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Dossier : 2003-2739(EI)

ENTRE :

JOHN TODMAN,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 7 janvier 2004 à Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Par le juge L.M. Little

 

COMPARUTIONS

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Mandataire de l’intimé :

Johnathan Shapiro (étudiant en droit)

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

 

          L’appel est rejeté, sans dépens, et la décision du ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 15e jour de janvier 2004.

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de décembre 2004.

 

Jacques Deschênes, traducteur


 

 

 

Dossier : 2003-2739(EI)

ENTRE :

JOHN TODMAN,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 7 janvier 2004 à Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Par le juge L.M. Little

 

COMPARUTIONS

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Mandataire de l’intimé :

Johnathan Shapiro (étudiant en droit)

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

 

          L’appel est rejeté, sans dépens, et la décision du ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 13e jour de janvier 2004.

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de décembre 2004.

 

Jacques Deschênes, traducteur


 

 

 

 

Référence : 2004CCI30

Date : 20040113

Dossiers : 2003-2739(EI)

2003-2738(CPP)

ENTRE :

JOHN TODMAN,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉ

 

Le juge Little, C.C.I.

 

A.      FAITS :

 

[1]     L’appelant travaille comme peintre en bâtiment depuis environ 16 ans. Il dirige sa propre entreprise appelée « Todman’s Decorating ».

 

[2]     Du 22 mars 2001 au 10 septembre 2002 (la « période »), l’appelant avait retenu les services d’un peintre, Christopher Timms.

 

[3]     L’appelant a affirmé qu’en embauchant M. Timms comme peintre au début de la période, il lui avait précisé qu’il serait un sous-traitant et non pas un employé. Selon lui, M. Timms avait accepté cet arrangement.

 

[4]     Christopher Timms a été convoqué comme témoin par l’intimé. Il a déclaré se souvenir d’avoir été embauché comme sous-traitant. Cependant, lorsqu’il a demandé des prestations en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »), il a appris des fonctionnaires de Développement des ressources humaines Canada que, à leur avis, il était un employé de l’appelant pendant la période.

 

[5]     L’appelant a aussi déclaré ne pas avoir fait de retenues à la source au titre de l’impôt sur le revenu, de l’assurance-emploi ou du Régime de pensions du Canada sur les sommes versées à M. Timms, puisque ce dernier était un sous-traitant.

 

[6]     Durant l’audition des appels, l’appelant a admis qu’il était personnellement responsable de ce qui suit pour la période :

 

a)       l’appelant obtenait des contrats de peinture principalement d’E & S Developments Ltd., de Benchmark Homes Ltd. et d’autres entrepreneurs en construction;

 

b)      l’appelant travaillait personnellement comme peintre et avait retenu les services d’un ou de deux autres peintres pour l’aider à exécuter les contrats obtenus;

 

c)       l’appelant a déterminé le taux de rémunération de M. Timms. Initialement, celui-ci touchait 15 $ l’heure; durant la période, ce taux est passé graduellement à 16 $, puis à 17 $ et finalement à 18 $ l’heure; M. Timms a indiqué dans son témoignage qu’il recevait un chèque de paye toutes les deux semaines;

 

d)      l’appelant fournissait à M. Timms les pinceaux, les rouleaux et tous les autres outils et fournitures nécessaires; selon l’appelant M. Timms fournissait ses propres vêtements;

 

e)       l’appelant a fixé l’heure approximative de début des travaux de peinture; ainsi, les heures de travail allaient de 8 h à 16 h 30 en hiver et de 7 h à 15 h 30 en été; l’heure du début du travail était assez souple, mais M. Timms était censé travailler huit heures par jour du lundi au vendredi; l’appelant a dit, ce que M. Timms a confirmé, que M. Timms faisait des heures supplémentaires au besoin;

 

f)       l’appelant était responsable envers le client des retouches à faire si le travail s’avérait insatisfaisant, et M. Timms l’aidait à cette fin au besoin;

 

g)       l’appelant était généralement responsable de décider du bâtiment qui devait être peint une journée donnée;

 

h)       l’appelant a déclaré ne pas avoir eu besoin de superviser M. Timms dans ses tâches, puisque M. Timms était un ouvrier qualifié;

 

i)        l’appelant comptabilisait sur un calendrier le nombre d’heures travaillées par M. Timms chaque jour;

 

j)        l’appelant n’était au courant d’aucune dépense engagée par M. Timms en rapport avec son travail de peintre;

 

k)       l’appelant a convenu que M. Timms ne pouvait toucher aucun profit et qu’il n’assumait pas non plus de risque de perte dans ses tâches; cependant, en vertu de l’arrangement négocié avec M. Timms, le taux de rémunération versé à ce dernier en qualité de sous-traitant était supérieur à ce qu’il aurait reçu comme employé.

