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Dossier : 2003-869(EI)

ENTRE :

RÉGINALD DUCLOS,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

R. DUCLOS ENTREPRISES LTÉE,

intervenante.

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de R. Duclos Entreprises Ltée (2003‑872(EI)) le 30 septembre 2003 à Bathurst (Nouveau-Brunswick)

 

Devant : L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

Avocat de l'intimée :

Me Antonia Paraherakis

 

 

Représentante de l'intervenante :

Andrée Chiasson-Duclos

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L'appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 3e jour de février 2004.

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


 

 

 

Référence : 2004CCI62

Date : 20040203

Dossier : 2003-869(EI)

ENTRE :

RÉGINALD DUCLOS,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

R. DUCLOS ENTREPRISES LTÉE,

intervenante.

ET

Dossier: 2003-872(EI)

R. DUCLOS ENTREPRISES LTÉE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

RÉGINALD DUCLOS,

intervenant.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Savoie

 

[1]     Ces appels ont été entendus sur preuve commune à Bathurst (Nouveau‑Brunswick), le 30 septembre 2003.

 

[2]     Il s'agit d'appels portant sur l'assurabilité de l'emploi de Réginald Duclos, l'appelant, auprès de R. Duclos Entreprises Ltée, la payeuse, au cours des périodes en litige, soit du 13 avril 2000 au 14 avril 2001 et du 15 avril 2001 au 21 avril 2002, au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi »).

 

[3]     Le ministre du Revenu national (le « Ministre ») a informé l'appelant et la payeuse de sa décision selon laquelle l'emploi qu'occupait l'appelant chez la payeuse n'était pas un emploi assurable, au sens de l'alinéa 5(2)i) de la Loi, pendant les périodes en litige, puisque l'appelant et la payeuse avaient entre eux un lien de dépendance.

 

[4]     En rendant sa décision, le Ministre s'est basé sur les hypothèses de fait suivantes lesquelles ont été admises ou niées :

 

a)         la payeuse est une personne morale incorporée au mois de mars 1993 et dont l'unique actionnaire est Andrée Chiasson Duclos, l'épouse de l'appelant; (admis)

 

b)         la payeuse opère une entreprise de déblaiement de neige et de camionnage; (admis)

 

c)         la payeuse opère à partir de la résidence de l'appelant et de son épouse; (admis)

 

d)         la payeuse opère à l'année mais est plus occupée l'automne et l'hiver; (admis avec précisions)

 

e)         l'appelant est le principal employé de la payeuse et ses tâches consistent à opérer les machineries lourdes et à entretenir l'équipement de la payeuse, il effectue aussi les achats nécessaires à l'entretien de l'équipement; (admis)

 

f)          l'appelant fait aussi la culture du bleuet pour fin commerciale; (admis)

 

g)         l'appelant recevait un salaire hebdomadaire de 500,00 $ pendant les années 2000 et 2001 et de 600,00 $ pendant l'année 2002, pour des semaines de 50 à 80 heures; (admis)

 

h)         si les heures de travail de l'appelant étaient inférieures à 50 heures par semaine, il était rémunéré un taux horaire de 10 $ en 2000 et de 8 $ en 2001; (admis, mais de 8 $ à 10 $ en 2001)

 

i)          l'appelant ne recevait pas toujours ses payes à chaque semaine; (nié)

 

j)          l'appelant utilisait un des véhicules de la payeuse pour son usage personnel; (à quelques reprises)

 

k)         l'appelant et la payeuse échangeaient des services pour leurs opérations individuelles; (admis)

 

l)          la durée de l'emploi de l'appelant ne reflétait pas les besoins réels de la payeuse; (nié)

 

m)        l'appelant accomplissait aussi des tâches pour la payeuse sans recevoir de rémunération; (nié)

 

n)         l'appelant et la payeuse sont des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu; (admis)

 

o)         l'appelant et la payeuse ont entre eux un lien de dépendance; (admis)

 

p)         compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, il n'est pas raisonnable de conclure que l'appelant et la payeuse auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance. (nié)

 

[5]     Ainsi, l'appelant a admis les hypothèses énoncées aux alinéas a) à g), k), n) et o), a nié celles énoncées aux alinéas i), l), m) et p) et a voulu apporter certaines précisions à celles énoncées aux alinéas h) et j).

