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Dossier : 2007‑1894(GST)I

ENTRE :

PETER ET MARLENE YAKABUSKI,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 6 novembre 2007, à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L’honorable juge T.E. Margeson

 

Comparutions :

 

Représentant des appelants :

M. Carl Beck

Avocate de l’intimée :

Me Fiona Mendoza

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie par le ministre, dont l’avis, en date du 12 décembre 2006, porte le numéro 06073510012370001, est rejeté, et la cotisation est confirmée.

 

       Signé à New Glasgow (Nouvelle-Écosse), ce 14e jour de janvier 2008.

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13jour de mars 2008.

 

 

Michèle Ledecq, réviseure


 

 

 

 

Référence : 2008CCI27

Date : 20080114

Dossier : 2007‑1894(GST)I

ENTRE :

PETER ET MARLENE YAKABUSKI,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Margeson

 

[1]     Il s’agit d’un appel d’une cotisation, dont l’avis, en date du 12 décembre 2006, porte le numéro 06073510012370001, par laquelle le ministre a refusé d’accorder le remboursement de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») au montant de 34 300 $, taxe qui, selon les appelants, a été payée par erreur lorsqu’ils ont acheté une propriété.

 

Le point litigieux

 

[2]     Il s’agit uniquement de savoir si les appelants ont à juste titre droit au remboursement en vertu des dispositions de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15, dans sa forme modifiée (la « Loi »), et de la partie I de l’annexe V de la Loi.

 

Les faits

 

[3]     Les faits de l’affaire, dans l’ensemble, ne sont pas contestés. L’appelante Marlene Yakabuski a témoigné que la propriété en question appartenait auparavant à une société, Cedar Ridge Holdings Ltd. (« Cedar Ridge »). Une maison située sur la propriété était utilisée comme résidence principale par un particulier, l’actionnaire de Cedar Ridge. Ce particulier était Mme Lucille Johnstone. L’autre bâtiment situé sur la propriété, ce qu’on est convenu d’appeler un chalet, était vacant. Le témoin a identifié la pièce A‑3, un contrat d’achat‑vente concernant la propriété en question. En particulier, le témoin s’est reporté à la clause 7 du contrat, qui indiquait ce qui suit :

 

[traduction] Le prix d’achat comprend les bâtiments, améliorations, installations fixes, dépendances et annexes [...] tels que l’acquéreur les a vus à la date de l’inspection.

 

La clause 8 du contrat indiquait ce qui suit :

 

[traduction] La propriété et tous les éléments inclus seront à peu près dans le même état, à la date de prise de possession, que celui que l’acquéreur a constaté le 30 mars 2005.

 

[4]     Le témoin a en outre identifié la pièce A‑4, soit des photographies en couleur de la propriété en question, à la date du contrat.

 

[5]     Le témoin a déclaré à la Cour qu’elle avait payé la TPS sur la propriété et qu’elle en avait pris possession le 19 mai 2005. La propriété avait en partie été démolie. Son mari a achevé les travaux de démolition après avoir reçu un avis d’inspection des travaux, produit sous la cote A‑6. Cet avis indiquait que le permis était délivré aux fins de la démolition d’un chalet situé sur la propriété. Il indiquait en outre que les fondations allaient pour le moment demeurer telles quelles, ainsi que la maison, qui avait été endommagée lors d’un incendie. Le certificat d’inspection était daté du 19 juillet 2005.

 

[6]     Le témoin a affirmé qu’ils croyaient que les travaux de restauration avaient commencé et qu’ils achetaient une maison partiellement restaurée. Ils avaient reçu des rapports techniques montrant ce qu’il fallait faire pour achever les travaux de restauration. Le chalet avait été démoli.

 

[7]     Lors du contre‑interrogatoire, le témoin a convenu que la maison et le chalet étaient inhabitables.

 

Arguments invoqués pour le compte des appelants

 

[8]     Le représentant des appelants a soutenu qu’il s’agissait uniquement de savoir si le reste d’une maison d’habitation et un fonds qui sont vendus sont exempts de la TPS à titre d’immeuble d’habitation qui a déjà servi conformément à la Loi, annexe V, partie I, article 2. Selon le représentant, ce qu’il restait de la maison endommagée lors d’un incendie, même si la maison était vacante et inhabitable au moment de la vente, constituait néanmoins un immeuble d’habitation au sens de la Loi et était exempt de la TPS en tant qu’habitation ayant déjà servi qui avait été vendue. Le remboursement d’un montant de 34 300 $, plus les intérêts accumulés, était demandé.

