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Dossier : 2003-1829(IT)I

ENTRE :

ALINE RONDEAU,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 21 janvier 2004 à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Elio Cerundolo

 

Avocat de l'intimée :

Me Mounes Ayadi

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2000 est rejeté selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mai 2004.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

Référence : 2004CCI321

Date : 20040505

Dossier : 2003-1829(IT)I

ENTRE :

ALINE RONDEAU,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]     Dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 2000, l'appelante a réclamé une perte autre qu'une perte en capital de 28 381 $. Par avis de nouvelle cotisation en date du 28 janvier 2002, le ministre du Revenu national (le « Ministre ») lui a refusé la déduction de 28 381 $ réclamée à ce titre. Il semble que cette perte provenait d'une perte brute de 79 200 $ subie durant l'année d'imposition 1999. Suite à une opposition, le Ministre a établi une nouvelle cotisation accordant à l'appelante une perte brute au titre d'un placement d'entreprise de 30 288 $ pour l'année d'imposition 1999. Suite à cette nouvelle cotisation, aucune perte autre qu'en capital n'était disponible pour être reportée à des années subséquentes [1].

 

[2]     Pour établir la nouvelle cotisation du 28 janvier 2002, le Ministre s'est fondé notamment sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)         la perte brute au titre d'un placement d'entreprise de 79 200 $ concerne des prêts faits par l'appelante à la société « Les Vêtements Rewind Inc. » (ci-après la « Société ») dont les deux seuls actionnaires sont les fils de l'appelante;

 

b)         en tout temps pertinent, l'appelante n'était pas actionnaire de la Société et ne détenait aucune action de son capital-actions;

 

c)         la Société a débuté le 28 avril 1994 et elle a fait faillite le 5 mars 1999;

 

d)         selon les renseignements, obtenus de l'Inspecteur Général des Institutions Financières, la Société a été radiée d'office le 5 mai 2000;

 

e)         l'exercice financier de la Société se terminait le 28 février de chaque année;

 

f)          selon l'appelante, elle a prêté de l'argent à ses fils pour les aider dans leur compagnie et non dans le but de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

 

g)         entre 1995 et 1997, l'appelante a fait plusieurs chèques au nom de la Société pour des montants totalisant 79 200 $ (voir Annexe);

 

h)         l'appelante a soumis les pièces justificatives originales supportant ces prêts;

 

i)          l'appelante a soumis des contrats pour trois prêts, soit un de 10 000 $ (28 août 1995), un de 20 000 $ (15 mai 1996) et un autre de 30 000 $ (30 mai 1996), portant intérêt au taux annuel de 3,5 % avec mention que la Société s'engage à rembourser ces prêts à l'appelante dès qu'elle aura obtenu un prêt d'une institution financière;

 

j)          ces prêts ont été faits par l'appelante à la Société sans contrepartie ou avec une contrepartie insuffisante;

 

k)         le 28 août 1995, l'appelante a fait un chèque au nom de la Société de 10 000 $ mais les états financiers de la Société en date du 28 février 1996 ne mentionne aucun prêt d'un tiers;

 

l)          l'appelante a fait un chèque de 20 000 $ en date du 15 mai 1996 et un autre de 30 000 $ en date du 30 mai 1996 mais les états financiers de la Société au 28 février 1997 mentionnent un montant de 18 200 $ comme « Avance de tiers »;

 

m)        entre le mois de novembre 1997 et le mois de février 1998, l'appelante a fait plusieurs chèques à la Société totalisant la somme de 19 200 $ (aucun contrat, prêt sur demande, sans mention d'un taux d'intérêt) mais les états financiers de la Société au 28 février 1998 mentionnent un montant de 25 949 $ en tant que « Avance de tiers »;

 

n)         le 7 mai 1997, l'appelante obtenait un emprunt de 56 250 $ de la Banque Nationale du Canada mais aucune mention du but de l'emprunt n'est inscrits sur le billet à demande;

 

o)         le dernier chèque fait par l'appelante est daté du 3 février 1998 et aucun chèque n'a été émis après cette date;

 

p)         or, selon les derniers états financiers produits par la Société concernant l'exercice financier se terminant le 28 février 1998, les sommes dues aux actionnaires se chiffraient à 22 057 $ et les « Avances de tiers » s'élevaient à 25 949 $;

 

q)         le nom de l'appelante apparaît sur la liste des créanciers de la Société, préparée par le syndic, et le montant qui est dû à l'appelante selon cette liste est de 30 288,59 $;

 

r)          l'appelante a disposé de sa créance en faveur d'une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance;

 

s)         l'appelante n'a pas établi pour l'année en litige que ladite créance était mauvaise en vertu du paragraphe 50(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, et n'a pas fait ce choix dans ses déclarations de revenus antérieures.

 

[3]     La question en litige est donc de savoir si l'appelante est en droit de réclamer une perte autre qu'une perte en capital de 28 381 $ dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 2000. Afin de conclure par l'affirmative, l'appelante doit me convaincre des éléments suivants :

 

1) l'appelante avait une créance de 79 200 $ sur « Les Vêtements Rewind Inc. » (la « société »);

 

2) la créance a été contractée en vue de tirer un revenu d'entreprise conformément au sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »);

 

3) la société était une société admissible exploitant une petite entreprise;

 

4) la créance s'est avérée irrécouvrable en 2000.

 

[4]     L'intimée n'a pas mis en doute le fait que la société ait été une société admissible exploitant une petite entreprise. L'intimée a également admis que l'appelante avait fait le choix requis par le paragraphe 50(1) de la Loi. Par contre, l'intimée soutient que l'appelante n'avait pas une créance de 79 200 $ sur la société en ce que la créance fut remboursée à l'appelante en tout ou en partie et, dans le cas contraire, que cette créance n'était pas irrécouvrable en 2000[2]. Enfin, l'intimée affirme que les montants prêtés par l'appelante ne l'ont pas été en vue de tirer un revenu d'entreprise[3].

 

[5]     Il n'y a pas de doute, si créance il y a, que cette dernière était irrécouvrable en 2000 puisque la société débitrice envers l'appelante est devenue faillie le 5 mai 1999. Attendu que la faillite a éteint la dette de la société envers l'appelante, il y a lieu d'affirmer que la créance était irrécouvrable en 2000[4]. De ce fait, les questions en litige sont : (1) Est-ce que l'appelante avait une créance de 79 000$ sur la société? (2) Eest-ce que l'appelante a prêté la somme totale de 79 200 $ dans le but de gagner un revenu d'entreprise?

 

[6]     Comme je l'expliquerai subséquemment, l'appelante a prouvé sa créance de 79 200 $ sur la société. Par contre, l'analyse qui suit des contrats de prêt et du comportement de l'appelante à l'égard de ces prêts me pousse à conclure qu'il ne s'agissait pas de sommes prêtées en vue de gagner un revenu d'entreprise.

