Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Référence : 2004CCI746

Dossier : 2003-4056(IT)I

ENTRE :

BETTY ELILA DOUGHERTY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l'audience à

Saint John (Nouveau‑Brunswick), le 12 juillet 2004.)

 

Le juge Margeson

 

[1]     La Cour va maintenant rendre son jugement dans l'affaire de Betty Elila Dougherty et Sa Majesté la Reine.

 

[2]     La seule question que doit trancher la Cour est celle de savoir si l'appelante a établi, selon la prépondérance de la preuve, qu'elle était le particulier admissible pendant la période de juillet 1999 à 2002 aux termes de l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). Était-elle le « particulier admissible » à l'égard de la personne à charge admissible pendant la période en question?

 

[3]     Pendant les années en question, l'article 122.6 de la Loi se lisait comme suit :

 

« particulier admissible » S'agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l'égard d'une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

 

a) elle réside avec la personne à charge;

 

b) elle est la personne – père ou mère de la personne à charge – qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière; [...]

 

Pour l'application de la présente définition :

 

f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

 

g) la présomption visée à l'alinéa f) ne s'applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

 

h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne.

 

[4]     L'article 6302 du Règlement établit les facteurs dont la Cour doit tenir compte afin de déterminer si une personne correspond à la définition de « particulier admissible ».

 

6302. Pour l'application de l'alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l'article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l'éducation d'une personne à charge admissible :

 

a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

 

b) le maintien d'un milieu sécuritaire là où elle réside;

 

c) l'obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

 

d) l'organisation pour elle d'activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

 

e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu'elle est malade ou a besoin de l'assistance d'une autre personne;

 

f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

 

g) de façon générale, le fait d'être présent auprès d'elle et de la guider;

 

h) l'existence d'une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

 

[5]     Il s'agit donc seulement de déterminer si l'appelante s'est acquittée du fardeau d'établir qu'elle était le « particulier admissible » pendant la période en question, sans oublier que l'ordonnance de la cour prévoyait que l'enfant avait le droit de vivre avec l'un ou l'autre des parents. Selon son témoignage, il a effectivement habité avec les deux parents.

 

[6]     Les témoignages étaient très contradictoires. Le témoignage de la mère (l'appelante) ne correspond pas du tout à celui du père de l'enfant.

 

[7]     La Cour pensait que le conflit pourrait être résolu par le témoignage de l'enfant, mais cela n'a pas été le cas. Le témoignage de l'enfant était différent de celui des deux autres parties et contredisait même les deux parties. Il n'appuie donc ni l'une ni l'autre des parties.

 

[8]     Le père ne se présente pas devant la Cour à titre de requérant ou d'appelant. La Cour n'a pas à décider si le père était le « particulier admissible ». Elle doit décider si l'appelante a réussi à établir, selon la prépondérance de la preuve, qu'elle était le « particulier admissible » pendant la période en cause. Cependant, ce faisant, la Cour doit tenir compte des témoignages du père, de la mère et de l'enfant, ainsi que de toute la preuve documentaire qui lui a été présentée.

 

[9]     La preuve documentaire n'est pas concluante. En fait, certaines parties de cette preuve ne correspondent pas aux autres parties. Par exemple, les calendriers qui ont été présentés par les deux parties se contredisent. La Cour tient compte des calendriers établis par le père et tenus dans sa propre écriture. La Cour tient également compte des calendriers établis par la mère et tenus dans sa propre écriture. Les deux parties ont affirmé avoir rempli les calendriers à mesure que les événements avaient lieu, mais ils ne concordent pas. Il se peut que quelqu'un ait bâclé les calendriers ou y ait entré de mauvais renseignements, parce que les deux documents ne peuvent pas être corrects. Ils sont contradictoires, comme les témoignages du père et de la mère. De plus, le témoignage du fils est venu contredire le témoignage du père et le témoignage de la mère. Cela ne règle pas la question concernant l'exactitude des calendriers.

 

[10]    La Cour tient compte d'autres éléments de preuve, comme les adresses sur les lettres envoyées au fils. Dans certains cas, les éléments de preuve indiquent que l'adresse du fils était celle de la mère. Dans d'autres cas, c'est plutôt celle du père. L'adresse indiquée sur les lettres dépend de l'endroit où se trouvait le fils à un moment ou à un autre. La Cour ne peut pas tirer de conclusion définitive d'une lettre envoyée au fils à l'adresse du père ou à l'adresse de la mère.

 

[11]    Dans ses observations, l'avocat de l'appelante a établi la question sans ambages. Le fardeau de la preuve repose sur l'appelante pour ce qui est d'établir, selon la prépondérance de la preuve, qu'elle était le « particulier admissible » pendant la période en cause. Selon lui, l'appelante s'est acquittée de ce fardeau.

