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Dossier : 2004-2800(IT)I

ENTRE :

VITO NOREJKO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Requête entendue le 13 décembre 2004, à London (Ontario)

 

 

Devant : L’honorable juge T. O’Connor

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Ifeanyichukwu Nwachukwu

 

 

 

 

ORDONNANCE

          Vu la requête présentée par l’intimée en vue d’obtenir une ordonnance annulant les appels de l’appelant concernant ses années d’imposition 1988, 1989, 1990, 1991, 1992, 1993, 1994, 1995, 1996, 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002 et 2003, en vertu de l’alinéa 58(3)a) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale);

 

          Et après avoir entendu les observations de l’appelant et de l’avocat de l’intimée;

 

Les appels relatifs aux années d’imposition 1988, 1989, 1990, 1991, 1992, 1993, 1994, 1995, 1996, 1997, 1998, 1999, 2000, 2001, 2002 et 2003 sont annulés pour les raisons exposées dans les motifs de l’ordonnance ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de janvier 2005.

 

 

 

 

« T. O’Connor »

Juge O’Connor

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 


 

 

 

Référence : 2004CCI829

Date : 20050106

Dossier : 2004-2800(IT)I

ENTRE :

VITO NOREJKO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge O’Connor

 

Les points en litige

 

[1]              L’appelant interjette appel de ses cotisations ou nouvelles cotisations d’impôt sur le revenu concernant les années 1988 à 1999. Il soutient aussi être exempté du paiement de l’impôt sur le revenu dans ces années‑là ainsi que dans les années 2000 à 2003, années pour lesquelles il n’y a ni cotisation ni nouvelle cotisation.

 

[2]              La position de l’appelant est exposée dans les passages suivants, extraits de son avis d’appel daté du 13 avril 2004 :

 

[traduction]

[…] Je dépose par la présente une opposition, comme l’autorisent les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. Par la présente demande, je sollicite une exemption du paiement de l’impôt sur le revenu des particuliers.

 

            Ma requête est fondée sur la liberté fondamentale de conscience et de religion qu’accorde la Charte canadienne des droits et libertés. Si je présente cette opposition à ce moment‑ci, c’est que je ne peux plus tolérer la situation législative actuelle si l’on ne prend pas de mesures correctives. Je fais surtout référence à l’absence d’une loi qui empêche les êtres humains les plus innocents au Canada d’être victimisés par une lacune législative ou constitutionnelle dans notre pays. […]

 

            Avant la décision que la Cour suprême a rendue en 1988, décision par laquelle la loi sur l’avortement de 1969 a été réputée inconstitutionnelle, les enfants encore dans le ventre de leur mère bénéficiaient au moins d’une certaine protection et d’un certain respect pour leur valeur et leur noblesse infinies en tant qu’êtres humains. […] la décision de la Cour suprême du Canada invitait le législateur à introduire une nouvelle loi sur l’avortement, ce à quoi, à ce jour, nos législateurs n’ont pas encore donné suite. […]

 

Depuis 1988, à cause de l’abrogation de responsabilité de nos législateurs fédéraux (qui, dans l’intervalle, a donné lieu à un assortiment de mesures de formulation de lois de la part du corps judiciaire), l’avortement est devenu un acte de soins financé par le gouvernement de l’Ontario (et d’autres provinces aussi). En raison de mes profondes convictions contre l’avortement, je m’oppose à l’idée de financer personnellement cet acte médical de suppression de la vie par l’impôt que le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral prélèvent sur mon revenu. Le peu de succès avec lequel on règle la question de l’avortement au Parlement dénote sa nature complexe, qui sème la division, et révèle, par ricochet, à quel point, dans une démocratie, cette forme de coercition est déplacée dans ces circonstances. Sont surtout répréhensibles les avortements accomplis à titre de mesure contraceptive. […]

 

Je demande donc le remboursement de tous les paiements d’impôt sur le revenu (nets) que j’ai faits au gouvernement, rétroactivement à 1988. Je voudrais par ailleurs que cette opposition soit appliquée à tous mes revenus à venir jusqu’à ce qu’une loi remédie à la situation décrite. […]