 

[6]     L'appelant a voulu préciser qu'il était rémunéré au taux de 8 $ à 10 $ l'heure en 2001 si ses heures de travail étaient inférieures à 50 par semaine. Par ailleurs, il a précisé que pendant les périodes en litige il a utilisé un des véhicules de la payeuse pour son usage personnel.

 

[7]     Après avoir étudié le dossier, le Ministre a conclu qu'il y avait un contrat de louage de services entre les parties concernées. Il a été établi que l'appelant était sous le contrôle de la payeuse, que tous les équipements étaient fournis par la payeuse et que l'appelant n'était pas dans une situation où il avait des chances de profit et encourait des risques de perte. En outre, le Ministre a décidé que le travail de l'appelant était essentiel à l'entreprise de la payeuse.

 

[8]     Ayant conclu qu'il existait un contrat de louage de services entre les parties, le Ministre a poursuivi son enquête dans le but de déterminer si l'emploi de l'appelant était exclu au sens de l'alinéa 5(2)i) de la Loi puisque les parties sont liées selon l'alinéa 251(2)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'appelant étant l'époux d'Andrée Chiasson-Duclos qui, elle, est l'actionnaire unique de la payeuse, R. Duclos Entreprises Ltée.

 

[9]     L'alinéa 5(2)i) de la Loi se lit comme suit :

 

5.(2) N'est pas un emploi assurable :

 

[...]

 

i) l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

[10]    En raison de ce qui précède, le Ministre a poursuivi son analyse pour faire la détermination que lui prescrit l'alinéa 5(3)b) de la Loi. Cet alinéa se lit comme suit :

 

(3)        Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

 

[...]

 

b)         l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[11]    Il a été établi que la rémunération de l'appelant était plutôt basse; celle-ci se chiffre au taux horaire de 7,05 $ pour un total de 600 $ par semaine et de 5,88 $ pour un total de 500 $ par semaine.

 

[12]    La payeuse ayant fourni certains documents à la demande du Ministre, celui‑ci, en examinant les chèques de paie de l'appelant pour les périodes en litige, a demandé une explication lorsqu'il a été découvert qu'à plusieurs reprises ces chèques portaient des numéros consécutifs et avaient tous été encaissés le même jour. L'unique actionnaire de la payeuse et épouse de l'appelant qui avait la tâche de préparer les paies, a expliqué qu'elle payait les factures une fois par mois et que c'était la raison pour laquelle les chèques portaient souvent des numéros consécutifs. Quant au fait que l'appelant encaissait les chèques à la même date, elle a déclaré que l'appelant en fournirait l'explication. À l'audition de ces appels, l'appelant a expliqué qu'il faisait des économies dans le « bas de laine » alors qu'aux enquêteurs il a expliqué qu'il n'avait pas le temps de les encaisser parce qu'il travaillait jusqu'à 85 heures par semaine.

 

[13]    Les explications données par l'appelant aux enquêteurs ont porté ces derniers à se demander de quoi vivait l'appelant puisque sa bleuetière avait enregistré des pertes de l'ordre de 20 239,95 $ en 2000 et de 15 699,37 $ en 2001. Par ailleurs, l'appelant a expliqué qu'il tirait des revenus sur la vente de bois coupé sur ses terres. Cependant, selon le Ministre, ces revenus n'apparaissent à nulle part dans la documentation fournie, ce qui porte à conclure que les explications données par l'appelant manquent de vraisemblance.

 

[14]    La preuve a révélé que l'appelant était le seul employé à bénéficier d'un salaire fixe. En outre, il a été le seul à recevoir une augmentation de salaire en 2002.

 

[15]    Selon le Ministre, après examen des documents fournis par la payeuse et qui portent la signature de l'appelant, ce dernier aurait travaillé bénévolement en dehors des périodes en litige. On a tenté d'expliquer en vain le fait que la date de signature par l'appelant sur certains documents ne correspondait pas avec celle où le service a été rendu, ce qui a amené la représentante du Ministre à dire qu'en l'absence de cette preuve, les dates apparaissant sur les documents devaient être reconnues comme exactes et qu'il en va de même pour l'hypothèse du Ministre. Par ailleurs, madame Andrée Chiasson-Duclos, l'unique actionnaire de la payeuse, a indiqué aux enquêteurs que l'appelant n'était jamais payé lorsqu'il était en « stand by » et, n'étant pas inscrit au livre de paie, qu'il rendait certains services à l'entreprise, tels que ramasser des pièces, signer des factures et faire des réparations à l'équipement, et ce à titre bénévole.

