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Dossier : 2001-3940(GST)G

ENTRE :

COMMISSION SCOLAIRE DU FER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 19 novembre 2003 à Québec (Québec)

 

Devant : L'honorable juge P. R. Dussault

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Jules Turcotte

 

Avocat de l'intimée :

Me Michel Morel

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel des cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, (Partie IX) relativement à la taxe sur les produits et services à l'égard des périodes du 1er juillet 1996 au 30 juin 1998 et du 1er juillet 1998 au 31 mars 2000, dont les avis sont datés du 23 octobre et du 6 novembre 2000, sont rejetés avec dépens en faveur de l'intimée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'octobre 2004.

 

 

 

« P. R. Dussault »

Juge Dussault


 

 

 

Référence : 2004CCI702

Date : 20041019

Dossier : 2001-3940(GST)G

ENTRE :

 

COMMISSION SCOLAIRE DU FER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Dussault

 

 

[1]     Il s'agit d'appels entendus selon la procédure générale relativement à la taxe sur les produits et services (« TPS ») pour les périodes du 1er juillet 1996 au 30 juin 1998 et du 1er juillet 1998 au 31 mars 2000.

 

[2]     Par une cotisation dont l'avis est daté du 23 octobre 2000 et porte le numéro 0090551, la taxe nette de l'appelante, pour la période du 1er juillet 1996 au 30 juin 1998, a été augmentée d'un montant de 23 312,41 $ avec intérêts et pénalités.

 

[3]     Par une cotisation dont l'avis est daté du 6 novembre 2000 et porte le numéro 0090566, la taxe nette de l'appelante, pour la période du 1er juillet 1998 au 31 mars 2000, a été augmentée d'un montant de 16 549,06 $ avec intérêts et pénalités.

 

[4]     Les parties ont produit une liste d'admissions qui se lit comme suit :

 

1)     L'Appelante est aux droits de la Commission scolaire Port-Cartier et de la Commission scolaire de Sept-Îles et de Fermont, qui ont fusionné en juillet 1998 pour former la Commission scolaire du Fer (ci-après « la fusion »);

 

2)     L'Appelante est un organisme de services publics dûment inscrit aux fins de l'application de la TPS;

 

3)     L'Appelante et la Ville de Port-Cartier sont co-propriétaires indivis du Bloc C du Centre éducatif l'Abri (ci-après le « Centre sportif ») situé à Port-Cartier suite à un protocole d'entente intervenu entre celles-ci en mai 1981 (ci-après le « Protocole d'entente »);

 

4)     Le Protocole d'entente indique que l'Appelante et la ville possèdent conjointement le terrain sur lequel ont été construits en propriété indivise une piscine, un gymnase, un aréna, les annexes fonctionnelles et le stationnement y attenant;

 

5)     L'Appelante est également propriétaire exclusif d'un terrain et d'une bâtisse (ci-après « l'École polyvalente ») situés à Port-Cartier dans laquelle on retrouve certains locaux, soit la bibliothèque municipale, la salle polyvalente, la salle d'haltérophilie, le dojo et les salles servant à la céramique et à l'expression corporelle;

 

6)     Les locaux mentionnés au paragraphe 5 sont à l'usage exclusif de la Ville;

 

7)     En vertu du Protocole d'entente, la consommation d'électricité par la Ville a été établie à 48,62% du coût global de l'électricité pour l'ensemble des bâtiments, dont notamment le Centre sportif et l'École polyvalente;

 

8)     Il existe un seul compteur d'électricité au nom de l'Appelante pour l'ensemble des bâtiments;

 

9)     L'Appelante soumet, en vertu du Protocole d'entente, une facture à la Ville couvrant sa consommation d'électricité;

 

10)   Le Sous-ministre du revenu du Québec (ci-après « le Sous‑ministre »), pour et au nom du Ministre du revenu national et de l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada, a émis à l'Appelante le 23 octobre 2000 un avis de cotisation portant le numéro 0090551 en vertu de la Loi sur la taxe d'accise pour la période du 1er juillet 1996 au 30 juin 1998 augmentant sa taxe nette de 23 312,41 $ avec intérêts et pénalités;