 

[7]     Les dispositions pertinentes au présent litige sont le paragraphe 50(1), l'alinéa 39(1)c) et le sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi. Ces dispositions se lisent comme suit :

 

50(1) Pour l'application de la présente sous-section, lorsque, selon le cas :

 

a)    un contribuable établit qu'une créance qui lui est due à la fin d'une année d'imposition (autre qu'une créance qui lui serait due du fait de la disposition d'un bien à usage personnel) s'est révélée être au cours de l'année une créance irrécouvrable;

 

b)    une action du capital-actions d'une société (autre qu'une action reçue par un contribuable en contrepartie de la disposition d'un bien à usage personnel) appartient au contribuable à la fin d'une année d'imposition et :

 

(i)    soit la société est devenue au cours de l'année un failli au sens du paragraphe 128(3),

 

(ii)   soit elle est une personne morale visée à l'article 6 de la Loi sur les liquidations, insolvable au sens de cette loi et au sujet de laquelle une ordonnance de mise en liquidation en vertu de cette loi a été rendue au cours de l'année,

 

(iii)   soit les conditions suivantes sont réunies à la fin de l'année :

 

(A)  la société est insolvable,

(B)  ni la société ni une société qu'elle contrôle n'exploite d'entreprise,

(C)  la juste valeur marchande de l'action est nulle,

(D)  il est raisonnable de s'attendre à ce que la société soit dissoute ou liquidée et ne commence pas à exploiter une entreprise,

 

le contribuable est réputé avoir disposé de la créance ou de l'action à la fin de l'année pour un produit nul et l'avoir acquise de nouveau immédiatement après la fin de l'année à un coût nul, à condition qu'il fasse un choix, dans sa déclaration de revenu pour l'année, pour que le présent paragraphe s'applique à la créance ou à l'action.

 

39(1) Pour l'application de la présente loi :

 

[...]

 

c)    une perte au titre d'un placement d'entreprise subie par un contribuable, pour une année d'imposition, résultant de la disposition d'un bien quelconque s'entend de l'excédent éventuel de la perte en capital que le contribuable a subie pour l'année résultant d'une disposition, après 1977 :

 

(i)    soit à laquelle le paragraphe 50(1) s'applique,

 

(ii)   soit en faveur d'une personne avec laquelle il n'avait aucun lien de dépendance,

 

d'un bien qui est :

 

(iii)   soit une action du capital-actions d'une société exploitant une petite entreprise,

 

(iv)  soit une créance du contribuable sur une société privée sous contrôle canadien (sauf une créance, si le contribuable est une société, sur une société avec laquelle il a un lien de dépendance) qui est :

 

(A)  une société exploitant une petite entreprise,

(B)  un failli, au sens du paragraphe 128(3), qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où il est devenu un failli pour la dernière fois,

(C)  une personne morale visée à l'article 6 de la Loi sur les liquidations qui était insolvable, au sens de cette loi, et qui était une société exploitant une petite entreprise au moment où une ordonnance de mise en liquidation a été rendue à son égard aux termes de cette loi,

 

sur le total des montants suivants :

 

(v)   dans le cas d'une action visée au sous-alinéa (iii), le montant de l'augmentation, après 1977, en vertu de l'application du paragraphe 85(4), du prix de base rajusté, pour le contribuable, de l'action ou de toute action (appelée une « action de rechange » au présent sous-alinéa) pour laquelle l'action ou une action de rechange a été remplacée ou échangée,

 

(vi)  dans le cas d'une action visée au sous-alinéa (iii) et émise avant 1972 ou d'une action (appelée « action de remplacement » au présent sous-alinéa et au sous-alinéa (vii)) qui a remplacé cette action ou une action de remplacement ou qui a été échangée contre l'une ou l'autre, l'ensemble des montants dont chacun représente un montant reçu après 1971, mais avant la disposition de l'action ou lors de cette disposition, ou un montant à recevoir au moment de cette disposition, à titre de dividende imposable sur l'action ou sur toute autre action pour laquelle l'action est une action de remplacement, par :

 

(A)  le contribuable,

(B)  son conjoint si le contribuable est un particulier,

(C)  une fiducie dont le contribuable ou son conjoint était bénéficiaire;

toutefois, le présent sous-alinéa ne s'applique pas à une action ou action de remplacement acquise après 1971 auprès d'une personne avec qui le contribuable n'avait aucun lien de dépendance.

 

(vii)  dans le cas d'une action à laquelle le sous-alinéa (vi) s'applique et lorsque le contribuable est une fiducie visée à l'alinéa 104(4)a), le total des montants dont chacun est un montant reçu après 1971 ou recevable au moment de la disposition par l'auteur (au sens du paragraphe 108(1)) ou par le conjoint de l'auteur à titre de dividende imposable sur l'action ou sur toute autre action à l'égard de laquelle elle est une action de remplacement,

 

(viii) le montant calculé à l'égard du contribuable en vertu du paragraphe (9) ou (10), selon le cas.

 

40(2) Malgré le paragraphe (1) :

 

[...]

 

g)    est nulle la perte subie par un contribuable et résultant de la disposition d'un bien, dans la mesure où elle est :

 

[...]

 

(ii)   une perte résultant de la disposition d'une créance ou d'une autre droit de recevoir une somme, sauf si la créance ou le droit a été acquis par le contribuable en vue de tirer un revenu (qui n'est pas un revenu exonéré) d'une entreprise ou d'un bien, ou en contrepartie de la disposition d'une immobilisation en faveur d'une personne avec qui le contribuable n'avait aucun lien de dépendance,

 

[...]

 

EST-CE QUE L'APPELANTE AVAIT UNE CRÉANCE DE 79 200 $?

 

[8]     L'appelante a prêté à la société plusieurs montants totalisant 79 200 $. Cette somme globale se ventile comme suit :

 

1.       le 28 août 1995 : Traite de 10 000 $ - contrat de prêt écrit;

2.       le 15 mai 1996 : Traite de 20 000 $ - contrat de prêt écrit;

3.       le 30 mai 1996 : Traite de 30 000 $ - aucun contrat écrit;

4.       le 12 novembre 1997 : Chèque de 7 000 $ - aucun contrat écrit;

5.       le 5 décembre 1997 : Chèque de 5 000 $ - aucun contrat écrit;

6.       le 16 décembre 1997 : Chèque de 1 000 $ - aucun contrat écrit;

7.       le 21 décembre 1997 : Chèque de 1 200 $ - aucun contrat écrit;

8.       le 29 décembre 1997 : Chèque de 3 000 $ - aucun contrat écrit;

9.       le 3 février 1998 : Chèque de 2 000 $ - aucun contrat écrit.

 

[9]     Les contrats de prêt de 10 000 $ et de 20 000 $ respectivement ont été prouvés par le dépôt en preuve des écrits constatant ces contrats. Il s'agit d'actes sous seing privé qui font preuve de l'acte juridique qu'ils renferment[5].

 

[10]    En ce qui concerne les autres contrats de prêt, bien que la valeur du litige excède 1 500 $, la preuve de ces actes juridiques peut se faire par témoignage lorsqu'il existe un commencement de preuve[6]. En l'espèce, l'appelante avait signé en faveur de la société une traite de 30 000 $ de même que six chèques de divers montants. Sur cette traite et sur chacun des chèques se retrouve la mention « prêt ». Cette traite et ces chèques constituent donc des éléments matériaux servant de commencement de preuve donnant ainsi ouverture à une preuve par témoignage[7].

 

[11]    Dans son témoignage, l'appelante a affirmé que les montants prêtés à la société sans contrat écrit l'ont été aux mêmes conditions que les prêts constatés par écrit[8]. L'appelante a expliqué que les intérêts et le capital étaient dus en même temps[9] et que les prêts étaient conditionnels à ce que la société obtienne un prêt d'une institution bancaire[10].

 

[12]    Compte tenu du témoignage de l'appelante et considérant que sa crédibilité n'est pas mise en doute, je suis d'avis que l'appelante a prouvé l'existence des contrats de prêt non constatés par écrit. 

 

[13]    Les contrats de prêt écrits ne sont pas identiques, puisque leur libellé est différent. De ce fait, une interprétation de ces contrats écrits est requise afin de déterminer les modalités des contrats de prêt verbaux qui auraient été conclus selon les mêmes conditions. Puisque la preuve par témoignage est également admise lorsqu'il s'agit d'interpréter un écrit[11], le témoignage de l'appelante est pertinent à l'interprétation des contrats de prêt constatés par écrit et conséquemment à l'interprétation des contrats de prêt verbaux.