 

En terminant, à titre de circonstance factuelle pertinente à la présente affaire, je vous fais part de ma décision de ne pas produire mes déclarations de revenus depuis l’année d’imposition 2000. […] Le motif de cette décision est le même que celui qui s’applique à la situation décrite dans la présente. […]

 

[3]              L’appelant mentionne également les avantages fiscaux accordés aux relations homosexuelles et indique qu’il s’agit là d’un autre motif qui justifie ses appels. L’appelant, qui se soucie principalement de la question de l’avortement, n’a pas insisté sur ce dernier point. Quoi qu’il en soit, la décision rendue dans les présents appels s’applique de manière égale aux deux questions.

 

[4]              L’appelant a aussi déposé auprès de la Cour des observations écrites datées du 13 décembre 2004 et les extraits qui suivent visent à en résumer les points saillants :

 

[traduction]

[…]

Pour ce qui est de tuer un être humain, la répugnance que suscite un tel acte de Dieu et de l’homme ne fait aucun doute. Je soumets à la Cour que cela s’étend manifestement à l’être humain qui se trouve dans le ventre de sa mère. Notre bon sens et notre bon raisonnement, appliqués de façon honnête, nous mènent à cette conclusion, et à nulle autre. Comment cet enfant peut‑il être considéré comme quelque chose d’autre avant de naître et, tout à coup, comme par magie, voir le jour sous une forme de vie humaine – en acquérant, exclusivement par la naissance, tous les privilèges et tous les droits d’un être humain qu’accordent les lois de notre pays?

 

[…]

 

            Je crois comprendre qu’à l’époque où l’on a débattu et formulé la loi sur l’avortement de 1969, aucune preuve scientifique examinant l’humanité des enfants présents dans le ventre de leur mère n’a été sérieusement prise en considération. Depuis lors, les progrès techniques ont établi de manière plus visible l’humanité de ces enfants. […] Au cours des trente dernières années à peu près, ces progrès ont assurément amené bien des gens à reconnaître l’humanité des enfants présents dans le ventre de leur mère.

 

[...]

 

En tirant la conclusion proposée, il subsiste peut‑être un aspect qui pourrait troubler la conscience. Cet aspect est lié à la préoccupation que suscite la volonté qu’exerce la mère sur la vie de l’enfant qu’elle porte en elle.

 

[...]

 

[L’appelant propose une citation personnelle.]

 

[traduction]

[…] « l’actualité du monde d’aujourd’hui – comme en font foi les statistiques sur l’avortement – n’appelle‑t‑elle pas à protéger une vie humaine innocente même s’il faut pour cela faire obstacle à la volonté qu’exerce une mère sur l’enfant qu’elle porte? »

 

[L’appelant présente ensuite certaines statistiques établissant que, en 1997 du moins, l’avortement était la première cause de décès au Canada. Il souligne également que cet acte est contraire à la volonté de Dieu; et il poursuit :]

 

[traduction]

[...]

Pour les fins des procédures judiciaires, je demande par la présente l’autorisation de porter ma cause en appel au motif que l’on porte atteinte à ma liberté de conscience en prélevant de l’impôt sur le revenu dont le gouvernement se sert par la suite pour financer les avortements et les services connexes. Comme je l’ai expliqué, j’estime qu’un avortement est l’annihilation cruelle d’un être humain innocent et précieux, et je ne tiens pas à être partie à un tel acte, de quelque façon que ce soit – même indirectement, par le paiement de l’impôt sur le revenu.

 

[5]              La requête de l’intimée vise l’obtention d’une ordonnance annulant les appels de l’appelant, notamment pour les motifs suivants :

 

[traduction]

a)         La Cour canadienne de l’impôt n’a pas compétence pour accorder à titre de réparation une exemption du paiement de l’impôt sur le revenu; ce motif est fondé sur l’alinéa 58(3)a) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »), lequel dispose que l’intimée peut demander qu’un appel soit rejeté au motif que la Cour n’a pas compétence sur l’objet de cet appel. On peut aussi considérer que la requête est présentée en vertu de l’alinéa 58(1)b) des Règles : une partie peut demander la radiation d’un acte de procédure au motif qu’il ne révèle aucun moyen raisonnable d’appel.