 

[12]    Il admet que les témoignages des ex-époux sont contradictoires. Il convient que les témoignages ne sont pas conciliables et la Cour est du même avis.

 

[13]    Il a conclu que le témoignage de Jeffrey était un juste milieu et qu'il n'aidait aucune des deux parties, pas plus qu'il n'aidait la Cour à trancher la question de savoir si l'appelante était la principale responsable des soins.

 

[14]    L'avocat de l'appelante a affirmé qu'il y avait des précédents à l'appui de l'affirmation selon laquelle une telle conclusion exigeait que le principal responsable des soins fournisse les soins plus de la moitié du temps. Ceci n'est pas identique à la majeure partie du temps ou bien à une grande partie ou à une partie raisonnable du temps. Le principal responsable des soins doit être la personne qui fournit les soins plus de la moitié du temps.

 

[15]    Donc, il incombe à l'appelante de convaincre la Cour, selon la prépondérance de la preuve, qu'elle était la principale responsable des soins plus de la moitié du temps.

 

[16]    Si la Cour accepte son témoignage, elle était en effet la principale responsable des soins. Si la Cour accepte le témoignage du mari, elle ne l'était pas. Si la Cour accepte le témoignage du fils, elle ne peut décider ni dans un sens ni dans l'autre. La Cour ne peut pas décider que l'appelante était la principale responsable des soins parce que le fils a affirmé que chacun des parents fournissait la moitié des soins. Ils étaient tous deux les principaux responsables des soins, aux termes du Règlement, la moitié du temps.

 

[17]    La Cour est convaincue que pendant la période où l'appelante et son ex‑mari fournissaient les soins, ils répondaient à tous les critères. Mais ceci ne répond pas à la question de savoir si l'appelante a réussi à établir, selon la prépondérance de la preuve, qu'elle était la principale responsable des soins plus de la moitié du temps.

 

[18]    En ce qui a trait au témoignage de l'ex-mari et à celui de l'appelante, il y a peu de choses qui permettent de trancher en faveur de l'un ou de l'autre. Ils ont tous deux témoigné sur pratiquement les mêmes questions et ils ont tous deux fourni des éléments de preuve documentaire qu'ils disent avoir établis eux-mêmes. Ils avaient tous deux une lettre indiquant que le fils habitait avec eux. L'une d'elle mentionnait que le fils passait tout son temps, ou la majeure partie du temps, avec sa mère et l'autre mentionnait qu'il passait la majeure partie du temps avec son père et donnait à penser que le père était le principal responsable des soins.

 

[19]    À cet égard, la Cour ne prête guère attention à ces lettres et aux calendriers, parce qu'ils ne correspondent pas, premièrement, à l'ensemble du témoignage du fils et parce qu'ils ne correspondent pas non plus à l'affirmation du fils selon laquelle chaque parent lui fournissait la moitié des soins.

 

[20]    La Cour est convaincue que l'enfant subissait beaucoup de pression. Il marchait sur des oeufs et faisait bien attention de ne pas favoriser une partie plus qu'une autre. Si l'une des deux parties quitte la Cour pensant que le fils a favorisé l'une d'elles, elle a tort. Il a dit ce qu'il pensait devoir dire dans les circonstances.

 

[21]    Chaque partie pensera peut-être que le fils n'a pas été complètement franc. Cependant, la Cour est convaincue que, selon son témoignage, il a essayé d'être franc. Il était fermement convaincu que pendant la période en cause, ses deux parents avaient fourni les soins principaux de façon égale. À cet égard, la Cour doit accepter son témoignage. Les témoignages du père et de la mère sont complètement contradictoires et il n'existe pas d'élément de preuve indépendant permettant de vérifier ces témoignages.

 

[22]    Il semble qu'il y avait d'autres personnes qui étaient au courant de ce qui se passait dans la présente affaire. On a notamment mentionné des parents et des voisins. La mère a mentionné des voisins qui étaient au courant de ce qui se passait. De son côté, le père a renvoyé à d'autres documents qu'il aurait pu produire, comme des lettres de médecins qui auraient pu corroborer son témoignage lorsqu'il affirme avoir assumé la responsabilité de la majorité des visites chez le médecin, mais il n'a pas produit ces documents et on n'a pas appelé les parents et les voisins à témoigner. Le fils a affirmé que chaque parent l'amenait chez le médecin la moitié du temps.

