Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Dossier : 2007-38(GST)I

ENTRE :

607730 B.C. LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu le 21 novembre 2007, à Victoria (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

Duncan Morrison

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Fiona Mendoza

 

JUGEMENT

 

          Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis porte le numéro A106677, est rejeté.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de décembre 2007.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2008

D. Laberge, LL.L.


 

 

Référence : 2007CCI748

Date : 20071217

Dossier : 2007-38(GST)I

ENTRE :

607730 B.C. LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     L’appelante, 607730 B.C. Ltd., interjette appel de l’avis de cotisation no A106677 établi par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »).

 

[2]     Le ministre a établi le montant à payer par l’appelante à 17 005,28 $ parce qu’elle a omis de verser ce montant à la suite d’une demande formelle de paiement délivrée le 15 mai 2003. À cette date, selon le ministre, l’appelante devait au moins cette somme à Grampian Construction Ltd. pour des travaux de rénovation réalisés par cette entreprise pour le compte de l’appelante. En vertu du paragraphe 317(1) de la Loi, le ministre a délivré une demande formelle de paiement à l’endroit de la débitrice de Grampian, l’appelante, pour recouvrer des montants de taxe sur les produits et services que Grampian avait omis de verser.

 

317.(1) Saisie‑arrêt – Dans le cas où le ministre sait ou soupçonne qu’une personne donnée est ou sera tenue, dans les douze mois, de faire un paiement à une autre personne — appelée « débiteur fiscal » au présent paragraphe et aux paragraphes (2), (3), (6) et (11) — qui elle‑même est redevable d’un montant en vertu de la présente partie, il peut, par avis écrit, exiger de la personne donnée que tout ou partie des sommes par ailleurs payables au débiteur fiscal soient versées, immédiatement si les sommes sont alors payables, sinon, dès qu’elles le deviennent, au receveur général au titre du montant dont le débiteur fiscal est redevable selon la présente partie.

[3]     Les hypothèses de fait du ministre sont exposées comme suit au paragraphe 8 de la réponse à l’avis d’appel :

 

a)         Grampian exerçait ses activités dans le secteur de la construction.

 

b)         Grampian était inscrite aux fins de la partie IX de la Loi, depuis le 17 octobre 2000, sous le numéro d’inscription à la taxe sur les produits et services (« TPS ») 89173 4212 RT0001.

 

c)         Grampian était tenue de produire des déclarations de TPS trimestrielles et de faire les versements tous les trois mois.

 

d)         À toutes les périodes pertinentes, toutes ou presque toutes les fournitures de Grampian étaient taxables au taux de 7 p. 100.

 

e)         Grampian a produit des déclarations de TPS tous les trois mois pour les périodes de déclaration comprises entre le 1er juin 2001 et le 31 mai 2003, mais elle n’a pas fait les remises de taxe nette avec ces déclarations, comme le détaillent les annexes A et B.

 

f)          Durant les périodes de déclaration comprises entre le 1er juin 2001 et le 31 mai 2003, Grampian était tenue de verser un montant de taxe nette de 23 622,25 $ pour la TPS perçue en vertu du paragraphe 228(2) de la Loi, mais elle a omis de remettre un montant de taxe nette de 15 153,61 $, plus les pénalités et les intérêts applicables durant cette période, comme la Loi l’exige (la « dette »).

 

g)         Avant le 15 mai 2003, Grampian a entrepris des travaux de rénovation majeurs au Olde England Inn pour le compte de l’appelante.

 

h)         Le 15 mai 2003, le ministre a délivré la demande formelle par laquelle il enjoignait à l’appelante de payer directement au receveur général la somme maximale de 33 897,55 $ qu’elle devait à Grampian.

 

i)          Le 30 mai 2003, le ministre a reçu de Grampian, sept chèques postdatés totalisant 23 005,28 $, tirés sur le compte de l’appelante et libellé à l’ordre de Grampian (les « chèques postdatés ») comme suit :


 

 

Date du chèque

Montant

 

31 mai 2003

 

1 000,00 $

 

14 juin 2003

1 000,00 $

 

23 juin 2003

1 000,00 $

 

12 juillet 2003

3 000,00 $

 

 

28 juillet 2003

6 000,00 $

 

9 août 2003

5 000,00 $

 

23 août 2003

6 005,28 $

 

j)          Un paiement au montant de 6 000 $, provenant des chèques postdatés, a été appliqué au remboursement de la dette.

 

k)         L’appelante a fait opposition au paiement de trois des chèques postdatés totalisant 17 005,28 $ qui se détaillaient comme suit :

 

Date du chèque

 

Montant

28 juillet 2003

6 000,00 $

9 août 2003

5 000,00 $

23 août 2003

6 005,28 $

 

l)          L’appelante était tenue de payer 17 005,28 $ directement au receveur général.