 

[9]     Le représentant a déclaré que l’appelante avait témoigné avoir acheté un bâtiment partiellement restauré.

 

[10]    Le représentant a renvoyé aux définitions des expressions « immeuble d’habitation » et « habitation » figurant dans la Loi. Selon la position qu’il a prise, l’expression « immeuble d’habitation » vise à inclure la partie constitutive d’un bâtiment qui comporte une habitation, y compris le fonds, raisonnablement nécessaire à l’usage résidentiel. L’expression « habitation » vise à inclure une maison individuelle ou toute partie de celle‑ci qui est vacante et dont la dernière occupation ou fourniture était à titre résidentiel ou d’hébergement. Le représentant a affirmé que, selon cette règle, une construction existante, y compris ce qu’il reste d’une maison d’habitation qui est endommagée par le feu, peut conserver son statut d’immeuble d’habitation ayant déjà servi pour l’application de la Loi, y compris une vente exemptée en vertu de l’annexe V, partie I, article 2 de la Loi.

 

[11]    Une maison unifamiliale fortement endommagée lors d’un incendie, même si elle est inhabitable tant qu’elle n’est pas réparée ou restaurée, est néanmoins un immeuble d’habitation au sens de la Loi et est assujettie aux règles de la TPS concernant les habitations ayant déjà servi.

 

[12]    Le représentant estimait qu’il était important de noter que la clause 7 du contrat d’achat‑vente stipulait que le prix d’achat comprenait les bâtiments, améliorations, installations fixes, dépendances et annexes, à peu près dans le même état que celui que l’acquéreur avait constaté le 30 mars 2005. À ce moment‑là, la propriété comprenait les fondations, les murs, les faux‑planchers et d’autres parties de l’immeuble d’habitation, comme le montrent les photographies.

 

[13]    Le représentant a renvoyé à une série de mémorandums sur la TPS/TVH publiée par Revenu Canada au mois de février 1998 à l’appui de l’argument selon lequel la dernière utilisation de la propriété avant que celle‑ci soit devenue vacante était un usage résidentiel et que la propriété en question était donc admissible à titre d’habitation même s’il fallait exécuter de gros travaux sur la maison pour qu’elle soit en état d’être habitée. Selon sa prétention, la dernière utilisation des locaux était celle d’un immeuble d’habitation.

 

[14]    Le représentant a mis en question la décision de l’ARC du 22 septembre 2005, page 3. On y lisait, en guise de conclusion, que [traduction] « la construction n’était pas habitable et ne pouvait pas être utilisée à titre résidentiel ou d’hébergement. Par conséquent, ce qui était en fait fourni au moyen de la vente n’était pas visé par la définition du mot « habitation » figurant au paragraphe 123(1) de la Loi, et il ne peut donc pas s’agir d’un immeuble d’habitation ». Le représentant a soutenu que la législation et la politique publiée n’étayent pas la décision de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »).

 

[15]    Le représentant a en outre soutenu que les définitions des expressions « immeuble d’habitation » et « habitation » n’énoncent pas comme condition ou comme exigence que la construction soit habitable. La définition est suffisamment générale pour inclure la partie d’une maison individuelle qui est vacante, mais dont la dernière occupation ou fourniture était à titre résidentiel ou d’hébergement.

 

[16]    Le représentant s’est référé au mot « amélioration » pour l’application de la TPS et il a dit que, conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu, le coût des améliorations serait inclus dans la détermination du prix de base rajusté de la propriété, pour la personne en cause, aux fins de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les améliorations qui sont incluses dans le contrat, au moment de la vente de la propriété ici en cause, semblent également être des « améliorations » aux fins de l’impôt sur le revenu et, par conséquent, aux fins de la TPS. Selon lui, il s’agit de répondre à la question suivante : [traduction] « L’amélioration apportée au fonds faisait‑elle partie d’une habitation qui était admissible à titre d’immeuble d’habitation? » Dans l’affirmative, la vente était exempte de la TPS, et les appelants ont droit au remboursement de la TPS comme ils l’ont demandé.

