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Dossier : 2004-719(IT)I

ENTRE :

KAREN J. KLYWAK,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] __________________________________________________________________

 

Appel entendu le 3 juin 2004 à Brandon (Manitoba)

 

Devant : L’honorable R.D. Bell

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l’intimée :

Me  Penny Piper

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2001 est accueilli et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu’il l’examine à nouveau et établisse une nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d’août 2004.

 

 

"R.D. Bell"

Juge Bell

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de février 2005

 

 

Brigitte Grégoire, traductrice


 

 

 

Référence : 2004CCI523

Date : 20040813

Dossier : 2004-719(IT)I

ENTRE :

KAREN J. KLYWAK,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bell

 

QUESTION EN LITIGE

 

[1]     Il s’agit de déterminer si le coût d’une cuve thermale achetée en 2001 représente des frais médicaux selon la définition de ce terme au paragraphe 118.2(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu ( la « Loi ») aux fins du calcul du crédit d’impôt pour frais médicaux au sens du paragraphe 118.2(1) de la Loi.

 

FAITS

 

[2]     L’appelante, lorsqu’elle a calculé ses impôts à payer pour l’année d’imposition 2001, a réclamé dans le calcul du crédit d’impôt et de l’impôt payable, le montant de 9 639 $ pour les frais médicaux suivants :

 

Coût de la cuve thermale

7 974,30 $

Installation de la cuve

809,30 $

Lettre du médecin

16,25 $

Soins dentaires

366,08 $

Déplacement à des fins médicales

464,94 $

Autres

8,13 $

Total

9 639,00 $

 

L’intimée a accepté les dépenses susmentionnées sauf le coût de la cuve thermale, soit 7 974,30 $. L’appel concerne ce refus.

 

[3]     En 2001, l’appelante a reçu un diagnostic de fibromyalgie. Elle a eu des traitements de physiothérapie et on lui a prescrit des médicaments contre la douleur. Elle a déclaré dans son témoignage que son médecin croyait qu’il serait bon qu’elle s’achète une cuve thermale et qu’elle l’utilise quotidiennement afin de soulager ses douleurs et de l’aider à dormir. Elle a indiqué que son médecin croyait que le coût de la cuve serait considéré comme des frais médicaux. Elle a en outre précisé qu’elle a téléphoné à Revenu Canada et qu’on lui a confirmé qu’il s’agissait bien de « frais médicaux ». Elle a affirmé qu’elle et son mari avaient donc ensuite fait installer la cuve. Elle a dit qu’elle l’utilisait tous les jours et quelquefois plus d’une fois par jour, selon la douleur qu’elle ressentait. D’après sa description, il s’agit d’une cuve munie de jets d’eau très chaude qui ont un effet relaxant sur les muscles. Elle a affirmé que cela avait pour effet de réduire la douleur aiguë dans ses bras, ses épaules, son dos et son cou. Elle avait accès à une cuve thermale à une demi-heure de chez elle, mais son mari et elle ont décidé d’en acheter une et de la faire installer chez eux parce qu’ils croyaient que le déplacement aller-retour jusqu’à la cuve existante « annulerait les bienfaits obtenus ». Elle a déclaré qu’une baignoire non inclinable n’aurait pas donné les « mêmes résultats » et que les autres modèles n’avaient pas le même système de jet. Elle a dit qu’elle entrait dans la cuve et en sortait sans aide et qu’elle utilisait la cuve douze mois par année. Elle a indiqué qu’elle en avait besoin pour sa santé, que son mari l’utilisait aussi à l’occasion ainsi que ses petits-enfants deux ou trois fois par année, ajoutant qu’il est difficile de refuser quelque chose aux enfants. Elle a déclaré qu’elle peut entrer dans la cuve avec beaucoup de difficulté mais qu’elle trouve qu’il lui est beaucoup plus facile de marcher quand elle en sort. Elle a aussi dit, en contre-interrogatoire, qu’elle pourrait quand même marcher si elle n’avait pas la cuve, mais avec beaucoup  de difficulté.

 

[4]     L’appelante a soumis comme élément de preuve une lettre la concernant datée du 12 février 2002 et adressée « À qui de droit ». Cette lettre se lit comme suit :

 

[traduction]

La présente vise à certifier que je traite Mme Klywak pour des raisons médicales.

