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Dossier : 2004-3594(GST)G

ENTRE :

 

GENERAL MOTORS DU CANADA LIMITÉE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 27 et 28 novembre 2006 et le 23 janvier 2007 à

Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Mes Al Meghji, Sean C. Aylward et

D’Arcy A. Schieman

Avocats de l’intimée :

Mes John McLaughlin et Michael Ezri

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 26 novembre 2003 et porte le numéro 05CP0117364, à l’égard de la période allant du 1er novembre 1997 au 31 décembre 1999, est accueilli, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs de jugements ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de février 2008.

 

 

 

Juge Campbell

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de juin 2008.

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


 

 

 

 

Référence : 2008CCI117

Date : 20080222

Dossier : 2004-3594(GST)G

ENTRE:

 

GENERAL MOTORS DU CANADA LIMITÉE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

La juge Campbell

 

[1]     Il s’agit d’un appel se rapportant à une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») pour la période allant du 1er novembre 1997 au 31 décembre 1999, par laquelle la demande de crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») de l’appelante a été rejetée.

 

[2]     L’appelante, General Motors du Canada Limitée (« GMCL »), est une société canadienne s’occupant de la fabrication, de l’assemblage et de la vente d’automobiles et de camions. GMCL a établi divers régimes de pension à l’intention de ses employés. Les cotisations à ces régimes sont placées et administrées par des gestionnaires de placements (les « gestionnaires de placements »), qui de leur côté exigent des honoraires de gestion de placements ainsi que la taxe sur les produits et services (la « TPS ») pour leurs services. Entre les années 1997 et 1999, un certain nombre de gestionnaires de placements ont fourni des services à GMCL à l’égard de la gestion des actifs des fonds de pension conformément à des conventions de gestion de placements (les « conventions de gestion de placements ») conclues entre des gestionnaires individuels et GMCL. Ce sont la TPS sur ces services de gestion de placements (les « services de gestion de placements ») et le rajustement de la taxe nette de l’appelante par suite duquel la demande de CTI a été refusée qui sont à l’origine du présent appel.

 

[3]     GMCL est l’administrateur de deux régimes de pension agréés, financés par l’entremise de fiducies qu’elle a créés en vue de détenir et de placer les actifs de ces régimes (les « fiducies de régime de pension »). Dans le cadre du système de rémunération applicable à ses employés horaires et à ses employés salariés, GMCL a établi :

 

a)        le programme canadien de retraite de General Motors pour les employés salariés (le programme en question ainsi que toute modification y afférente sera ci‑après appelé le « régime des employés salariés »);

 

b)       le régime canadien de pension des employés horaires de General Motors (ce régime ainsi que toute modification y afférente sera ci‑après appelé le « régime des employés horaires »).

 

[4]     Le régime des employés salariés prévoyait l’octroi de prestations aux employés salariés de GMCL et de certaines sociétés membres du groupe GM. Le régime des employés horaires a été créé conformément aux dispositions d’une convention collective conclue entre GMCL et le Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l’automobile, de l’aérospatiale et de l’outillage agricole du Canada au profit des employés horaires de GMCL. Le régime des employés salariés était principalement financé au moyen de cotisations patronales, les employés finançant de leur côté ce régime dans une proportion minime. Le régime des employés horaires était un régime à employeur unique financé au moyen des cotisations patronales seulement.

 

[5]     Conformément aux actes constitutifs du régime des employés salariés, GMCL a été désignée à titre d’administrateur du régime et s’est vu conférer [traduction] « tous les pouvoirs nécessaires en vue d’administrer le régime de la façon appropriée [...] » (pièce A‑2, onglet 1, article 16). De même, les actes constitutifs du régime des employés horaires prévoyaient que [traduction] « [l]’administration générale du régime rel[evait] exclusivement de la société [...] » (pièce A‑2, onglet 2, article IV). Les pouvoirs et obligations de GMCL en sa qualité d’administrateur, y compris le pouvoir de retenir les services de gestion de placements, sont énoncés dans ces actes constitutifs. De plus, la Loi sur les régimes de retraite de l’Ontario (la « LRRO »), L.R.O. 1990, ch. P.8, impose des responsabilités légales précises à GMCL en sa qualité d’administrateur de ces régimes de pension. En particulier, l’article 22 de la LRRO impose une obligation générale d’apporter un soin, une diligence et une compétence raisonnables au placement des fonds de pension.

 

[6]     Les responsabilités contractuelles et légales de GMCL en sa qualité d’administrateur se rapportaient à l’exploitation générale des régimes de pension et comprenaient le calcul des droits à pension et le paiement des prestations de pension, la communication de renseignements aux participants aux régimes concernés, le dépôt des documents nécessaires dans les délais impartis, l’obligation de vérifier le contenu et l’exactitude des rapports requis, le placement des actifs et l’obligation de veiller à ce que toutes les cotisations nécessaires soient effectuées et à ce que les honoraires et les dépenses soient raisonnables.

 

[7]     Le premier témoin était Craig William Marven, comptable agréé qui, au cours de la période en cause, travaillait pour GMCL à titre d’analyste financier principal au sein du groupe chargé des activités liées à la rémunération. En sa qualité d’administrateur désigné par la société, M. Marven avait été responsable pendant plus de cinq ans du fonctionnement général des régimes; il devait notamment s’assurer que les cotisations étaient versées en temps opportun, que les documents pertinents étaient déposés à temps et que le rendement des gestionnaires de placements répondait aux attentes. GMCL rencontrait ces gestionnaires deux fois l’an en vue d’examiner leur rendement et de s’assurer qu’ils plaçaient les actifs dans les catégories appropriées et qu’ils se conformaient aux politiques en matière de répartition des actifs. De plus, les gestionnaires de placements faisaient chaque mois rapport sur le rendement des actifs et ils étaient rémunérés en fonction de la valeur des actifs qu’ils géraient.

 

[8]     M. Marven a expliqué que les régimes de pension visaient à fournir une autre forme de rémunération destinée à permettre à GMCL d’attirer et de conserver des employés les plus compétents possible. Il estimait que GMCL était en haut de la hiérarchie ou qu’elle était le « garde‑fou » des régimes, de sorte qu’elle était responsable des actifs qui étaient détenus dans les régimes. Il a qualifié les régimes de « régimes à prestations déterminées », c’est‑à‑dire que GMCL était obligée de rendre compte de toute différence en cas de financement insuffisant. Dans le cadre du témoignage qu’il a présenté à l’interrogatoire principal, M. Marven a surtout expliqué à la Cour les structures des fiducies de régime de pension utilisées aux fins du placement et de l’administration des fonds de pension.

 

[9]     Pour chacun des régimes de pension, les arrangements pertinents qui avaient été pris à l’égard de la fiducie principale comportaient deux volets. En premier lieu, GMCL versait dans les fiducies principales les cotisations requises à l’égard de chacun des régimes (dans le cas du régime des employés salariés, chaque société affiliée versait des cotisations proportionnées à la protection fournie à ses employés). En second lieu, les fonds qui étaient détenus dans chacune des fiducies principales étaient placés dans des parts de fiducies d’investissement à participation unitaire (les « fiducies d’investissement à participation unitaire »).

 

[10]    Afin de financer les prestations acquises aux termes des deux régimes de pension, GMCL a créé deux fiducies principales conformément à des conventions de fiducie, lesquelles ont été modifiées et remaniées au complet le 1er septembre 1993 (les « conventions de fiducie principale ») :

 

-         Le programme canadien de retraite de General Motors concernant la convention de fiducie relative au régime de pension des employés salariés conclue entre GMCL, GMMD, GMAC, E.D.S., MCI et la Société Royal Trust du Canada (« Royal Trust »), laquelle était la convention de fiducie principale pour le fonds de fiducie créé dans le cadre du régime des employés salariés (la « fiducie principale applicable aux employés salariés ») (pièce A‑2, onglet 3);

 

-         La convention de fiducie concernant le régime canadien de pension des employés horaires de General Motors conclue entre GMCL et Royal Trust, laquelle était la convention de fiducie principale pour le fonds de fiducie créé dans le cadre du régime des employés horaires (le « régime principal applicable aux employés horaires ») (pièce A‑2, onglet 4).