 

[16]    L'appelant a nié la présomption du Ministre à l'effet que la durée de son emploi, pendant les périodes en litige, ne correspondait pas aux besoins réels de la payeuse. Il est vrai que son relevé d'emploi attribuait sa mise à pied au manque de travail mais, selon les faits, l'appelant continuait à travailler, après sa mise à pied, et ce bénévolement.

 

[17]    Pour sa part, l'appelant a expliqué que lorsqu'il faisait ses courses, en dehors des périodes en litige, il lui arrivait de faire celles de la payeuse parce que « ça se trouvait sur son trajet » et qu'il « signait les commandes livrées à domicile ». Il faut noter cependant que plusieurs bons de livraisons portant la signature de l'appelant ne révèlent pas l'endroit où la signature a été obtenue.

 

[18]    Aux termes de l'alinéa 5(3)b) de la Loi, le Ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire en examinant les circonstances entourant l'emploi de l'appelant. Ainsi la preuve a révélé que la payeuse gérait son entreprise de son bureau situé dans la résidence où elle vivait avec l'appelant, son époux. La payeuse ne payait aucun loyer pour son bureau. Par ailleurs, il a été établi que l'appelant et la payeuse s'échangeaient des services; par exemple certaines factures de l'un étaient payées par l'autre et vice versa. Les parties ont expliqué ces circonstances à leur façon mais, à certaines occasions, avec difficulté. Ainsi on a voulu attribuer à l'appelant certains frais de location, facturés par erreur à la payeuse, mais après vérification le fournisseur a bel et bien précisé que la facture faite au nom de la payeuse représentait exactement la transaction telle que conclue et qu'il n'y avait pas lieu de la changer. Il convient de se demander quelle partie pouvait tirer avantage de l'affirmation de l'appelant.

 

[19]    Dans des circonstances semblables à celles dans le dossier sous étude, l'appelant a fréquemment recours à l'argument selon lequel les services rendus par lui, en dehors de la période d'emploi, sont tellement minimes, qu'on doit leur accorder peu d'importance. Dans ce conteste, il convient de citer un extrait de l'arrêt Théberge c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2002] A.C.F. no 464, où la Cour d'appel fédérale, sous la plume du juge Décary, disait ce qui suit, au paragraphe 19 :

 

                Ce que fait un prestataire en dehors de la période pendant laquelle il exerce un emploi que le ministre reconnaît être un emploi assurable peut être pertinent aux fins, par exemple, de vérifier son état de chômage, de calculer le montant de ses prestations ou d'établir sa période de chômage. Aux fins, toutefois, de l'application de l'exclusion prévue à l'alinéa 3(2)c) de la Loi, ce que fait le prestataire en dehors de sa période d'emploi sera de peu de pertinence lorsqu'il n'est pas allégué, comme en l'espèce, que le salaire versé pendant la période d'emploi tenait compte du travail accompli en dehors de cette période, que le demandeur avait inclus dans les heures consacrées à son emploi assurable des heures de travail qu'il avait effectuées en dehors de la période ou encore que du travail accompli en dehors de sa période d'emploi avait été inclus dans le travail accompli pendant sa période d'emploi. Il me paraît aller de soi, ce que confirme la preuve, que dans le cas d'entreprises familiales consacrées à du travail saisonnier, le peu de travail qu'il reste à faire en dehors de la période active est généralement fait, sans rémunération, par les membres de la famille. Exclure un emploi saisonnier, dans une entreprise familiale agricole, au motif que la traite des vaches continue à l'année, c'est à toutes fins utiles priver d'assurance-chômage les membres de la famille qui se qualifient en travaillant pendant la période active et c'est ignorer les deux caractéristiques principales d'une telle entreprise, soit son caractère familial et son caractère saisonnier.

 

[20]    L'appelant demande à cette Cour d'infirmer la décision rendue par le Ministre aux termes de l'alinéa 5(3)b) de la Loi.