 

[17]    Aux dires du représentant, la décision de l’ARC portant qu’une construction qui n’est pas habitable n’est pas une habitation et ne peut pas être un immeuble d’habitation va à l’encontre de l’équité et de la logique. Le représentant a affirmé qu’une unité en copropriété dans laquelle il y a une fuite d’eau [traduction] « cesserait d’être un immeuble d’habitation si elle devait être vacante pendant la durée des réparations ». De même, un immeuble résidentiel sur lequel un petit avion s’était récemment écrasé avait été endommagé à un point tel qu’il ne serait pas un immeuble d’habitation parce qu’à ce moment‑là, il n’était plus en état d’être habité.

 

[18]    Le représentant était d’avis qu’en l’espèce l’intimée voudrait que l’on accepte que la nature ou l’utilisation d’une propriété et les incidences qui en découlent pour la TPS peuvent être attribuables à un simple accident, un accident malencontreux comme un incendie qui s’est déclaré dans la résidence personnelle d’une personne. Toutefois, selon l’argument qu’il a avancé, la législation sur la TPS semble permettre la conservation des caractéristiques sous‑jacentes d’un immeuble résidentiel ayant déjà servi, exempt de la taxe, par suite d’une multitude de circonstances, y compris le fait d’être fortement endommagé par le feu.

 

[19]    En l’espèce, la nature et l’utilisation de la propriété n’ont pas changé, et ce, malgré l’incendie.

 

[20]    Par conséquent, l’appel devrait être accueilli, la cotisation établie par le ministre devrait être annulée, et la réparation demandée par les appelants devrait être accordée.

 

Arguments invoqués pour le compte de l’intimée

 

[21]    Au cours de l’argumentation, l’avocate de l’intimée s’est reportée à la définition pertinente de l’expression « immeuble d’habitation » en mettant l’accent sur les mots « a) La partie constitutive d’un bâtiment qui comporte au moins une habitation [...] : (i) [...] qui est raisonnablement nécessaire à l’usage résidentiel du bâtiment »; l’avocate a soutenu que, pour que la construction en question soit un immeuble d’habitation, [traduction] « il doit s’agir d’un lieu de résidence ». Elle a en outre mentionné la décision Ko v. R., 2002 CarswellNat 3429 (C.C.I.) en soutenant que le juge Little avait décidé ce qui suit dans cette affaire‑là :

 

De toute évidence, la définition ci-dessus ne comprend pas les immeubles d’habitation partiellement terminés. La preuve présentée à la Cour montre que la maison que M. et Mme Ko construisaient sur le lot 5 n’était pas achevée et n’avait été approuvée en vue de son occupation qu’en décembre 1998. Il s’ensuit qu’au moment du transfert du lot 5 par la société de personnes à M. et Mme Ko, en octobre 1998, il n’y avait pas d’« immeuble d’habitation » au sens de l’article 3 de la partie 1 de l’annexe V.

 

Le juge a ensuite ajouté ce qui suit :

 

Dans cette situation, l’habitation n’était pas terminée au moment du transfert par la société de personnes à M. et Mme o. Elle n’était donc pas occupée principalement comme lieu de résidence par M. et Mme Ko. Il s’ensuit que le lot 5 n’était pas une fourniture exonérée au sens de l’article 3.

 

Selon l’avocate de l’intimée, cette décision s’applique également dans ce cas‑ci. Le raisonnement de la Cour devrait être le même. En l’espèce, comme dans cette affaire‑là, la construction n’était pas habitable. Lors du transfert, la construction devait pouvoir être occupée comme résidence.

 

[22]    L’avocate a en outre mentionné la décision Balicki v. R., 1997 CarswellNat 1043 (C.C.I.), dans laquelle, en se reportant à la décision Warnock v. R., [1996] G.S.T.C. 86 (C.C.I.), le juge Beaubier a dit ce qui suit au paragraphe 11 :

 

Le bâtiment (ou la « maison » ou une partie de la maison visée au paragraphe 123(1)) doit également pouvoir servir de résidence, étant donné que cela fait intrinsèquement partie du mot « résidentiel » en vertu de la Loi.