 

[11]    En vertu de chacune des fiducies principales, deux fiducies d’investissement à participation unitaire servaient de véhicules aux fins de la mise en commun des actifs affectés à des placements à l’étranger et à des placements intérieurs. M. Marven a témoigné que le flux des fonds des fiducies principales dans les fiducies d’investissement à participation unitaire était [traduction] « presque continu ». Le 1er septembre 1993, GMCL a conclu quatre conventions de fiducie d’investissement à participation unitaire :

 

a)        La convention de fiducie d’investissement à participation unitaire du programme canadien de retraite de General Motors applicable aux employés salariés – placements des fonds de pension à l’étranger, conclue entre GMCL, GMMD, GMAC, E.D.S., MIC et Royal Trust, par laquelle était établie une fiducie d’investissement à participation unitaire aux fins des placements à l’étranger, dont les parts étaient détenues par la fiducie principale applicable aux employés salariés (pièce A‑2, onglet 5);

 

b)       La convention de fiducie d’investissement à participation unitaire du programme canadien de retraite de General Motors applicable aux employés salariés – placements intérieurs des fonds de pension, conclue entre GMCL, GMMD, GMAC, E.D.S., MIC et Royal Trust, par laquelle était établie une fiducie d’investissement à participation unitaire aux fins des placements intérieurs, dont les parts étaient détenues par la fiducie principale applicable aux employés salariés (pièce A‑2, onglet 6);

 

c)                   La convention de fiducie d’investissement à participation unitaire du régime canadien de pension des employés horaires de General Motors – placements des fonds de pension à l’étranger, conclue entre GMCL et Royal Trust, par laquelle était établie une fiducie d’investissement à participation unitaire aux fins des placements à l’étranger, dont les parts étaient détenues par la fiducie principale applicable aux employés horaires (pièce A‑2, onglet 7);

 

d)                   La convention de fiducie d’investissement à participation unitaire du régime canadien de pension des employés horaires de General Motors – placements intérieurs des fonds de pension, conclue entre GMCL et Royal Trust, par laquelle était établie une fiducie d’investissement à participation unitaire aux fins des placements intérieurs, dont les parts étaient détenues par la fiducie principale applicable aux employés horaires (pièce A‑2, onglet 8).

 

[12]    Royal Trust a été nommée fiduciaire des fiducies principales et des fiducies d’investissement à participation unitaire. GMCL n’a pas cité de représentant de Royal Trust, mais il ressort clairement de la preuve que Royal Trust a acquis un titre légal en nue‑propriété sur les actifs des fiducies d’investissement à participation unitaire et qu’elle s’acquittait de diverses tâches, notamment la garde et l’enregistrement des titres, le transfert des fonds et le traitement de l’information fournie par des tiers.

 

[13]    C’était GMCL qui décidait de la répartition des actifs entre les catégories générales de placements pour le régime des employés horaires et pour le régime des employés salariés. Après avoir décidé d’affecter certaines parties des actifs de la fiducie d’investissement à participation unitaire à des catégories particulières de placements, GMCL a conclu diverses conventions de gestion de placements, aux termes desquelles les services de gestionnaires de placements étaient retenus pour qu’ils gèrent le placement des fonds dans l’une ou l’autre des catégories d’actifs : titres intérieurs, titres étrangers, revenu fixe intérieur, revenu fixe intérieur à court terme et valeurs intérieures assimilables à des espèces. Les gestionnaires de placements pouvaient à leur discrétion acheter, recevoir ou souscrire des titres, conserver de tels titres en fiducie, acheter, conclure et détenir des contrats, et d’une façon générale s’occuper sur le plan contractuel de contrats en vue de la livraison immédiate ou future d’effets financiers, ainsi que convertir les sommes en cause en devises canadiennes et en devises étrangères. Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire était limité par les lignes directrices établies par GMCL en matière de placements auxquelles il était assujetti, et qui étaient énoncées à l’annexe A des conventions. Ces lignes directrices régissaient la nature et l’étendue des placements et désignaient les gestionnaires qui pouvaient s’en occuper dans le cadre du pouvoir discrétionnaire absolu qui leur était conféré en leur qualité de gestionnaires de placements. Les gestionnaires de placements étaient également assujettis à la surveillance continue du fiduciaire, qui avait le pouvoir d’approuver ou de rejeter les ordres d’achat et de vente étant donné que les gestionnaires de placements n’avaient pas accès aux fonds.

 

[14]    Royal Trust était le principal fiduciaire de la majeure partie des huit milliards de dollars détenus dans des actifs de fiducie, mais GMCL avait également conclu une convention distincte, semblable aux autres conventions de gestion de placements, avec Standard Life (« Standard Life »), qui détenait des actifs en fiducie d’une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars (pièce A‑3, onglet 38). M. Marven a qualifié ces actifs de fonds distincts, Standard Life agissant en une qualité semblable à celle d’un gestionnaire de placements. Standard Life se trouvait dans une situation unique en son genre et légèrement différente puisqu’elle assumait à la fois des responsabilités en matière de garde et en matière de gestion des placements, mais elle avait le droit de prélever ses honoraires directement sur le fonds.

 

[15]    Le deuxième témoin, Owen Phillips, comptait une vingtaine d’années d’expérience en matière de gestion de placements; à l’heure actuelle, il travaille pour Legg Mason, Canada, autrefois Perigee Investment Counsel Inc. (« Perigee »). M. Phillips a témoigné au sujet des services fournis par les gestionnaires de placements. Étant donné que les conditions des conventions de gestion de placements en vertu desquelles GMCL retenait les services des gestionnaires de placements étaient toutes similaires, la preuve présentée par M. Phillips donnait un échantillon représentatif adéquat des modalités de ces conventions. M. Phillips gérait personnellement les valeurs intérieures assimilables à des espèces et, dans une certaine mesure, les placements à revenu fixe pour le régime des employés horaires.

 

[16]    Les pièces renferment de nombreuses conventions de gestion de placements concernant les employés salariés et les employés horaires pour les diverses catégories d’actifs, mais la convention datée du 1er décembre 1997 conclue entre GMCL et Perigee (pièce A‑3, onglet 33) est représentative de l’ensemble. La clause 4 de cette convention énonce les [traduction] « pouvoirs du gestionnaire de placements », dont la portée est étendue. L’annexe A jointe à la convention énonce les diverses lignes directrices qu’il fallait utiliser lorsqu’il s’agissait de gérer les placements pour le compte de GMCL. M. Phillips a témoigné que Perigee prenait les décisions au sujet des portefeuilles sans consulter GMCL lorsqu’il s’agissait d’acheter et de vendre des effets financiers précis. En d’autres termes, Perigee avait entière discrétion pour gérer l’argent et pouvait conclure des achats et des ventes à valoir sur le compte sans avoir à demander au préalable une autorisation. Le préambule de la convention est en partie libellé ainsi :

 

[traduction]

Et attendu que, par suite de sa nomination en vertu des présentes, le gestionnaire de placements doit gérer les actifs du fonds de fiducie d’investissement à participation unitaire alloués à un compte de placement (le « compte de placement ») par GM Canada conformément à la convention de fiducie d’investissement à participation unitaire, et doit donner des conseils en matière de placements et rendre d’autres services administratifs connexes lorsque GM Canada en fait la demande.

