Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Référence : 2004CCI472

Date : 20040628

Dossiers : 2001-4026(IT)G

2001-4030(IT)G

 

ENTRE :

CANUTILITIES HOLDINGS LTD.,

CANADIAN UTILITIES LIMITED,

appelantes,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Hershfield

 

[1]     Les présents motifs concernent la requête déposée par les appelantes visant à obtenir des dépens sous la forme d’une somme forfaitaire de 200 000 $ (correspondant à approximativement un tiers de leurs dépens sur une base procureur‑client) ou, à titre subsidiaire, des dépens représentant quatre fois le montant taxé selon le tarif, qui est de l’ordre de 12 500 $. Les observations afférentes à la requête ont été déposées avant l’audience, qui s’est déroulée sous forme de conférence téléphonique.

 

[2]     Après étude des observations et des réponses aux questions que j’ai posées relativement aux éléments qui n’avaient pas été traités dans les observations, ou qui ne l’avaient été que partiellement, j’ai adjugé des dépens supplémentaires de 20 000 $ aux appelantes. Rien dans les observations déposées par les appelantes ou dans les circonstances des appels ne justifiait l’adjudication de dépens de l’ordre du montant forfaitaire demandé. Toutefois, je pense que quatre éléments sont dignes d’intérêt[1].

 

[3]     Premièrement, je suis d’avis que les montants prévus par le tarif ne tiennent pas compte, ou du moins ne tiennent pas compte de manière appropriée, des frais qu’a occasionnés la rédaction de l’exposé conjoint des faits qui a été déposé pendant l’audition des appels. Au cours de l’audition de la requête, j’ai déclaré que le temps investi par les parties à cette fin avait une valeur et une importance considérables quand il s’agissait d’accélérer et de faciliter l’audition des appels. En effet, après avoir entendu les témoins des appelantes déposer pendant plusieurs jours au cours de l’audition des appels, j’ai affirmé que l’affaire aurait pu faire l’objet d’un exposé de cause. Aussi, et cela me conduit au deuxième élément digne d’intérêt, ai‑je ajouté que les témoignages des personnes citées par les appelantes ne faisaient que peu ou pas avancer la cause de ces dernières. Au contraire, il a semblé que ces témoignages ne faisaient qu’étayer un grand nombre d’éléments sur lesquels l’intimée s’est fondée, éléments appartenant au contexte factuel de l’argumentation qu’elle a présentée. De même, les deux parties et moi‑même ne nous sommes appuyés que sur une petite partie des documents qui ont été déposés en preuve, et ce, étant donné que les passages pertinents des documents en question avaient déjà été amplement traités dans l’exposé conjoint des faits. Je ne cherche pas à critiquer la façon dont les appelantes ont choisi de procéder, ou même à revenir sur leurs décisions à cet égard. Toutefois, je pense que la question des dépens s’en trouve affectée. La durée de l’instance a été quelque peu allongée du fait de l’approche adoptée, et c’est pourquoi l’argument voulant que la contribution de l’intimée doive aller au‑delà du montant prévu dans le tarif n’a pas été présenté de manière convaincante, considérant la longueur du procès et le volume de documents déposés en preuve.

 

