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Dossier : 2006-1911(IT)G

 

ENTRE :

DANIEL SAVARD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

__________________________________________________________________

Appel entendu le 17 octobre 2007, à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Robert Marcotte

 

Avocate de l'intimée :

Me Stéphanie Côté

__________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1998 et 1999 est accueilli, avec dépens en faveur de l'appelant et la cotisation est annulée pour le motif de l'absence de preuve justifiant l'établissement d'une cotisation au-delà de la période normale, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

          Quant aux pénalités, elles sont évidemment annulées en conséquence de l'annulation des cotisations.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de février 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

Référence : 2008CCI62

Date : 20080304

Dossier : 2006-1911(IT)G

ENTRE :

 

DANIEL SAVARD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT CORRIGÉS

 

 

Le juge Tardif

 

 

[1]     Il s'agit d'un appel relatif aux années d'imposition 1998 et 1999 en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]     Les questions en litige sont les suivantes :

 

11.       Le ministre avait-il raison d'émettre les avis de nouvelles cotisations en litige au‑delà de la période normale de nouvelle cotisation?

 

12.       L'appelant a-t-il reçu un avantage de Industries FDS Inc., quand celle‑ci a payé en 1998 et en 1999 des honoraires professionnels de l'appelant pour des montants de 72 244 $ et 4 167 $ respectivement?

 

13.       Alternativement, les paiements d'honoraires professionnels payés au profit de l'appelant doivent-ils être inclus dans son revenu en vertu des paragraphes 56(2) ou 246(1) de la Loi?

 

14.       Est-ce sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde que l'appelant a omis d'inclure les montants d'honoraires dans son revenu?

 

[3]     Pour établir et ratifier les cotisations et les pénalités concernant les années d'imposition 1997, 1998 et 1999, le ministre du Revenu national (le « ministre ») s’est fondé sur les faits suivants énumérés à la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse ») :

 

9.     [...]

 

a)         Le 20 mars 1998, l'honorable juge Morand de la Cour du Québec (chambre criminelle et pénale) trouvait l'appelant coupable de 15 chefs d'accusation de fabrication de faux documents et usage de faux documents en contravention des articles 366 et 368 du Code criminel (L.R.C., 1985, ch. C‑46).

 

b)         Les actes reprochés à l'appelant ont été perpétrés entre novembre 1985 et mars 1988.

 

c)         À cette époque, l'appelant était actionnaire et employé de Industries Savard Inc.

 

d)         L'appelant avait fabriqué et présenté de faux documents comptables pour obtenir du financement auprès d'institutions financières pour le compte de sa compagnie Industrie Savard Inc.

 

e)         Tout au long des années 1998 et 1999, l'appelant était employé de la société Industries FDS Inc. (la « Société »).

 

f)          Son contrat de travail prévoyait que les honoraires professionnels encourus par lui pour les poursuites l'impliquant personnellement seraient payés par la Société.

 

g)         Au cours de ces années, la Société a payé des honoraires professionnels pour des services encourus par l'appelant pour le bénéfice de ce dernier.

 

h)         Parmi ces honoraires professionnels, on compte des honoraires d'avocats et débours pour les recours suivants :

 

i)    Procès pour fabrication de faux et usage de faux documents, prononcé du jugement et représentations sur sentence devant la Cour du Québec (chambre criminelle et pénale);

 

ii)   Appel devant la Cour d'appel du Québec de sa condamnation et de la sentence;

 

iii)   Recours devant la Commission nationale des libérations conditionnelles;

 

iv)  Recours devant la section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles;

 

v)   Recours devant la Cour d'appel du Québec à l'encontre des décisions rendues par les instances ci‑haut mentionnées au sous‑paragraphes iii) et iv);

 

vi)  Poursuite intentée contre l'appelant par Jean‑Jacques Verrerault devant la Court supérieure;

 

i)          En 1998, ces honoraires (juridiques et autres) totalisent 72 244 $ et se détaillent de la manière suivante :

 

Personnes à qui les honoraires ont été payés

Montant total

Lepage Dinan, Avocats

11 928 $

KPMG

1 576 $

Me Michel Aubin

20 000 $

Me Jacques Normandeau

21 000 $

Me Josée Ferrari

9 953 $

Henri A. Lafortune Inc.

2 713 $

Jacques St-Onge, psychologue

5 075 $

 

j)          En 1999, ces honoraires totalisent 4 167 $ et se détaillent de la manière suivante :

 

Personnes à qui les honoraires ont été payés

Montant total

Lepage Dinan, Avocats

1 167 $

Me Jacques Normandeau

3 000 $

 

k)         L'appelant n'a pas inclus ces honoraires dans son revenu lors de la production de ses déclarations de revenus pour les années 1998 et 1999.

 

10.   [...]

 

a)         En 1998 et 1999, l'appelant a eu recours à des services professionnels, dont des services d'avocats pour le représenter devant la Cour du Québec  (chambre criminelle), la Cour d'appel du Québec, la Commission nationale des libérations conditionnelles et la section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

 

b)         La Société a payé ces honoraires professionnels pour des services encourus par l'appelant pour le bénéfice de ce dernier.

 

c)         L'appelant était administrateur et président de la Société.

 

d)         L'appelant savait que la Société payait directement les prestataires des services professionnels :

 

i)    Il initialait des facteurs d'honoraires.

 

ii)   Il signait des chèques de paiement de ces honoraires.