 

11)   Le Sous-ministre, pour et au nom du Ministre du revenu national et de l'Agence des Douanes et du Revenu du Canada, a émis à l'Appelante le 6 novembre 2000 un avis de cotisation portant le numéro 0090566 en vertu de la Loi sur la taxe d'accise pour la période du 1er juillet 1998 au 31 mars 2000 augmentant sa taxe nette de 16 549,06 $ avec intérêts et pénalités;

 

12)   Le 15 janvier 2001, des avis d'opposition ont été dûment produits à l'encontre des avis de cotisation mentionnés ci-haut;

 

13)   Le 2 août 2001, les avis de cotisation portant les numéros 0090551 et 0090566 ont été confirmés par avis de notification;

 

14)   Par ces avis de notification, l'intimée a maintenu les cotisations en vertu desquelles l'intimée a cotisé la TPS sur les factures adressées par l'appelante à la Ville au cours des périodes visées sur la base que :

 

La cotisation a été établie conformément aux dispositions de la Loi notamment, mais sans restreindre la généralité de ce qui précède, en ce sens que la taxe nette cotisée a été établie conformément aux dispositions des articles 165, 169, 221 et 228 de la Loi sur la taxe d'accise.

 

15)   La question en litige consiste à déterminer si l'Appelante devait percevoir la TPS sur les factures transmises à [la] Ville relativement à sa consommation d'électricité établie à 48,62%.

 

[5]     Les montants et les calculs ne sont pas en litige. Je reviendrai plus loin sur la façon dont l'appelante, la Commission scolaire du Fer (« Commission scolaire ») a traité sa facturation d'électricité à la Ville de Port Cartier (« Ville ») et sur la manière dont les cotisations ont été établies.

 

Résumé de la preuve

 

[6]     Monsieur Robert Smith, directeur du Service des ressources financières et matérielles de la Commission scolaire, et madame Diane Bertin, agente d'administration, ont témoigné pour l'appelante. Madame Annie Bédard, analyste au ministère du Revenu du Québec, a témoigné pour l'intimée.

 

[7]     Dans son témoignage, monsieur Smith a décrit les différentes composantes du complexe immobilier ou de l'immeuble au cœur du litige ainsi que les ententes entre la Commission scolaire ou ses prédécesseurs et la Ville concernant la gestion, l'utilisation et le partage des coûts de ces différentes composantes au cours des années.

 

[8]     L'immeuble se compose de trois parties, soit les blocs « A », « B » et « C ». Les blocs « A » et « B » sont la propriété de la Commission scolaire alors que le bloc « C » est la propriété conjointe de la Commission scolaire et de la Ville.

 

[9]     Le bloc « A » qui comprend notamment des salles de classe et des ateliers est à l'usage exclusif de la Commission scolaire.

 

[10]    Le bloc « B » construit par la Commission scolaire à la demande et selon les besoins de la Ville au début des années 80 abrite notamment la bibliothèque municipale, des bureaux, une cafétéria, des salles d'exercice, de folklore et d'expression corporelle, une agora et une salle de mécanique. La plupart des locaux du bloc « B » dont ceux désignés « plateaux sociaux-récréatifs » sont utilisés exclusivement par la Ville et ont été re-désignés comme étant le bloc « D ».

 

[11]    Le bloc « C » est essentiellement un centre sportif comprenant une aréna, un gymnase, une piscine, des salles mécaniques et des dépôts. Ce bloc « C » est utilisé tant par la Commission scolaire que par la Ville. La Commission scolaire a toutefois une priorité pour ce qui est de l'utilisation durant ce qui peut être décrit comme « la période scolaire quotidienne » selon un horaire pré-établi présenté à la Ville.

 

[12]    Selon une entente signée le 22 janvier 1991 pour la période débutant le 1er juillet 1990 et se terminant le 29 mai 1995, mais reconduite tacitement depuis, les blocs « C » et « D » ont été loués pour la somme de 1 $ chacun par la Commission scolaire à la Ville qui en assurait dès lors la gestion et en assumait les coûts.