 

[21]    Il convient de préciser que le pouvoir de cette Cour, sa portée et ses limites, a fait l'objet d'une étude par la Cour d'appel fédérale du Canada dans l'arrêt Procureur général du Canada et Jencan Ltd., [1998] 1 C.F. 187. Il est approprié de reproduire ces extraits pertinents du Juge en chef Isaac qui s'exprimait en ces termes :

 

                L’arrêt que notre Cour a prononcé dans l’affaire Tignish, précitée, exige que, lorsqu’elle est saisie d’un appel interjeté d’une décision rendue par le ministre en vertu du sous‑alinéa 3(2)c)(ii), la Cour de l’impôt procède à une analyse à deux étapes. À la première étape, la Cour de l’impôt doit limiter son analyse au contrôle de la légalité de la décision du ministre. Ce n’est que lorsqu’elle conclut que l’un des motifs d’intervention est établi que la Cour de l’impôt peut examiner le bien-fondé de la décision du ministre. Comme nous l’expliquerons plus en détail plus loin, c’est en limitant son analyse préliminaire que la Cour de l’impôt fait preuve de retenue judiciaire envers le ministre lorsqu’elle examine en appel les décisions discrétionnaires que celui-ci rend en vertu du sous‑alinéa 3(2)c)(ii).

 

[...]

 

[...] Comme il s'agit d'une décision rendue en vertu d'un pouvoir discrétionnaire, par opposition à une décision quasi-judiciaire, il s'ensuit que la Cour de l'impôt doit faire preuve de retenue judiciaire à l'égard de la décision du ministre lorsque celui-ci exerce ce pouvoir. Ainsi, lorsque le juge Décary, J.C.A., déclare dans l'arrêt Ferme Émile, [...] que ce type d'appel interjeté devant la Cour de l'impôt « s'apparente plutôt à une demande de contrôle judiciaire », il voulait simplement souligner, à mon humble avis, qu'on doit faire preuve de retenue judiciaire envers les décisions que le ministre rend en vertu de cette disposition à moins que la Cour de l'impôt ne conclue que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui est contraire à la loi.

 

[...]

 

Ainsi, en limitant la première étape de l'analyse de la Cour de l'impôt à un contrôle de la légalité des décisions rendues par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii), notre Cour a simplement appliqué des principes judiciaires acceptés dans le but de trouver le juste milieu entre le droit que possède le prestataire en vertu de la loi de faire contrôler la décision du ministre et la nécessité de faire preuve de retenue judiciaire à l'égard de celle-ci, compte tenu du fait que le législateur fédéral a conféré un pouvoir discrétionnaire au ministre en vertu de cette disposition.

 

Compte tenu de ce qui précède, le juge suppléant de la Cour de l'impôt n'était justifié d'intervenir dans la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) que s'il était établi que le ministre avait exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui était contraire à la loi. Et, comme je l'ai déjà dit, l'obligation d'exercer un pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire implique l'existence de motifs d'intervention spécifiques. La Cour de l'impôt est justifiée de modifier la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) - en examinant le bien-fondé de cette dernière - lorsqu'il est établi, selon le cas, que le ministre: (i) a agi de mauvaise foi ou dans un but ou un mobile illicites; (ii) n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, comme l'exige expressément le sous-alinéa 3(2)c)(ii); (iii) a tenu compte d'un facteur non pertinent.

 

[22]    La Cour d'appel fédérale s'est penchée sur une situation semblable dans l'arrêt Rockwood c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [2001] A.C.F. no 948, où le juge Sexton écrivait ce qui suit :

 

Le juge de la Cour de l'impôt a conclu qu'il incombait au demandeur d'établir que le ministre avait agi d'une façon capricieuse ou arbitraire et que le demandeur ne s'était pas acquitté de son fardeau de preuve. Il s'est fondé sur les arrêts suivants de la Cour : Tignish Auto Parts Inc. c. Ministre du Revenu national (1994), 185 N.R. 73 (C.A.F.) et Ferme Émile Richard et Fils c. Ministère du Revenu national (1994), 178 N.R. 361 (C.A.F.).

 

[...]

 

En l'absence du dossier dont il était saisi, nous ne pouvons être en désaccord avec la conclusion du juge de la Cour de l'impôt. Il peut seulement substituer sa décision à celle du ministre quand il est établi que le ministre a agi de mauvaise foi ou dans un but illicite, ou qu'il n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes : Canada (Procureur général) c. Jencan, [1998] 1 C.F. 187 (C.A.). Rien de cela n'a été établi en l'espèce.

 

[23]    Le bien-fondé de la législation et de la jurisprudence en matière de contrat de travail entre personnes liées a fait l'objet de commentaires du juge Hugessen dans l'arrêt Bérard c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1997] A.C.F. no 88 qui écrivait, entre autres, ce qui suit :

 

[...] Le but évident de la législation est d'exclure les contrats de travail entre des personnes liées qui ne sont pas de la même nature qu'un contrat normal conclu entre des personnes n'ayant pas un lien de dépendance entre elles. Il nous parait clair que ce caractère anormal peut aussi bien se manifester dans des conditions désavantageuses pour l'employé que dans des conditions favorables. Dans les deux cas, la relation employeur-employé n'est pas normale et il est permis de soupçonner qu'elle a été influencée par d'autres facteurs que les forces économiques du marché du travail.