 

iii)   Son contrat de travail le prévoyait.

 

e)         L'appelant avait fait l'objet d'une vérification antérieure pour les années d'imposition 1991 à 1995 et un avantage à l'employé avait été inclus dans son revenu pour des honoraires professionnels semblables et considérables encourus par lui et payés par son employeur.

 

f)          De plus, une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi avait été imposée pour chacune des années.

 

g)         L'appelant n'a pas inclus dans son revenu les sommes de 72 244 $ en 1998 et de 4 167 $ en 1999, représentant les totaux des honoraires professionnels payés pour lui par la Société.

 

h)         Ces sommes sont importantes par rapport au revenu déclaré pour ces années, plus particulièrement en 1998 où elles représentent 108 % du revenu déclaré.

 

[4]     Plusieurs faits allégués à l'avis d'appel ont fait l'objet d'admissions; il s'agit des faits suivants :

 

1.   L'APPELANT en appelle des AVIS DE COTISATION portant les numéros 7‑050906‑012130 et 7‑050906‑012437 établis par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ci‑après « l'Agence ») suivant la Loi de l'impôt sur le revenu (1985 R.S.C. 5e suppl.) (ci‑après « L.I.R. »), en date du 15 septembre 2005 par laquelle le Ministre du Revenu National, cotisa l'APPELANT pour des montants de 38 392,24 $ et 2 103,07 $ respectivement relativement aux années d'imposition 1998 et 1999.

 

2.   Au cours de la période précédant l'année d'imposition 1998, l'APPELANT a commis des actes qui ont engendré des accusations criminelles à son égard.

 

[...]

 

4.   À cette époque, la société Industries FDS inc. était une filiale de la société 2746‑8479 Québec Inc.

 

5.   À cette époque, toutes les actions émises et en circulation de la société 2746‑8479  Québec Inc. étaient la propriété de l'épouse de l'APPELANT, madame Anne Giguère.

 

6.   Le 19 mars 1998, l'APPELANT a été reconnu coupable d'accusations criminelles portées contre lui et sa sentence a été prononcée 7 mai 1998.

 

7.   Au cours des années d'imposition 1998 et 1999, la société Industries FDS a acquitté des honoraires d'avocats reliés directement et indirectement aux poursuites criminelles intentées contre l'APPELANT.

 

[...]

 

9.   Le 3 mai 2002, suite à une vérification, l'Agence émettait à la société Industrie FDS inc. des avis de nouvelle cotisation pour les années d'imposition 1996, 1997, 1998 et 1999 par lesquels l'Agence refusait notamment la déduction des honoraires professionnels totalisant les montants suivants :

Année

Montant

1996

23 369 $

1997

9 972 $

1998

72 244 $

1999

4 167 $

 

109 752 $

 

10. Le 3 mai 2002, la société Industries FDS inc. a dûment logé des avis d'opposition aux avis de nouvelle cotisation pour les années 1996, 1997, 1998 et 1999 émis le 3 mai 2002.

 

[...]

 

13. Le 16 juillet 2002, madame Anne Giguère a dûment logé des avis d'opposition aux avis de nouvelle cotisation pour les années d'imposition 1996, 1997, 1998 et 1999 émis le 3 mai 2002.

 

14. Le 15 septembre 2005, en réponse à l'avis d'opposition présenté par madame Anne Giguère, l'Agence émettait à madame Anne Giguère des avis de nouvelle cotisation pour les années d'imposition 1996, 1997, 1998 et 1999 par lesquels l'Agence annulait notamment au revenu de madame Giguère les avantages imposables relatifs au paiement d'honoraires professionnels totalisant les montants suivants :

 

Année

Montant

1996

23 369 $

1997

9 972 $

1998

72 244 $

1999

4 167 $

 

109 752 $

 

15. Le 15 septembre 2005, l'Agence émettait à l'APPELANT :

 

      a.   un avis de cotisation au montant de 38 392,24 $ portant le numéro 7‑050906-012130 pour l'année d'imposition 1998. Ledit avis de cotisation ajoute au revenu de l'APPELANT un avantage imposable de 72 244 $ relativement à des « Frais personnels payés par « Les Industries FDS inc. » (frais d'avocat) » et impose des droits de 15 164,58 $, une pénalité de 7 939,75 $ et des intérêts de 15 288,41 $, et,

 

      b.   un avis de cotisation au montant de 2 103,07 $ portant le numéro 7‑050906-012437 pour l'année d'imposition 1999. Ledit avis de cotisation ajoute au revenu de l'APPELANT un avantage imposable de 4 167 $ relativement à des « Frais personnels payés par « Les Industries FDS inc. » (frais d'avocat) » et impose des droits de 904,94 $, une pénalité de 495,95 $ et des intérêts de 702,18 $, et,

 

16. Le 31 octobre 2005, l'APPELANT a dûment logé des avis d'opposition aux avis de cotisation émis le 15 septembre 2005 portant le numéro 7‑050906‑012130 et 7‑050906-012437.

 

17. Le ou vers le 30 mars 2006, le Ministre du Revenu national ratifia les avis de cotisation portant numéro 7‑050906-012130 et 7‑050906-012437 émis à l'APPELANT le 15 septembre 2005. L'AVIS DE RATIFICATION PAR LE MINISTRE portait la mention suivante :

 

      « Vous avez bénéficié d'avantages imposables dans le cadre de votre emploi chez « Industries FDS inc », La valeur de ces avantages, qui s'élèvent à 72 244 $ en 1998 et 4 167 $ en 1999, constitue un revenu tiré d'une charge ou d'un emploi selon l'alinéa 6(1)a).

