juin et le 8 juillet 2002. Le comptable de l’appelant soutient que la provenance de 6 000 $ a été identifiée et ne peut constituer un revenu. Le vérificateur Raymond, de son côté, explique qu’il ne travaille pas en fonction des dépôts et que, par conséquent, il n’a pas pris en compte ce montant. Il n’a pas non plus pris en compte les deux paiements de 333,81 $ faits par l’appelant.

 

[12]    Il ne fait aucun doute que, selon la documentation produite, il s’agit d’un compte marge de crédit conjoint de l’appelant et son ancienne conjointe. Il n’y a aucune preuve de l’existence d’un tel emprunt par son ex-conjointe, sauf le dépôt du montant dans le compte marge de crédit. De toute façon, ce qu’il faut retenir, c'est que l'augmentation de l’avoir net est due aux retraits et non pas aux dépôts. En l’espèce, les seuls montants susceptibles de réduire l’avoir net sont les deux versements de 333,81 $ faits par l’appelant en remboursement de ce prêt. J’accepte donc les explications de l’appelant et réduis donc du revenu de 2002 le total des deux versements, soit 667,62 $.

 

Point # 3

 

[13]    L’appelant demande que soient soustraits des revenus supplémentaires qu’on lui impose les revenus de location de 6 000 $ pour 2001 et 3 500 $ pour 2002 qui proviennent de la location de la maison de son ancienne conjointe. Le revenu de location pour 2002 a été révisé à 3 400 $, puisqu’il s’agit d’une location de 8 ½ mois seulement selon la pièce produite par l’appelant. Aucune preuve documentaire n’a été produite indiquant que la maison en question était louée en 2001 et au cours des premiers mois de 2002, et il demande à la Cour de statuer sur cette question de façon arbitraire. Les paiements du loyer se faisaient directement à la banque et quatre bordereaux de dépôts ont été produits en preuve et indiquant un dépôt de 200 $ tous les quinze jours. L’appelant reconnaît qu’il n’a rien payé pour l’entretien de la maison de son ancienne conjointe, sauf qu’il était garant de l’hypothèque qui la grevait.

 

[14]    Pour sa part, le vérificateur déclare qu’il n’a pas pris en compte les revenus de ces loyers, car il n’a pas vu les dépôts et ni les dépenses puisqu’il n’en a pas trouvé au cours de ses vérifications, de sorte qu’il n’y a rien qui puisse être interprété comme faisant partie des calculs par avoir net. La vérification des documents de travail du vérificateur et des autres conclusions de celui‑ci me permet d’accepter cette affirmation, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’intervenir à ce niveau.

 

Point # 4

 

[15]    L’appelant demande que soit prise en compte la diminution de son passif par le paiement du solde dû sur son camion et une partie de son hypothèque et qui totalisent 30 000 $. Il a effectué ces paiements en 2002 alors que sa situation matrimoniale était houleuse. Il explique la provenance de ces fonds par le fait qu’il retenait 500 $ par mois de ces revenus et les déposait dans un coffret de sûreté. Il explique ainsi cette façon de faire : lorsqu’il s’est porté acquéreur de la Clinique, il a obtenu un prêt d’une Caisse populaire et comme celle‑ci est gérée par des personnes originaires de la région, il ne voulait pas leur faire faire des profits et voulait garder son anonymat. Cette idée lui serait venue de l’ancien propriétaire de la Clinique. Il ajoute également ne jamais avoir investi dans des REÉR de sorte qu’il lui a été possible de garder ce 500 $ par mois pendant six ans, soit presqu’à partir de la date où il a commencé à exercer sa profession. Il aurait terminé ses études sans avoir de dettes et soutient qu’il a déclaré ce revenu.

 

[16]    Les revenus nets de l’appelant au début de sa pratique variaient entre 40 000 $ et 49 000$. En 2001, sa déclaration de revenu indique un revenu imposable de 46 178 $ et celle de 2002 un revenu imposable de 61 128 $. Le vérificateur déclare ne pas avoir tenu compte de ce 30 000 $ lors de la vérification, car l’appelant ne lui a rien dit concernant cette source de fonds et qu’il n’avait déclaré aucun revenu de placement au cours des années antérieures.

 

[17]    Il est très difficile, à mon avis, de justifier une telle épargne mensuelle de la part de l’appelant lorsqu’on prend en considération les revenus de l’appelant dans les années où il avait épargné cet argent. Il est d’autant plus difficile de croire qu’il s’agit de sommes sur lesquelles les impôts auraient été payés lorsqu’on considère que l’appelant, de son propre aveu, reconnaît ne pas avoir déclaré des revenus de 2 000 $ par année de 1997 à 2002 constituant des sommes reçues pour des réparations et des formulaires et qu’il a touché des honoraires non-déclarés de 3 000 $ en 1999 et 2000, de 6 000 $ en 2001 et 16 000 $ en 2002. Cela semble plutôt expliquer l’écart qui en est résulté suite à la vérification. De plus, la preuve a révèle qu’il s’est procuré des REÉR en 2002 pour environ 10 000 $. Je rejette donc la demande de l’appelant de réduire ses revenus augmentés d'un montant de 30 000 $. Depuis que l’appelant fait des affaires, il n'a pas déclaré tous ses revenus, de sorte qu'il est clairement impossible d'en connaître le montant exact.

 

Les pénalités

 

[18]    Les pénalités ont été imposées au motif qu’il s’agit d’un contribuable instruit qui s’occupait lui-même de sa comptabilité interne. Il n’y avait aucun système de contrôle et il savait que ses revenus n’étaient pas tous déclarés. Il est passé aux aveux après avoir déclaré au vérificateur qu’il déclarait tous ses revenus. Les montants de revenu non-déclarés sont assez importants par rapport à ceux qu’il a déclarés. La documentation et les reçus sont, à toute fin pratique, inexistants. Il a fourni les chiffres à son comptable et savait fort bien qu’il cachait ses revenus.

 

[19]    À mon avis, selon la preuve produite, je peux conclure selon la prépondérance des probabilités que l’appelant a sciemment fait une fausse déclaration en ce qui concerne ses revenus. Son aveu, qui fait partie de ses déclarations faites à l’Agence le 10 juin 2005, relatif aux revenus qu'il n'avait pas déclarés peut, à première vue, refléter une certaine noblesse de caractère, mais il n’en demeure pas moins qu’il s'agit d'un élément de preuve donnant lieu à l’application du paragraphe 163(2) de la Loi.

 

[20]    L’appel pour l’année d’imposition 2001 est rejeté et l’intimée a droit à ses dépens. L’appel pour l’année d’imposition 2002 est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que l’écart doit être réduit de 667,62 $.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de décembre 2007.

 

 

 

"François Angers"

Juge Angers

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI328

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2005-3717(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              BENOÎT BERGERON ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   New Carlisle (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 11 mai 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 6 décembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Anne Poirier

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.