[Non souligné dans l’original.] (pièce A‑3, onglet 33)

 

[17]    GMCL procédait deux fois l’an à une évaluation du rendement des gestionnaires de placements. Les gestionnaires de placements devaient satisfaire à des normes de rendement qui non seulement dépassaient un point de référence objectif, mais qui respectaient aussi les limites des lignes directrices prescrites en matière de placements figurant à l’annexe A des conventions de gestion de placements. Selon ces conventions, les gestionnaires de placements étaient également tenus de remettre à GMCL des états mensuels [traduction] « indiquant tous les placements » (transcription, page 288).

 

[18]    Les articles 16 et 17 du régime des employés salariés, le septième article de la convention de fiducie principale et le treizième article des conventions de fiducie d’investissement à participation unitaire traitent du mécanisme adopté aux fins du paiement du coût d’administration du régime de pension et du fonds de pension dont les modalités sont les suivantes :

 

a)                    Le paiement direct par GMCL au gestionnaire de placements, la fiducie devant rembourser GMCL;

 

b)                   Le paiement direct par la fiducie principale ou par la fiducie d’investissement à participation unitaire pertinente au gestionnaire de placements, sur demande de GMCL.

 

[19]    En ce qui concerne la convention de fiducie d’investissement à participation unitaire, l’article 13 prévoyait ce qui suit :

 

[traduction]

Les frais et honoraires se rattachant à l’administration du fonds de la fiducie d’investissement à participation unitaire encourus (à l’interne ou par suite de nominations externes) par la société, y compris les frais et honoraires afférents aux services des gestionnaires de placements, des conseillers en placements, des experts‑conseils, des sous‑fiduciaires et des sous‑dépositaires, et les honoraires d’avocat appropriés raisonnables de la société, dans la mesure où le droit sur les pensions le permet, seront prélevés et payés par le fiduciaire, à la demande de la société ou d’une personne désignée par celle‑ci à cette fin, sur les fonds de la fiducie d’investissement à participation unitaire, s’ils ne sont pas par ailleurs payés par la société ou par le fonds de fiducie; toutefois, si la société a payé de tels frais et honoraires, on lui remboursera pareils paiements, sur demande adressée au fiduciaire, à valoir sur le fonds de la fiducie d’investissement à participation unitaire. [Non souligné dans l’original.] (pièce A‑2, onglet 5).

 

[20]    Le paragraphe 17 de la convention de gestion des placements de Perigee prévoit ce qui suit :

 

[traduction]

17.       Rémunération pour services rendus. Le gestionnaire de placements aura le droit de toucher à titre de rémunération pour les services rendus en vertu des présentes des honoraires fixés et payés conformément à une entente distincte conclue par écrit entre GM Canada et le gestionnaire de placements; toutefois, si le gestionnaire de placements exige d’autres clients, pour la gestion de portefeuilles dont les caractéristiques sont similaires ou qui sont gérés au moyen d’un mécanisme sensiblement équivalent comportant la prestation de services analogues, des honoraires inférieurs aux honoraires payés en vertu des présentes, GM Canada devra être avisée sans délai de la chose par le gestionnaire de placements, et les honoraires prévus par les présentes seront réduits en conséquence.

 

[21]    Les parties ont ensuite conclu une entente écrite distincte (pièce A‑3, onglet 39A) telle que celle dont il est fait mention dans la clause 17 précitée, énonçant divers tarifs en fonction de la taille du portefeuille de placements et indiquant l’adresse de GMCL à laquelle le gestionnaire de placements devait transmettre les factures pour approbation.

 

[22]    Cette documentation est conforme au témoignage de M. Marven. En effet, M. Marven a expliqué que les gestionnaires de placements transmettaient les factures à GMCL pour examen et approbation, et que GMCL demandait ensuite que la fiducie du fonds de pension les acquitte. Il a expliqué que les gestionnaires de placements facturaient GMCL pour leurs services parce que les accords juridiques portant sur la gestion des fonds sont conclus entre GMCL et les gestionnaires de placements. M. Marven a décrit le mécanisme de paiement en ces termes :

 

[traduction]

Si nous approuvons le paiement du chèque, cela fait partie de l’émission du chèque, et ce, peu importe que nous rédigions ou non le chèque. Je ne sais pas trop quelle distinction vous faites. Avons‑nous imprimé le chèque? Non, nous n’avons pas imprimé le chèque. Avons‑nous demandé à Royal Trust d’imprimer le chèque? Oui, nous avons demandé à Royal Trust d’imprimer le chèque. (Transcription, page 60)

 

[23]    Lorsqu’on lui a demandé pourquoi les paiements étaient effectués par l’entremise de la fiducie plutôt que par GMCL directement, M. Marven a expliqué que, compte tenu de la taille de GMCL, il y avait des politiques et des procédures pour toutes sortes de choses. De plus, lors du contre‑interrogatoire, les propos suivants ont été échangés :

 

[traduction]

Q:        Pourquoi General Motors ne prend‑elle pas l’argent et ne réduit‑elle pas le déficit d’exploitation?

 

R:         Nous ne pouvions pas le faire. Non. Il y a des lois qui interdisent de le faire.

 

Q:        Vous ne pouvez pas vraiment vous occuper de l’argent. En fait, General Motors ne peut pas s’occuper de l’argent qui est dans ces régimes de pension, si ce n’est afin de payer les pensions, n’est‑ce pas?

 

R:         En effet, nous ne le pouvons pas. Cet argent est réservé aux pensions.

 

(Transcription, page 67)

 

[24]    Lors de l’interrogatoire principal, M. Phillips a décrit la situation de la manière suivante :

 

[traduction]

Q:       Pourquoi ces factures sont‑elles envoyées à General Motors du Canada Limitée, alors que les actifs que vous gérez sont détenus dans la fiducie d’investissement à participation unitaire?

 

R:         General Motors est le client et c’est elle qui nous a payés pour le faire. Elle nous paie. C’est d’elle que nous exigeons le paiement.

 

(Transcription, pages 229 et 230)

 

[25]    Le troisième témoin était Aaron Wong, le vérificateur. Le témoignage qu’il a présenté était principalement axé sur la question de savoir si, en établissant la nouvelle cotisation, il avait émis l’hypothèse de fait figurant à l’alinéa 5f) de la réponse.

 

[26]    L’appelante a soutenu que le ministre n’avait jamais émis cette hypothèse de fait parce que la preuve soumise par M. Wong établissait que la cotisation était uniquement fondée sur la décision anticipée en matière d’impôt (pièce A‑4), qui ne traitait pas de la question de savoir si les services de gestion de placements étaient visés par la définition des services financiers figurant aux alinéas 123(1)a) à m). Au cours du témoignage de M. Wong, l’avocat de l’appelante et l’avocat de l’intimée ont tous deux formulé de nombreuses longues objections. Il est clair que les objections constituaient un outil essentiel destiné à protéger les intérêts du client au cours de l’audience, mais elles ont également eu pour effet de gravement perturber le déroulement de l’audience, et par conséquent d’entraver la marche de l’instance. J’ai l’intention de traiter du témoignage de M. Wong en tranchant plusieurs questions préliminaires. Les décisions que je rendrai sur ces points sont essentielles à l’approche que j’adopterai en ce qui concerne les deux questions qui sont ici en litige.

 

Les points litigieux

 

[27]    Le présent appel soulevait deux points :

 

(1)              GMCL a‑t‑elle le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants, conformément à l’article 169 de la Loi, à l’égard de la TPS payée aux gestionnaires de placements pour la fourniture de services de gestion de placements?

 

(2)              Subsidiairement, les services de gestion de placements constituent‑ils un « service financier » exonéré selon la définition figurant au paragraphe 123(1) de la Loi, de sorte que GMCL a droit à un remboursement de la taxe payée par erreur sur ces services?