 

      Des nouvelles cotisations, en vertu du sous-alinéa 152(4)a)(i), ont été établies pour les années d'imposition 1998 et 1999 en raison d'une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire en produisant les déclarations.

 

      Vous avez, sciemment ou dans des circonstances équivalent à une faute lourde, effectué une omission dans vos déclarations de revenus pour les années d'imposition 1998 et 1999 au sens du paragraphe 163(2). Étant donné que les impôts et les montants à payer en vertu des alinéas 163(2)a) à g) sont supérieurs aux impôts et aux montants qui auraient été payables s'ils avaient été calculés en vertu de ces alinéas, vous êtes passible de pénalités de 7 939 $ pour 1998 et de 495 $ pour 1999 calculées conformément au paragraphe 163(2).

 

18. L'APPELANT en appelle des avis de cotisation portant les numéros 7‑050906-012130 et 7‑050906-012437 émis à l'APPELANT le 15 septembre 2005 par l'Agence.

 

[...]

 

[5]     Les alinéas suivants de la Réponse ont été admis :

 

9.     [...]

 

a)         Le 20 mars 1998, l'honorable juge Morand de la Cour du Québec (chambre criminelle et pénale) trouvait l'appelant coupable de 15 chefs d'accusation de fabrication de faux documents et usage de faux documents en contravention des articles 366 et 368 du Code criminel (L.R.C., 1985, ch. C‑46).

 

b)         Les actes reprochés à l'appelant ont été perpétrés entre novembre 1985 et mars 1988.

 

c)         À cette époque, l'appelant était actionnaire et employé de Industries Savard Inc.

 

d)         L'appelant avait fabriqué et présenté de faux documents comptables pour obtenir du financement auprès d'institutions financières pour le compte de sa compagnie Industrie Savard Inc.

 

e)         Tout au long des années 1998 et 1999, l'appelant était employé de la société Industries FDS Inc. (la « Société »).

 

f)          Son contrat de travail prévoyait que les honoraires professionnels encourus par lui pour les poursuites l'impliquant personnellement seraient payés par la Société.

 

k)         L'appelant n'a pas inclus ces honoraires dans son revenu lors de la production de ses déclarations de revenus pour les années 1998 et 1999.

 

10.   [...]

 

c)         L'appelant était administrateur et président de la Société.

 

d)         L'appelant savait que la Société payait directement les prestataires des services professionnels :

 

i)       Il initialait des factures d'honoraires.

ii)      Il signait des chèques de paiement de ces honoraires.

iii)      Son contrat de travail le prévoyait.

 

g)         L'appelant n'a pas inclus dans son revenu les sommes de 72 244 $ en 1998 et de 4 167 $ en 1999, représentant les totaux des honoraires professionnels payés pour lui par la Société.

 

[6]     Seul l'appelant a témoigné au soutien de son appel. Il a reconnu la plupart des faits. Il a cependant nié avoir tiré avantage du paiement des honoraires professionnels payés à divers avocats par la compagnie pour laquelle il travaillait et dont la totalité des actions étaient détenues par sa conjointe. Les montants des honoraires en question n'ont pas fait l'objet de contestations.

 

[7]     Dans un premier temps, l'appelant a indiqué que les honoraires avaient été payés en conformité avec son contrat de travail. Dans un deuxième temps, il a affirmé que l'intervention de divers avocats et professionnels avait principalement profité à la société Industries FDS inc. qui a déboursé les montants visés par la cotisation.

 

[8]     Il a expliqué qu'il était, pendant les années en question, le chef de l'entreprise qui embauchait environ 200 personnes; il a affirmé avoir été, à ce moment, celui sur qui reposait, d'une part, le succès et, d'autre part, le développement de la société dont les actions étaient la propriété de son épouse.

 

[9]     Il a indiqué que la société était alors très profitable et que la majeure partie de ce succès lui était imputable. En d'autres termes, l'appelant a affirmé avoir été une personne indispensable pour la société.

 

[10]    Pour étayer cette affirmation, il a établi que certains intervenants importants, dont notamment une banque, avaient exigé qu’il dirige l’entreprise sans quoi ils mettraient fin à leurs relations d’affaires avec l'entreprise.

 

[11]    Après avoir été condamné à une peine de plusieurs années de pénitencier, il a expliqué que les honoraires avaient été déboursés pour écourter la durée de sa peine en prison. Sa peine d'emprisonnement a été réduite de sept ans à deux ans moins un jour. Les différents mandats visaient à obtenir des conditions de détention plus libérales lui permettant de se rapprocher de son lieu de travail et de bénéficier de meilleures conditions lui permettant de s'occuper des affaires de la société dont il était le président et directeur‑général, sa conjointe étant, je le rappelle, la seule actionnaire.

 

[12]    Pour étoffer ses prétentions à l'effet qu'il était un employé essentiel à la bonne marche de l'entreprise, il a affirmé avoir reçu plusieurs visites de la part des gestionnaires de la société après avoir reçu l'approbation des autorités carcérales pour effectuer de façon quotidienne de très nombreuses conversations téléphoniques avec les différents responsables de la gestion de l'entreprise dans le but de voir à la bonne marche de l’entreprise. Il a aussi indiqué avoir bénéficié de permissions particulières, dont notamment, une sortie encadrée pour participer comme principal acteur à la négociation d'un contrat important.

