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Dossier : 2007-1962(IT)I

ENTRE :

JACQUELINE PIGEON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 20 novembre 2007, à Montréal (Québec ).

 

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

 

Comparutions :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Stéphanie Côté

 

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JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2003 est rejeté, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de décembre 2007.

 

 

 

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx

 

 


 

 

 

Référence : 2007CCI752

Date : 20071217

Dossier : 2007-1962(IT)I

ENTRE :

JACQUELINE PIGEON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre Proulx

 

[1]     Il s’agit d’un appel pour l’année d’imposition 2003.

 

[2]     La question en litige est de savoir si le revenu provenant de la vente d’un immeuble doit être inclus dans le calcul du revenu de l’appelante à titre d’un revenu d’entreprise ou de capital.

 

[3]     Les faits sur lesquels le Ministre du revenu national (le « Ministre ») s’est appuyé pour établir sa nouvelle cotisation sont décrits aux paragraphes 5 et 8 de la Réponse à l’avis d’appel (la « Réponse ») comme suit :

 

5.         En date du 31 octobre 2005, le Ministre a émis à l’appelante, une nouvelle cotisation pour son année d’imposition 2003, apportant, entre autres, les modifications suivantes à ses revenus :

 

Description

Montant

AJOUT

(DÉDUCTION)

 

Revenus d’entreprise

                37 722 $

Gain en capital

Imposable (50 %)

 

             (18 861 $)

Annulation du report de

perte nette en capital de

l’année d’imposition 2004

 

 

                  7 330 $

 

8.         En établissant la nouvelle cotisation datée du 31 octobre 2005 pour l'année d'imposition 2003, et en la confirmant, le Ministre s'est fondé sur les mêmes hypothèses de faits; à savoir :

 

a)         Dans sa déclaration de revenu pour son année d'imposition 2003, l'appelante a déclaré un gain en capital imposable de 18 861 $ (37 722 $ X 50 %) relativement à la vente d'un immeuble sis au 364‑366‑368 Briggs Est, à Longueuil en la province de Québec (ci‑après, l'« immeuble »);

 

b)         L'appelante a acheté l'immeuble le 1er novembre 2002;

 

c)         L'immeuble a été vendu le 10 juin 2003;

 

d)         L'appelante possède des biens immobiliers depuis plusieurs années;

 

e)         L'appelante a participé à plusieurs transactions d'achat et vente d'immeubles dans le passé;

 

f)          Au cours des années d'imposition 2002 et 2003, l'appelante était « agent immobilier »;

 

g)         Lors d'une entrevue avec la vérificatrice du Ministre (ci‑après la « vérificatrice ») en date du 17 août 2005, l'appelante a confirmé avoir acheté l'immeuble avec l'intention de le revendre dans un délai d'un an;

 

h)         L'appelante avait fait un emprunt bancaire pour financer l'achat de l'immeuble;

 

i)          L'emprunt bancaire avait un terme d'un an;

 

j)          La transaction en litige comportait un risque ou une affaire de caractère commercial;

 

k)         Compte tenu de ce qui précède, la vérificatrice a déterminé que le montant de 37 722 $ réalisé suite à la vente de l'immeuble en 2003, constituait du revenu d'entreprise.

 

[4]     Je cite l’avis d’appel au complet car la preuve révélera par la suite bien des affirmations qui ne sont pas conformes à la vérité :

 

Le 22 avril 2007-04-22

 

Cour canadienne de l’impôt  Avis d’appel – Procédure informelle

 

Genre d’appel : impôt sur le revenu 2003

 

A qui de droit,

 

Lors de l’achat de l’immeuble je n’avais qu’une intention première qui était un investissement à long terme, je n’avais d’intention seconde de revendre cet immeuble à court terme. En outre, je n’ai jamais confirmé à Karine Touchette avoir acheté cet immeuble dans le but de le revendre à court terme. La revente de l’immeuble 364‑366‑368 n’était pas prévue au moment de l’acquisition.