 

m)        L’appelante n’a pas versé d’autres montants au receveur général relativement à la demande formelle de paiement.

 

[4]     La question en litige est de savoir si l’appelante « était tenue de faire un paiement » de 17 005,28 $ à Grampian, à savoir le total des trois chèques postdatés à l’égard desquels elle a fait opposition au paiement après la délivrance de la demande formelle de paiement.

 

[5]     L’appelante était représentée par son propriétaire, Duncan Morrison, qui a également témoigné à l’audience. La Couronne a appelé à comparaître William Glennie, propriétaire de Grampian Construction Ltd.

 

[6]     J’estime que le témoignage de M. Glennie était plus crédible que celui de M. Morrison. M. Glennie a témoigné de façon claire et directe. M. Morrison était moins disposé à témoigner, alléguant parfois qu’il n’arrivait pas à se rappeler les montants ou ce qui avait été discuté avec M. Glennie; en ce qui a trait aux questions litigieuses, il a donné des réponses plutôt évasives. La preuve documentaire qu’il a présentée était également faible : en qualifiant la méthode de tenue des livres comptables de ses diverses sociétés de [traduction] « trop compliquée », il n’a pas caché dans son témoignage qu’il n’avait pas fait preuve de beaucoup de diligence pour tenir des documents comptables distincts à l’égard de ses sociétés, dont l’appelante. II avait l’habitude de payer ce qu’il pouvait à partir de n’importe quel compte sans trop se soucier des factures ou des montants payés. Cette situation n’a pas aidé l’appelante à prouver qu’elle n’était pas redevable envers Grampian d’un montant d’au moins 17 005,28 $ – particulièrement si l’on tient également compte des trous de mémoire de M. Morrison concernant certains aspects de ses relations avec M. Glennie et Grampian.

 

[7]     M. Morrison exploitait d’autres petites entreprises qui, comme l’appelante, possédaient des propriétés à Victoria. Dans les mois (sinon les années) qui ont précédé la délivrance de la demande formelle de paiement, Grampian a fait des travaux de rénovation sur ces propriétés. Toutefois, le projet de rénovation le plus important était celui du Olde England Inn, une propriété qui appartenait à l’appelante. M. Morrison a évalué la valeur des travaux de la rénovation du Olde England Inn à un montant dans les « six chiffres », certainement à plus de 100 000 $. Lui et M. Glennie évaluaient le coût des autres projets à des dizaines de milliers de dollars.

 

[8]     Comme ils étaient propriétaires de petites entreprises, M. Morrison et M. Glennie communiquaient souvent ensemble concernant les projets de rénovation. Ils éprouvaient tous les deux des difficultés financières dans les premiers mois de 2003. M. Glennie peinait pour parvenir à avoir assez d’argent pour verser le salaire de l’équipe de travail de Grampian toutes les deux semaines, pour payer les fournisseurs de l’entreprise pour les matériaux utilisés dans les projets de l’appelante et pour couvrir ses remises de taxe. À plusieurs occasions, de l’aveu de M. Morrison, l’appelante n’arrivait pas à acquitter en entier les montants facturés par Grampian. Pour sa part, M. Glennie a témoigné que, pour réussir à mettre la main sur une partie seulement des montants dus par l’appelante, il devait souvent poursuivre M. Morrison jusqu’à l’une de ses propriétés.

 

[9]     Au printemps 2003, en raison de l’accroissement des dettes de Grampian et du défaut répété de l’appelante de payer les montants dus à cette entreprise, M. Glennie a finalement été contraint de cesser les travaux entrepris dans les projets de l’appelante. Il a rencontré M. Morrison à l’un des chantiers de construction pour lui faire part de son besoin urgent d’obtenir les montants dus. Il a expliqué que le défaut de paiement de l’appelante lui occasionnait des retards dans les obligations dont il devait s’acquitter envers ses créanciers, dont Lumber World, fournisseur principal du projet du Olde England Inn, et le ministre du Revenu national. J’accepte le témoignage de M. Glennie suivant lequel, au moment de leur discussion, l’appelante devait à Grampian environ 72 000 $. N’étant pas en mesure de payer pareille somme en une seule fois, M. Morrison a accepté de donner à M. Glennie ce qu’il pouvait lui donner : une série de chèques postdatés totalisant quelque 23 000 $ échelonnés sur la période de mai à août 2003. J’accepte également le témoignage de M. Glennie suivant lequel les chèques postdatés n’avaient pas été acceptés à titre de règlement total et définitif des montants alors dus par l’appelante ou les autres sociétés appartenant à M. Morrison.