 

[13]    Les actes reprochés à l’appelant et qui sont à l’origine de sa condamnation ont été perpétrés entre novembre 1985 et mars 1988 alors qu’il était à l’emploi de la compagnie Industrie Savard Inc., société différente de celle qui a payé les honoraires visés par le présent litige. Il fut accusé notamment d’avoir fabriqué de faux documents, dont des comptes à recevoir fictifs, pour redorer le portrait financier de l’entreprise.

 

[14]    Au cours des années 1998 et 1999, l’appelant était à l’emploi de la compagnie Industries FDS inc. (ci-après « la société »). Son contrat de travail prévoyait que son employeur assumerait la responsabilité du paiement des honoraires en rapport avec les poursuites au criminel pour des actes qu'il aurait commis à l'époque où il travaillait pour la société Industrie Savard Inc.

 

[15]    En substance, l'appelant n'a pas nié avoir bénéficié de l'aide de différents professionnels et plus particulièrement des services de plusieurs avocats; il s'est cependant empressé d'ajouter que la société dont sa conjointe était l'actionnaire unique et dont il était le président directeur général a été la personne morale ayant principalement bénéficié du travail pour lequel des honoraires ont été versés.

 

[16]    Bien que la prépondérance de la preuve ait démontré que l’appelant était indispensable à la compagnie qui a payé les honoraires, doit‑on conclure que la société est l’entité qui a le plus profité du paiement des honoraires?

 

[17]    Fait incontournable, n'eut été de son emploi chez Industrie FDS inc. lorsque les poursuites ont été intentées, l'appelant aurait dû assumer personnellement le coût des honoraires professionnels pour assurer sa défense.

 

[18]    Le paiement des honoraires professionnels a incontestablement amélioré la situation économique de l'appelant; de plus, le paiement des honoraires professionnels ne visait pas le remboursement d’un préjudice subi par l’appelant en raison de son emploi, au moment de la commission des actes répréhensifs. Il s'agissait plutôt d'un avantage conféré en raison de son emploi chez Industrie FDS inc., d'ailleurs prévu par son contrat de travail.

 

[19]    L’appelant a fait l'historique du dossier fiscal de la société au niveau des honoraires qui furent payés dans le cadre de son dossier. Il a expliqué que la société avait déjà fait l'objet d'une vérification à la suite de laquelle l'actionnaire principal, c'est‑à‑dire sa conjointe, avait fait l'objet d'une cotisation liée à l'avantage à l'actionnaire relativement aux paiements des mêmes honoraires professionnels dus et payés à la suite des accusations criminelles dont son conjoint faisait l'objet.

 

[20]    Après le dépôt de l'avis d'opposition et la tenue de discussions, le ministre avait annulé la cotisation à l'égard de l'épouse; il avait alors accepté que la société déclare la dépense relative aux honoraires en vertu du contrat de travail que l'appelant lui a fait parvenir.

 

[21]    Après ce changement de cap, une nouvelle cotisation a été établie à l'endroit de l'appelant lui‑même au motif qu'il s'agissait‑là d'un avantage découlant de son emploi. La cotisation en question n'a jamais été acquittée, l'appelant ayant fait cession de ses biens.

 

[22]    En septembre 2005, le ministre revenait à la charge et établissait une autre cotisation dont les faits et les fondements étaient sensiblement les mêmes. Cette fois, la période visée par la cotisation correspondait aux années 1998‑1999.

 

[23]    Encore là, la cotisation a été établie au nom de l'actionnaire principal, soit la conjointe de l'appelant. Après le dépôt d'une nouvelle opposition, encore une fois, la cotisation a, à nouveau, été annulée et ré‑établie à l'égard de l'appelant. En d'autres termes, le ministre a répété le même scénario.

 

[24]    De son côté, l'intimée a fait témoigner monsieur Daniel Kirk, qui a essentiellement repris les faits établis par la preuve de l'appelant, à savoir qu'il y avait ces deux cotisations établies à partir des mêmes fondements pour des périodes qui étaient cependant différentes.

 

[25]    Pour les deux périodes, les premières cotisations furent établies à l'endroit de la conjointe de l'appelant au motif qu'elle avait bénéficié d'un avantage à titre d'actionnaire principal. À la suite des interventions de cette dernière, dans les deux cas, les cotisations furent annulées et de nouvelles cotisations furent établies à l'endroit de l'appelant au motif qu'il avait bénéficié d'un avantage découlant de sa prestation de travail et surtout du contrat de travail.

 

[26]    La première cotisation n'a jamais été acquittée, elle a fait l'objet du passif de l'appelant lors de la cession de ses biens. Le présent appel concerne la période de 1998 à 1999 et s'avère, dans les faits, être la cotisation découlant de la deuxième vérification.

 

[27]    L'appelant reconnaît avoir reçu ou tiré tout au moins en partie de certains avantages, dont notamment une incarcération beaucoup moins longue, mais aussi, selon son propre témoignage, de conditions de détention plus souples lui permettant de s'occuper des affaires de la société qui payait les honoraires d'avocat.