 

[24]    En résumé, donc, il faut dire que cette Cour est justifiée de modifier la décision rendue par le Ministre en examinant le bien-fondé de cette dernière lorsqu'il est établi, selon le cas, que le Ministre a agi de mauvaise foi ou dans un but ou un mobile illicites, n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, ou a tenu compte d'un facteur non pertinent.

 

[25]    Il faut noter que dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le Ministre a considéré plusieurs facteurs. Il convient d'en énumérer quelques uns :

 

          1.       le travail en dehors des périodes, bénévolement;

 

          2.       le travailleur qui n'encaisse pas ses chèques régulièrement;

 

3.       le travailleur, lié au payeur, qui seul est rémunéré à salaire fixe et le seul à recevoir une augmentation de salaire;

 

          4.       l'échange de services entre le travailleur et le payeur.

 

[26]    Dans un cas semblable à celui sous étude, le juge Rowe de cette Cour a eu à se prononcer dans l'affaire Ostapowich c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1997] A.C.I. no 592. En voici un extrait pertinent :

 

            Les gens sont libres d’organiser leurs affaires comme ils l’entendent, en payant un salaire à des personnes liées et, pourvu que le travail soit fait et que les dépenses soient raisonnables, ils peuvent déduire ce coût de leur revenu. Toutefois, si les membres d’une famille veulent conclure entre eux des contrats de louage de services et établir une relation employeur-employé pour les besoins d’un emploi assurable aux termes de la Loi sur l’assurance‑chômage, ils doivent alors s’assurer que l’ensemble de la relation de travail satisfait aux exigences du sous-alinéa 3(2)c)(ii).

[...] Selon les circonstances, un problème d'assurabilité peut se poser lorsque le travailleur tarde à recevoir sa paie, lorsqu'il y a échange d'utilisation de biens sans compensation, lorsque des services sont fournis en dehors de la période pertinente visée par le règlement, lorsqu'un nombre exceptionnel d'heures de travail sont effectuées contre un trop faible salaire ou lorsque le nombre d'heures de travail est insuffisant par rapport au salaire versé, ainsi qu'en présence de divers autres facteurs pouvant influer sur la décision que le ministre doit rendre. [...]

 

[27]    L'appelant avait le fardeau de prouver la fausseté des présomptions du Ministre et que celui-ci n'avait pas agi selon les principes établis dans l'arrêt Jencan (supra). Il ne l'a pas fait.

 

[28]    Puisque l'appelant a admis la presque totalité des présomptions du Ministre, il faut rappeler que la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Elia c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1998] A.C.F. no 316 statuait que les présomptions du Ministre doivent être considérées comme avérées, pour autant que celles-ci n'ont pas été expressément réfutées par l'appelant.

 

[29]    L'appelant ne s'est pas acquitté de cette tâche.

 

[30]    Cette Cour est d'avis que les appelants n'ont pas réussi à prouver les motifs d'intervention tel que l'exige le principe établi dans Jencan (supra). Dans ces circonstances, cette Cour doit conclure que le bien-fondé de son intervention n'a pas été établi par les appelants. En conséquence, les appels sont rejetés et les décisions rendues par le Ministre sont confirmées.

 

Signé à Grand-Barachois (Nouveau-Brunswick), ce 3e jour de février 2004.

 

 

 

« S.J. Savoie »

Juge suppléant Savoie


RÉFÉRENCE :

2004CCI62

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-869(EI) et 2003-872(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Réginald Duclos et M.R.N. et R. Duclos Entreprises Ltée

R. Duclos Entreprises Ltée et M.R.N. et Réginald Duclos

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Bathurst (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

le 30 septembre 2003

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable S.J. Savoie, juge suppléant

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 3 février 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant Réginald Duclos :

L'appelant lui-même

 

 

Pour l'appelante R. Duclos Entreprises Ltée

Andrée Chiasson-Duclos

 

Pour l'intimé :

Me Antonia Paraherakis

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER:

 

Pour les appelants :

 

 

Nom :

 

 

Étude :

 

 

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

Pour les intervenants :

 

 

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