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Référence : 2004CCI374

Date : 20040528

Dossier : 1999-3628(IT)G

ENTRE :

FERDINAND CHARLAND,

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

(Prononcés oralement sur le banc le 11 mars 2004 à Montréal (Québec) et révisés à Ottawa, Canada, le 27 mai 2004.)

 

Le juge Paris

 

[1]     Cet appel a été entendu à Montréal (Québec) le 11 mars 2004.

 

[2]     Monsieur Ferdinand Charland a porté en appel les cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « Ministre ») pour les années 1991 à 1996, cotisations par lesquelles le Ministre a refusé la déduction de montants substantiels de dépenses d'entreprise que monsieur Charland avait réclamé. Les dépenses déduites étaient reliées à ses deux entreprises, soit un service de débosselage et une champignonnière.

 

[3]     La question en litige est de savoir si monsieur Charland avait droit à des déductions supérieures à celles que le Ministre lui a accordées au titre des dépenses d'entreprise pour ces années-là. Monsieur Charland s'est représenté lui-même et s'est présenté comme témoin; il a expliqué à la Cour qu'il n'avait pas de preuve documentaire pour appuyer sa position parce que l'endroit où il les gardait, soit sa champignonnière, avait passé au feu en août 1995.

 

[4]     Toutefois, il a insisté pour affirmer qu'il avait engagé les dépenses qu'il a déduites dans ses déclarations de revenu. Il a dit qu'il remettait tous les chèques, reçus et factures de ses entreprises à son comptable et que le comptable préparait les états financiers à partir de ces documents. Il a dit ne pas comprendre pourquoi le Ministre ne lui a pas accordé la déduction des montants de dépenses indiqués dans ses états financiers.

 

[5]     Il est admis que pendant les années en litige il a travaillé chez un concessionnaire d'automobiles, Auto Simard (« Simard »), comme débosseleur; il avait le statut de travailleur autonome chez Simard. Monsieur Charland a indiqué qu'il avait engagé son fils pour travailler chez Simard avec lui et lui a payé la moitié des revenus qu'il gagnait. Il a aussi employé un étudiant pendant un certain temps et lui a payé les montants qui paraissent au poste « main d'oeuvre» dans les états financiers. Il a aussi dit qu'il avait engagé des frais d'automobile dans le cadre de ce travail et qu'il fournissait certains outils ou d'autre matériel lui-même.

 

[6]     Quant à la champignonnière, il a encore insisté pour dire qu'il avait dépensé les montants qui figurent aux états financiers. Les dépenses énumérées au titre des achats incluaient du matériel requis pour cette entreprise. Les frais de véhicules à moteur étaient rattachés à l'utilisation de son automobile, d'un tracteur et de diverses machineries pour les activités de l'entreprise. Les dépenses d'assurance étaient reliées aux véhicules, à la machinerie et aux installations.

 

[7]     En contre-interrogatoire, monsieur Charland a admis qu'il n'avait produit ses déclarations de revenu pour les années 1991 à 1994 qu'en septembre 1995. Il savait qu'il fallait les produire à chaque année, mais il a dit qu'il lui manquait certains renseignements qui auraient pu avoir une incidence sur son revenu. Ces renseignements semblaient avoir quelque chose à voir avec une dette remontant aux années 1970. Apparemment, un de ses amis lui a conseillé d'attendre avant de produire ses déclarations.

 

[8]     Le procureur de l'intimée a demandé à monsieur Charland d'expliquer ce qu'il a fait depuis le début de la vérification en 1996 pour tenter d'obtenir des copies de documents justificatifs, tels que les polices d'assurance, les chèques ou la déclaration de sinistre relative à l'incendie à la champignonnière.

 

[9]     Ses réponses étaient évasives, vagues et contradictoires. À un moment donné il a dit que tous les documents étaient chez son avocat; il a alors laissé entendre que c'était la faute de son avocat s'il n'avait pas de documents, disant qu'il les lui avait demandés.