 

b)         Aucun avis d’opposition valide n’a été signifié en rapport avec les années d’imposition 1988 à 1999, ainsi que l’exige le paragraphe 169(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1;

 

Ces motifs sont analysés séparément ci‑après, aux sections A) et B).

 

[6]              Un autre motif est lié à la condition légale selon laquelle on ne peut juger de la validité constitutionnelle d’une loi à moins d’en aviser le procureur général du Canada et ceux des provinces, aux termes de l’article 19.2 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt (la « Loi »), dont le texte est le suivant :

 

19.2 (1) Les lois fédérales ou leurs textes d’application, dont la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, est en cause devant la Cour ne peuvent être déclarés invalides, inapplicables ou sans effet, que si le procureur général du Canada et ceux des provinces ont été avisés conformément au paragraphe (2).

 

(2) L’avis est, sauf ordonnance contraire de la Cour, signifié au moins dix jours avant la date à laquelle la question constitutionnelle qui en fait l’objet doit être débattue.

 

(3) Les avis d’appel portant sur une question constitutionnelle sont à signifier au procureur général du Canada et à ceux des provinces.

 

(4) Le procureur général à qui un avis visé aux paragraphes (1) ou (3) est signifié peut présenter une preuve et des observations à la Cour à l’égard de la question constitutionnelle en litige.

 

[…]

 

L’intimée a soulevé un motif additionnel, à savoir qu’il ne peut pas y avoir d’appel à l’encontre d’une « cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable », pas plus qu’il ne peut y en avoir un sans cotisation. Ce motif et celui qui est fondé sur l’article 19.2 de la Loi sont analysés dans la conclusion du présent jugement.

 

A)      Pour ce qui est de la compétence de la Cour canadienne de l’impôt, l’intimée se reporte à l’article 12 de la Loi, qui énumère les lois sur lesquelles la Cour canadienne de l’impôt a compétence (ce qui n’est pas concluant en soi), ainsi qu’au paragraphe 171(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, dont le texte est le suivant :

 

171. (1) La Cour canadienne de l’impôt peut statuer sur un appel :

a) en le rejetant;

b) en l’admettant et en :

(i) annulant la cotisation,

(ii) modifiant la cotisation,

(iii) déférant la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

Ces dispositions amènent à conclure que la Cour canadienne de l’impôt n’a pas compétence pour accorder la réparation que sollicite l’appelant, soit une exemption du paiement de l’impôt sur le revenu.

 

B)      Quant à l’obligation de signifier un avis d’opposition valide, l’intimée invoque le paragraphe 169(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui est libellé en ces termes :

 

169. (1) Lorsqu’un contribuable a signifié un avis d’opposition à une cotisation, prévu à l’article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation :

a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

b) après l’expiration des 90 jours qui suivent la signification de l’avis d’opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu’il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

toutefois, nul appel […].

 

[7]              L’intimée invoque de plus l’alinéa 58(3)b) des Règles :

 

58(3) L’intimée peut demander à la Cour le rejet d’un appel au motif que,

 

[…]

 

b)         une condition préalable pour interjeter appel n’a pas été satisfaite;

 

Ces dispositions amènent à conclure qu’il ne peut pas y avoir d’appel si un avis d’opposition valide n’a pas été déposé.

 

 

[8]              Quant à la compétence (motif A), l’avocat de l’intimée s’est reporté à plusieurs décisions. Dans Prior v. Her Majesty The Queen, [1989] 2 C.T.C. 280, le sommaire est libellé comme suit :

 

[traduction]