 

[10]    En juillet 2003, M. Morrison a fait opposition au paiement des trois derniers chèques postdatés. À l’audience, il a expliqué qu’il avait fait opposition au paiement parce que Grampian n’avait pas utilisé les chèques postdatés qu’il avait remis à M. Glennie pour payer les montants dus à Lumber World. Par conséquent, Lumber World a enregistré un privilège de constructeur[1] au montant de 38 000 $ sur la propriété de l’appelante, Olde England Inn. M. Morrison a expliqué qu’il a considéré le défaut de Grampian de payer Lumber World pour les matériaux utilisés dans les projets de l’appelante comme une inexécution de contrat et, en conséquence, il a décidé de compenser le montant du privilège en faisant opposition au paiement des trois chèques postdatés en circulation. Du point de vue de M. Morrison, en juillet 2003, l’appelante ne devait plus rien à Grampian.

 

[11]    J’ai eu l’impression que l’explication que M. Morrison a donnée avait été forgée bien après les faits. Elle n’est pas compatible avec l’aveu suivant lequel il savait au début du printemps que Grampian accusait du retard dans le paiement de ses dettes en général; plus particulièrement que Grampian devait des montants importants à Lumber World et à l’ARC. Il savait très bien également que le défaut de l’appelante de payer au complet les montants dus à Grampian était un facteur qui contribuait aux difficultés financières de M. Glennie. M. Morrison voulait que Grampian continue les travaux réalisés au Olde England Inn, à tel point que, lorsque M. Glennie a personnellement cessé de travailler à ce projet, il lui a demandé si l’appelante pouvait engager directement certains des ouvriers de Grampian. De plus, compte tenu du fait que M. Morrison a décrit les méthodes de règlement de factures de l’appelante comme étant désordonnées, il est difficile d’imaginer qu’il ait pu prendre la mesure inhabituelle de donner à M. Glennie la consigne d’imputer les montants des chèques postdatés au remboursement de la dette due à Lumber World tout particulièrement. Quoi qu’il en soit, l’appelante n’a pas produit de pièces suffisantes à l’audience pour étayer son droit véritable à la compensation relativement à la créance de Lumber World.

 

[12]    L’affaire se résume ainsi : le projet majeur entrepris par Grampian visait la propriété de l’appelante, à savoir le Olde England Inn. Le projet englobait la rénovation complète de la cuisine et la revalorisation des chambres d’au moins un étage pour améliorer leur rentabilité. Grampian a fait appel à des équipes de trois à cinq ouvriers sur les lieux pendant plusieurs mois. Le projet a nécessité de la main‑d’œuvre et des matériaux évalués à plus de 100 000 $. Les projets de rénovation visant les autres sociétés de M. Morrison étaient évalués, au bas mot, à un dixième de la valeur des rénovations de la propriété de l’appelante. À « plusieurs occasions », l’appelante a fait défaut de payer au complet les montants facturés toutes les deux semaines par Grampian. Le fournisseur, Lumber World, a finalement accepté la somme de 15 000 $ à titre de règlement définitif du montant de 38 000 $ que l’appelante devait pour des matériaux. Certaines factures[2] ont été produites, mais elles n’ont pas permis d’établir les montants dus ou payés, ni par qui ils étaient dus ou payés, durant la période pertinente. L’appelante admet avoir remis à Grampian des chèques postdatés totalisant environ 23 000 $, ce qui laisse forcément entendre qu’elle devait au moins ce montant à Grampian durant la période pertinente. Finalement, l’appelante n’a pas fourni à la Cour les documents comptables nécessaires pour établir qu’elle ne devait pas à Grampian la somme de 17 005,28 $.

 

[13]    Eu égard aux circonstances, il est très probable que l’appelante était « tenue de faire un paiement » d’au moins 17 005,28 $ à Grampian dans la période d’un an suivant la délivrance de la demande formelle de paiement en date du 15 mai 2003. En tout état de cause, comme l’a présumé le ministre, il incombait à l’appelante de démontrer qu’elle n’était pas redevable de ce montant envers Grampian. Comme elle n’y est pas parvenue, elle ne peut avoir gain de cause dans son appel. Par conséquent, l’appel de l’avis de cotisation no A106677 est rejeté.

 


       Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de décembre 2007.

 

 

« G. A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de février 2008

 

D. Laberge, LL.L.


RÉFÉRENCE :                                  2007CCI748

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2007-38(GST)I

 

INTITULÉ :                                       607730 B.C. LTD. c.
SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Victoria (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 21 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G. A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 17 décembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

Duncan Morrison

 

 

Avocate de l’intimée :

Me Fiona Mendoza

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     

                                                         

                          Cabinet :                 

                                                         

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Pièce A-1.

[2] Pièce A-4.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.