 

Questions préliminaires

 

[28]    Les deux questions préliminaires ci‑après énoncées ont été largement débattues au cours de l’audience :

 

(1)              L’appelante soutient que les arguments de l’intimée sont dans une forte proportion composés d’arguments dont la Cour n’est pas régulièrement saisie étant donné qu’ils n’ont pas été plaidés dans la réponse;

 

(2)              L’appelante allègue que le ministre a inclus d’une façon inappropriée l’hypothèse énoncée à l’alinéa 5f) de la réponse et qu’il ne devrait pas être autorisé à défendre la cotisation sur cette base.

 

Première question préliminaire – La Cour n’est pas saisie d’une façon régulière des arguments de la Couronne, et premier point – GMCL a‑t‑elle le droit de demander des CTI sur les montants payés aux gestionnaires de placements?

 

[29]    Le critère général d’admissibilité aux CTI est énoncé à l’article 169 de la Loi, dont les passages pertinents sont ainsi libellés :

 

169.  Règle générale

 

(1) [Règle générale]

 

Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration […], relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert [...] correspond au résultat du calcul suivant si […] la taxe relative à la fourniture [...] devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

 

                        A x B

 

où :

 

A représente la taxe relative à la fourniture [...] qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;

 

B :

 

[…]

 

c)  […] le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis [...] le bien ou le service [...] pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. [Non souligné dans l’original.]

 

[30]    Pour que GMCL ait le droit de demander un CTI, conformément au paragraphe 169(1), à l’égard de la TPS dont elle est redevable sur réception des services de gestion de placements, trois conditions doivent être remplies :

 

(1)      La personne qui fait la demande (GMCL) doit avoir acquis la fourniture (les services de gestion de placements);

 

(2)      La TPS doit être payable ou avoir été payée par la personne qui fait la demande (GMCL) à l’égard de la fourniture (les services de gestion de placements);

 

(3)      La personne qui fait la demande (GMCL) doit avoir acquis la fourniture (les services de gestion de placements) pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales.

 

[31]    L’intimée a soutenu que, pour avoir droit aux CTI, l’appelante doit satisfaire aux trois éléments de ce critère. L’appelante a affirmé que seul le troisième élément de ce critère est ici en litige parce que dans la décision anticipée rendue par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), par laquelle la demande qu’elle avait faite pour obtenir un CTI avait été rejetée, il était reconnu que GMCL avait acquis les services de gestion de placements (la première condition du critère) et que GMCL était tenue de payer ces services ainsi que la TPS applicable (la deuxième condition du critère). Les passages pertinents de la décision anticipée sont libellés ainsi :

 

[traduction]

 

DÉCISION

 

Compte tenu des faits susmentionnés, notre décision est la suivante :

 

[…]

 

2.        GMCL n’a pas le droit de demander des CTI à l’égard des services de gestion de placements qu’elle obtient en vertu de conventions conclues avec des gestionnaires de placements parce que ces services sont acquis par GMCL uniquement pour consommation par les fiducies de pension agréées résidant au Canada [...]

 

EXPLICATION

 

[…]

 

[…] En concluant un contrat en vue de la fourniture de services aux fiducies, avant le 18 avril 2000, GMCL, en sa qualité de personne redevable, aux termes de la convention, du paiement de la contrepartie afférente à la fourniture des services de gestion de placements, est l’« acquéreur » des services de gestion de placements en vertu des dispositions de la LTA [...]

 

L’article 165 impose la TPS/TVH à l’« acquéreur » d’une « fourniture taxable ». Les fournitures effectuées par les gestionnaires de placements en faveur de GMCL sont des fournitures taxables, et GMCL est redevable de la TPS/TVH se rapportant à ces fournitures. Le paragraphe 169(1) énonce la règle générale applicable aux crédits de taxe sur les intrants (les « CTI »). GMCL n’a pas le droit de demander des CTI à l’égard de services de gestion de placements obtenus en vertu de conventions conclues avec des gestionnaires de placements parce que GMCL, en sa qualité d’administrateur des régimes de pension de GMCL, a acquis les services des gestionnaires de placements pour une utilisation autre que dans le cadre de ses activités commerciales [...] GMCL acquiert ces services afin de s’acquitter des responsabilités qui lui incombent en vertu de l’alinéa 22(1)a) de la Loi sur les régimes de retraite de l’Ontario, qui prévoit que l’administrateur d’un régime de retraite a une obligation fiduciaire en ce qui concerne l’administration et le placement des fonds de la caisse de retraite. Pour ces motifs, nous sommes d’avis que les services sont acquis par GMCL en sa qualité d’administrateur des fiducies, uniquement pour consommation par les fiducies [...] et non pour utilisation, consommation ou fourniture par GMCL dans le cadre de ses activités commerciales. [Non souligné dans l’original.] (Réponse de l’appelante, page 3)

 

[32]    L’appelante a résumé son argument à la page 4 de sa réponse :

 

[traduction]

9.         La réponse à l’avis d’appel met la position prise par la Couronne dans le présent appel sur la même base que la cotisation – à savoir que GMCL n’a pas droit au crédit de taxe sur les intrants uniquement parce que les services ont été acquis pour consommation ou utilisation par les fiducies de régime et non par GMCL. C’est ce qui ressort clairement de l’hypothèse figurant à l’alinéa 5d) et du paragraphe 11 des motifs.

 

10.       Les parties ont maintenant présenté toute leur preuve, et GMCL a déposé son argumentation écrite en vue de répondre à la preuve avancée dans la réponse de la Couronne. Il serait tout à fait inéquitable de permettre à la Couronne de contester maintenant ces nouvelles questions. Le fait de soulever ces questions à ce stade constitue un recours abusif à la Cour.

 

[33]    Dans la décision Zelinski v. The Queen, 2002 DTC 1204 (C.C.I.), paragraphe 4, le juge Bowie a résumé de façon suivante l’objet des actes de procédure :

 

L’acte de procédure a pour but de définir les questions faisant l’objet du litige entre les parties aux fins de production et de communication préalable ainsi qu’en prévision du procès [...]

 

[34]    Dans la décision Status‑One Investments Inc. v. The Queen, 2005 DTC 821 (C.C.I.), paragraphe 8, le juge Rip (tel était alors son titre) a dit ce qui suit :

 

Les actes de procédure remplissent plusieurs fonctions au moins : bien rédigés, ils permettent au juge de déterminer clairement ce sur quoi porte le litige; ils permettent au défendeur (ou à l’intimé) de savoir ce que le demandeur (ou l’appelant) lui reproche et au demandeur de savoir quel moyen de défense sera opposé à sa demande. Souvent aussi, les actes de procédure donnent à la personne qui les rédige une idée plus juste de sa cause. Après l’échange des actes de procédure, les parties devraient savoir exactement quels points sont en litige et la preuve que chacune d’elles devra faire.

 

[35]    Dans l’ouvrage intitulé Odgers on High Court Pleading and Practice de D. Casson, 23e édition (Londres : Sweet and Maxwell/Stevens, 1991), pages 123 et 124, l’objet des actes de procédure est décrit ainsi :

 

[traduction]

[…] Les actes de procédure devraient toujours viser à soulever des points litigieux clairement définis, c’est‑à‑dire des propositions de droit et de fait précises, avancées par une partie et rejetées par l’autre, les deux parties convenant toutefois qu’il s’agit des points qu’elles veulent faire trancher dans l’action.

 

[…]

 

Les actes de procédure visent donc à indiquer avec précision les points sur lesquels les parties ne s’entendent pas et ceux sur lesquels elles s’entendent, de façon à arriver à certaines questions claires à l’égard desquelles les deux parties désirent obtenir une décision judiciaire.