 

Le juge a ensuite ajouté ce qui suit :

 

Cependant, ces éléments n’existaient pas encore. Ils étaient compris dans le bâtiment de l’appelant une fois que ce bâtiment a été achevé et que la famille s’y est installée en janvier 1994. Jusqu’à ce moment-là, tout passant aurait dit qu’ils habitaient dans un sous-sol, ou peut-être dans un trou creusé dans le sol. Personne n’aurait qualifié de « bâtiment », d’« habitation », de « maison » ou même de « résidence » ce dans quoi ils se sont installés en 1989. Le sous-sol n’en aurait pas non plus fait partie étant donné qu’il n’existait pas en tant qu’habitation en 1989.

 

[23]    Dans cette affaire‑là, de « grosses rénovations » avaient été effectuées, contrairement à ce qui est ici le cas, mais de toute façon, le juge de première instance a dit ce qui suit :

 

Par conséquent, de l’avis de la Cour, il n’y avait pas de bâtiment tant que l’appareil de chauffage et les conduits n’ont pas été installés, en janvier 1994, et que la famille ne s’est pas installée dans ce qui est alors devenu à ce moment-là un bâtiment qu’elle a occupé à titre de résidence.

 

La Cour a ensuite accueilli l’appel en autorisant le contribuable à obtenir le remboursement pour habitations neuves étant donné que la demande avait été faite dans le délai imparti (de deux ans) après avoir occupé pour la première fois l’« immeuble d’habitation à logement unique ». L’avocate a signalé que le moment à prendre en considération est celui où la propriété a été transférée au contribuable.

 

[24]    Selon la position prise par l’avocate, le représentant des appelants, en invoquant la série des mémorandums sur la TPS/TVH 19.2.1, Immeubles résidentiels – Ventes, lorsqu’il avait mentionné la dernière utilisation avant que la propriété soit vacante, n’avait pas cité tout le paragraphe, mais s’était contenté d’en citer une partie.

 

[25]    L’avocate a en outre fait valoir qu’en l’espèce il ne s’agissait pas d’une maison individuelle.

 

[26]    Dans la décision Leowski (A.D.) v. Canada, 1996 CarswellNat 1447 (C.C.I.), paragraphe 9, la Cour a dit ce qui suit :

 

On soutient que le bien était une habitation parce qu’il faisait partie d’une maison individuelle vacante, dont la dernière occupation avait été à titre résidentiel.

 

Dans cette décision-là, le juge en chef Bowman a signalé ce qui suit :

 

            En d’autres termes, la partie vacante est l’espace laissé vide après que cette habitation eut été démolie et, quoi qu’il en soit, le préchargement de sable représentait le commencement de la construction d’un bâtiment, et l’expression « immeuble d’habitation » peut inclure des bâtiments dont la construction n’est pas encore terminée (Cragg & Cragg Design Group Ltd. v. M.N.R. [1994] G.S.T.C. 53).

 

Toutefois, au paragraphe 18, le juge a dit :

 

En dépit de l’ingéniosité de l’argument et de la grande habileté avec laquelle Me McMahon l’a présenté, il comporte plusieurs éléments que je ne puis accepter.

 

a)         À mon avis, le bien n’était pas un « immeuble d’habitation » au sens de la définition. Les alinéas a), b) et c) de celle-ci parlent d’une partie d’un « bâtiment ». Dans son sens ordinaire, le terme « bâtiment » n’inclut pas un terrain vacant, même si celui-ci a été préchargé de sable en prévision de la construction d’un bâtiment. Je ne crois pas non plus que le bien soit une habitation. Une parcelle de terrain vacante n’est pas comprise dans les choses énumérées dans la partie liminaire de la définition du terme « habitation ». Le bien-fonds vacant n’est pas non plus compris dans l’expression « partie de ceux-ci » (c’est-à-dire les types d’habitation énumérés dans la partie liminaire). Pour cela, il faudrait interpréter l’alinéa c) comme s’il était ainsi conçu :

 

La partie du fonds sous-jacent à une maison individuelle qui a été démolie avant que l’acheteur acquière le fonds et dont l’occupation était à titre résidentiel.