 

[13]    Dans les faits et pour simplifier, disons que la Commission scolaire payait à la Ville une partie des coûts d'opération des blocs « C » et « D », mais surtout du bloc « C » selon l'utilisation qu'elle faisait des différents locaux désignés comme « plateaux ». Le coût d'opération des différents « plateaux » dont la Ville assurait la gestion était établi selon leur superficie en fonction des dépenses de l'année précédente puis converti sur une base horaire. La Ville facturait ensuite à la Commission scolaire une partie de ce coût « horaire » d'opération selon le nombre d'heures d'utilisation des plateaux tel qu'établi dans l'horaire transmis au préalable par la Commission scolaire. Je signale ici que le prix de l'électricité payé par la Ville, tout comme les salaires et les assurances, faisait partie des dépenses servant à établir le coût « horaire » d'opération des différents « plateaux » dont une partie était finalement payée par la Commission scolaire à la Ville. Selon le témoignage de madame Bertin, les taxes (TPS et TVQ) n'étaient pas initialement ajoutées par la Ville sur la facture qu'elle faisait parvenir à la Commission scolaire, mais elles ont subséquemment été ajoutées suite à une vérification par le ministère du Revenu du Québec.

 

[14]    Au fil des ans, plusieurs ententes sont intervenues entre la Commission scolaire ou ses prédécesseurs et la Ville concernant le partage des coûts du complexe sportif (bloc « C ») et du complexe récréatif (bloc « B »). Dès 1975, dans la perspective de la construction de ces complexes, les parties ont signé un premier protocole d'entente (cahier des pièces de l'appelante, onglet 14). L'article 11 de ce document prévoyait alors ce qui suit :

 

a)         [l]a COMMISSION s’engage à pourvoir les services de mécanique et d’électricité pour l’ensemble desdits complexes.

 

b)         Les coûts d’électricité et de chauffage, de ventilation, de réfrigération et d’entretien ménager, les frais d’administration et les frais relatifs au déneigement des aires de stationnement, voies d’accès et de services, imputables au complexe sportif, seront attribuables à la VILLE dans une proportion de deux tiers (2/3) et à la COMMISSION dans la proportion de un tiers (1/3).

 

[15]    Selon monsieur Smith, une deuxième entente a été signée en 1981 dans laquelle la répartition du coût de l'électricité est demeurée la même, soit les 2/3 attribuables à la Ville et 1/3 attribuable à la Commission scolaire (cahier des pièces de l'appelante, onglet 4).

 

[16]    En 1984, estimant que la répartition des coûts ne correspondait pas à la réalité, les parties ont signé un arrangement « ad hoc » au terme duquel la proportion du coût de l'électricité attribuable à la Ville a été augmentée à 42 % (cahier des pièces de l'appelante, onglet 15). Cet arrangement a été reconduit en 1986 (cahier des pièces de l'appelante, onglet 16).

 

[17]    Finalement, c'est en 1991 que les parties ont signé une dernière entente qui devait demeurer en vigueur jusqu'en 1995, mais qui a été reconduite tacitement depuis (cahier des pièces de l'appelante, onglet 6). Cette dernière entente faisait suite à un « Rapport d'étude pour une utilisation rationnelle et un partage plus équitable des coûts du bloc « C »... » (cahier de document de l'appelante, onglet 5).

 

[18]    Il a déjà été mentionné que dans l'entente signée le 22 janvier 1991, la Commission scolaire louait à la Ville sa « partie » du bloc « C » ainsi que la partie du bloc « B » à l'usage exclusif de la Ville (bloc « D ») pour la somme de 1 $ chacun. L'entente prévoyait également que la Ville assurait désormais la gestion de ces blocs et en assumait les coûts.

 

[19]    Au paragraphe 11 de cette entente, il était également prévu que des mesures seraient prises conjointement par la Commission scolaire et la Ville « afin de modifier les raccordements électriques et mécaniques afin de rendre dans la mesure du possible autonome le fonctionnement de tous les plateaux associés aux blocs « C » et « D »».