 

[23]    S'il s'agissait du facteur déterminant et qu'il n'y avait pas le témoignage du fils pour faire pencher la balance, la Cour conclurait que le témoignage du mari était un peu plus direct, un peu plus complet, un peu plus concluant et un peu plus substantiel. Dans l'ensemble, son témoignage était probablement plus crédible, mais le témoignage du fils est venu contredire celui des deux parties.

 

[24]    En fin de compte, la Cour n'est pas convaincue que l'appelante se soit acquittée du fardeau d'établir que, pendant la période de juillet 1999 à juillet 2002 inclusivement, soit la période en cause, elle était la principale responsable des soins ou le particulier admissible, aux termes de la loi applicable.

 

[25]    L'avocat de l'intimée affirme qu'il s'agit de la question en litige. L'enfant divise l'affaire en deux parties égales. L'avocat soutient que Jeffrey subissait de la pression de la part des deux parties.

 

[26]    La Cour est convaincue, de par son témoignage, qu'il ne se souvient pas vraiment du serment qu'il aurait signé. La Cour n'est pas convaincue qu'il a nécessairement signé le serment en présence d'un commissaire. Il affirme ne jamais avoir été dans le bureau d'un commissaire. La Cour n'est pas convaincue du moment où le serment aurait été signé.

 

[27]    La Cour n'est pas convaincue du moment où les autres lettres auraient été signées. Pour cette raison, ces documents préoccupent beaucoup la Cour. Elle ne croit pas qu'ils soient tout ce qu'on prétend qu'ils sont.

 

[28]    Quoi qu'il en soit, la Cour n'est pas convaincue, selon la prépondérance de la preuve, que l'appelante était le particulier admissible et la principale responsable des soins pendant la période en cause.

 

[29]    La Cour ne conclut pas que le mari, ou qui que ce soit d'autre, était le principal responsable des soins. Elle conclut que l'appelante n'a pas réussi à établir qu'elle était la principale responsable des soins.

 

[30]    Si on examine la jurisprudence, la décision qui a été citée devant la Cour était l'affaire Nelson c. La Reine[1]. Cette affaire est différente de celle en l'espèce parce que dans cette affaire-là, le juge Campbell (tel était son titre) avait décidé de diviser la prestation fiscale pour enfants parce que les parents divorcés avaient tous deux, de façon assez égale, contribué au soin et à l'éducation des enfants. Dans ce cas-là, de toute façon, le requérant ne demandait pas la prestation fiscale pour enfants pour les deux enfants. Il la demandait pour un seul enfant et il était satisfait que sa femme la reçoive pour un enfant également. Cela peut se faire. Il peut y avoir un principal responsable des soins pour un enfant et un autre principal responsable des soins pour un autre enfant. Il peut aussi y avoir un principal responsable des soins différent selon la période.

 

[31]    Cependant, aucune preuve n'a été déposée à la Cour lui permettant de conclure, selon la prépondérance de la preuve, que la mère était la principale responsable des soins pendant une période définie, ou que le père était le principal responsable des soins pendant une autre période, parce que le témoignage du fils n'appuie pas une telle conclusion. Il a affirmé que pendant toute la période en cause, la mère et le père ont fourni des soins à parts égales. Il passait deux semaines avec l'un des parents et deux semaines avec l'autre. Le père contribuait de façon égale à ses activités sportives et à ses dépenses. La mère contribuait de façon égale à la maison. Les deux parents avaient une chambre dans leur maison pour le fils. Tous les autres facteurs étaient aussi divisés à parts égales.

 

[32]    À cet égard, la Cour ne peut pas accueillir la demande de l'avocat de l'appelante, soit de diviser l'admissibilité entre les deux parents pour une certaine période, parce que la Cour n'a pas assez d'éléments de preuve lui permettant de le faire.

 

[33]    En définitive, la Cour doit donc rejeter l'appel et confirmer la cotisation établie par le ministre.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de novembre 2004.

 

 

« T. E. Margeson »

Le juge Margeson

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2007.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

RÉFÉRENCE :

2004CCI746

 

DOSSIER DE LA COUR :

2003-4056(IT)I

 

INTITULÉ :

Betty Elila Dougherty c. La Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Saint John (Nouveau‑Brunswick)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 12 juillet 2004

 

MOTIFS DU JUGEMENT RENDUS ORALEMENT :

L'honorable juge T. E. Margeson

 

DATE DES MOTIFS :

Le 18 novembre 2004

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Jack M. Blackier

 

Avocat de l'intimée :

Me Christa MacKinnon

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l'appelant :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]           2002 CAF 451, no A‑280‑01, 18 novembre 2002, [2003] 1 C.T.C. 307. Cette décision a été infirmée en appel.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.