 

Contrat de prêt du 28 août 1995

 

[14]    Le contrat de prêt du 28 août 1995 comportait la clause suivante :

 

Les Vêtements Rewind, représenté par Marc Améziane président, convient que le $10,000. portera intérêt au taux de 3.5 % l'an, jusqu'au moment de l'obtention d'un prêt d'une institution bancaire.

 

[15]    Ce premier contrat de prêt fixait un terme extinctif à l'égard des intérêts. Le prêt portait intérêts à compter de la remise de l'argent (puisqu'il n'y a pas d'indication contraire) et ce, jusqu'au moment de l'obtention, par la société, d'un prêt bancaire. Ainsi, l'obligation de la société de payer des intérêts au taux de 3,5 % l'an devait s'éteindre à l'arrivée du terme, qui était l'octroi d'un prêt par une institution bancaire[12].

 

[16]    Malgré la prétention de l'appelante voulant que l'obtention d'un prêt bancaire ait été une condition au prêt, cette condition était un événement futur et certain pour les parties au contrat de prêt[13]. De ce fait, il ne pouvait s'agir d'une obligation conditionnelle, qui nécessite que l'obligation dépende d'un événement futur et incertain[14]; il s'agissait plutôt d'une obligation à terme. À cet effet, je me réfère aux propos des professeurs Pineau et Gaudet concernant les caractéristiques de l'obligation conditionnelle[15] :

 

L'événement doit être incertain : s'il ne l'était pas, s'il devait nécessairement se produire un jour, on serait en présence d'un terme et non point d'une condition. On peut se heurter, parfois, à une difficulté d'interprétation lorsque la formulation de l'engagement manque de précision: « Je m'engage à vous payer telle somme dès que je le pourrai ». On pourrait prétendre qu'il s'agit d'une obligation conditionnelle : il n'est pas certain que je puisse, un jour, vous payer, mail il est plus vraisemblable qu'il s'agisse d'une obligation à terme : dans l'esprit des parties, viendra nécessairement un jour où le débiteur pourra payer; certes, le moment est indéterminé, mais il est certain. C'est la solution retenue à l'article 1512, al. 2 C.c.Q.

 

[17]    Le professeur Pierre-Gabriel Jobin ainsi que l'honorable Jean‑Louis Baudouin opinent dans le même sens[16] :

 

Tout comme la condition, le terme est un événement futur mais, à la différence de celle-ci, c'est un événement qui est de réalisation certaine. Le terme peut être fixe ou non selon que, dès le moment de la conclusion de l'obligation, la date d'échéance est connue et déterminée ou qu'elle ne l'est pas. Payer dans un an est donc un terme fixe ou déterminé, alors que payer au décès d'une personne ne l'est pas puisque, même s'il est sûr que cette personne décèdera, la date exacte de sa mort reste indéterminée. La jurisprudence, sous le régime du Code civil du Bas-Canada, a éprouvé parfois certaines difficultés à distinguer le terme de la condition, le premier étant parfois stipulé à la façon d'une condition. L'obligation pour un débiteur de payer « quand il le pourra », ou « quand il en aura les moyens », ne constitue pas une obligation conditionnelle potestative, mais bien une obligation à terme; alors le tribunal est parfois obligé d'intervenir pour déterminer si, dans les faits, le terme est effectivement arrivé.

 

[18]    Dans l'affaire Rosenbloom c. Québec (sous-ministre du Revenu), [1997] A.Q. no 197 (C.A.Q.), le juge Biron de la Cour d'appel du Québec se prononçait sur la distinction entre la condition suspensive et l'obligation à terme. Le juge Biron affirmait[17] :

 

Dans l'affaire Venne c. Québec (CPTA), [1989] 1 R.C.S. 880, la Cour suprême avait à distinguer entre une obligation conditionnelle suspensive et une obligation à terme.

 

Les faits de cet arrêt peuvent se résumer très sommairement ainsi :

 

Le 14 mai 1977, l'intimé achète de Winzen, une société commerciale spécialisée dans l'achat et la vente de propriétés immobilières pour fins de développement résidentiel, deux lots subdivisés et signe un contrat de vente type.  En vertu de cette convention, l'intimé s'engage à payer le prix d'achat en 84 mensualités.  De son côté, Winzen conserve la propriété de ces deux lots et ne s'engage à en transférer la propriété qu'après paiement complet des mensualités.

 

Le juge Beetz qui a rendu le jugement de la Cour donne son approbation à la p. 900, au passage suivant de l'opinion du juge McCarthy de notre Cour :

 

À mon avis et avec respect pour l'opinion contraire, il n'est pas question ici d'une obligation conditionnelle; par conséquent, la rétroactivité prévue par l'article 1085 C.C. ne s'applique pas. La « condition »" dont il est question aux articles 1079 et sqq. du Code civil est « un événement futur et incertain » dont dépend l'existence d'une obligation.  Le paiement du prix par Venne ne tombe pas dans cette catégorie : Venne était obligé de payer le prix, tout comme la compagnie Winzen était obligée de transférer l'immeuble, dans un certain délai.  Les obligations de part et d'autre étaient des obligations à terme (art. 1089 et sqq. C.C.) non pas des obligations conditionnelles.  Elles ont existé dès la signature du « Contract for Deed » même si leur exécution était suspendue.  De même pour ce qui est des droits correspondant aux obligations.

 

Le juge Beetz cite à l'appui de son opinion, les passages suivants d'un article intitulé « Réflexions d'un civiliste sur la clause de réserve de propriété » écrit par le professeur Jacques Ghestin dans Recueil Dalloz Sirey, 1981, Chronique-I, aux pp. 4 et 5 :

 

On a fait valoir qu'il ne pourrait s'agir cependant d'un terme car le paiement du prix, surtout dans les relations commerciales, serait un événement incertain.  L'auteur d'une étude récente et remarquée insiste également sur le fait que  « dans les ventes à crédit [...] la solvabilité des acheteurs, surtout commerçants, est précaire et d'évaluation difficile ». Mais c'est pour en déduire qu'il serait « sans précédent de faire dépendre le transfert de propriété d'un événement aussi incertain ».  En réalité s'il est exact que le caractère incertain de l'événement considéré constitue bien le critère permettant de distinguer la condition du terme encore faut-il préciser sa portée.

 

Pour qu'il puisse s'agir d'une condition il faut, tout d'abord, que l'événement soit objectivement incertain. C'est ainsi que la mort d'une personne déterminée ne peut jamais constituer une condition, car elle est certaine, même si sa date est incertaine et constitue, de ce fait, un terme incertain.  Mais cette incertitude objective n'est pas suffisante, il faut encore que les parties n'aient pas tenu la réalisation de l'événement pour certaine.

 

Dans la vente à crédit, le paiement du prix n'est pas envisagé comme une simple éventualité, mais comme une certitude.  L'obligation de l'acheteur n'est pas conditionnelle, mais pure et simple; et le fait qu'à l'échéance il puisse se révéler insolvable ne change rien à cette qualification. S'il en était autrement toutes les ventes à crédit n'engendreraient que des obligations conditionnelles. On aggraverait encore l'usage abusif de ce mot qui a été dénoncé à juste titre.

 

J'entends appliquer ces principes aux faits de l'espèce.

 

[19]    En somme, le contrat de prêt du 28 août 1995 prévoyait que le capital prêté portait intérêts jusqu'à l'arrivée du terme, soit l'obtention d'un prêt d'une institution bancaire.