 

[20]    Or, ces raccordements autonomes n'ont pas été faits et il n'existe toujours qu'un seul compteur électrique pour tout le complexe immobilier. Ce compteur électrique est au nom de l'appelante qui reçoit donc d'Hydro-Québec la facture d'électricité pour l'ensemble du complexe.

 

[21]    La situation ayant évoluée, la Commission scolaire et la Ville en sont venues à considérer, compte tenu de leur consommation respective, que les coûts de l'électricité devaient être attribués à raison de 48,62 % à la Ville et le solde à la Commission scolaire. C'est sur cette base que la facturation a été faite par la Commission scolaire à la Ville au cours des périodes en litige.

 

[22]    En pratique, la Commission scolaire faisait parvenir 13 factures par année à la Ville. D'abord, à chaque mois, sur réception de la facture d'Hydro-Québec, laquelle facture comprenait le coût de la consommation et les taxes (TPS et TVQ), la Commission scolaire établissait une facture au nom de la Ville correspondant à 48,62 % du montant total de la facture d'Hydro-Québec sans plus, c'est-à-dire sans y ajouter les taxes (TPS et TVQ) sur le montant facturé puisque la Commission scolaire considérait qu'il s'agissait à cette étape d'une fourniture exonérée. Douze factures par année étaient ainsi envoyées par la Commission scolaire à la Ville pour sa consommation d'électricité en rapport avec le bloc « C », soit le centre sportif.

 

[23]    Une treizième facture, annuelle cette fois, était également établie par la Commission scolaire et envoyée à la Ville pour sa consommation d'électricité en rapport avec le bloc « D », compte tenu des montants déjà facturés mensuellement à la Ville pour la consommation d'électricité en rapport avec le bloc « C ».

 

[24]    Ce sont essentiellement les montants facturés par la Commission scolaire à la Ville selon les modalités mentionnés ci-haut qui sont l'objet du présent litige.

 

[25]    C'est madame Annie Bédard du ministère du Revenu du Québec qui a expliqué la façon dont la Commission scolaire a traité la TPS et la manière dont elle a elle-même procédé à établir les cotisations en litige.

 

[26]    Considérant que la facturation à la Ville constituait une fourniture exonérée, la Commission scolaire n'a donc pas facturé la TPS à la Ville. Par ailleurs, elle a réclamé, comme administration scolaire, un remboursement de 68 % du total de la TPS payée à l'égard des factures d'Hydro-Québec (voir l'article 259 de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi  ») et l'alinéa 5c) du Règlement sur les remboursements aux organismes de services publics (TPS/TVH) (« Règlement sur les remboursements »).

 

[27]    Selon madame Bédard comme la Ville n'aurait eu droit qu'à un remboursement égal à 57,14 % à l'égard de la TPS payée en vertu de l'alinéa 5e) du Règlement sur les remboursements, la Commission scolaire n'aurait pas facturé de TPS à la Ville pour éviter que celle-ci n'augmente à son tour sa facturation des coûts d'utilisation des plateaux des blocs « C » et « D » à la Commission scolaire.

 

[28]    Quoiqu'il en soit, la facturation de la TPS par la Commission scolaire à la Ville n'a pas été faite sur les factures établissant la proportion du coût de l'électricité payable par la Ville en fonction des factures reçues d'Hydro-Québec. Madame Bédard a affirmé que lors de discussions avec une représentante de la Commission scolaire, une certaine dame Laperrière, celle-ci lui aurait affirmé que la facture à la Ville était essentiellement considérée comme représentant un partage du coût de l'électricité. Lors de son témoignage, monsieur Smith a confirmé que pour la Commission scolaire, il s'agissait simplement de répartir le coût de la consommation d'électricité entre la Commission scolaire et la Ville telle que cette consommation avait été établie sur les factures d'Hydro-Québec. Selon lui, la Commission scolaire ne facturait pas des kilowatts à la Ville et elle n'avait jamais prétendu ni eu l'intention de faire le commerce de l'électricité. D'ailleurs, il a admis que la Commission scolaire n'avait aucune autorisation d'Hydro-Québec pour vendre de l'électricité.