 

[7]     L’appelant a déclaré que M. Timms avait quitté le lieu de travail le 10 septembre 2002 et qu’il n’était jamais revenu.

 

[8]     M. Timms a demandé des prestations d’assurance-emploi en vertu de la Loi.

 

[9]     Le 30 janvier 2003, l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’« ADRC ») a rendu une décision indiquant que M. Timms avait été un employé de l’appelant du 22 mars 2001 au 10 septembre 2002 aux termes d’un contrat de louage de services au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi.

 

[10]    Le 30 janvier 2003, l’ADRC a rendu une décision indiquant que M. Timms avait exercé pour l’appelant un emploi ouvrant droit à pension pendant la période allant du 22 mars 2001 au 10 septembre 2002, aux termes d’un contrat de louage de services, au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada (le « RPC »).

 

B.      POINTS EN LITIGE :

 

[11]    A. M. Timms a-t-il exercé un emploi assurable pour l’appelant pendant la période au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi?

 

          B. M. Timms a-t-il exercé pour l’appelant un emploi ouvrant droit à pension pendant la période au sens de l’alinéa 6(1)a) du RPC?

 


C.      ANALYSE :

 

[12]    Les dispositions pertinentes de la Loi sur l’assurance-emploi se lisent comme suit :

 

5. (1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

 

            a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

 

[...]

 

(2) N'est pas un emploi assurable :

 

            a) l'emploi occasionnel à des fins autres que celles de l'activité professionnelle ou de l'entreprise de l'employeur;

 

[13]    Les dispositions pertinentes du Régime de pensions du Canada se lisent comme suit :

 

6. (1) Ouvrent droit à pension les emplois suivants :

 

            a) l'emploi au Canada qui n'est pas un emploi excepté;

 

[...]

 

(2) Sont exceptés les emplois suivants :

 

[...]

 

            b) l'emploi d'une nature fortuite, qui n'est pas lié à l'objet du commerce ou de l'entreprise de l'employeur;

 

 

Y avait-il un contrat de louage de services entre l’appelant et M. Timms?

 

[14]    Nous devons décider si M. Timms exerçait un emploi « aux termes d'un contrat de louage de services […] exprès ou tacite ». C’est seulement dans le cas où le travailleur était employé en vertu de ce genre de contrat qu’il aura occupé un « emploi assurable » ou un « emploi ouvrant droit à pension ».

 

[15]    La nature d’un « contrat de louage de services » a été examinée par les tribunaux à bien des reprises, souvent lorsqu’il fallait distinguer la relation en cause du « contrat d’entreprise ». Autrement dit, notre Cour doit déterminer si M. Timms était un employé de l’appelant ou un entrepreneur indépendant.

 

[16]    Les tribunaux canadiens ont élaboré un critère fondé sur l’ensemble de la relation entre les parties, où l’analyse s’articule autour de quatre éléments :

 

          - le degré de contrôle et de supervision;

          - la propriété des instruments de travail;

          - la possibilité de profit;

          - le risque de perte.

 

[17]    Ce critère a été énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. et Canada[1] puis accepté et développé dans la jurisprudence ultérieure. La Cour suprême du Canada a eu récemment l’occasion de réexaminer la question dans l’affaire 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc.[2] Au nom de la Cour, le juge Major s’est exprimé comme suit :

 

Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui‑même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches[3].

 

[18]    Par conséquent, selon le juge Major, la question centrale est de savoir « si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte ou en tant qu’employé ».

 

[19]    Le juge Major a également affirmé ce qui suit dans l’arrêt Sagaz :

 

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire[4].

 

[20]    Avant d’appliquer les faits en l’espèce aux principes décrits plus haut, je soulignerai que la décision du ministre, soit que la relation entre M. Timms et l’appelant était de la nature d’un contrat de louage de services, est « susceptible d’un contrôle indépendant de la part de la Cour canadienne de l’impôt »[5]. Notre Cour n’est pas tenue de se reporter à la décision du ministre.