 

[20]    À l'opposé, ce même contrat de prêt ne prévoyait rien quant à l'exigibilité des intérêts. Le paiement des intérêts était donc une obligation pure et simple susceptible d'exécution immédiate[18]. Le même commentaire vaut à l'égard de l'exigibilité du capital prêté puisque le contrat de prêt ne prévoyait également rien à ce sujet. Conséquemment, le prêt était à demande, et l'appelante aurait donc pu exiger le remboursement des intérêts et du capital à tout moment. De même, la société aurait pu rembourser les sommes dues en tout temps.

 

Contrat de prêt du 15 mai 1996

 

[21]    Le contrat de prêt du 15 mai 1996 prévoyait notamment :

 

2. Remboursement.

 

L'Emprunteur convient que ledit capital de vingt mille dollars (20,000.00 $) portera intérêt au taux de trois et demi pour cent (3,5 %) l'an.

 

2.1 L'intérêt courra à compter de la date du versement du montant ci-haut mentionné.

 

2.2 L'Emprunteur s'oblige à rembourser le présent prêt dès qu'il obtiendra un prêt d'une institution financière.

 

3. Déchéance du terme.

 

Advenant l'inexécution par l'Emprunteur de l'une ou l'autre des obligations des présentes, le Prêteur aura le choix d'exiger le remboursement de sa créance.

 

[22]    En vertu de ce contrat de prêt, les intérêts couraient à compter du versement du montant de 20 000 $[19] et ce, jusqu'au remboursement du capital[20].

 

[23]    De plus, le remboursement de la somme prêtée et conséquemment l'exigibilité de cette somme étaient suspendus jusqu'à l'arrivée d'un terme qui était le moment de l'obtention d'un prêt bancaire[21]. Ainsi, la somme de 20 000 $ portait intérêts au taux de 3,5 % l'an jusqu'au plein remboursement de la somme prêtée qui serait, elle, exigible à compter de l'obtention d'un prêt bancaire par la société.

 

Contrats de prêt verbaux

 

[24]    Il est ardu de déterminer les modalités des contrats de prêt verbaux puisque l'appelante a affirmé qu'elles étaient identiques à celles des contrats de prêt écrits. Or, les deux contrats de prêt écrits comportent des divergences en raison de leur libellé respectif. Je dois donc, afin de déterminer les conditions des prêts non constatés par écrit, m'en remettre au témoignage de l'appelante, aux contrats écrits, de même qu'aux règles supplétives du C.c.Q. puisque[22] :

 

[O]n tient compte, dans l'interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l'interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu'il peut avoir reçue, ainsi que des usages.

 

[25]    L'appelante a expliqué que les intérêts et le capital étaient payables en même temps et que le prêt était conditionnel à ce que la société obtienne un prêt bancaire. À nouveau, je réitère ma position que le prêt n'était pas conditionnel à l'obtention d'un prêt d'une institution financière, mais plutôt que le remboursement de ce prêt était soumis à un terme suspensif : l'octroi d'un prêt d'une institution bancaire.

 

[26]    Je conclus donc que les contrats de prêt non constatés par écrit comprenaient les conditions suivantes :

 

- le capital portait intérêts au taux de 3,5 % l'an à compter de la remise des sommes prêtées;

- les intérêts couraient jusqu'au plein remboursement du capital;

- les intérêts étaient payables en même temps que le capital;

- le capital devenait dû et exigible lors de l'obtention d'un prêt par une institution bancaire;

- à défaut de l'obtention d'un prêt bancaire, le capital était dû et exigible immédiatement.

 

[27]    De surcroît, j'ajouterai que l'ensemble de la preuve et particulièrement le témoignage de l'appelante, dont la crédibilité n'est pas mise en doute, me porte à conclure que l'appelante n'a jamais été remboursée de sa créance. L'appelante avait donc une créance de 79 200 $ sur la société.

 

LES PRÊTS ONT-ILS ÉTÉ CONSENTIS DANS LE DESSEIN DE TIRER UN REVENU D'ENTREPRISE?

 

Les contrats de prêt

 

[28]    Les modalités de ces contrats de prêt me poussent à croire que l'appelante n'a pas consenti ces prêts en vue de tirer du revenu d'entreprise.

 

[29]    D'une part, les prêts ont été faits sans garantie pour l'appelante. D'autre part, le taux d'intérêt prévu (3,5 %) était relativement faible considérant que le taux d'intérêt légal est fixé à 5 %[23]. Enfin, en ce qui a trait au contrat de prêt du 28 août 1995, les intérêts ne couraient que jusqu'à l'obtention d'un prêt bancaire. Ainsi, le prêt devenait sans intérêt à compter de l'obtention d'un prêt bancaire jusqu'au plein remboursement de la créance[24]. Bien qu'un prêt sans intérêt puisse avoir été consenti en vue de tirer du revenu d'entreprise, il faut alors que le prêt puisse rapporter un revenu d'entreprise d'une autre façon, tels des dividendes ou une augmentation salariale[25]. Ce n'était pas le cas en l'espèce, puisque l'appelante n'était pas actionnaire, administratrice ou employée de la société. Le seul revenu d'entreprise possible découlant de ces prêts était les intérêts sur le capital prêté. À défaut de ces intérêts, l'appelante ne pouvait tirer aucun revenu de la société.

 

Comportement de l'appelante

 

[30]    Si les termes des contrats de prêt sont des indices de l'absence d'une intention véritable de tirer un revenu d'entreprise de la part de l'appelante, le comportement de cette dernière relativement à ces contrats de prêt en est la confirmation.

 

[31]    L'appelante n'est ni employée ni administratrice ni actionnaire de la société. Par ailleurs, la société est dirigée par ses deux actionnaires : les fils de l'appelante. Dans son témoignage, l'appelante a affirmé qu'elle avait prêté ces sommes d'argent à la société plutôt qu'à ses fils, et ce, dans le but de faire un léger gain[26]. Par contre, l'appelante a admis avoir effectué ces prêts parce que ses fils lui en ont fait la demande et afin de leur permettre d'obtenir un prêt bancaire. L'appelante a affirmé: « Parce que, sans ça, je n'aurais pas prêté. »[27]

 

[32]    L'appelante a expliqué que les prêts étaient conditionnels[28] à l'obtention d'un prêt bancaire. Or, l'appelante n'a effectué aucun réel suivi afin de savoir si la société avait effectivement obtenu un prêt bancaire, ni même afin de savoir si la société tentait d'obtenir un prêt bancaire. L'appelante ne savait pas à quelles institutions financières la société s'adressait. Tout au plus, l'appelante supposait que la société avait effectivement fait une demande de prêt[29]. Ce manque de suivi de la part de l'appelante découlait de la confiance qu'elle avait en ses fils et, de ce fait, en la société[30]:

 

Q. Donc, est-ce qu'on peut dire que, tout simplement, vous n'avez pas vérifié parce que vous faisiez confiance à vos fils?

 

R. Ah! bien, c'est sûr que je faisais confiance parce que je savais qu'ils étaient pour me remettre l'argent.

 

[33]    À l'audition, l'appelante ne savait toujours pas si la société avait ou non obtenu un prêt d'une institution bancaire. La dernière fois où l'appelante s'est enquise du prêt remonte à l'an 1998, où elle n'avait posé aucune question relative à l'obtention d'un prêt bancaire[31] :

 

Q. Ça veut dire qu'ils ont obtenu du prêt de la banque?

 

R. Je ne le sais pas du tout.

 

[...]