 

[29]    Les cotisations établies à l'encontre de l'appelante l'ont été en tenant pour acquis que la facturation par la Commission scolaire à la Ville constituait une fourniture taxable dans le cadre d'une activité commerciale et ainsi, que la Commission scolaire aurait dû facturer la TPS à la Ville. Toutefois, quant à la proportion du montant de la consommation d'électricité re-facturé à la Ville, soit 48,62 %, madame Bédard a considéré que la Commission scolaire avait droit à un crédit de taxe sur les intrants égal à 100 % de la taxe payée[1]. Par ailleurs, quant à la TPS payée sur le solde du montant facturé par Hydro-Québec pour la consommation d'électricité, madame Bédard a considéré que cette partie de la consommation d'électricité avait été faite par la Commission scolaire pour ses propres fins et qu'elle avait donc droit à un remboursement de 68 % à l'égard de cette partie de la TPS payée, et ce, à titre d'administration scolaire.

 

[30]    Trois arguments ont été soulevés par l'avocat de l'appelante à l'encontre des cotisations. Selon chacun de ces arguments, la facturation par la Commission scolaire à la Ville constituerait une fourniture exonérée.

 

[31]    Le premier argument est fondé sur l'application de l'alinéa 6a) de la Partie VI (Organismes du secteur public) de l'Annexe V de la Loi (Fournitures exonérées). Selon l'avocat de l'appelante, cette disposition serait applicable aux factures mensuelles que la Commission scolaire faisait parvenir à la Ville concernant le bloc « C » détenu en copropriété avec cette dernière. L'alinéa 6a) se lit :

 

6. [Service dans le cadre d'une entreprise consistant à le fournir ou bien meuble corporel] – La fourniture par vente, effectuée par un organisme de services publics au profit d'un acquéreur, d'un bien meuble corporel (sauf une immobilisation de l'organisme), ou d'un service que l'organisme a acheté en vue de le fournir par vente, dans le cas où le prix total de la fourniture est le prix habituel que l'organisme demande à ce type d'acquéreur pour ce type de fourniture et où :

 

a)     si l'organisme ne demande pas à l'acquéreur un montant au titre de la taxe prévue à la partie IX de la loi relativement à la fourniture, le prix total de la fourniture ne dépasse pas son coût direct et il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce qu'il le dépasse;

 

b)     N.A.

 

[32]    C'est en invoquant la présomption de l'article 906 du Code civil du Québec qui établit que les ondes ou l'énergie sont réputées meubles corporels que l'avocat de l'appelante considère que l'alinéa 6a) de la Partie VI de l'Annexe V de la Loi est applicable. Selon lui, ce n'est pas parce que la Commission scolaire ne détenait aucune autorisation pour vendre de l'électricité qu'elle ne l'a pas fait.

 

[33]    Pour sa part, l'avocat de l'intimée soutient que la Commission scolaire ne pouvait vendre l'électricité acquise vu l'article 77 du Règlement numéro 634 sur les conditions de fourniture de l'électricité par Hydro-Québec ((1996) 128 G.O. II, 2998; R.R.Q.,c. H-5, r.0.2) qui interdit la revente sauf pour une entreprise de distribution d'énergie électrique visée à la Loi sur les systèmes municipaux et les systèmes privés d'électricité (L.R.Q., c. S-41). De plus, il affirme que la preuve démontre amplement que dans les faits la Commission scolaire n'a pas revendu de l'électricité à la Ville.

 

[34]    À mon avis, le premier argument de l'avocat de l'appelante doit être rejeté compte tenu de la preuve présentée. Je crois que la Commission scolaire n'a jamais acquis de l'électricité en vue de sa revente. Au dire même des représentants de la Commission scolaire, les factures mensuelles transmises à la Ville relativement à la consommation d'électricité pour le bloc « C » et représentant 48,62 % des factures reçues d'Hydro-Québec avaient essentiellement pour but et pour effet de partager le coût de l'électricité consommée entre la Ville et la Commission scolaire et non de revendre de l'électricité à la Ville.