 

Le diagnostic évoqué est la fibromyalgie. Elle trouve que la chaleur humide est très efficace pour contrôler ses symptômes.

 

Récemment, nous lui avons conseillé pour des raisons médicales de s’acheter une cuve thermale. À la suite de cet achat, sa capacité de travailler a augmenté et elle a pu diminuer sa consommation de médicaments. Elle a cette cuve pour des raisons médicales et j’espère que vous serez en mesure de lui accorder cette déduction dans son rapport d’impôt.

 

Veuillez agréer l’expression de mes sentiments distingués.

(signature)

 

Dr Michael Omichinski

 

[5]     L’appelante a aussi déposé une autre lettre la concernant signée par le même médecin. Cette lettre datée du 16 février 2004 et adressée « À qui de droit » se lit comme suit :

 

[traduction]

La présente vise à certifier que je suis le médecin de Karen. Je la soigne depuis deux ans et demi concernant un problème de  fibromyalgie. Nous avons essayé divers types de traitements médicaux et non médicaux pour l’aider à contrôler ses symptômes. Nous n’avons pas eu beaucoup de succès, mais du point de vue médical, une cuve thermale a entraîné une nette amélioration de son état au point qu’elle est capable de fonctionner raisonnablement bien. Il semble qu’elle et son mari tentent d’obtenir un crédit d’impôt sur le revenu  pour cette cuve et je crois que, pour des raisons médicales, celui-ci devrait leur être accordé.

 

Je vous remercie à l’avance de votre attention concernant cette question.

 

Veuillez agréer l’expression de mes sentiments distingués.

 

 

ARGUMENTS DE L’APPELANTE

 

[6]     L’appelante a déclaré qu’elle prendrait une tonne de médicaments et ne pourrait pas bien fonctionner si elle n’avait pas de cuve thermale. Elle a fait mention des lettres de son médecin. Elle a aussi fait mention de l’affaire Johnson c. Sa Majesté la Reine, [2003] A.C.I. no 41, dans laquelle le juge Little de la présente cour a autorisé comme frais médicaux le coût d’une cuve thermale achetée à la suite de la recommandation du médecin de l’appelant. Le juge a cité ce qui suit :

 

J’accepte le témoignage crédible et non contredit de l’appelante selon lequel elle a acheté la cuve thermale uniquement à des fins d’hydrothérapie et de soulagement de la douleur.

 

[7]     Elle a aussi fait référence à la décision James Donaghue c. Canada, [2003] A.C.I. no 721, dans laquelle le juge O'Connor a considéré la cuve thermale comme un dispositif utilisé sur ordonnance puisqu’il croyait que la cuve était visée par le sous-alinéa (i) de l’article 5700 du Règlement en tant que dispositif qui est conçu à l’intention du particulier à mobilité réduite pour l’aider à marcher. Il a en outre déclaré qu’elle tombait peut-être sous le coup de l’alinéa 118.2(2)m) de la Loi puisqu’elle est un type de dispositif utilisé sur ordonnance et qu’elle a été achetée sur le conseil d’un médecin. Il a précisé que rien n’obligeait que l’ordonnance soit faite par écrit et que la cuve thermale atténuait grandement le problème de l’appelant, lui permettant de se déplacer tant dans sa maison qu’à l’extérieur.

 

 

ARGUMENTS DE L’INTIMÉE

 

[8]     L’avocate de l’intimée nous a renvoyé à l’alinéa 118.2(2)m) qui se lit comme suit :

 

Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

 

           

 

m)        [dispositifs utilisés sur ordonnance] – pour tout dispositif ou équipement destiné à être utilisé par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l’alinéa a) et qui répond aux conditions suivantes, dans la mesure où le montant payé ne dépasse pas le montant fixé par règlement, le cas échéant, relativement au dispositif ou à l’équipement :

 

                        (i)         il est d’un genre visé par règlement,

                        (ii)        il est utilisé sur ordonnance d’un médecin,

(iii)       il n’est pas visé à un autre alinéa du présent paragraphe,

(iv)       il répond aux conditions prescrites quant à son utilisation ou à la raison de son acquisition;