 

[28]    Il soutient que les avantages ont cependant profité principalement à la société étant donné que celle‑ci a pu compter sur une plus grande disponibilité de l'appelant, ce qui était d'une très grande importance pour la bonne gestion de la société en question.

 

[29]    L'appelant s'est décrit comme un employé de très haut niveau, voire même comme une personne indispensable. Il a soutenu qu'il s'agissait là de la raison fondamentale pourquoi les comptes d'honoraires avaient été payés par la société qui, en contrepartie, avait profité de son expérience, de ses talents et de son expertise.

 

[30]    Il a aussi indiqué que les honoraires professionnels avaient été payés par la société en vertu du contrat de travail qui le liait à la société.

 

[31]    De son côté, l'intimée a insisté sur le fait que les procédures criminelles entamées à l'endroit de l'appelant, lesquelles s'étaient soldées par un verdict de culpabilité avec une sentence d'emprisonnement, découlaient de faits, de gestes et d'actes (fabrication de plusieurs faux documents, notamment la création de comptes recevables très importants et tout à fait fictifs) de nature criminelle qui remontent à une période où il n'était pas à l'emploi de la société qui a payé les honoraires.

 

[32]    La société qui a bénéficié artificiellement de la fraude n’est pas celle qui a payé les honoraires déboursés dans le cadre des procédures criminelles. En d’autres termes, les actes criminels n'avaient rien à voir avec la société qui a payé les honoraires.

 

[33]    L'intimée soutient donc que la société Industries FDS inc. n'a tiré aucun avantage découlant des paiements qu'elle a effectués. Il s'agissait essentiellement d'une bonification du traitement versé à l'appelant dans le cadre de son travail, d'où la cotisation établie à l'encontre de l'appelant.

 

[34]    Cependant si les choses étaient aussi claires que le prétend l'intimée, pourquoi a-t-elle établi une première cotisation à l’endroit de l’actionnaire?

 

[35]    Les cotisations dont il est fait appel visent les années d'imposition 1998 et 1999, des années à l'égard desquelles le délai de prescription pour l'établissement d'une nouvelle cotisation est échu.

 

[36]    L’appelant a d'ailleurs fait valoir que la cotisation dont il est fait appel est prescrite.

 

[37]    L’appelant allègue en outre qu’il n’a commis aucune fraude, omission volontaire ou présentation erronée justifiant l'établissement d'une nouvelle cotisation ou l'imposition d'une pénalité, le délai de prescription étant écoulé.

 

[38]    L'intimée soutient que les paiements effectués par la société en faveur de l’appelant lui ont procuré un avantage au titre de son emploi en vertu du paragraphe 6(1) de la Loi et, conséquemment les paiements font partie intégrante de son revenu d’emploi.

 

[39]    L’intimée fait valoir également que la présentation erronée des faits, effectuée par négligence, inattention ou omission volontaire, l'autorise à cotiser l’appelant même si le délai de prescription était échu. En d’autres termes, l’intimée allègue que la prescription ne s’applique pas.

 

 

Analyse

 

[40]    Les honoraires payés par la compagnie Industrie FDS inc. aux divers professionnels pour les services rendus à l’appelant constituent‑ils un avantage imposable pour l’appelant?

 

[41]    La décision Dionne, [1996] A.C.I. no 1691, 97 D.T.C. 265, citée par l’intimée, est extrêmement claire sur la position à adopter en l’espèce. Dans cette décision, le juge Archambault de la Cour canadienne de l’impôt s’exprimait comme suit :

 

Pour déterminer si un remboursement constitue un « avantage » visé par l'alinéa 6(1)a), je crois qu'il est nécessaire de s'interroger si le remboursement vise plutôt à réparer un préjudice subi par l'employé en raison de l'emploi. Si tel est le cas, on ne peut pas soutenir à bon droit qu'un employeur avantage un employé. En réparant un préjudice subi par un employé, l'employeur ne fait que le rétablir dans la situation où il se trouvait avant qu'il n'ait subi ce préjudice. Si on aborde la question de déterminer si un remboursement constitue un avantage sous cet angle, je crois qu'il devient plus facile de déterminer dans quelle mesure un remboursement doit être inclus dans le revenu d'un contribuable ou, inversement, exclu de son revenu.

 

[...]

 

Ajoutons que si la détermination de l'existence d'un préjudice causé par l'emploi constitue une aide pour distinguer les remboursements constituant un avantage pour les fins de l'alinéa 6(1)a) de ceux qui ne le sont pas, le test ultime demeure celui de savoir si un avantage est accordé à un employé.

 

[...]

 

Ceci nous amène à faire une dernière observation:

 

Quatrième observation

 

Le remboursement d'une dépense personnelle ne représente pas nécessairement un avantage pour l'employé. Ce qui est déterminant, c'est le but poursuivi par le paiement et l'effet obtenu: vise-t-il à réparer un préjudice causé par son emploi ou à procurer un avantage? L'employé jouit-il d'un avantage?

 

 

[42]    L’appelant a été poursuivi pour des fautes commises alors qu’il était à l’emploi d’une autre entreprise. Étant le seul responsable, il ne peut évidemment pas prétendre que les faits et gestes qui lui ont été reprochés sont liés à son emploi chez Industries FDS inc., puisque ces faits et gestes remontent à une période antérieure à celle où il a commencé à travailler pour Industries FDS inc.