 

[35]    Le deuxième argument porte sur la treizième facture annuelle transmise par la Commission scolaire à la Ville ou si l'on veut sur la facture transmise une fois l'an aux fins d'effectuer un rajustement quant à l'électricité consommée par la Ville relativement au bloc « D ». Cette fois, l'avocat de l'appelante invoque l'application de l'article 25 de la Partie VI de l'Annexe V de la Loi pour soutenir que le montant facturé par la Commission scolaire et payé par la Ville représenterait une partie de la contrepartie pour la fourniture d'un immeuble par la Commission scolaire. Selon lui, cette fourniture serait exonérée aux termes de l'article 25 vu que l'exception de l'alinéa 25f) ne serait pas applicable dans les circonstances. Cette disposition se lit ainsi :

 

25.   [Immeubles] – La fourniture d'immeubles par un organisme de services publics (sauf une institution financière ou un gouvernement), à l'exclusion des fournitures suivantes :

 

[...]

 

f) les immeubles, sauf les logements provisoires, fournis soit par bail prévoyant la possession ou l'utilisation continues de l'immeuble pour une durée de moins d'un mois, soit par licence, si la fourniture est effectuée dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise par l'organisme;

 

[36]    Selon l'avocat de l'appelante, l'exception de l'alinéa 25f) n'est pas applicable en l'espèce puisque la preuve démontre que la Ville, suite à l'entente conclue le 22 janvier 1991 avec la Commission scolaire, avait la possession et l'utilisation continues du bloc « D » pour une durée de plus d'un mois. En effet, d'une part l'entente avait initialement une durée de cinq ans et elle a été reconduite tacitement par la suite et, d'autre part, les locaux du bloc « D » sont ceux qui étaient, pour la très grande majorité, utilisés exclusivement par la Ville. Selon lui, comme le bail consenti dans l'entente pour la somme de 1 $ prévoyait également que la Ville assumerait les coûts reliés au bloc « D », le paiement de l'électricité par la Ville devrait alors être considéré comme une partie de la contrepartie payable par la Ville pour la location du bloc « D ».

 

[37]    De son côté, l'avocat de l'intimée souligne que la cotisation n'est aucunement fondée sur la fourniture d'un immeuble mais bien sur la fourniture d'électricité que l'on considère qu'il s'agisse ou non d'un service. Selon lui, la question du partage du coût de l'électricité a toujours été traitée de façon distincte dans les différentes ententes entre la Commission scolaire et la Ville. D'ailleurs, dans l'entente signée le 22 janvier 1991, le paragraphe 11 prévoit précisément que les parties prendront les mesures nécessaires pour modifier les raccordements électriques de façon à rendre les blocs « C » et « D » autonomes. Ainsi, selon lui, l'intention des parties n'était pas de considérer le coût de l'électricité comme étant une partie de la contrepartie devant être versée par la Ville pour la location du bloc « D ».

 

[38]    L'avocat de l'intimée souligne de plus, dans la mesure où il s'agirait de la fourniture d'un immeuble, que la preuve démontre que le bail prévoyait une utilisation continue de moins d'un mois puisque l'utilisation des locaux était partagée entre la Ville et la Commission scolaire. Dans une telle hypothèse, l'exception de l'alinéa 25f) serait applicable et la fourniture deviendrait taxable. La décision dans l'affaire Commission scolaire des Découvreurs c. La Reine, 2003CCI295, [2003] 2 G.S.T.C. 86, [2003] A.C.I. no 258 (Q.L.), est citée au soutien de cet argument.