 

[10]    Plus tard il a expliqué qu'il ne pouvait pas obtenir les documents d'assurance parce que la police d'assurance était au nom d'un ami et, encore, qu'il ne pouvait pas parler à son courtier parce qu'il n'était plus client de celui-ci et, aussi qu'il ne pouvait pas lui parler parce qu'il avait engagé un avocat et n'avait plus le droit de parler au courtier. Finalement, il a soutenu que le vérificateur aurait dû chercher les documents nécessaires.

 

[11]    Monsieur Marcel Bates, le comptable de l'appelant jusqu'en 1996, a témoigné avoir préparé les états financiers et les déclarations de revenu de monsieur Charland pour toutes les années en question. Les états financiers étaient préparés à la fin de chaque année sur la base des documents que monsieur Charland lui donnait. Monsieur Bates lui remettait ces documents chaque fois après avoir fait les états financiers. Il dit n'avoir pas gardé de fiches de travail, de registres ou de livres de comptabilité par rapport à ce travail. Selon lui, seulement les dépenses qui avaient été payées par chèque étaient déduites; il n'a pas ajouté les dépenses pour lesquelles il n'y avait pas de preuve de cette sorte. Il dit qu'il a vu des preuves documentaires pour tous les montants déduits.

 

[12]    En contre-interrogatoire, monsieur Bates a admis qu'il avait préparé pour les années 1994 et 1995 d'autres états financiers que ceux annexés aux déclarations de revenu de monsieur Charland, et qu'ils ont été présentés à la Banque Nationale dans le contexte d'une demande de marge de crédit faite par monsieur Charland. Ces états financiers indiquaient un bénéfice net tiré des entreprises de monsieur Charland qui était nettement supérieur à celui indiqué dans les déclarations de revenu. Monsieur Bates a simplement dit que c'était une erreur de sa part.

 

[13]    De son côté, l'intimée a fait témoigner le vérificateur, monsieur Robert Larochelle. Il ressort de son témoignage qu'il avait demandé plusieurs fois à monsieur Charland et à ses représentants de fournir des preuves relatives aux dépenses déduites et qu'ils ne lui en ont jamais donné. Le vérificateur a laissé le dossier ouvert pendant deux ans pour donner à l'appelant la possibilité de les obtenir; il n'a rien reçu de lui.

 

[14]    À mon avis, monsieur Charland ne s'est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombe dans cette affaire. À part le témoignage de monsieur Bates, il n'a pas présenté de preuve, soit documentaire ou soit par le biais d'autres témoins, à l'appui de ses assertions qu'il a bien engagé les dépenses dont la déduction a été réclamée à l'égard de ses entreprises dans les années en cause.

 

[15]    Je ne peux pas accorder beaucoup de poids au témoignage de monsieur Bates étant donné son aveu d'avoir préparé une deuxième série d'états financiers pour deux de ces années en sachant qu'une série d'états était fausse, et étant donné les difficultés qu'il avait à se rappeler les événements de cette période, sauf le fait d'avoir vu les chèques pour toutes les dépenses déduites.

 

[16]    Je ne peux pas non plus accorder beaucoup de poids au témoignage de l'appelant, lequel manquait de clarté et de détails, était parfois contradictoire et parfois difficile à croire. À mon avis, l'appelant n'était pas un témoin crédible. Je n'accepte pas non plus son explication quant à l'absence de preuves documentaires dans ce cas; elle n'est pas vraisemblable.

 

[17]    Il en résulte que la preuve est insuffisante pour me permettre de conclure que le Ministre a commis des erreurs en établissant les cotisations à l'égard de monsieur Charland.

 

[18]    En résumé, l'appelant n'a pas démontré, selon la prépondérance de la preuve, qu'il a effectivement engagé dans le cadre de ses entreprises les dépenses dont il a demandé la déduction et son appel sera rejeté avec dépens.

 

Signé à Ottawa (Canada) ce 28e jour de mai 2004.

 

 

 

 

 

« B. Paris »

Le juge Paris

 

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