 

[43]    En qualité de personne‑clé au sein de l’entreprise, il est évident qu’une poursuite criminelle pour fabrication de faux comptes à recevoir pouvait avoir un impact sur l’image de la société.

 

[44]    La preuve a néanmoins établi que la présence de l’appelant au sein de l’entreprise était désirée et souhaitable, et ce, de la part de personnes et entités qui, normalement, auraient dû avoir voulu son licenciement. Ces divers appuis en disent beaucoup sur les qualités professionnelles de l’appelant.

 

[45]    Pendant son incarcération, l’appelant a été autorisé à recevoir des visites et à téléphoner à ses gestionnaires et aux autres employés de la compagnie; il a même obtenu une autorisation pour négocier un contrat d’envergure à l’extérieur de la prison.

 

[46]    Malgré son incarcération, l’appelant a été en mesure d’effectuer des tâches dans le cadre de son emploi et de gérer l’entreprise.

 

[47]    À mon avis, la preuve a établi que l'appelant jouait un rôle essentiel dans la société qui a payé les honoraires; par contre, il est tout aussi évident que l'appelant a bénéficié d'un avantage réel. D'ailleurs, le fait d'avoir stipulé ce paiement dans son contrat de travail démontre qu'il s'agissait là d'une forme indirecte de rémunération.

 

[48]    N’eut été de son emploi chez FDS au moment des poursuites, l’appelant aurait dû assumer personnellement le coût des honoraires professionnels, soit pour assurer sa défense ou encore pour les divers services de consultation nécessaires. Le paiement des honoraires professionnels a incontestablement amélioré sa situation économique. Il n’y a donc aucun doute que le paiement des honoraires professionnels ne visait pas le remboursement d’un préjudice subi par l’appelant en raison de son emploi. Il s'agissait plutôt d'un avantage conféré en raison de son emploi chez Industrie FDS inc.

 

Prescription de l’avis de cotisation

 

[49]    Le sous-alinéa 152(4)a)(i) le la Loi régissant les délais de prescription pour la cotisation est libellé ainsi :

 

(4) Cotisation et nouvelle cotisation [délai de prescription] -- Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l'impôt pour une année d'imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu'aucun impôt n'est payable pour l'année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans les cas suivants :

 

a)   le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

 

                                                                         (i)         soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

 

[50]    La Cour d’appel fédérale du Canada a clarifié l’expression « présentation erronée des faits » dans l’arrêt Boucher, 2004 CAF 46, 2004 CarswellNat 954, 2004 D.T.C. 6084, [2004] 2 C.T.C. 179 (QL), en mentionnant qu’il ne faut pas seulement une présentation erronée des faits afin de permettre au ministre d’établir hors délai une cotisation. La Cour a mentionné qu’il faut, outre une présentation erronée des faits, que cette présentation soit attribuable soit à la négligence, à l'inattention ou à une omission volontaire du contribuable.

 

[51]    Il est à noter que le fardeau de la preuve du bien‑fondé en droit de la cotisation après le délai prescrit appartient au ministère selon le sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la Loi (voir Bigayan v. R., [2000] 1 C.T.C. 2229).

 

[52]    Le juge Cardin, de la Commission de révision de l'impôt, a interprété les termes « négligence » et « inattention » au sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi comme ayant la même signification que leur sens usuel. Dans la décision Froese v. M.N.R., [1981] C.T.C. 2282 le juge Cardin s'exprime ainsi :

 

“I do not believe that in this context any inference other than their generally accepted meaning can or should be given to the words “neglect” or “carelessness” which is the contrary of the reasonable care that is ordinarily, usually, or normally given by a wise and prudent person in any given circumstances.”

 

[53]    Le terme « négligence » a été défini par le juge Strayer de la Cour fédérale dans la décision Venne c. R, [1984] C.T.C. 223, [1984] A.C.F. no 314 (QL). Le juge Strayer s’est exprimé ainsi :

 

Je suis convaincu qu'il suffit au Ministre, pour invoquer son pouvoir en vertu de l'alinéa 152(4) a)(i) de la Loi, de démontrer la négligence du contribuable, à l'égard d'un ou plusieurs éléments de sa déclaration  de revenus au titre d'une année donnée. Cette négligence est établie s'il est démontré que le contribuable n'a pas fait de diligence raisonnable.

 

 

[54]    La Cour a donc conclu que le contribuable avait été négligent puisqu’il ne lisait pas les déclarations de revenu remplies par son comptable avant de les envoyer. De plus, la Cour a estimé que les erreurs étaient si grossières que même une personne ayant une scolarité limitée aurait dû les remarquer.

 

[55]    En l’espèce, l’intimée appuie ses prétentions, quant à la prescription de la cotisation, sur l’arrêt Nesbitt c. Canada, [1996] A.C.F. no 1470 de la Cour d’appel fédérale.

 

[56]    Dans cette cause, l’appelant avait admis avoir fait une erreur dans sa déclaration, que celle-ci était de sa faute et qu’elle avait été commise par inattention. La Cour a mentionné que, pour qu’il y ait une erreur dans la présentation des faits, il faut seulement qu’un élément inexact se trouve dans la déclaration.

 

[57]    La Cour a donc conclu que le contribuable avait été négligent puisqu’il n'avait pas lu les déclarations de revenu remplies par son comptable avant de les envoyer. De plus, la Cour a ajouté que les erreurs étaient si grossières que même une personne ayant une éducation limitée aurait dû les remarquer.