 

Q. Est-ce que vous aviez encore posé la question qu'est-ce qui arrive avec votre prêt?

 

R. Non. La dernière fois que je leur ai demandé, c'est en 98.

 

Q. O.K.

 

R. À la fin de l'année 98.

 

Q. Puis qu'est-ce qui...

 

R. J'ai dit: « Vous allez me rembourser, toujours? »

 

Q. Oui.

 

R. Ça fait qu'ils m'ont dit oui.

 

Q. Non, non, mais est-ce que vous avez demandé si la compagnie a obtenu un prêt?

 

R. Non, ça, je n'ai pas demandé ça en 98.

 

Q. O.K. Mais en 96 et en 97, quand vous voyez la compagnie fonctionner puis que, à un moment donné, vous posez la question : est-ce que vous avez obtenu un prêt? Ou, à un moment donné, eux autres vous demandent : prêtez-nous de l'argent parce qu'on attend encore le prêt, mais vous voyez la compagnie fonctionner, est-ce que vous avez demandé : comment vous fonctionnez, où est-ce que vous trouvez l'argent?

 

R. Non, je ne leur ai pas demandé ça.

 

[34]    L'appelante a affirmé n'avoir reçu aucune somme d'argent en remboursement du capital ou des intérêts sur le capital[32]. Néanmoins, le témoignage de Marc Améziane démontre que la société avait obtenu un financement entre le 28 août 1995 (jour du premier prêt de l'appelante à la société) et le 5 mars 1999 (jour de la faillite de la société) [33]. M. Améziane a expliqué que la société n'a pu rembourser l'appelante car elle n'avait obtenu qu'une marge de crédit. Ainsi, la société n'avait pas les fonds pour rembourser l'appelante[34] :

 

Q. Pourquoi vous ne l'avez pas remboursée? Est-ce que vous avez obtenu un prêt d'une banque?

 

R. On n'a pas obtenu de prêt de banque. On a eu des marges de crédit, mais on n'a pas eu accès à du nouvel argent. Simplement, ce qu'ils nous permettaient, c'était d'acheter nos produits jusqu'à une certaine limite, mais nous, ce qu'on avait besoin, c'était un prêt additionnel.

 

[...]

 

Q. Une marge de crédit, là...

 

R. Oui?

 

Q. Ce n'est pas une forme de financement?

 

R. C'est une forme de financement.

 

Q. Bon, O.K.

 

R. Mais ce n'est pas... Dans l'entente que j'ai avec ma mère, c'est lorsque j'ai de l'argent neuf qui peut le remplacer qu'on va le remplacer.

 

Q. Ah!

 

R. C'est ça qu'on veut... Un prêt bancaire, si j'avais un prêt bancaire, c'est simple : oui, je peux la rembourser. C'est conditionnel à ce que la banque accepte que je la rembourse.

 

[...]

 

Q. Bon. Là, « emprunts bancaires », là, on a dit tantôt que 96, on était à 184 208 $; 97, on est rendu à 401 000 $ puis, là, 98, on est rendu à 514 234 $.

 

R. Oui.

 

Q. Est-ce que vous allez me dire encore que tout ça encore, ce n'est pas des prêts bancaires, ça, 514 000 $ de banque... d'argent de banque?

 

R. Oui, mais ce n'est pas nécessairement, que ce soit prêts ou quoi que ce soit, que je suis capable de rembourser ma mère, parce que j'ai cette dette-là à payer aux banques.

 

Q. Oui. Mais vous avez dit...

 

R. Si je... ce montant-là...

 

Q. Oui, mais vous avez dit à votre mère, quand vous lui avez prêté [sic] la première puis la deuxième puis la troisième, qu'on va vous rembourser lorsqu'on va obtenir du financement d'une compagnie... d'une banque...

 

R. Oui, mais si...

 

Q. Là, vous êtes rendu à 514 000 $ puis vous ne l'avez pas remboursée?

 

R. Parce que je ne suis pas capable de la rembourser. J'ai des...

 

[35]    Dans son témoignage, M. Améziane a ajouté que la société n'avait pu rembourser l'appelante parce que la Caisse de dépôt, qui était devenue « partenaire » de la société, refusait que les créanciers soient remboursés[35] :

 

Q. Pourquoi vous n'avez pas repayé votre mère si la compagnie était avec des problèmes?

 

R. En 98, on avait l'intention de la rembourser. On a eu la Caisse de dépôt qui est devenue partenaire avec nous – pas actionnaire, mais partenaire – pour nous aider à notre croissance, sauf qu'une des conditions de la Caisse de dépôt, c'est qu'on verse... qu'on ne paie aucune somme à aucun prêteur jusqu'à tant que la situation soit rétablie, et eux acceptaient de nous donner de l'argent pour permettre la croissance de la compagnie.

 

[36]    De ces faits, le terme suspendant l'exigibilité des prêts était arrivé puisque la société avait obtenu un prêt bancaire, sinon plusieurs. Le fait que la société n'ait pas eu les moyens financiers ou même la permission de rembourser l'appelante, malgré l'obtention de ces prêts bancaires, n'affecte pas l'arrivée du terme et conséquemment le droit de l'appelante de réclamer les sommes dues[36]. Néanmoins, l'appelante a choisi de simplement demander à ses fils si et quand elle allait être payée, sans pour autant faire de réel suivi[37].

 

[37]    En mars 1999, l'appelante apprenait qu'elle ne serait pas remboursée en raison de la faillite de la société[38]. L'appelante n'a fait aucune réclamation lors de la faillite de la société puisque cette dernière ne détenait pas suffisamment de fonds pour rembourser les créanciers garantis. Ainsi, l'appelante n'avait aucune chance d'être payée car elle n'était pas créancière garantie[39]. La liste des créanciers établie par le syndic de faillite mentionnait l'appelante à titre de créancière mais, curieusement, fixait sa créance à 30 288,59 $ plutôt que 79 200 $. L'appelante a expliqué que malgré ses efforts, elle n'a jamais su pourquoi la liste des créanciers indiquait que sa créance était de  30 288,59 $ au lieu de 79 200 $[40].

 

Jurisprudence

 

[38]    Dans l'affaire Lowery c. M.N.R., no 84-1927(IT), 15 août 1986, 86 DTC 1649, le juge Sarchuk de cette cour rejetait l'appel au motif que la relation familiale entre l'appelant et son fils avait motivé l'octroi d'une garantie de la part de l'appelant. Ainsi, ce dernier n'avait pas de véritable intention de tirer un revenu d'entreprise. Dans ses motifs, le juge Sarchuk soutenait qu'il est pertinent de considérer l'intention de l'appelant au moment de l'octroi du prêt ou de la garantie de même que le comportement de celui‑ci subséquemment (je souligne)[41] :

 

D'après les preuves présentées, je ne suis pas convaincu que le cautionnement a été accordé dans un but commercial. Je suis du même avis que le procureur de l'intimé, selon lequel il ne suffit pas d'alléguer de manière générale que l'appelant prévoyait une certaine participation aux profits de Threads à un moment ultérieur et, sur la base de cette allégation, prétendre que l'appelant s'attendait à une certaine compensation en échange du cautionnement. Aucune entente n'a été faite relativement aux intérêts. Aucune entente n'a été faite relativement au remboursement en cas de défaut de paiement par Threads. Il n'y avait aucune entente, orale ou écrite, prévoyant les conditions de participation de l'appelant. Aucun mécanisme n'avait été prévu pour permettre à l'appelant de déterminer le niveau de bénéfices que Threads devrait atteindre avant qu'il puisse appliquer son prétendu droit de participer aux bénéfices. L'appelant a fait savoir que les entreprises familiales n'avaient que faire des ententes écrites. Pourtant, cette déclaration est en quelque sorte en contradiction avec la façon dont il avait préparé, avec documents à l'appui, son projet d'investissement dans l'entreprise Empire. À mon sens, la participation de l'appelant dans cette affaire ne comporte aucune des caractéristiques propres aux transactions commerciales.