 

[39]    L'interprétation de l'entente du 22 janvier 1991 proposée par l'avocat de l'appelante est loin d'être cohérente. En effet, selon qu'il s'agit du bloc « C » et du bloc « D », l'entente conduirait à considérer qu'il y aurait vente d'électricité par la Commission scolaire à la Ville quant au bloc « C » et assumation du coût de l'électricité par la Ville comme contrepartie du bail consenti par la Commission scolaire quant au bloc « D ». Or, chacun des blocs « C » et « D » était loué à la Ville pour la somme de 1 $ et le paragraphe 5 de l'entente précise que la Ville aurait la gestion des blocs « C » et « D » et en assumerait les coûts. Toutefois, la question de l'électricité est traitée de façon distincte au paragraphe 11 de l'entente. Cette disposition prévoit que des mesures seront prises afin de modifier les raccordements électriques de façon à ce que le fonctionnement de tous les plateaux des blocs « C » et « D » soit autonome. À mon avis, il était donc clair qu'il n'était pas question que la Ville paie un montant quelconque à la Commission scolaire en rapport avec l'électricité puisque les blocs « C » et « D » devaient être rendus autonomes ce qui avait précisément comme but d'éviter les paiements par la Ville à la Commission scolaire quant à l'électricité consommée pour les blocs « C » et « D ». C'est parce que les parties ne se sont pas conformées à l'entente afin de modifier les raccordements électriques que la Commission scolaire a dû continuer de facturer la Ville pour la consommation d'électricité en rapport avec les blocs « C » et « D » puisqu'il n'y avait toujours qu'un seul compteur électrique et qu'Hydro-Québec continuait donc de facturer uniquement la Commission scolaire pour l'électricité consommée dans l'ensemble du complexe immobilier.

 

[40]    À mon avis, dans ce contexte, il est tout à fait inapproprié de traiter le paiement de l'électricité en rapport avec le bloc « D » comme étant une contrepartie versée par la Ville à la Commission scolaire pour la fourniture d'un immeuble, soit le bloc « D » aux termes du bail consenti dans l'entente du 22 janvier 1991.

 

[41]    Le troisième et dernier argument de l'avocat de l'appelante fait appel à la notion de mandat. Ainsi, la facturation par la Commission scolaire à la Ville constituerait une fourniture exonérée parce que la Commission scolaire aurait agi comme mandataire de la Ville quant au paiement de l'électricité à Hydro-Québec. Dans un tel cas, la facturation par la Commission scolaire à la Ville ne représenterait qu'une demande de remboursement des sommes payées pour et au nom de la Ville à Hydro-Québec pour sa consommation d'électricité en rapport avec les blocs « C » et « D ». À première vue, cet argument est attrayant, d'autant plus, que la Commission scolaire et la Ville sont copropriétaires du bloc « C ».

 

[42]    Toutefois, comme le souligne l'avocat de l'intimée, aucun élément de preuve ne permet d'en arriver à une telle conclusion. Si la preuve démontre que la Commission scolaire a pu agir comme mandataire de la Ville lors de la construction des blocs « C » et « D » au début des années 80, l'existence d'un mandat pour l'accomplissement d'un acte juridique tel le paiement d'une somme due par la Ville à Hydro-Québec n'a jamais été établi. D'ailleurs, il n'a pas été démontré que la Ville ait jamais contracté avec Hydro-Québec ou qu'elle devait quoique ce soit à cette dernière puisque le seul compteur électrique existant est au nom de la Commission scolaire qui est d'ailleurs la seule entité qui ait été facturée par Hydro-Québec. En effet, il n'existait aucun lien contractuel pour la fourniture d'électricité par Hydro-Québec à la Ville en rapport avec le complexe immobilier dont il est question. De plus, aucun représentant de l'appelante, que ce soit monsieur Smith ou madame Bertin dans leur témoignage ou encore madame Laperrière lors de ses discussions avec madame Bédard du ministère du Revenu du Québec, n'a prétendu que la Commission scolaire agissait comme mandataire de la Ville auprès d'Hydro-Québec. Dans l'esprit de tous, la Commission scolaire et la Ville se partageaient le coût de l'électricité consommée dans l'ensemble du complexe immobilier et la facturation de la Commission scolaire à la Ville représentait effectivement la partie attribuable à la Ville pour les blocs « C » et « D » dont elle était locataire en vertu de l'entente du 22 janvier 1991.