 

L’emprunt hypothécaire a été fait dans les standards, soit un amortissement de 25 ans et renouvelable dans un an. A ce moment le taux était de 5,65% pour un an. L’agent hypothécaire de la Banque Laurentienne, m’a conseillé de prendre ce taux pour un an fermé, car le taux hypothécaire devrait baisser d’ici un an. Elle avait raison, car vers 2003 & 2004, le taux de 5 ans fermé était plus bas, et il y avait une différence appréciable.

 

Si j’avais pensé vendre au moment de l’achat, je n’aurais sûrement pas donné 25% de mise de fonds, en général, le portrait d’un spéculateur, est de donner le moins de comptant possible, d’en acheter plusieurs à la fois et de soutirer le plus d’argent possible qu’il n’a pas investi au moment de la vente.

 

Mon intention première, était d’acquérir un immeuble, avoir une saine administration et avoir des revenus de locations.

 

Je voulais me bâtir un portefeuille pour une retraite convenable, car il n’y avait aucun fonds de pension à son actif.

 

En 2002 et 2003, j’avais un emploi à temps plein chez la compagnie Jean Coutu, en tant que commis naturothérapeute. J’avais un salaire pour vivre, l’achat de cet immeuble a été vraiment fait pour un plan de retraite et pour avoir un revenu de location.

 

CIRCONSTANCES AYANT ENTRAINÉ LA VENTE DE LA PROPRIÉTÉ 364‑366‑368 BRIGGS‑LONGUEUIL

 

Vers le 23 février 2003, M. Sylvain Savard, a communiqué avec moi, pour me faire part qu’il voulait s’acheter un triplex, je lui ai répondu que je n’étais pas intéressé à vendre. Vers le 6 avril 2003, il m’a redemandé si l’immeuble pouvait être à vendre, car il avait acheté une autre propriété dans la région de St‑Hubert, la transaction ne s’est pas finalisée. Le 9 avril 2003, on s’est rencontré 20,30 heures, il était inquiet, car il n’avait plus son logement. Après 2 hrs 30 de discussion, j’ai accepté son offre, par empathie, tard dans la soirée vers 23 heures.

 

Cet immeuble n’a jamais été annoncé nulle part, aucun journaux et réseau. De plus, il a été vendu un peu en bas du marché à cette date.

 

MON PROFIT DE LA VENTE DOIT ÊTRE TRAITÉ EN GAIN EN CAPITAL POUR LES RAISONS SUIVANTES :

 

-Être personnellement responsable d’un emprunt hypothécaire de 97 500,00 $ ayant servi à l’acquisition et avoir fourni 25% du comptant. Vente imprévue au moment de l’acquisition. L’achat de l’immeuble a été fait dans une intention première d’investissement, et que l’immeuble serait conservé à long terme.

Réf. : O&M Investments Ltd. v. Her Majesty the Queen (1990) 1 C.T.C. 15

 

Le fait que le contribuable était un professionnel de l’immobilier à temps partiel et ce, depuis moins d’un an, n’est pas pertinent, puisque le contribuable prends lui‑même ses décisions d’investissements, tant qu’en immobilier, qu’en valeur mobilière.

Réf. : Grouchy v. Her Majesty the Queen (1990) C.T.C. 375.

 

-Le contribuable voulait se bâtir un portefeuille immobilier pour une retraite adéquate.

 

« Jacqueline Pigeon »

Contribuable

 

[5]     Dans son avis d’appel, l’appelante a affirmé avoir choisi un taux fermé pour son emprunt hypothécaire. Elle a affirmé la même chose lors de l’audience. Elle a même produit une offre de financement au montant de 97 500 $ en date du 18 septembre 2002 provenant de la Banque Laurentienne confirmant cet énoncé (pièce A-6).

 

[6]     Or, l’avocate de l’intimée a produit un document émanant de cette banque qui est l’offre finale en date du 26 septembre 2002, où le terme est ouvert (pièce I‑2).