 

Je ne crois pas que l’alinéa c) admette une telle interprétation. Si c’est là ce qu’il avait voulu dire, le législateur aurait été parfaitement capable de l’exprimer.

 

Il s’ensuit, par conséquent, que l’article 2 de la partie I de l’annexe V n’est d’aucun secours à l’appelant même si, en vertu de l’article 177, la fourniture est réputée avoir été effectuée par les Bentall.

 

L’avocate a soutenu que la lecture combinée des deux dispositions nous amène à conclure que le bâtiment était habitable.

 

[27]    En outre, l’avocate a soutenu que, lorsque l’expression « habitation » est mentionnée au paragraphe 123(1) de la Loi et qu’il est dit à l’alinéa c) qu’il doit  s’agir d’une habitation « vacante et dont la dernière occupation ou fourniture était à titre résidentiel ou d’hébergement », il est question de la construction même qui était transférée au contribuable et non de quelque chose qui avait existé sur ce lot à un moment donné par le passé. Selon cette interprétation, ce qui était transféré n’avait jamais été occupé ou fourni à titre résidentiel ou d’hébergement par le passé ni à quelque moment que ce soit parce ce qui avait été transféré ne pouvait pas être fourni ou occupé à titre résidentiel ou d’hébergement.

 

[28]    En contre-preuve, le représentant des appelants a soutenu que la dernière utilisation de la propriété qui était transférée était l’utilisation qu’en avait faite Mme Johnstone en tant que logement habitable. La disposition ne se rapporte pas à ce qui restait de la maison et qui avait été transféré. En outre, le représentant a soutenu que l’expression « ou toute partie » figurant au début de la définition du mot « habitation » s’entendait de la partie de ce qui était une habitation à un moment donné par le passé.

 

Analyse et décision

 

[29]    Comme il en a été fait mention ci‑dessus, les faits de l’affaire ne sont pas contestés. Les faits sont relativement simples et sont clairement énoncés dans la réponse à l’avis d’appel, et la preuve soumise à la Cour étaye cet ensemble de faits.

 

[30]    Pour avoir gain de cause en l’espèce, les appelants doivent être en mesure de convaincre la Cour que ce qui a été transféré à la date du transfert, conformément au contrat d’achat‑vente du 30 mars 2005, était une fourniture exonérée en vertu de l’article 5.2, partie I, annexe V de la Loi. Il va sans dire que cette disposition s’applique uniquement lorsque le fonds fourni fait partie d’un immeuble d’habitation selon la définition figurant à l’article 123 de la Loi.

 

[31]    Une autre considération se rapporte au mot « habitation » qui figure dans la disposition en question.

 

[32]    Dans son argumentation, le représentant des appelants a soutenu que les clauses 7 et 8 du contrat d’achat‑vente lui viennent en aide à cet égard. La clause 7, qui stipulait que le prix d’achat comprenait « les bâtiments, améliorations, installations fixes, dépendances et annexes », était selon lui particulièrement importante. Il s’agit de ce que l’acquéreur avait vu à la date de l’inspection. Selon le représentant des appelants, ce qui avait été vendu était un bâtiment partiellement restauré qui faisait partie de la maison initialement située sur le fonds avant l’incendie.

 

[33]    La Cour est d’avis que ces clauses du contrat n’aident pas beaucoup la cause des appelants. Il est certain que ce qui a été transféré était en partie composé de ce qui restait d’une maison détruite comme le montrent les photographies produites sous la cote A‑4. De toute évidence, cela ne représentait pas ce qui était initialement là et ce que Mme Johnstone avait occupé lors de la dernière occupation.

 

[34]    Les appelants se sont également reportés à l’expression « prix de base rajusté » figurant dans la Loi de l’impôt sur le revenu, selon laquelle le coût en capital, pour le contribuable, de la propriété comprend « a) tous biens amortissables du contribuable ». Ainsi, un bien amortissable comprend, aux fins de la déduction pour amortissement, catégorie 3 de l’annexe II du Règlement de l’impôt sur le revenu, « un bâtiment ou une autre structure, ou toute partie de ceux‑ci, y compris les parties constituantes, notamment les fils électriques, la plomberie, les réseaux d’extincteurs automatiques, le matériel de climatisation, les appareils de chauffage, les appareils d’éclairage, les ascenseurs et les escaliers roulants, acquis par le contribuable [...] ». Selon les appelants, ces améliorations étaient incluses dans le contrat de vente de la propriété et sembleraient être des « améliorations » aux fins de l’impôt sur le revenu et, par conséquent, aux fins de la TPS.