 

            En outre, les dépositions des témoins relativement au partage des bénéfices sont contradictoires. Glenn a déclaré que cette question n'avait pas été abordée alors que Joanne soutient qu'une entente avait été conclue. Joanne a affirmé que Glenn et elle devaient se partager les bénéfices de manière égale. Or, l'état financier de Threads en date du 31 juillet 1979, pièce A-3, indique que le revenu net de Threads a été partagé à raison de 70% pour Glenn et 30% pour Joanne. Quant au témoignage de M. Betton, il est un fait que la participation de ce dernier à Threads a été minime. Je suis obligé de conclure que son témoignage relativement au droit de l'appelant de participer aux bénéfices de Threads repose sur ouï-dire.

 

            Si la date pertinente en ce qui a trait au critère visant à déterminer si l'intention était d'obtenir un revenu est le moment où le cautionnement a été accordé, il convient dans cette affaire d'examiner également les mesures prises par l'appelant une fois qu'il a été sommé par la banque de rembourser la dette. Aucune mesure commerciale normale n'a été prise en vue d'exiger des associés le remboursement de la créance. Cette attitude met en question non seulement les critères retenus par l'appelant pour déterminer que la créance devait être déclarée créance non recouvrable au cours de cette année, mais nous porte également à penser que le risque inhérent au cautionnement trouvait sa justification uniquement dans la relation entre le père et le fils et qu'elle n'a absolument pas été accordée pour des raisons commerciales d'affaires.

 

[39]    Dans l'affaire O'Blenes c.  M.R.N., no 88–428 (IT), 18 décembre 1989, 90 DTC 1068, le juge Garon, tel était son titre à l'époque, souscrivait aux propos du juge Sarchuk en se référant, entre autres, à sa décision dans l'affaire Lowery. Selon le juge Garon, l'appelante n'avait pas l'intention de tirer un revenu d'entreprise lorsqu'elle a garanti la marge de crédit de la société débitrice. De ce fait, ses agissements ultérieurs ne pouvaient modifier cette absence d'intention initiale. Le juge Garon soutenait (je souligne)[42] :

 

D'après l'ensemble de la preuve, il est évident que, lorsque l'appelante a accepté de garantir la marge de crédit de Glenwood et de nantir les dépôts à terme en question par l'entremise de son mari, elle n'a pas été motivée par les avantages qu'elle pourrait obtenir. Elle n'avait aucun objective commercial pour elle-même. La situation familiale a joué un rôle-clé. Elle voulait aider Glenwood, dont le tiers des actions appartenaient à son mari. En outre, cette entreprise était également, à cette époque, l'employeur de son mari.

 

            Lorsqu'il est fait mention, au sous-alinéa 40(1)g)(ii), du but de l'acquisition d'une créance, il s'agit évidemment du but du créancier de tirer un revenu pour son propre compte. L'avantage indirect que l'appelante obtiendrait en donnant une aide financière à une entreprise qui, à son tour, obtiendrait un avantage financier direct pour son mari est définitivement trop éloigné pour respecter les exigences de cette disposition.

 

            L'appelante a soutenu que, en 1981, à la suite du contrat de prèt hypothécaire en date du 1er juin 1981 et de la débenture du 18 juin 1981, elle a reçu une rétribution. Il est évident que ces deux actes auraient permis à l'appelante de recvoir un avantage important si Glenwood avait pu survivre et lui payer sa dette. Toutefois, comme l'a souligné le juge Sarchuk dans l'affaire Hugh Lowery, dont je reparlerai plus loin, le moment critique auquel le but de l'appelante doit être examiné est celui où elle a accordé la garantie et nanti ses dépôts à terme. Près de deux ans après s'être engagé à aider Glenwood, elle a pris des mesures pour protéger sa situation lorsque les activités de Glenwood ont été refinancées. Cette action tardive n'avait rien à voir avec la raison pour laquelle elle a accepté en premier lieu d'accorder la garantie et de nantir ses dépôts à terme. La preuve indique clairement qu'en 1981, l'appelante n'était pas libérée de la garantie qu'elle avait accordée à la Banque. L'hypothèque et la débenture que Glenwood a données ne se rapportaient pas à une nouvelle garantie fournie à la Banque ou à un nouveau nantissement des dépôts à terme. L'appelante n'a pas fait de nouvelle injection de capitaux dans l'entreprise de Glenwood.

 

            En me fondant sur l'ensemble de la preuve, j'en viens à la conclusion que l'appelante n'a pas prouvé que, lorsqu'elle s'est engagée à accorder la garantie à la Banque et à nantir à celle-ci ses dépôts à terme, elle visait à obtenir un gain financier ou une récompense pour elle-même. Si louables étaient-ils, ses motifs étaient personnels.

 

[40]    En conséquence, un contribuable ne peut déduire une somme à titre de perte autre qu'une perte en capital que si il ou elle avait, lors de l'octroi du prêt ou de la garantie, une véritable intention d'en tirer un revenu d'entreprise : cette intention ne peut naître par la suite. Par ailleurs, le comportement du contribuable, à la suite de l'octroi du prêt ou de la garantie, pourra être indicateur de cette absence initiale d'intention de tirer un revenu d'entreprise.

 

[41]    Il importe de souligner qu'il n'est pas nécessaire que cette intention initiale de tirer un revenu d'entreprise soit le motif principal de l'octroi du prêt ou de la garantie. Une intention secondaire suffit. C'est ce qu'a affirmé la Cour d'appel fédérale, sous la plume du juge Rothstein, dans l'affaire Rich c. Canada, [2003] 3 C.F. 493 (je souligne)[43] :

 

[...] Le ministre concède que, bien qu'il ne soit pas nécessaire que l'objet exclusif ni même l'objet premier du prêt soit de tirer un revenu, cela suffit, dans la mesure où il s'agit de l'un des objets du prêt, pour que soient remplies les conditions du sous-alinéa 40(2)g)(ii) (voir l'arrêt Ludco Enterprises Ltd. c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1082, au paragraphe 50). Je crois que le juge de la Cour de l'impôt était lui aussi de cet avis, d'après les observations qu'il a faites au cours des arguments exposés devant lui, à la page 388 de la transcription :

 

[TRADUCTION]

 

Le juge : M. Sood, donnez-vous à entendre que les sommes ont été avancées en raison uniquement du lien de parenté?

 

M. Sood : M. le juge, si ce n'est pas la seule raison, alors c'est effectivement la raison principale.

 

Le juge : Mais il y a une différence de taille ici, entre la raison principale et la seule raison, je veux dire qu'il peut y avoir un grand nombre de raisons.

 

Selon la preuve documentaire, le prêt devait porter intérêt, et l'on n'a conclu à l'existence d'aucune opération fictive ni d'aucun maquillage. D'ailleurs, l'appelant détenait 25 p. 100 du capital de DSM.

 

Le juge de la Cour de l'impôt a estimé que la raison première du prêt était que l'appelant voulait aider son fils et l'entreprise de celui-ci. Au paragraphe 31, il a écrit :

 

Le père aidait son fils et l'entreprise de celui-ci, et il s'attendait à être remboursé. Voilà à mon avis le but prédominant, alors que le but normal d'un investisseur commercial de bonne foi, qui est de toucher des intérêts et des dividendes, constituait en l'espèce un faible espoir.

 

La conclusion du juge de la Cour de l'impôt selon laquelle le « but prédominant » du prêt était d'aider le fils suppose nécessairement qu'il y avait un but secondaire. Selon la preuve, le prêt devait porter intérêt. D'ailleurs, l'appelant était un actionnaire de DSM, ce qui lui donnait droit à des dividendes. La Cour ne cherchera pas à deviner le sens des affaires que peut avoir un contribuable (voir l'arrêt Stewart c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 645, au paragraphe 55). Le but secondaire est suffisant. La condition du sous-alinéa 40(2)g)(ii) est remplie.