 

[36]    Compte tenu de l’examen des commentaires de décisions auquel j’ai procédé et du libellé de la réponse, je conclus que l’intimée a suffisamment défini les points litigieux dans le présent appel pour me permettre d’examiner les trois éléments du critère énoncé au paragraphe 169(1). Le paragraphe 6 de la réponse énonce succinctement que l’intimée croit que le point litigieux est de savoir si l’appelante peut demander des CTI à l’égard de la TPS payable sur les services de gestion de placements. Il s’agit d’un énoncé suffisamment général pour renseigner l’appelante, et par conséquent pour permettre à l’intimée de mettre en question les trois éléments du critère prévu à l’article 169. Je tire cette conclusion, qui est favorable à l’intimée, bien que je rejette l’argument de l’intimée selon lequel elle ne connaissait pas tous les faits avant l’audience, en particulier en ce qui concerne le paiement des factures. Ce n’est tout simplement pas le cas. Il ressort de la preuve que l’agent des décisions avait à sa disposition les mêmes documents que ceux qui m’ont été soumis.

 

(1)              Le premier élément du critère énoncé au paragraphe 169(1) aux fins de l’admissibilité de GMCL à des CTI : GMCL a‑t‑elle acquis les services de gestion de placements?

 

[37]    Dans la décision anticipée en matière d’impôt, il est dit que GMCL, en sa qualité d’administrateur des régimes et en vertu des conventions conclues avec les gestionnaires de placements, a « acquis » les services. Le libellé de la décision anticipée est clair, mais un aveu qui est fait dans une mauvaise décision anticipée ne me lie pas.

 

[38]    L’intimée n’a pas traité du premier élément de ce critère pour ce qui est du mot clé « acquiert ». Elle a plutôt invoqué l’argument selon lequel les actes que GMCL accomplit en acquérant les services sont réputés, en vertu de l’article 267.1 de la Loi, être des actes posés par les fiducies de régime plutôt que des actes posés par GMCL, parce que GMCL est essentiellement un fiduciaire des fiducies de régime. Étant donné que l’article 267.1 reconnaît que les actes accomplis par une personne qui représente une fiducie sont en réalité les actes de la fiducie, les actes que GMCL accomplit pour le compte de la fiducie sont, aux fins de la TPS, les actes de la fiducie. L’intimée a défini la question qui se pose, en ce qui concerne le premier élément du critère, comme étant de [traduction] « savoir si GMCL doit être considérée comme un fiduciaire, de façon que l’article 267.1 puisse s’appliquer ». L’argument de l’intimée est essentiellement le suivant :

 

a)       selon le paragraphe 123(1), une « personne » comprend une fiducie;

 

b)      c’est la fiducie et non GMCL qui a acquis les services;

 

c)      selon l’article 267.1, les actes du fiduciaire sont réputés être ceux de la fiducie;

 

d)      le rôle de GMCL à l’égard des fonds de fiducie n’est pas différent du rôle d’un fiduciaire, si ce n’est que ce rôle est défini par la LRRO et qu’en vertu de cette loi, GMCL est désignée comme étant un administrateur plutôt qu’un fiduciaire.

 

[39]    L’ouvrage intitulé Law of Trusts and Trustees d’Underhill, 11e édition, renferme une définition largement acceptée et souvent citée de la fiducie :

 

[traduction]

Une fiducie est une obligation en equity en vertu de laquelle une personne (« le fiduciaire ») est tenue d’administrer les biens dont elle a le contrôle (« les biens de la fiducie ») pour le compte d’un groupe de personnes (« les bénéficiaires » ou cestui que trust) dont elle peut faire partie elle‑même, et dont n’importe quel membre peut faire exécuter l’obligation.

 

[40]    Dans le Black’s Law Dictionary, 8e édition (St. Paul, Minn.: West Pub. Co., 2004), les mots « trust » (fiducie) et « trustee » (fiduciaire) sont définis de la manière suivante :

 

[traduction]

Fiducie, n. 1. Droit qu’il est uniquement possible d’exercer en equity à la jouissance bénéficiaire d’un bien dont le titre légal est détenu par une autre personne; intérêt de propriété détenu par une personne (le fiduciaire) à la demande d’une autre personne (le constituant) au profit d’un tiers (le bénéficiaire) [...]

 

Fiduciaire, n. 1. Personne qui, détenant le titre légal afférent à un bien, détient ce bien en fiducie au profit d’une personne, et qui a une obligation fiduciaire envers ce bénéficiaire [...] [Non souligné dans l’original.]

 

[41]    L’article premier de la LRRO définit l’administrateur comme étant la ou les personnes qui administrent le régime de retraite.

 

[42]    L’article 267.1 ne s’applique pas en l’espèce. Au cours de l’audience, on n’a produit aucun élément de preuve donnant à entendre que GMCL acquérait le titre, légal ou autre, afférent aux actifs, aux termes de l’acte de fiducie. Dans toutes les conventions, Royal Trust est désignée à titre de détenteur du titre légal. GMCL ne peut donc pas être visée par la définition du mot « fiduciaire ». Les conventions de fiducie désignaient expressément Royal Trust à titre de fiduciaire. De toute évidence, en ce qui concerne les fiducies, GMCL agissait comme administrateur, tel que ce terme est défini et envisagé en vertu de la LRRO. Cela ne comprenait pas, et ne devait pas comprendre, les fonctions de fiduciaire à l’égard des fiducies. Pour l’application de l’article 267.1, GMCL agissait comme administrateur de ces régimes. Les tâches et fonctions respectives de GMCL, en sa qualité d’administrateur, et de Royal Trust, en sa qualité de fiduciaire, étaient tout à fait distinctes. GMCL exerçait peut‑être bien certaines fonctions fiduciaires en sa qualité d’administrateur du régime, mais cela ne veut pas dire qu’elle était fiduciaire de la fiducie. Le seul fiduciaire de ces régimes de pension peut être Royal Trust, le fiduciaire assurant la garde des actifs qui, selon la définition du mot « fiduciaire » et la preuve, détient le titre légal. Par conséquent, c’était GMCL qui avait conclu les contrats concernant les services des gestionnaires de placements et qui avait acquis ces services.

 

(2)              Le deuxième élément du critère énoncé au paragraphe 169(1) aux fins de l’admissibilité de GMCL aux CTI : la TPS était‑elle « payable » par GMCL?

 

[43]    Selon la position prise par l’intimée, la TPS n’a pas été payée par GMCL parce que la TPS relative aux services a en fait été payée aux gestionnaires de placements à l’aide des fonds de fiducie et que GMCL a uniquement [traduction] « approuvé » le paiement des factures. De plus, l’intimée a soutenu qu’étant donné que GMCL n’était pas tenue de payer la contrepartie en vertu des diverses conventions, aucune TPS ne pouvait être payable par GMCL. L’intimée a fait valoir qu’étant donné que le mot « acquéreur » ne figure pas expressément à l’article 169, la définition du mot « acquéreur » n’est pas pertinente pour les besoins de ma décision. Subsidiairement, l’intimée a affirmé que GMCL n’était pas l’acquéreur étant donné qu’aucune responsabilité personnelle ne lui incombait aux termes des conventions de fiducie.

 

[44]    Encore une fois, il était au départ présumé, selon la décision anticipée, que GMCL était l’acquéreur des services de gestion de placements.

 

[45]    En vertu de la Loi, la question de savoir si la taxe était « payable » par GMCL dépend de la question de savoir si GMCL était l’« acquéreur » des services. Le paragraphe 169(1) a été modifié en 1997. L’expression « qui lui est fourni » a été remplacée par le mot « acquiert »[1]. Il y a une multitude de politiques administratives de l’ARC dans lesquelles il est souligné qu’aux fins de l’admissibilité aux CTI, il est essentiel d’établir qui est l’acquéreur. On a également longuement débattu la question de savoir si le terme « acquiert » introduit une nouvelle exigence dans la Loi en ce qui concerne le sens du mot « acquéreur ».