 

[35]    La Cour est convaincue que cet argument n’avance aucunement la cause des appelants, et, même si la Cour est d’accord avec le représentant des appelants lorsqu’il dit que, conformément au contrat d’achat‑vente, le prix d’achat comprenait les bâtiments, améliorations, installations fixes, dépendances et annexes que l’acquéreur avait vus à la date de l’inspection, le transfert de ces éléments en tant que partie intégrante de la transaction n’aide pas la Cour à décider si ce qui a été transféré, à la date de la vente, était un « immeuble d’habitation » ou une « habitation » au sens de l’article 123 de la Loi, de sorte que ce qui a été transféré était une fourniture exonérée en vertu de l’article 5.2, partie I, annexe V, de la Loi.

 

[36]    Le représentant des appelants s’est également reporté, à l’appui de sa position, à la série de mémorandums sur la TPS/TVH publiée par Revenu Canada, 19.2 Immeubles résidentiels, et à un exemple qui y était donné, à savoir que si la dernière utilisation avant que la maison soit vacante était un usage résidentiel, la propriété serait admissible comme habitation même si la maison avait besoin de gros travaux pour être en état d’être habitée. La réponse, dans ce cas‑ci, ne peut pas se trouver dans ce bulletin, et, même si la Cour peut en tenir compte, ce bulletin n’a pas force de loi et ne lie pas la Cour. De toute façon, le bulletin ne répond aucunement à la question qui se pose en l’espèce.

 

[37]    Selon l’avocate de l’intimée, pour être une habitation ou un immeuble d’habitation, la maison doit servir à titre résidentiel. En l’espèce, peu importe ce que les contribuables allaient faire de la propriété après coup, il reste qu’ils n’ont pas achevé les rénovations et qu’ils n’ont pas fait de la maison un immeuble d’habitation. Ce qui a été transféré n’était pas habitable, et par conséquent il ne s’agissait pas d’un immeuble d’habitation. Le moment qui importe est celui du transfert, et à ce moment‑là il fallait que la maison puisse être occupée à titre résidentiel.

 

[38]    La Cour est convaincue que l’argument de l’avocate de l’intimée est fondé lorsque l’avocate soutient que ce dont il est question au moment du transfert est [traduction] « ce qui a été transféré ». Il n’est pas question de ce qu’il y avait auparavant à cet endroit. Lorsque les expressions « immeuble d’habitation » et « habitation » sont mentionnées, ces expressions doivent se rapporter à ce qui a été transféré aux appelants lorsqu’ils ont conclu la transaction et à ce dont il est fait mention dans le contrat d’achat‑vente. En termes simples, ce qui a été transféré n’était pas un « immeuble d’habitation » ni une « habitation ».

 

[39]    Les mots « habitable » ou « inhabitable » ne figurent pas dans la définition de l’« immeuble d’habitation » ou de l’« habitation ». En se fondant sur l’article 123, l’avocate a soutenu qu’à cause de cette exigence, à savoir que la maison doit être habitable ou qu’elle doit être en état d’être habitée ou du fait qu’il s’agit d’un lieu de résidence, la maison doit être habitable. Tel est l’effet de décisions comme Ko v. R., Balicki v. R., Leowski (A. D.) v. Canada et Sneyd v. R., précitées.

 

[40]    Toutes ces décisions sont dans une certaine mesure pertinentes aux fins qui nous occupent, quoique les situations factuelles soient différentes. Cela n’empêche pas la Cour de pouvoir tirer de toutes ces décisions, dans leur ensemble, un élément commun qui, selon l’avocate de l’intimée, est l’exigence voulant que ce qui est transféré soit habitable ou puisse servir à titre résidentiel.

 

[41]    La Cour est convaincue que, si elle se fonde sur les décisions susmentionnées et si elle donne une interprétation raisonnable du libellé de la loi, ce dont il est question dans la Loi devient clair.