 

[42]    Je tiens à souligner que cette décision n'a pas fait l'unanimité puisque le juge Evans aurait rejeté l'appel pour les raisons suivantes[44] :

 

Il est admirable que des parents aident leurs enfants à s'établir dans une profession. Cependant, lorsque des parents demandent à d'autres contribuables de les aider à maintenir hors de l'eau l'entreprise défaillante de leur progéniture, et cela en déduisant de leurs propres revenus une partie d'un prêt qu'ils ont classé comme créance irrécouvrable, ils peuvent compter que l'administration fiscale et les tribunaux voudront examiner avec soin la déduction demandée.

 

Il m'est impossible de partager l'avis de mon collègue le juge Rothstein selon lequel le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur amendable lorsqu'il a dit que Larry W. Rich n'avait pas prouvé qu'il était arrivé, franchement et raisonnablement, à la conclusion selon laquelle, à la fin de 1995, la somme que lui devait DSM Foods Inc., l'entreprise de son fils, n'était pas recouvrable. Par conséquent, à mon avis, le juge de la Cour de l'impôt n'a pas commis d'erreur lorsqu'il a estimé que M. Rich ne pouvait invoquer les dispositions relatives à la PDPE pour déduire partiellement sa créance de son revenu de l'année 1995.

 

[43]    À mon avis, le comportement de l'appelante suite à son consentement aux prêts illustre clairement que l'objectif principal de l'appelante n'était pas de tirer un revenu d'entreprise. D'après l'ensemble des faits, je conclus que ces prêts étaient essentiellement motivés par la relation mère-fils entre l'appelante et les actionnaires de la société. La question devient donc celle de savoir si l'appelante avait, en prêtant la somme globale de 79 200 $ à la société, une intention secondaire de tirer un revenu d'entreprise.

 

[44]    Je suis convaincu que l'appelante n'avait pas de véritable intention secondaire de tirer un revenu d'entreprise. L'appelante n'a effectué aucun suivi concret afin de savoir si la société avait obtenu un prêt bancaire ou si la société avait fait une demande de prêt bancaire. L'appelante n'a fait aucune tentative de récupération du capital prêté ou des intérêts courus, et ce, durant toute la période allant du premier prêt (28 août 1995) au jour de la faillite de la société (5 mai 1999). Je rappelle que la société avait effectivement obtenu des prêts bancaires en 1996 et 1997. Enfin, l'appelante n'a fait aucune réclamation lors de la faillite de la société et n'a aucunement défendu, auprès du syndic de faillite, sa créance de 79 200 $, indiquée par erreur comme étant de 30 288,59 $.

 

[45]    Par contre, l'appelant dans l'affaire Rich était le comptable de la société débitrice lorsque celui-ci s'en est porté garant, sans compter que l'appelant était en fin de compte devenu actionnaire de la société. De plus, l'appelant avait envoyé une lettre à la société débitrice réclamant ainsi le paiement des sommes en souffrance. Dans une telle situation, je suis d'accord qu'il faille reconnaître une intention à tout le moins secondaire de tirer du revenu d'entreprise, et ce, malgré l'intention primordiale de venir en aide à un membre de sa famille. En l'espèce, le seul élément de preuve soutenant la prétention de l'appelante qu'elle avait véritablement l'intention de tirer un revenu d'entreprise de ces prêts est une courte remarque faite par l'appelante lors de son témoignage[45] :

 

R. Cette compagnie-là, je savais qu'elle allait en progressant puis mes fils m'ont demandé si je ne pouvais pas prêter au lieu de garder de l'argent à la maison, qu'au moins ça me rapporterait un petit pourcentage. Ça fait que j'ai accédé.

 

[46]    L'ensemble de la preuve, c'est-à-dire les contrats de prêt et le comportement de l'appelante, tend à démontrer que l'appelante n'avait pas de véritable intention, même secondaire, de tirer un revenu d'entreprise par l'entremise des prêts consentis en faveur de la société. Le seul commentaire de l'appelante à l'effet contraire ne saurait suffire à contrebalancer une preuve prépondérante illustrant une absence d'intention de tirer un revenu d'entreprise. Je dois conclure que l'appelante n'a pas prêté la somme de 79 200 $ dans le dessein de tirer un revenu d'entreprise. De ce fait, l'appelante ne pouvait déduire la somme de 28 381 $ au titre de perte autre qu'une perte en capital dans sa déclaration de revenus de l'année d'imposition 2000 et conséquemment, le présent appel doit être rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mai 2004.

 

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

RÉFÉRENCE :

2004CCI321

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-1829(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Aline Rondeau et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 21 janvier 2004

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :

le 5 mai 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Élio Cerundolo

 

Avocat de l'intimée :

Me Mounes Ayadi

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

 

Pour l'appelante :

 

Nom :

Me Elio Cerundolo

 

Étude :

Cerundolo & Maiorino

Montréal (Québec)

 

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel.

[2] Pages 154 et suivantes de la transcription des notes sténographiques.

[3] Pages 161 et suivantes de la transcription des notes sténographiques.

[4] Bien que la Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Rich c. Canada, [2003] 3 C.F. 493, au paragraphe 13, ait établi les facteurs qui doivent être considérés afin de déterminer si une créance est irrécouvrable, il n'est pas requis en l'espèce de faire appel à ces facteurs puisque la faillite a éteint la créance de l'appelante (voir le paragraphe 178(2) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3 : « Une ordonnance de libération libère le failli de toutes autres réclamations prouvables en matière de faillite. »). De ce fait, la créance était irrécouvrable en 2000.

[5] Article 2829 Code civil du Québec (« C.c.Q.» ) :

            L'acte sous seing privé fait preuve, à l'égard de ceux contre qui il est prouvé, de l'acte juridique qu'il renferme et des déclarations des parties qui s'y rapportent directement.

[6] Article 2862 C.c.Q. :

            La preuve d'un acte juridique ne peut, entre les parties, se faire par témoignage lorsque la valeur du litige excède 1 500 $.

            Néanmoins, en l'absence d'une preuve écrite et quelle que soit la valeur du litige, on peut prouver par témoignage tout acte juridique dès lors qu'il y a commencement de preuve; on peut aussi prouver par témoignage, contre une personne, tout acte juridique passé par elle dans le cours des activités d'une entreprise.

[7] Article 2865 C.c.Q. :

            Le commencement de preuve peut résulter d'un aveu ou d'un écrit émanant de la partie adverse, de son témoignage ou de la présentation d'un élément matériel, lorsqu'un tel moyen rend vraisemblable le fait allégué.

[8] Page 15 de la transcription des notes sténographiques :

«Q. Maintenant, les autres versements que vous avez faits, toujours par chèques, pouvez-vous dire à la Cour quelle était l'entente entre la compagnie Rewind et vous concernant cette somme additionnelle?

R. Pour la somme additionnelle, ça a été aux mêmes conditions que les prêts qui étaient plus gros que j'ai faits.

[9] Page 29 de la transcription des notes sténographiques.

[10] Page 28 de la transcription des notes sténographiques.

[11] Article 2864 C.c.Q. :

            La preuve par témoignage est admise lorsqu'il s'agit d'interpréter un écrit, de compléter un écrit manifestement incomplet ou d'attaquer la validité de l'acte juridique qu'il constate.

[12] Voir article 1517 C.c.Q. :

            L'obligation est à terme extinctif lorsque sa durée est fixée par la loi ou par les parties et qu'elle s'éteint par l'arrivée du terme.

[13] Pages 29 et 30 de la transcription des notes sténographiques :

« Q. Mais c'est parce que, sur le document, c'est écrit le capital... O.K., c'est écrit l'intérêt est de trois...