[4]     Troisièmement, j’ai dit être d’avis qu’il s’agissait d’une cause type. Les appels exigeaient qu’on applique la notion de « série » à des faits totalement inusités. Ils concernaient également les questions d’attribution, d’ordre des opérations et de répartition au prorata qui se posaient relativement aux bénéficiaires de dividendes, alors que la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») ne prévoit rien à ce sujet. Ainsi, il y avait un vide dans la loi qu’on demandait à la Cour de combler, vu l’argument subsidiaire présenté par l’intimée pour justifier la cotisation. Les appelantes étaient les cobayes grâce auxquels l’intimée pouvait définir ou vérifier une théorie relative à l’établissement de cotisations. Par ailleurs, et cela m’amène à mon quatrième point, j’ai noté que les appelantes s’étaient bâti une stratégie fiscale sophistiquée, et qu’il aurait été raisonnable de s’attendre à ce que les coûts de déploiement d’une telle stratégie incluent les frais qu’il serait nécessaire d’engager pour la défendre. Il s’agissait d’une stratégie d’évitement fiscal soigneusement conçue et complexe, et on aurait pu prévoir que des réserves de fonds seraient nécessaires pour faire face aux contestations. Par exemple, il était peu probable qu’une décision anticipée favorable en matière d’impôt sur le revenu soit rendue à l’égard d’un tel plan. Encore une fois, je ne blâme pas les appelantes d’avoir utilisé cette stratégie. Les contribuables sont libres de suivre les recommandations de leurs conseillers. En effet, ils ne devraient jamais se sentir obligés de se plier à une interprétation particulière de la Loi pour la seule raison qu’elle est adoptée par l’Agence des douanes et du revenu du Canada. Toutefois, dans de tels cas, je ne crois pas qu’il soit toujours raisonnable de demander, pour des raisons de complexité, l’adjudication de dépens extraordinaires, ou même la contribution de l’autre partie au‑delà des dépens prévus par le tarif. Nous sommes en présence de l’un de ces cas. Le fait que les appelantes aient eu gain de cause ne semble pas justifier que des dépens additionnels soient adjugés, sauf dans la mesure où il s’agit d’une reconnaissance de l’importance de l’affaire pour l’intimée ainsi que pour les contribuables en général – ce qui est tout simplement une autre façon de dire qu’il pourrait être indiqué de tenir compte de considérations spéciales ayant trait aux dépens dans une cause type telle que la présente affaire, et ce, malgré le fait que les appelantes aient agi en toute connaissance de cause. Tout compte fait, en l’espèce, ces deux aspects tendent à se contrebalancer. Je ne leur accorderais pas d’importance particulière.

 

[5]     Cela me ramène à la question des frais relatifs à la rédaction de l’exposé conjoint des faits. Sur ce point, l’intimée fait valoir qu’elle a apporté sa pleine collaboration et son concours aux appelantes tout au long du processus, et qu’elle ne devrait pas avoir à assumer de dépens additionnels pour des questions qui auraient de toute manière été soulevées au procès. Les avocats des appelantes ont estimé que leurs clientes avaient engagé des frais de l’ordre de 60 000 $ au titre de leur contribution à l’exposé conjoint des faits. Cela m’amène à penser que les avocats des appelantes ont consacré des efforts considérables à la rédaction de l’exposé conjoint des faits. Cette démarche s’est avérée très utile pour toutes les parties concernées, et elle a facilité l’audition des appels. Il s’impose que l’intimée contribue de façon raisonnable à ces frais.

 

[6]     Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et des observations des parties, il me semble approprié d’ordonner à l’intimée d’apporter une contribution additionnelle de 20 000 $ aux frais assumés par les appelantes. Un tel apport reflète selon moi un degré raisonnable de proportionnalité.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de juin 2004.

 

 

 

« J. E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de mars 2009.

 

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice          


 

 

RÉFÉRENCE :

2004CCI472

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2001-4026(IT)G; 2001-4030(IT)G

 

INTITULÉ :

Canutilities Holdings Ltd.,

Canadian Utilities Limited et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE LA REQUÊTE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er décembre 2003

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge J. E. Hershfield

 

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 1er décembre 2003

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats des appelantes :

Me Clifford O'Brien, c.r. Me Michel Bourque

 

Avocate de l’intimée :

Me Bonnie F. Moom

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour les appelantes :

 

  Nom :

Me Clifford O'Brien, c.r. Me Michel Bourque

 

Cabinet :

Bennett Jones

 

 Pour l’intimée :

Morris Rosenberg

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Un cinquième élément, qui, à mon insistance, a été longuement débattu à l’audience, portait sur l’impact qu’auraient eu sur les dépens une offre de règlement et une contre‑offre. Finalement, j’ai conclu que les considérations relatives au règlement ne devaient pas peser sur la décision que je devais rendre en matière d’adjudication des dépens. Il était irréaliste de penser que l’offre ou la contre‑offre auraient permis d’en arriver à un règlement.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.