 

[58]    Une telle interprétation du sous-alinéa 152(4)a)(i) est évidemment très libérale quant au droit du ministre de cotiser après la période normale. En effet, il en découlerait que le ministre ne serait pas assujetti au délai de prescription chaque fois qu'il pourrait établir qu'une erreur figure dans la déclaration de revenu d'un contribuable. Or, cette interprétation est contraire à l’esprit de la disposition ainsi qu’aux interprétations jurisprudentielles précédemment exposées.

 

[59]    Je ne crois pas que la preuve d'une seule erreur découlant de la présence d'un élément inexact soit suffisante pour écarter l'effet de la prescription prévue par la Loi. Je crois plutôt qu'il est nécessaire de faire la preuve d'un manquement plus grave qu'une simple erreur.

 

[60]    L’intimée a également cité la décision Demers c. Canada, [2002] A.C.I. no 326 rendue par le juge Garon de la Cour canadienne de l’impôt. Les faits dans cette cause ne peuvent être comparés aux faits en l’espèce. La Cour avait conclu que l’appelant n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable. Celui-ci avait déduit de son revenu personnel les dépenses liées à la conclusion d’un contrat par sa compagnie, alors que les revenus reçus relativement à ce contrat avaient été déclarés dans la déclaration de la compagnie. Il s’agissait donc bel et bien d’un cas de négligence du contribuable visé par le sous-alinéa 152(4)a)(i).

 

[61]    En l’espèce, les faits sont très différents. L’intimée a cotisé l’épouse de l’appelant en 2002 sur la base d’un avantage à l’actionnaire pour les années d’imposition 1998 et 1999. L’intimée s’est ensuite ravisée en annulant la cotisation après avoir reçu l’avis d’opposition et la divulgation du contrat de travail.

 

[62]    L’intimée a ensuite cotisé l’appelant qui a subséquemment fait cession de ses biens. Le présent litige est basé sur la cotisation de l’année 2005. Une fois de plus, le ministère a cotisé l’épouse de l’appelant sur la base d’un avantage à l’actionnaire avant de se raviser de nouveau et de cotiser l’appelant.

 

[63]    Il est à noter que même le témoin de l’intimée, Martin Kirk, a mentionné lors de l’audience que la question de savoir si l’avantage était lié à l’actionnaire ou à l’employé était une question complexe. Il a même ajouté qu’il s’agit du problème principal auquel l’intimée a fait face lorsqu'elle a établi la cotisation, (voir les notes sténographiques aux pages 117 et 118).

 

[64]    Tel que mentionné dans la décision Venne, précitée, pour qu'un contribuable soit visé par le sous‑alinéa 152(4)a)(i), il doit être démontré qu'il n'a pas fait preuve de diligence raisonnable. En l’espèce, l’appelant n’a pas fait une « présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ». L’appelant a de cru de bonne foi que ces montants ne devaient pas être inclus dans son revenu.

 

[65]    Le fait que le ministre a cotisé à deux reprises l’épouse du contribuable démontre à quel point la situation était complexe. Il est clair que le contribuable n’a pas commis de faute en omettant d'inclure les montants versés pour les honoraires dans ses revenus.

 

[66]    D'ailleurs, même après avoir été informée de l'existence du contrat qui prévoyait que de tels frais étaient payables par son employeur, l'intimée a cotisé non pas l'appelant mais sa conjointe.

 

[67]    Le moins que l'on puisse dire, c'est que la situation était loin d'être claire. Le cheminement du dossier pendant de la première période est assez révélateur en ce qui concerne les difficultés qui s'y rapportent.

 

[68]    La notion de négligence au sens du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi doit être comparée au degré de négligence requis en responsabilité civile, (voir Venne, précité, note 5; la Cour fait référence à un critère moins strict de faute que celui de la négligence en “law of tort”, soit la responsabilité civile). La décision Jet Metals Product Limited, [1979] C.T.C. 2738, de la Commission de révision de l'impôt, a fixé une échelle afin de déterminer le niveau de faute requis pour les paragraphes 152(4) et 163(2), soit pour le délai de prescription d’une nouvelle cotisation et pour l’octroi de pénalités liées à un faux énoncé ou à une omission.

 

34      Turning to subsection 163(2) for a moment and its relationship to subsection 152(4), it is noted that it contains no reference to "fraud", requiring only that the person acted "knowingly" or that the circumstances amounted to "gross negligence". In my view, misrepresentation is fundamentally a false statement made, or a true statement omitted, and to whatever degree a scale of offences can be seen in subsections 152(4) and 163(2), it might be shown as follows:

 

(a)
 
 
 
 
 
(b)
Misrepresentation
Carelessness
Negligence
Gross negligence
Wilful Default
Knowingly
Fraud
 
152(4)
152(4)
163(2)
152(4)
163(2)
152(4)
 

Using this scale as a general guideline, it will be the basis of the conclusions reached in this decision that to reach a level of "gross negligence", something greater than "carelessness" or "negligence" is required, and that "wilful default" may be equated with "knowingly".

 

[69]    Il est donc clair, selon les faits en l’espèce et la jurisprudence, que le délai aux fins de la cotisation était écoulé et que l’intimée ne pouvait pas se prévaloir de l’exception prévue au sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi.