La contribuable, opposée aux dépenses axées sur des fins militaires ou de guerre, s’est abstenue de payer à Revenu Canada 10,5 % de l’impôt qu’elle devait pour son année d’imposition 1982, au motif qu’il s’agissait‑là de la part du budget canadien de 1982 qui était affectée à des dépenses militaires, et elle l’a plutôt versé au Peace Tax Fund de Victoria, en Colombie‑Britannique. La Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel de la contribuable contre la cotisation que le ministre avait établie à son endroit pour l’impôt ainsi retenu, concluant que s’il y avait bel et bien eu violation des droits que la Charte garantit à la contribuable, comme celle‑ci le prétendait, cette violation pouvait se justifier dans une société libre et démocratique. La contribuable s’est ensuite adressée à la Cour fédérale – Section de première instance en vue d’obtenir une ordonnance déclaratoire portant que : 1) l’obliger à payer le plein montant de son impôt sur le revenu à Revenu Canada portait atteinte aux droits que lui garantit la Charte et 2) qu’elle avait le droit de payer au Peace Fund 10,5 % du montant total de l’impôt sur le revenu exigible, comme elle l’avait fait. À la demande du ministère public, la Cour fédérale – Section de première instance a radié la déclaration de la contribuable au motif qu’elle ne révélait aucune cause d’action (88 DRS P80‑582), et la contribuable a interjeté appel auprès de la Cour d’appel fédérale.

 

JUGEMENT : L’appel de la contribuable a été rejeté. Les conclusions du juge de première instance ont été confirmées pour les motifs suivants : 1) les impôts prélevés auprès de la contribuable n’avaient pas un lien suffisamment étroit avec les dépenses militaires du gouvernement pour que le paiement de ces impôts constitue une atteinte à ses croyances; 2) l’impôt sur le revenu que payait la contribuable, sous le régime séculaire de la Loi de l’impôt sur le revenu, ne l’associait d’aucune façon aux fonctions, militaires ou d’autre nature, du gouvernement; 3) le paragraphe 15(1) de la Charte (qui garantit l’égalité devant la loi sans discrimination) n’était pas pertinent aux questions en litige, quoique l’alinéa 2a) de la Charte (qui garantit la liberté de conscience et de religion) eût pu l’être, si la contribuable avait réussi à démontrer qu’elle avait été forcée d’agir contrairement à sa conscience; 4) la Charte n’a pas primauté sur les autres dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867, et cela inclut le pouvoir que confère cette dernière de lever des impôts; la contribuable avait tenté à tort de contester le pouvoir de lever des impôts si ces derniers servaient à des fins censément irrégulières; 5) donner effet à la demande de la contribuable obligerait la Cour à modifier les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu concernant les taux d’imposition, ou alors de créer un crédit exemptant la contribuable d’une partie de l’impôt qu’elle devrait par ailleurs payer – deux mesures qui échappent à la compétence de la Cour fédérale.

 

[9]              Dans Woodside v. Her Majesty the Queen, [1993] 2 C.T.C. 2348, le juge Sarchuk, de la Cour canadienne de l’impôt, s’est conformé à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Prior et, au sujet de la question de la compétence, il a déclaré ce qui suit :

 

[…]

8          Si la Cour fédérale n’a pas compétence pour rendre une ordonnance déclaratoire dans une affaire similaire, je peux vous assurer que la présente cour n’a pas le pouvoir d’accorder une mesure de redressement déclaratoire non plus.

 

9          En dernier lieu, je m’appuie sur les motifs invoqués par mon collègue le juge Mogan dans l’arrêt Hertzog mentionné par l’avocat du ministre. Je crois que le paragraphe cité par l’avocat est une explication soigneusement élaborée des limites de la compétence de la présente cour. Ce n’est pas que nous ne puissions pas entendre un appel interjeté devant nous lorsque des points analogues sont soulevés; c’est tout simplement que nous n’avons pas compétence pour accorder la mesure de redressement demandée.

 

 

[10]         Dans la décision O’Sullivan v. Her Majesty the Queen, [1991] 2 C.T.C. 177, une décision de la Cour fédérale, Section de première instance, le sommaire est rédigé en ces termes :

 

[traduction]

Le demandeur a demandé une réduction de son impôt sur le revenu pour 1980 et les années suivantes, de même qu’une déclaration portant que la loi qui permet d’utiliser l’argent des contribuables pour financer des avortements légaux est invalide parce que contraire à la Charte. Il a soutenu que le droit à la vie de l’enfant non encore né est protégé par la Charte et la Déclaration universelle des droits de l’homme, et qu’il y a un lien coercitif entre le paiement de l’impôt sur le revenu et la privation du droit à la vie de l’enfant. Il n’a pas contesté le calcul fait par la défenderesse de son impôt à payer, mais il a soutenu que l’on portait atteinte à sa liberté de conscience et de religion en l’obligeant à payer des impôts qui servent à financer des avortements. Il a donc demandé une réduction corrélative de son impôt sur le revenu en se fondant sur le préambule de la Charte, qui indique que « […] le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu […] ».