 

[46]    David Schlesinger a décrit la question en ces termes :

 

[traduction]

Les notes techniques du ministère des Finances donnent à entendre que le législateur n’avait peut‑être pas l’intention de modifier la portée initiale de la disposition, mais il a introduit le mot « acquiert », qui peut être interprété par certains comme établissant une nouvelle exigence. Nous croyons comprendre que l’ARC convient que l’« acquéreur » d’une fourniture est la personne qui est en mesure de demander un CTI pour la TPS/TVH payée sur la fourniture. Toutefois, compte tenu du sens que l’ARC attribue au mot « acquiert » et de la jurisprudence récente relative au sens du mot « acquéreur », l’acquéreur d’une fourniture n’est peut‑être pas nécessairement la personne qui « acquiert » la fourniture[2].

 

[47]    Contrairement à une multitude de politiques administratives de l’ARC qui semblent prévoir le contraire, l’intimée soutient maintenant qu’il n’est pas nécessaire d’établir qui est l’« acquéreur » aux fins de l’admissibilité aux CTI puisque le mot « acquéreur » ne figure pas au paragraphe 169(1).

 

[48]    Le paragraphe 165(1), qui est la disposition d’assujettissement à la taxe, prévoit qu’un « acquéreur » d’une fourniture « est tenu de payer [...] la taxe » à l’égard de cette fourniture.

 

[49]    Le paragraphe 123(1) définit le mot « acquéreur » comme suit :

 

« acquéreur »

 

a) Personne qui est tenue, aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

 

b) personne qui est tenue, autrement qu’aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture; [Non souligné dans l’original.]

 

[50]    Il semble que lorsqu’une personne est l’acquéreur de la fourniture, la Loi prévoie expressément que la TPS est payable par cette personne.

 

[51]    Le paragraphe 152(1) de la Loi met l’accent sur la délivrance d’une facture, et l’article 168 prévoit ce qui suit :

 

La taxe [...] est payable par l’acquéreur [le] jour où cette contrepartie devient due.

 

[52]    Par suite de la modification apportée au paragraphe 169(1) au mois d’avril 1997, l’expression « qui lui est fourni » a été remplacée par le mot « acquiert », mais la question de savoir qui est l’acquéreur de la fourniture est encore directement pertinente lorsqu’il s’agit de se demander si la TPS était payable par GMCL. Je ne crois pas que la modification de 1997 ait changé quoi que ce soit à la principale question qui se pose en l’espèce, qui est de savoir qui, sur le plan contractuel, est tenu de payer la TPS conformément aux conventions.

 

[53]    Il s’agit d’une question de fait et de droit. GMCL et les gestionnaires de placements concernés étaient parties à toutes les conventions portant sur les honoraires. Selon M. Phillips, GMCL, en sa qualité de client, était uniquement tenue de payer leurs comptes. On n’a produit absolument aucun élément de preuve donnant à entendre que les fiducies de régime étaient parties aux conventions de gestion de placements et aux conventions portant sur les honoraires aux termes desquelles GMCL était tenue d’effectuer les paiements, ou que GMCL avait conclu une convention de gestion de placements en sa qualité de mandataire pour le compte des fiducies de régime. Les conventions portant sur les honoraires en vertu desquelles le montant de la contrepartie était calculé à l’égard des conventions de gestion de placements avaient uniquement été conclues entre GMCL et les gestionnaires de placements concernés. Les gestionnaires de placements établissaient les factures, conformément aux conventions, uniquement au nom de GMCL, qui approuvait les montants facturés conformément aux conventions portant sur les honoraires, et demandait ensuite à la fiducie de payer les gestionnaires de placements à l’aide des fonds placés dans les régimes de pension. La chose n’a aucunement pour effet de transmettre ou de transférer au fiduciaire l’obligation de payer les factures.

 

[54]    Sur le plan contractuel, GMCL est l’unique personne à qui incombait l’obligation de payer cette contrepartie aux gestionnaires de placements. Les conventions de gestion de placements et les conventions portant sur les honoraires sont très claires sur ce point. Les gestionnaires de placements facturaient uniquement GMCL. D’une façon générale, l’obligation se cristallisait sur délivrance d’une facture. Si GMCL n’acquittait pas la facture, les gestionnaires pouvaient uniquement poursuivre GMCL, et non la fiducie de régime. Seule GMCL était tenue d’acquitter ces factures. Étant donné que la fiducie n’a jamais été responsable de la gestion des actifs, elle n’avait pas besoin des services des gestionnaires de placements. Les gestionnaires pouvaient uniquement s’adresser à GMCL pour obtenir paiement. Par conséquent, GMCL était l’acquéreur de la fourniture des services des gestionnaires de placements, et la TPS était « payable » par GMCL. En vertu du paragraphe 169(1), les CTI ne peuvent être accordés à la personne qui « acquiert » la fourniture que si la taxe est payable par cette personne. La taxe est payable par l’acquéreur en vertu du paragraphe 165(1), mais il ne s’ensuit pas nécessairement que celui qui est l’acquéreur en bout de ligne est toujours la personne qui « a acquis » la fourniture. Selon le paragraphe 123(1), l’« acquéreur » est la personne à qui une fourniture est effectuée. Par conséquent, dans certaines circonstances, la personne qui a acquis la fourniture (GMCL) n’est peut‑être pas la personne à qui la fourniture est finalement effectuée (les fiducies de pension). GMCL a satisfait à cette exigence en vertu du paragraphe 169(1) étant donné qu’elle est l’unique personne qui est tenue de payer la contrepartie pour la fourniture des services des gestionnaires de placements aux termes des conventions pertinentes. Certains états financiers des régimes des employés horaires et des employés salariés donnent à entendre que les paiements sont considérés comme étant effectués par la fiducie, mais ces documents comptables viennent après les conventions principales portant sur les placements et les honoraires et ne changent pas les dispositions contractuelles de ces conventions. Les fiducies de pension ne sont pas tenues de payer les services et elles ne peuvent pas être l’acquéreur, bien que la fourniture de services ait finalement été réacheminée vers les actifs détenus dans les fiducies. Je crois également que la conclusion à laquelle le juge Dussault est arrivé dans la décision 163410 Canada Inc. c. la Reine, [1998] A.C.I. n827, étaye les motifs énoncés dans le présent appel, contrairement à ce qu’affirment l’avocat de l’appelante et l’avocat de l’intimée. Dans cette décision, les faits prêtaient à confusion, mais en concluant que l’appelante avait le droit de demander des CTI, le juge Dussault a mis l’accent sur la convention dans laquelle l’appelante était désignée comme étant la personne à qui incombait l’obligation de paiement. Le juge Dussault a conclu qu’indépendamment de la nature de la convention accessoire conclue entre Midland et l’appelante au sujet du paiement des services juridiques de l’appelante, et indépendamment du fait que c’était Midland plutôt que l’appelante qui était désignée à titre de client du fournisseur, c’était l’appelante qui demeurait responsable du paiement de la contrepartie afférente aux services, et ce, même si on avait demandé à Midland de payer les services à l’aide des fonds de l’appelante. Par conséquent, selon le raisonnement du juge Dussault, même si les conseils en matière de placements avaient été donnés aux régimes de pension directement par les gestionnaires (ce qui n’est pas le cas), lorsque les honoraires étaient facturés à GMCL, aux termes des conventions portant sur les honoraires, cette obligation de paiement l’aurait emporté.