 

[42]    En vertu de l’article 123 de la Loi, sous le titre « Définitions », l’expression « immeuble d’habitation » est :

 

a) La partie constitutive d’un bâtiment qui comporte au moins une habitation, y compris :

 

 (i) la fraction des parties communes et des dépendances et du fonds contigu au bâtiment qui est raisonnablement nécessaire à l’usage résidentiel du bâtiment, [...]

 

En outre, le mot « habitation » signifie :

 

            a) maison individuelle [...]

 

            ou toute partie de [celle-ci], qui est [...] :

 

            f) vacante et dont la dernière occupation ou fourniture était à titre résidentiel ou d’hébergement;

 

Dans la définition de l’expression « immeuble d’habitation », les mots « habitation » et « usage résidentiel » ont une importance primordiale. Dans la définition du mot « habitation », les mots « maison individuelle ou toute partie de [celle‑ci] » et « à titre résidentiel ou d’hébergement » ont une importante primordiale.

 

[43]    En examinant tous ces mots et leur sens commun clair, la Cour est convaincue que ce qui a été transféré, selon le contrat d’achat‑vente, devait avoir un usage résidentiel et que ce qui était transféré devait être une maison individuelle ou une partie de celle‑ci dont la dernière occupation ou fourniture était à titre résidentiel ou d’hébergement. Ces mots sont presque identiques au mot « habitable » que l’avocate de l’intimée a employé. Il s’ensuit donc que ce qui a été transféré devait avoir un usage résidentiel ou, comme l’avocate de l’intimée l’a dit, que la maison devait être « habitable ».

 

[44]    Le juge en chef Bowman est arrivé à la même conclusion dans la décision Leowski (A. D.) v. Canada, précitée, lorsqu’il a dit ce qui suit :

 

[...] la partie vacante est l’espace laissé vide après que cette habitation eut été démolie et, quoi qu’il en soit, le préchargement de sable représentait le commencement de la construction d’un bâtiment, et l’expression « immeuble d’habitation » peut inclure des bâtiments dont la construction n’est pas encore terminée

 

 

Pourtant, le juge en chef Bowman a ajouté ce qui suit, et la Cour souscrit à son avis :

 

À mon avis, le bien n’était pas un « immeuble d’habitation » au sens de la définition. Les alinéas a), b) et c) de celle-ci parlent d’une partie d’un « bâtiment ». Dans son sens ordinaire, le terme « bâtiment » n’inclut pas un terrain vacant, même si celui-ci a été préchargé de sable en prévision de la construction d’un bâtiment. Je ne crois pas non plus que le bien soit une habitation. Une parcelle de terrain vacante n’est pas comprise dans les choses énumérées dans la partie liminaire de la définition du terme « habitation ». Le bien-fonds vacant n’est pas non plus compris dans l’expression « partie de ceux-ci » (c’est-à-dire les types d’habitation énumérés dans la partie liminaire). Pour cela, il faudrait interpréter l’alinéa c) comme s’il était ainsi conçu :

 

La partie du fonds sous-jacent à une maison individuelle qui a été démolie avant que l’acheteur acquière le fonds et dont l’occupation était à titre résidentiel.

 

Je ne crois pas que l’alinéa c) admette une telle interprétation. Si c’est là ce qu’il avait voulu dire, le législateur aurait été parfaitement capable de l’exprimer.

 

[45]    En l’espèce, la Cour est convaincue que ce qui a été transféré ne satisfait pas aux exigences des définitions en question.

 

[46]    Les situations factuelles, dans les autres affaires dont il a été fait mention, étaient différentes, mais le raisonnement qui a été fait dans ces décisions s’applique également en l’espèce. L’appel est rejeté, et la cotisation établie par le ministre est confirmée.

 

          Signé à New Glasgow (Nouvelle-Écosse), ce 14e jour de janvier 2008.

 

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13jour de mars 2008.

 

 

Michèle Ledecq, réviseure


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI27

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007‑1894(GST)I

 

INTITULÉ :                                       PETER ET MARLENE YAKABUSKI

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 6 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge T.E. Margeson

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 14 janvier 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant des appelants :

M. Carl Beck

 

Avocate de l’intimée :

Me Fiona Mendoza

 

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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