 

[7]     L’appelante a aussi affirmé lors de l’audience avoir payé trois mois de pénalité pour avoir mis un terme à son emprunt hypothécaire. Or la banque a affirmé qu’elle n’avait pas payé de pénalité. Ceci est confirmé par la pièce I‑7, « Fiche de fermeture », où à la case « Pénalités » est inscrite la mention « 0 » et par la pièce I‑6, « Acte de prêt, hypothèque immobilière », à la dernière page, où se trouve la clause intitulée : « Mention particulière ». 

 

[8]     L’appelante a affirmé à l’audience avoir payé la différence entre 97 500 $, le montant du prêt hypothécaire et le prix d’achat de 130 000 $, à partir de ses propres économies. Or l’avocate de l’intimée a produit un  document d’emprunt au montant de 32 500 $, en date du 1er novembre 2002 (pièce I‑1). L’emprunt est garanti en deuxième hypothèque sur la propriété de la rue Briggs.

 

[9]     L’appelante a affirmé que la vente de sa propriété provenait d’une offre non sollicitée. L’acheteur est le frère d’une amie ou connaissance de longue date. Or, ni l’acheteur, ni cette amie, ne sont venus témoigner. Cependant, l'appelante a demandé à une amie qui aurait été chez elle le soir de l'offre non sollicitée de témoigner à cet égard.

 

[10]    Madame Karine Touchette, vérificatrice du Ministre, a affirmé que soit l’appelante ou encore son représentant, lui avait bien mentionné que cette propriété avait été achetée dans le but de la revendre dans un court délai. Deux autres propriétés étaient également en cause lors de cette vérification. La vérificatrice a accepté l’explication de l’appelante à l’égard de l’une mais avait également inclus l’autre dans le gain d’entreprise. Au niveau de l’opposition, le gain provenant de la vente de cette autre propriété a également été considéré comme un gain en capital. La vérificatrice a déposé comme pièce I‑3, la liste des transactions immobilières de l’appelante depuis 1990 jusqu’à 2006.

 

[11]    L’avocate de l’intimée a produit à l’audience une déclaration assermentée d’une conseillère à la Banque Laurentienne. La conseillère n’était pas présente à l’audience. La majorité des affirmations étaient factuelles et accompagnées des pièces à l’appui. Toutefois, une affirmation rapportait ce que l’appelante lui aurait dit quant à son intention lors de l’achat de la propriété.

 

[12]    La partie adverse devrait normalement avoir le droit de contre-interroger le déposant. Si le déclarant ne peut venir témoigner, je suis d’avis qu’il faudrait communiquer la teneur de la déclaration assermentée à la partie adverse avant l’audience. Dans ce cas‑ci, toutefois, l'affirmation de la déclarante ne fait que confirmer la raison du choix du terme ouvert, explication que l'appelante elle‑même m’avait fournie lors de l’audience alors qu'elle expliquait pourquoi elle n'avait pas fait le choix d'un terme ouvert.

 

[13]    Il y a eu dans cette affaire bien des affirmations non-conformes à la vérité faites tant dans l’avis d’appel qu’à l’audience. Il est évident que les affirmations non-conformes à la vérité entachent gravement la crédibilité de l’appelante quant à son affirmation qu’elle avait acquis la propriété pour un long terme. De plus il y a les circonstances de l’achat et de la revente : le court laps de temps de détention, les nombreuses transactions immobilières de l’appelante, l’absence des témoins‑clés comme l’acheteur quant à l’offre non sollicitée, le prix d’achat emprunté en totalité et le terme ouvert de l’emprunt hypothécaire. Tout ces faits amènent comme conséquence que la proposition de l'achat de propriété dans un but de revente rapide est beaucoup plus plausible que la proposition de l'investissement à long terme.

 

[14]    L’appel est donc rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de décembre 2007.

 

 

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx

 

 


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2007CCI752

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-1962(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              JACQUELINE PIGEON c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec )

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 20 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 17 décembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

l'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :

Me Stéphanie Côté

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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