 

Elle a ensuite mentionné l’article 5700 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement »), dont la partie pertinente est ainsi libellée :

 

Les dispositifs ou équipements suivants sont prescrits pour l’application de l’alinéa 118.2(2)m) de la Loi :

 

i)          tout dispositif qui est conçu à l’intention du particulier à mobilité réduite pour l’aider à marcher;

 

[9]     En ce qui concerne l’article 5700 du Règlement, l’intimée était d’avis d’une part, que le dispositif visé dans cette disposition est conçu pour aider un particulier à marcher si celui-ci a une mobilité réduite et que d’autre part, l’utilisation de la cuve a aidé l’appelante à soulager sa douleur, mais ne l’a pas aidé à marcher.

 

[10]    L’avocate de l’intimée a fait mention de la décision Gibson c. Canada, [2000] A.C.I. no 753, confirmée par le jugement de la Cour d’appel fédérale, [2001] A.C.F. no 1758. Dans cette affaire le juge Mogan a indiqué que l’appelante souffrait de fibromyalgie dans la région du cou, ce qui entraînait une douleur grave affectant les muscles de son cou et son bras droit. Après avoir décrit le traitement, il a écrit que l’appelante arrivait à soulager sa douleur lorsqu’elle se trouvait dans un bain dans lequel des jets d’eau chaude étaient dirigés sur son cou et ses bras. Elle avait par conséquent fait installer chez elle une cuve thermale d’hydromassage. Elle s’est rendu compte que la cuve thermale soulageait sa douleur et lui permettait une plus grande mobilité. L’arrêt faisait mention de la décision Vantyghem c. La Reine, C.C.I., no 97-3607 (IT)I, 17 décembre 1998 ([1999] 2 C.T.C. 2159) dans laquelle le juge Rip de la présente cour a jugé que le fait de « rénover » une salle de bain pouvait signifier l’addition d’appareils qui n’y avaient pas été installés dans la salle de bain lors de la construction, ces rénovations étant le coût d’installation d’une cuve thermale. Le juge Mogan a aussi cité la décision Clark c. La Reine, C.C.I., no 98-525 (IT)I, 17 février 1999 ([1994] 4 C.T.C. 2005) dans laquelle le juge Rowe de la présente cour a rejeté l’appel d’une conjointe qui avait tenté de déduire, à titre de frais médicaux, les coûts d’achat et d’installation d’une cuve thermale qui avait été prescrite par le spécialiste de l’arthrite qui traitait son conjoint. Il a aussi mentionné la décision Ollman c. La Reine, C.C.I., no 99-57(IP)I, 8 décembre 1999 ([2000] 1 C.T.C. 2789) dans laquelle une femme avait acheté une cuve thermale sur recommandation de son chirurgien orthopédiste et de son physiothérapeute afin de soulager une douleur lombaire chronique causée par un accident d’automobile avec blessure grave. Le juge O'Connor a conclu que le coût de la cuve thermale n’était pas admissible à titre de frais médicaux. Le juge Mogan a aussi fait mention de l’affaire Gordon c. La Reine, C.C.I., no 98-1553 (IT)I, 29 février 2000 ([2000] 2 C.T.C. 2399) dans laquelle la conjointe de M. Gordon récupérait d’un accident d’automobile qui lui avait causé des troubles rhumatologiques graves, dont la fibromyalgie et l’arthrose inflammatoire. Comme elle avait fréquemment besoin de bains chauds, il a été recommandé qu’elle fasse installer une baignoire chez elle. Le juge Beaubier a conclu que la cuve thermale n’était pas un dispositif ou un équipement au sens de l’alinéa 118.2(2)m), mais a accepté le coût d’installation parce que selon lui il représentait des frais raisonnables afférents à une rénovation ou à une transformation apportée à l’habitation de la famille Gordon. Le juge Mogan a conclu que, compte tenu de l’alinéa 118.2(2)m) de la Loi et des éléments énumérés à l’article 5700 du Règlement,  il était convaincu que la cuve thermale en question n’était pas admissible à titre de « dispositif ou équipement » et il a accepté seulement le coût d’installation de la cuve.