 

[70]    L'intimée soutient que l'appelant savait ou devait savoir qu'il s'agissait là de montants imposables et que, de ce fait, il devait ajouter à ses revenus pour les années en cause, c'est‑à‑dire 1998 et 1999, le coût des honoraires payés par son employeur. Pourquoi et sur quelle base? Parce que l'appelant avait été un témoin privilégié d'une part et, d'autre part, il était directement concerné par le traitement du premier dossier où les faits étaient, à toutes fins pratiques, les mêmes.

 

[71]    En effet, lors de la première vérification, la cotisation avait d'abord été établie sur la base qu'il s'agissait d'un avantage à l'actionnaire, cette dernière étant liée à l'appelant par son statut d'épouse.

 

[72]    À la suite de la réception de l'avis d'opposition et de la divulgation du contrat de travail, l'intimée se ravisait, annulait la cotisation et établissait de nouveaux avis à l'encontre de l'appelant qui a subséquemment fait cession de ses biens.

 

[73]    Le présent dossier est essentiellement une répétition du même scénario où l'intimée conclut que l'appelant aurait dû inclure les montants payés par son employeur dans ses revenus.

 

[74]    Effectivement, il s'agit là d'une interprétation raisonnable, justifiée par les faits. Cependant, l'appelant soutient que tous les faits étaient ou devaient être connus de l'intimée, notamment son contrat de travail. Malgré tout, la cotisation a d'abord été établie au nom de son épouse. Il est tout à fait raisonnable de faire valoir qu'il n'a commis aucune faute ou négligence. En effet, l'intimée avait en main tous les documents, toutes les informations, strictement rien n'était inconnu et, pourtant, une cotisation a été établie au nom de son épouse.

 

[75]    L'intimée affirme que l'appelant aurait dû informer le ministre que les montants en litige ne faisaient pas partie des revenus de son épouse et inclure les montants dans ses propres revenus. Or, selon la Cour, il s'agit‑là d'une exigence irréaliste.

 

[76]    Je ne crois cependant pas que le fait que l'appelant n'a pas été à ce point sage, prudent et vigilant puisse constituer un quelconque fondement pour justifier l'établissement d'une cotisation après la fin du délai de prescription.

 

[77]    De plus, je crois que la nature même de la question en litige soulevée dans l'avis d'opposition, mais aussi dans le présent appel nous indique que les prétentions de l'intimée n'étaient pas aussi limpides sur le plan juridique qu'elle voulait nous le faire croire.

 

[78]    Est-ce qu'une personne, au moment de remplir sa déclaration de revenus, doit inclure tout ce qui est susceptible de constituer un revenu, non pas à partir de sa propre analyse, mais à partir de spéculations sur ce que l'Agence pourrait vouloir lui attribuer? Je ne le crois pas. En l'espèce, il y avait suffisamment d'éléments pour justifier l'interprétation retenue par l'appelant, à savoir qu'il n'avait pas l'obligation de déclarer, à titre d'avantages imposables, les paiements d'honoraires effectués par son employeur. D'ailleurs, le débat relatif à la question de savoir qui a véritablement bénéficié des services ayant fait l'objet d'honoraires témoigne bien de la complexité du dossier et de la confusion qui l'entoure.

 

[79]    La décision délibérée de l'appelant de cacher l'information découlant de son contrat de travail, selon l'intimée, était suffisante pour conclure à la commission d'une faute.

 

[80]    En d'autres termes, l'intimée aurait voulu que l'appelant déclare comme faisant partie de ses revenus les montants que son employeur avait versés en paiements des honoraires professionnels, et ce, sous protêt par anticipation. En vertu de quoi devait-il agir ainsi?

 

[81]    Cet argument soulève une question fort importante : si les choses étaient aussi claires qu'on le prétend, si les faits étaient aussi indéniables, pourquoi le ministre, après s'être investi dans le premier dossier fiscal, a-t-il lors de la deuxième tentative établi dans un premier temps une cotisation à l'endroit de la conjointe de l'appelant à titre d'avantage à l'actionnaire pour ensuite se raviser et établir une nouvelle cotisation à l'endroit de l'appelant?

 

[82]    Il s'agit là d'une façon de faire qui révèle que les choses n'étaient pas aussi claires que le prétend aujourd'hui l'intimée.

 

[83]    Je ne crois pas que la preuve soumise justifie une conclusion à l'effet que les conditions requises pour cotiser l'appelant au-delà de la période normale de cotisation sont présentes.

 

[84]    Ayant conclu à l'absence de preuve permettant de cotiser après la fin du délai de prescription et étant donné que les conditions requises pour ce faire sont moins sévères, moins rigides que celles requises pour l'imposition de pénalités, il n'y a pas lieu d'analyser la preuve sous l'angle de la négligence grossière, en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, relativement à l'imposition de pénalités.

 

[85]    Pour toutes ces raisons, l'appel est accueilli et les cotisations sont annulées pour le motif d'absence de preuve pour justifier l'établissement de cotisations après la fin du délai de prescription, le tout avec dépens en faveur de l'appelant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mars 2008.

 

 

 

 

 « Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2008CCI62

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-1911(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Daniel Savard et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Québec (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 17 octobre 2007

 

MOTIFS DE JUGEMENT CORRIGÉS PAR :      l'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 4 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Robert Marcotte

 

Avocate de l'intimée :

Me Stéphanie Côté

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant :

                   Nom :                             Me Robert Marcotte

                   Titre :                              Avocat, Comptable agréé

                   Ville :                              Québec (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

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