 

[55]    Dans le cours de l’instance, l’intimée et l’appelante ont toutes deux traité des conclusions que j’ai tirées dans la décision Bondfield Construction Company (1983) Limited c. La Reine, 2005 CCI 78. Dans cette décision, j’ai examiné l’ancien paragraphe 169(1) ainsi que le sens du mot « acquéreur », comme je le fais dans le présent appel. Dans la décision Bondfield, la décision quant au droit aux CTI était axée sur la question de savoir qui était l’acquéreur. J’ai conclu qu’il s’agissait de la personne qui était de manière ultime responsable du paiement de la fourniture. Il est certes possible de faire une distinction entre les faits de l’affaire Bondfield et ceux de la présente espèce, et il n’est pas nécessaire d’examiner cette décision, sauf pour dire que le fait que, dans la décision Bondfield, j’ai fait référence à la personne « de manière ultime responsable » ne devrait pas être considéré comme voulant dire que la définition de l’acquéreur exige que l’on établisse qui est la personne qui reçoit finalement la fourniture, mais plutôt que l’on établisse qui est la personne qui est de manière ultime responsable, aux termes des conventions, du paiement de la contrepartie.

 

[56]    Enfin, il importe de noter que les parties ici en cause n’ont pas eu la possibilité de parler de la décision rendue dans l’affaire Y.S.I.’s Yacht Sales International Ltd. c. La Reine, 2007 CCI 306, qui a été rendue après que la présente audience a été tenue. Dans cette décision, la juge Woods a dit ce qui suit, aux paragraphes 56 et 57 :

 

[56]    [...] À mon avis, YSI était la seule personne tenue de payer la contrepartie en vertu des conventions conclues avec les fournisseurs. Dans son témoignage, M. Huntingford a indiqué qu’il avait demandé à Platinum de fournir une source de fonds au début pour ne pas devoir pourchasser Platinum lorsque YSI aurait besoin d’argent pour payer ses fournisseurs. Cet arrangement bancaire n’était rien de plus qu’un mécanisme de financement, entièrement compatible avec les achats de YSI aux fins d’une nouvelle fourniture à Platinum.

 

[57]    Le point essentiel est le suivant : une personne n’est pas un acquéreur au sens de la Loi sur la taxe d’accise à moins d’être tenue de payer la contrepartie aux termes d’une convention. En l’espèce, Platinum n’était pas tenue de payer la contrepartie en vertu des conventions conclues avec les fournisseurs.

 

 

[57]    Il ressort de ces remarques que, même si GMCL a réacheminé vers les fiducies la fourniture des services de placement, et même si la fiducie a remboursé GMCL dans les cas où cette dernière avait directement payé ces honoraires, GMCL était néanmoins la personne tenue de payer la fourniture des services rendus par les gestionnaires de placements aux termes des conventions qu’elle avait conclues avec eux. La source du paiement des honoraires n’est pas pertinente parce qu’en fin de compte, comme l’a dit la juge Woods dans la décision Y.S.I.’s Yacht Sales, la personne qui a le droit de demander des CTI est celle qui satisfait à l’exigence énoncée au paragraphe 169(1) et qui s’acquitte de l’obligation contractuelle qui lui incombe quant au paiement.

 

(3)      Le troisième et dernier élément du critère énoncé au paragraphe 169(1) aux fins de l’admissibilité de GMCL aux CTI : GMCL a‑t‑elle acquis les services de gestion de placements pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales?

 

[58]    L’intimée soutient que GMCL a acquis les services de gestion de placements pour le compte des fonds de fiducie et non pour utilisation dans ses propres activités commerciales. Le bulletin d’information technique B‑032R, intitulé « Régimes enregistrés de pension » (8 juin 1993) énonce ce qui est à l’origine de la position que l’ARC prend au sujet des demandes de CTI faites par les employeurs qui établissent des régimes de pension pour les employés. On fait une distinction entre les « dépenses de l’employeur » et les « dépenses de la fiducie de régime » : « seul l’employeur, et non la fiducie de régime, a le droit de réclamer un crédit de taxe sur les intrants à l’égard des dépenses de l’employeur dans la mesure où les biens ou les services sont acquis ou importés par l’employeur pour être consommés, utilisés ou fournis dans le cadre de ses activités commerciales, et la TPS sur les dépenses de l’employeur est payée ou payable par l’employeur. »

 

[59]    La GST Headquarters Letters 59990 intitulée « Application of the Excise Tax Act » (15 juin 2006) fait état de la position de l’intimée :

 

[traduction]

[...] La fiducie qui exerce des activités commerciales a le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants dans la mesure où les biens et les services sont acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre d’activités commerciales de la fiducie et dans la mesure où la fiducie satisfait à toutes les exigences applicables afin de demander des crédits de taxe sur les intrants en vertu de l’article 169 de la LTA. Sinon, la fiducie ne peut pas demander de crédits de taxe sur les intrants à l’égard de biens ou de services acquis dans le cadre de l’administration du régime de pension et de la fiducie.

 

Lorsque l’employeur facture la fiducie et que la fiducie acquitte la facture à l’aide des actifs de la fiducie, la fiducie paie l’employeur pour accomplir des activités à l’égard du régime et de la fiducie; par conséquent, le montant est généralement une contrepartie pour une fourniture taxable effectuée par l’employeur au profit de la fiducie. L’employeur effectue une fourniture ou une nouvelle fourniture des biens ou des services au profit de la fiducie. La seule exception est la suivante : lorsque l’employeur est l’administrateur du régime et qu’il a acquis les biens ou les services d’un tiers (plutôt que de fournir les biens ou les services lui‑même, par exemple en ayant recours à ses propres employés pour effectuer les services de gestion de placements en faveur de la fiducie au lieu d’acquérir les services d’un tiers au nom de la fiducie) en sa qualité fiduciaire d’administrateur du régime et de la fiducie, et au profit du régime et de la fiducie. Lorsque l’employeur acquiert un bien ou un service particulier d’un tiers en sa qualité d’administrateur, et que la fiducie paie directement la fourniture, ou qu’elle le fait indirectement en remboursant l’employeur, de sorte que le montant est imputé aux actifs de la fiducie, le bien ou le service est considéré comme ayant été acquis par l’employeur en sa qualité fiduciaire d’administrateur du régime et de la fiducie, et au profit du régime et de la fiducie, et par conséquent, pour consommation, utilisation ou fourniture par la fiducie. L’employeur n’est pas considéré comme ayant acquis le bien ou le service pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales et il n’a pas droit à un crédit de taxe sur les intrants à l’égard de la taxe payée sur la contrepartie de la fourniture. [Non souligné dans l’original.]

 

[60]    L’expression « activité commerciale » est ainsi définie au paragraphe 123(1) :

 

a) l’exploitation d’une entreprise (à l’exception d’une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées; [Non souligné dans l’original.]

 

[61]    Le mot « entreprise » est également défini au paragraphe 123(1), mais la Loi ne définit pas l’expression « dans le cadre de ». Toutefois, en examinant cette expression, les tribunaux judiciaires ont attribué un sens large à ces mots en soulignant « [...] qu’il suffit d’un lien très ténu avec l’emploi pour que l’article s’applique » (The Queen v. Blanchard, 95 DTC 5479 (C.A.F.)). De plus, en ce qui concerne les déductions relatives aux frais engagés « à l’occasion de l’émission ou de la vente d’actions », la Cour d’appel fédérale a fait remarquer ce qui suit dans l’arrêt M.N.R. v. Yonge-Eglington Building Ltd., 74 DTC 6180, page 6184 :

 

[...] l’expression [...]est utilisée dans le sens de « relativement à », « résultant de » ou « imputable à » et se rapporte au mode d’exécution ou à ce qui doit être fait pour réaliser l’émission ou la vente ou l’emprunt pour lesquels ou relativement auxquels les dépenses ont été engagées.