 

 

ANALYSE ET MOTIFS

 

[11]    Il faut d’abord déterminer si la cuve thermale est un dispositif « conçu à l’intention du particulier à mobilité réduite pour l’aider à marcher ». Bien qu’on ait laissé entendre qu’un tel dispositif doit être conçu pour aider l’exercice physique réel qui consiste à marcher, comme une canne ou des béquilles, pourquoi devrait-on interpréter ces termes de façon si restreinte? La preuve a montré clairement que l’utilisation régulière et continue de la cuve thermale aidait l’appelante à marcher. Les mots « conçu à l’intention du particulier (…) pour l’aider à marcher » ne peuvent certainement pas être interprétés de manière à désigner uniquement des aides mécaniques externes qui, bien qu’elles aident à marcher, ne faciliteraient pas la fonction musculaire interne découlant d’une maladie interne. 

 

[12]    L’expression anglaise « hot tub » (cuve thermale) est ainsi définie dans le New Shorter Oxford English Dictionary, volume I :

                   [traduction]

Baignoire en bois, pouvant souvent contenir plusieurs personnes,  remplie d’eau chaude bouillonnante et utilisée à des fins récréatives ou thérapeutiques.

 

La preuve établit clairement que les jets d’eau chaude de la cuve thermale de l’appelante avaient un effet thérapeutique, permettait la relaxation musculaire et soulageait la douleur aiguë qu’elle ressentait dans les bras, les épaules, le dos et le cou. L’appelante a témoigné que son médecin lui avait recommandé d’utiliser une cuve thermale, ce qu’il considérait comme des frais médicaux. Ce médecin déclarait dans sa lettre du 12 février 2002 qu’il avait conseillé à l’appelante, pour des raisons médicales, d’acheter une cuve thermale et que l’utilisation de cette cuve avait entraîné une capacité accrue de travailler et une moins grande consommation de médicaments. Je crois que, dans les circonstances, ce dispositif  était, du moins en partie, conçu à des fins thérapeutiques, puisqu’il aidait l’appelante à marcher, sa fibromyalgie ayant entraîné une mobilité réduite. Par conséquent, la cuve thermale est un « dispositif ou équipement destiné à être utilisé par le particulier » et qui « est d’un genre visé par règlement » au sens du sous‑alinéa 118.2(2)m)(i).

 

[13]    Peut-on dire que cette cuve thermale a été « utilisé[e] sur ordonnance d’un médecin »? Le Petit Robert donne plusieurs définitions du terme « ordonnance » dont les suivantes :

 

Mise en ordre, disposition selon un ordre. Prescription, chose ordonnée. Prescriptions d’un médecin; écrit qui les contient.

 

La preuve soumise par l’appelante selon laquelle son médecin lui a dit qu’il était dans son intérêt de se procurer une cuve thermale et de l’utiliser chaque jour a pour effet que la cuve thermale a été « utilisé[e] sur ordonnance d’un médecin », le Dr Omichinski s’étant décrit comme un médecin. Ceci est étayé par la lettre dans laquelle il a déclaré qu’il lui avait conseillé, pour des raisons médicales, d’acheter la cuve thermale et dans sa lettre subséquente soulignant les bons résultats obtenus à la suite de son utilisation. Je conviens avec le juge O'Connor que [traduction] « rien ne précise que l’ordonnance doit avoir été faite par écrit ».

 

[14]    Par conséquent, je conclus que les frais contestés sont visés par la définition de frais médicaux puisqu’il s’est agi d’un montant payé pour permettre à un patient d’utiliser, sur ordonnance d’un médecin, de l’équipement d’un genre visé par règlement et non visé par un autre alinéa du paragraphe 118.2(2).

 

[15]    En conséquence, l’appel est accueilli.   

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d’août 2004.

 

 

« R.D. Bell »

Juge Bell

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de février 2005-02-04

 

Brigitte Grégoire, traductrice


 

 

RÉFÉRENCE :

2004TCC523

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-719(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Karen J. Klywak c. La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Brandon (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

3 juin 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable R.D. Bell

 

DATE DU JUGEMENT :

13 août 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l’intimée :

Me  Penny Piper

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 

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