 

[21]    Comme je l’ai mentionné ci-dessus, le critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door peut être scindé en quatre :

 

Degré de contrôle :

 

[22]    Le juge MacGuigan a déclaré ce qui suit dans Wiebe Door :

 

En common law, le critère traditionnel qui confirme l’existence d’une relation employeur-employé est le critère du contrôle, que le baron Bramwell a défini dans R. v. Walker (1858), 27 L.J.M.C. 207 (page 208) :

 

[Traduction]

À mon sens, la différence entre une relation commettant‑préposé et une relation mandant-mandataire est la suivante : un mandant a le droit d’indiquer au mandataire ce qu’il doit faire, mais le commettant a non seulement ce droit, mais aussi celui de dire comment la chose doit être faite[6].

 

[23]    Cela signifie que l’aspect déterminant du « contrôle » est lié à la capacité qu’avait l’employeur de décider de la manière dont l’employé faisait son travail; l’accent n’est donc pas mis sur le degré de contrôle que l’employeur exerçait effectivement sur l’employé. Il s’agit par exemple de la capacité de fixer les heures de travail, de définir les services qui seront fournis et de décider du travail qui sera accompli une certaine journée[7].

 

[24]    En l’espèce, il est très clair que l’appelant contrôlait la manière dont M. Timms faisait son travail, car c’est lui qui déterminait les heures de travail, les services à fournir et le travail à accomplir une certaine journée.

 

Propriété des instruments de travail :

 

[25]    Comme je l’ai précisé plus haut, c’est l’appelant qui fournissait la totalité des outils nécessaires aux travaux de peinture.

 

Possibilité de profit et risque de perte :

 

[26]    Dans une relation employeur-employé, c’est l’employeur qui assume le risque de perte et qui empoche les profits; l’employé n’a aucun risque financier puisqu’il touche son salaire indépendamment de la situation financière de l’employeur.

 

[27]    En l’espèce, M. Timms recevait un salaire horaire et ne pouvait toucher aucun profit ni subir de perte à l’égard des contrats de peinture.

 

[28]    À l’audience, l’appelant a souligné qu’il avait précisé à M. Timms qu’il serait un sous-traitant et non pas un employé et qu’il était convaincu que M. Timms avait accepté cet arrangement.

 

[29]    Le statut d’employé d’une personne était aussi en jeu dans l’affaire Standing c. Canada (Ministre du Revenu national)[8], où les parties ont convenu que Mme Standing était une employée. Lorsqu’il a dû trancher cette question, le juge Stone de la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

 

Rien dans la jurisprudence ne permet d'avancer l'existence d'une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égard aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l'arrêt Wiebe Door.

 

[30]    Une question similaire avait été posée à la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Nametco Holdings Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national)[9], où le juge Strayer s’est prononcé comme suit :

 

Tout d'abord, la présente Cour a depuis longtemps reconnu que la façon dont les parties qualifient leur lien n'est pas décisive.

 

CONCLUSION :

 

[31]    À la lumière des critères ci-dessus, je conclus que M. Timms était un employé de l’appelant pendant la période pertinente aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi du Canada et du Régime de pensions du Canada.

 

[32]    Les appels sont rejetés, le tout sans dépens.

 

Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 15e jour de janvier 2004.

 

 

« L.M. Little »

Juge Little

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de décembre 2004.

 

Jacques Deschênes, traducteur

 



[1] [1986] 3 C.F. 553, 70 N.R. 214, [1968] 2 C.T.C. 200, 87 DTC 5025 (C.A.F.).

[2] [2001] 2 R.C.S. 983, 204 D.L.R. (4th) 542.

[3] Sagaz, précitée.

[4] Sagaz, au par. 48.

[5] M.N.R. v. Jencan Ltd. (1997), 215 N.R. 352, 2 Admin. L.R. (2d) 152 (C.A.F.), au par. 24. Cité avec approbation dans l’arrêt Candor Enterprises Ltd. v. Canada (M.N.R.) (2000), 264 N.R. 149 (C.A.F.).

[6] Wiebe Door, à la p. 5027, cité dans les DTC.

[7] Voir Caron v. M.N.R. (1987), 78 N.R. 13 (C.A.F.).

[8] [1992] A.C.F. no 890.

[9] [2002] F.C.J. No. 1680.

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