R. Intérêt et capital. De trois...

Q. ... de trois virgule cinq (3,5 %) ...

R. ... et demi (3,5 %).

Q. ... l'an.

R. Oui. Parce que je ne savais pas combien d'années que ça prendrait.

[...]

Q. Donc, quand vous avez donné ce 10 000 $, est-ce que vous avez demandé  à vos fils quand est-ce que la compagnie va obtenir un prêt?

R. Oui, je leur ai demandé.

Q. Qu'est-ce qu'ils vous ont dit?

R. J'ai toujours supposé que c'était en demande. »

[14] Article 1497 C.c.Q. :

L'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain soit en suspendant sa naissance jusqu'à ce que l'événement arrive ou qu'il devienne certain qu'il n'arrivera pas, soit en subordonnant son extinction au fait que l'événement arrive ou n'arrive pas.

[15] J. Pineau et S. Gaudet, Théorie des obligations, 4e éd., Montréal (Qc), Les Éditions Thémis, 2001, à la page 645.

De plus, l'article 1512 C.c.Q. prévoit :

             Lorsque les parties ont convenu de retarder la détermination du terme ou de laisser à l'une d'elles le soin de le déterminer et qu'à l'expiration d'un délai raisonnable, elles n'y ont point encore procédé, le tribunal peut, à la demande de l'une d'elles, fixer ce terme en tenant compte de la nature de l'obligation, de la situation des parties et de toute circonstance appropriée.

             Le tribunal peut aussi fixer ce terme lorsqu'il est de la nature de l'obligation qu'elle soit à terme et qu'il n'y a pas de convention par laquelle on puisse la déterminer.

[16] J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, Les obligations, 5e éd., Cowansville (Qc), Les Éditions Yvon Blais, 1998, à la page 452.

[17] Aux paragraphes 46 à 50.

[18] J. Pineau et S. Gaudet, op. cit.,, à la page 633 : « L'obligation pure et simple doit être, en principe, exécutée immédiatement; il en va différemment lorsque l'obligation est assortie d'une modalité telle que le terme ou la condition: l'exigibilité est alors retardée jusqu'à ce qu'un certain délai se soit écoulé dans le cas du terme ou jusqu'à ce que survienne l'événement prévu – si jamais il arrive – dans le cas de la condition. »

[19] Selon la date sur la traite de 20 000 $, cette somme a été versée le 15 mai 1996.

[20] Je tire cette conclusion du fait qu'aucun terme ne restreignait la portée des intérêts; puisque l'accessoire (les intérêts) suit le principal (le capital), il y a lieu de conclure qu'à défaut d'indication contrare, les intérêts courraient jusqu'au remboursement du capital.

 

[21] Je réitère que l'obtention d'un prêt bancaire constituait un terme suspensif repoussant l'exigibilité du remboursement de capital. Il ne s'agissait pas d'une obligation conditionnelle. Voir les paragraphes 16 à 19 du présent texte. 

[22] Article 1426 C.c.Q.

[23] Loi sur l'intérêt, L.R.C. 1985 (5e supp.), ch.I-15, article 3 :

Chaque fois que de l'intérêt est exigible par convention entre les parties ou en vertu de la loi, et qu'il n'est pas fixé de taux en vertu de cette convention ou par la loi, le taux de l'intérêt est de cinq pour cent par an.

[24] Si la société obtenait un prêt bancaire sans rembourser l'appelante à ce même moment, le capital dû par la société ne portait plus intérêts jusqu'au plein remboursement. Ainsi, le prêt du 28 août 1995 ne portait intérêts qu'en partie.

[25] Voir l'affaire Business Art Inc. v. M.N.R., 86 D.T.C. 1842 qui est citée par le juge Bowie dans l'affaire McKissock c. Canada, [1996] A.C.I. no 1192.

[26] Page 28 de la transcription des notes sténographiques :

« R. Cette compagnie-là, je savais qu'elle allait en progressant puis mes fils m'ont demandé si je pouvais pas prêter au lieu de garder de l'argent à la maison, qu'au moins ça me rapporterait un petit pourcentage. Ça fait que j'ai accédé. »

[27] Page 34 de la transcription des notes sténographiques.

[28] À l'égard de la « condition », voir les paragraphes 16 à 19 du présent texte.

[29] Page 30 de la transcription des notes sténographiques :

« Q. Donc, quand vous avez donné ce 10 000 $, est-ce que vous avez demandé à vos fils quand est-ce que la compagnie va obtenir un prêt?

R. Oui, je leur ai demandé.

Q. Qu'est-ce qu'ils vous ont dit?

R. J'ai toujours supposé que c'était en demande.

Q. En demande.

R. Oui.

Q. Est-ce que vous avez vérifié, quelques mois plus tard ou quelques semaines... quelques mois plus tard, « qu'est-ce qui arrive avec votre demande de prêt »?

R. J'ai demandé, mais on m'a dit qu'on demandait aux banques. »

[30] Page 33 de la transcription des notes sténographiques.

[31] Pages 35, 38 et 39 de la transcription des notes sténographiques.

[32] Page 16 de la transcription des notes sténographiques :

« R. Je n'ai jamais rien reçu, pas un sou. »

[33] Les états financiers de la société indiquent que la société devait les sommes de 184 208 $ et de 401 000 $ à titre d'emprunts bancaires. Ces emprunts bancaires auraient été obtenus respectivement le 28 février 1996 et le 28 février 1997. Ainsi, le terme suspensif était arrivé de sorte que la créance de l'appelante était due et exigible. (Voir la pièce I-1 et la page 84 de la transcription des notes sténographiques.)

[34] Pages 80, 85 et 103 de la transcription des notes sténographiques.

[35] Page 57 de la transcription des notes sténographiques.

[36] Les contrats de prêt ne spécifient pas que la société devait avoir obtenu un prêt bancaire et avoir les moyens financiers de rembourser l'appelante pour que ledit terme soit arrivé. J'en conclus que le terme n'était pas restreint de cette façon et que la simple obtention d'un prêt bancaire causait l'arrivée du terme.

[37] Page 35 de la transcription des notes sténographiques :

« R. J'ai demandé à chaque année, quand ça faisait un an que chaque prêt était... je demandais. Ça ne devait pas tarder, mais j'attends encore. »

[38] Page 22 de la transcription des notes sténographiques.

[39] Page 25 de la transcription des notes sténographiques.

[40] Page 40 de la transcription des notes sténographiques :

« Q. Quand vous avez dit qu'en 99, là, selon ce que vous avez dit, là, vous avez appris que la compagnie a fait faillite puis, là... est-ce que vous avez vu ou est-ce qu'on vous a dit que, sur le document du syndic, on inscrit 30 000 $ que la compagnie vous doit?

R. Je l'ai vu quand j'ai pris connaissance du papier.

Q. O.K.

R. Immédiatement, j'ai appelé le syndic.

Q. Oui.

R. On m'a dit qu'il réglerait tout ça puis c'était temporaire.

Q. Par la suite?

R. Puis je n'ai pas eu de réponse. Ça fait que, après, je leur ai écrit une lettre leur demandant qu'est-ce qui se passait; je n'ai jamais eu de réponse. J'ai envoyé une lettre aussi au comptable; je ne sais pas si c'était le bon comptable qu'il y avait à ce moment-là, je n'ai pas eu de réponse puis il n'a même pas daigné me rappeler. »

[41] Aux pages 7–8 (DTC : à la page 1652.

[42] À la page 1072.

[43] Aux paragraphes 8 et 10.

[44] Aux paragraphes 35 et 36.

[45] Page 28 de la transcription des notes sténographiques.

 

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