 

[43]    D'ailleurs, comment peut-on prétendre à l'existence d'un mandat lorsque la Commission scolaire a réclamé le remboursement de 68 % du total de la TPS payée à l'égard des factures d'Hydro-Québec, et ce, à titre d'administration scolaire en vertu de l'article 259 de la Loi et de l'alinéa 5c) du Règlement sur le remboursements?

 

[44]    À mon avis, la seule conclusion qui s'impose est que la facturation de la Commission scolaire à la Ville pour l'électricité consommée dans les blocs « C » et « D » représente un partage du coût de l'électricité et qu'à ce titre, elle constitue une fourniture taxable.

 

[45]    Évidemment cette fourniture n'a rien à voir avec les activités principales de la Commission scolaire dans le domaine de l'enseignement. De plus, comme l'a souligné l'avocat de l'appelante on ne pourrait non plus prétendre que la Commission scolaire exploite une entreprise de fourniture d'électricité ou de service d'électricité. Toutefois, la preuve présentée par l'appelante elle-même, preuve tant testimoniale que documentaire, établit sans l'ombre d'un doute, qu'il y a fourniture d'immeubles par bail par la Commission scolaire à la Ville. D'ailleurs, il s'agit de l'un des faits sur lequel s'est appuyé l'avocat de l'appelante pour revendiquer l'application de l'article 25 de la Partie VI de l'Annexe V de la Loi en regard du paiement par la Ville de la facture d'électricité transmise annuellement par la Commission scolaire et représentant la proportion du coût de l'électricité consommée dans le bloc « D ». Or, le bail portant sur les blocs « C » et « D » consenti par la Commission scolaire à la Ville dans l'entente du 22 janvier 1991 constitue, à n'en pas douter une « activité commerciale » au sens donné à cette expression dans l'alinéa c) de la définition que l'on trouve au paragraphe 123(1) de la Loi. Cette définition se lit :

 

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

 

a) l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l'exception de quelque projet ou affaire qu'entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l'affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

 

c) la réalisation de fournitures (sauf des fournitures exonérées) d'immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu'elle accomplit dans le cadre ou à l'occasion des fournitures.

 

[46]    Le partage des coûts de l'électricité négocié entre les parties et attribuant 48,62 % de ce coût à la Ville ne découle pas directement de l'entente du 22 janvier 1991 ou du bail concernant les blocs « C » et « D » qui y est stipulé. Toutefois, la facturation à la Ville pour l'électricité consommé par elle est définitivement dans le cadre ou à tout le moins à l'occasion de cette fourniture d'immeubles par la Commission scolaire pour reprendre les termes utilisés à l'alinéa c) de la définition d'« activité commerciale ». N'étant pas une fourniture exonérée, cette facturation des coûts de l'électricité constitue une fourniture taxable.

 

[47]    En conséquence de ce qui précède, les appels sont rejetés avec dépens en faveur de l'intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'octobre 2004.

 

 

 

 

« P. R. Dussault »

Juge Dussault


 

 

 

RÉFÉRENCE :

2004CCI702

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2001-3940(GST)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Commission scolaire du Fer

et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Québec (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 19 novembre 2003

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'honorable juge P.R. Dussault

 

DATE DU JUGEMENT :

le 19 octobre 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Jules Turcotte

 

Avocat de l'intimée :

Me Michel Morel

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

 

Pour l'appelante :

 

 

Nom :

Étude :

Ville :

Me Jules Turcotte

Brouillette Charpentier Fortin

Québec (Qc)

 

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           Toutefois, selon madame Bédard, il y a eu erreur dans le calcul du crédit de taxe sur les intrants accordé à l'appelante puisqu'il a été établi en fonction de 48,62 % du montant total de la facture d'Hydro-Québec re-facturé à la Ville. Or, comme ce montant comprenait les taxes facturées par Hydro-Québec, le crédit de taxe sur les intrants accordé à l'appelante est donc supérieur à celui auquel elle avait effectivement droit.

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