 

La défenderesse avait demandé avec succès au protonotaire adjoint de radier la déclaration en vertu de la Règle 419, car cette déclaration ne révélait aucune cause raisonnable d’action. Selon la défenderesse, il n’y a aucun lien entre, d’une part, le paiement des impôts sur le revenu et les diverses dépenses du gouvernement fédéral et, d’autre part, les dispositions de la Charte en matière de « liberté de religion » et de « sécurité de la personne ». Il était donc déraisonnable de prétendre qu’il fallait réduire les impôts parce que le gouvernement finançait des avortements légaux.

 

JUGEMENT :

La Cour a tout d’abord conclu qu’elle était compétente pour entendre l’action. Après avoir longuement examiné les dispositions applicables de la Charte, elle a décrété qu’il n’y avait pas d’atteinte à la liberté de conscience du contribuable, parce que le paiement de l’impôt sur le revenu n’imposait aucune obligation de donner des conseils en matière d’avortement ou de pratiquer un avortement. De plus, les croyances religieuses du contribuable étaient contraires à une pratique - l’avortement - que l’État tolère. En définitive, la Cour a conclu que la déclaration du contribuable ne révélait aucune cause raisonnable d’action et elle a souscrit à la décision du protonotaire adjoint. Appel rejeté.

 

Analyse et conclusion

 

[11]         Après avoir examiné les observations de l’appelant et de l’avocat de l’intimée et passé en revue les dispositions législatives et les décisions jurisprudentielles citées plus tôt, je conclus que la Cour n’a pas compétence pour accorder une exemption de l’impôt sur le revenu, qu’il soit fédéral ou provincial. En outre, à supposer que la Cour soit compétente pour examiner les questions que soulève l’appelant, elle n’est pas habilitée à accorder la réparation demandée ou d’ordonner le remboursement des impôts payés et une exemption du paiement de l’impôt sur le revenu. Le fait que l’appelant, du fait de ses convictions religieuses ou pour une autre raison, ne soit pas d’accord avec les lois du gouvernement du Canada ou les politiques sur lesquelles ces lois sont fondées, ou qu’il s’y objecte pour des questions de conscience, ne change rien à ces conclusions.

 

[12]         Je conclus aussi que même si ce qui précède est inexact, il est impossible d’entendre ces appels car la condition préalable – la signification d’un avis d’opposition valide – n’a pas été remplie.

 

[13]         Je conclus par ailleurs qu’en tout état de cause, l’appelant ne peut pas avoir gain de cause dans la mesure où ses appels font état de la validité constitutionnelle de la Loi de l’impôt sur le revenu ou de toute autre loi à cause de l’article 19.2 de la Loi, qui oblige à aviser au préalable le procureur général du Canada et ceux des provinces, et que cette condition n’a pas été remplie.

 

[14]         Vu les conclusions qui précèdent, il est inutile de s’étendre sur la question de l’absence de cotisations ou de nouvelles cotisations pour certaines années, pas plus que sur la question présumée selon laquelle il ne peut pas y avoir d’appel contre une cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable.


 

[15]         En conséquence, la requête de l’intimée est accueillie et les appels sont annulés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de janvier 2005.

 

 

 

 

 

 

Juge O’Connor

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 


 

 

 

RÉFÉRENCE :

2004CCI829

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2004-2800(IT)I

 

INTITULÉ :

Vito Norejko c. La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 décembre 2004

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge T. O’Connor

 

DATE DE L’ORDONNANCE

Le 6 janvier 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocat de l’intimée :

Me Ifeanyichukwu Nwachukwu

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelant :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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