 

[62]    Il existe un lien certain entre les services fournis par les gestionnaires de placements et les activités commerciales de GMCL. Toutefois, cela en soi n’est pas suffisant. La question qui se pose a donc deux volets : (1) ce lien particulier satisfait‑il au critère préliminaire inclus dans l’expression « dans le cadre de »? (2) GMCL a‑t‑elle utilisé ou consommé les services des gestionnaires de placements dans le cadre de ses activités commerciales? Je répondrai à ces deux questions par l’affirmative.

 

[63]    Les diverses conventions de régime, les dispositions de la LRRO et les responsabilités que GMCL avait envers ses employés étayent toutes la conclusion que je tire, à savoir que GMCL a utilisé les services dans le cadre de ses activités commerciales.

 

[64]    La preuve documentaire dans son ensemble établit clairement que le fiduciaire qui a la garde des actifs du régime a acquis un titre légal en nue‑propriété sur ces actifs. Selon la preuve orale et selon la preuve documentaire, GMCL est la seule personne qui assume une responsabilité quelconque pour ce qui est de la santé financière des actifs du régime, et GMCL est la seule personne qui peut utiliser les services des gestionnaires de placements. Le fiduciaire qui a la garde des actifs n’était certes pas autorisé, en vertu d’un contrat ou de la loi, à conclure des contrats à l’égard de ces services. Le transfert du titre légal des actifs au fiduciaire qui en la garde n’atténue aucunement la responsabilité que GMCL a envers ses employés lorsqu’il s’agit de faire preuve de prudence dans la gestion de ces actifs. Comment pourrait‑il en être autrement puisque les conventions de fiducie principale renferment des dispositions expresses prévoyant que Royal Trust n’est pas responsable du placement approprié des actifs de la fiducie, et qu’elle n’est donc pas responsable des pertes résultant des décisions que les gestionnaires de placements prennent en matière de placements. Selon les conventions, c’étaient les gestionnaires de placements qui étaient autorisés à gérer les actifs du régime. L’argument de l’intimée selon lequel les services sont consommés ou utilisés par le fiduciaire qui a la garde des actifs n’est tout simplement pas soutenable parce que le fiduciaire n’est aucunement responsable des gains ou des pertes qui pourraient être associés aux placements. Telle était clairement le témoignage de M. Marven, qui a expliqué que dans le cadre d’un régime à prestations déterminées, GMCL est en haut de la hiérarchie ou qu’elle est le « garde‑fou » du régime. En d’autres termes, c’est elle qui était en fin de compte responsable. C’était GMCL qui devait combler les insuffisances financières du régime de pension. Étant donné que GMCL est la seule personne responsable des actifs, elle seule peut utiliser ou consommer les services des gestionnaires de placements. Le fiduciaire qui avait la garde des actifs ne pouvait pas utiliser ces services en vertu d’un contrat, et il s’agissait de services que les gestionnaires de placements fournissaient légalement à GMCL « à l’égard des actifs de la fiducie ». Je ne puis admettre que, parce que les actifs sont détenus dans une fiducie de pension, qui est artificiellement réputée être une personne en vertu du paragraphe 267.1(5), cela porte un coup fatal à la demande de CTI de GMCL. Si je reconnaissais la chose, cela ne tiendrait pas compte des obligations contractuelles et légales de tous les intéressés, à savoir GMCL, le fiduciaire qui a la garde des actifs et les gestionnaires de placements.

 

[65]    La responsabilité qui incombe à GMCL de gérer d’une façon appropriée les actifs du régime de pension découle non seulement des conventions, mais aussi des obligations de GMCL en sa qualité d’administrateur en vertu de la LRRO et de ses obligations de fournir des prestations de pension à ses employés.

 

[66]    Conformément à la LRRO, GMCL, l’employeur agissant comme administrateur de régime des actifs du fonds de pension, assume diverses obligations fiduciaires à l’égard de l’administration et de la gestion du régime. Toute inobservation par GMCL au sens de la LRRO constitue une inobservation de la loi. En vertu de la LRRO, la responsabilité de bien gérer les actifs du fonds de pension repose strictement sur l’administrateur du régime, c’est‑à‑dire sur GMCL, qui est également l’employeur en vertu des régimes, et qui assume donc la responsabilité en cas de financement insuffisant, en plus d’être obligée de veiller au bon rendement sur le plan de la gestion. Pour limiter sa responsabilité, GMCL fait par contrat appel à l’expertise des gestionnaires de placements.

 

[67]    En plus de ces obligations contractuelles et légales, GMCL s’est engagée à établir, à maintenir et à administrer un système de rémunération non seulement en tant que condition d’emploi offerte à ses employés, mais aussi comme moyen destiné à attirer et à conserver les employés les plus compétents au sein de son organisation. En l’absence d’un régime de pension rentable, l’attrait concurrentiel de GMCL sur le marché serait beaucoup moins important. Les frais associés à l’administration de ces actifs de fonds de pension peuvent être considérés comme n’étant qu’indirectement liés à la fabrication de véhicules, mais ils font néanmoins partie intégrante du succès commercial général de GMCL. Dans son témoignage, M. Marven a établi un parallèle entre la mise en place d’un régime de pension et d’autres formes de rémunération des employés comme les prestations pour soins de santé. La seule conclusion logique sensée est que toutes les fonctions de GMCL, à l’égard des actifs de fonds de pension en cause, sont exercées au seul profit des employés, qu’il s’agisse des employés salariés ou des employés horaires, et ces fonctions constituent donc un élément essentiel des activités commerciales de GMCL. Par conséquent, GMCL a acquis les services des gestionnaires de placements pour utilisation dans ses activités commerciales. Cela étant, bien que GMCL n’utilise pas directement les services en question en effectuant des fournitures assujetties à la TPS dans le cadre de ses activités, ces services font partie de sa contribution au programme de rémunération des employés, ce qui est un complément nécessaire de son infrastructure lorsqu’il s’agit de conclure des ventes taxables. Les frais ne sont pas de nature personnelle. Ils viennent s’ajouter aux activités commerciales principales de GMCL et ils répondent au besoin d’attirer et de conserver le nombre d’employés nécessaire au bon déroulement de celles‑ci. Par conséquent, ces frais, quoiqu’il s’agisse de frais indirects par rapport à l’entreprise de GMCL, sont admissibles à titre de frais payés pour consommation ou utilisation dans le cadre des activités commerciales de GMCL. Le paragraphe 169(1) n’exige pas que la gestion d’un régime de pension soit la seule activité commerciale d’une personne, mais uniquement que la fourniture soit consommée ou utilisée « dans le cadre des activités commerciales ». Séparer les services des gestionnaires de placements et les activités commerciales de GMCL de la manière proposée par l’intimée équivaudrait à ne pas tenir compte des obligations contractuelles et légales de GMCL ainsi que de la réalité commerciale d’un marché compétitif.

 

[68]    Enfin, les deux parties ont parlé des principes énoncés dans plusieurs décisions britanniques portant sur la taxe sur la valeur ajoutée (la « TVA »), dans lesquelles l’employeur a été autorisé à demander des CTI sur des frais de gestion de placements pour le motif que, lorsqu’un employeur est responsable de la gestion des actifs d’une fiducie, ces frais font partie de ses activités commerciales. Bien qu’à mon avis, il ne soit pas nécessaire que je me fonde sur ces décisions pour étayer mes conclusions, et bien que ces décisions portent de fait en bonne partie sur des questions similaires, le régime légal britannique est différent de celui de la Loi sur la taxe d’accise en ce sens que, dans la législation britannique, les fiducies ne sont pas réputées constituer une personne distincte du fiduciaire.

 

[69]    Les conclusions que j’ai tirées au sujet de la première question règlent effectivement le présent appel, mais j’ai l’intention de traiter de la seconde question préliminaire et du deuxième point litigieux afin de clore définitivement le débat, et parce qu’une bonne partie de l’audience ainsi que la presque totalité du témoignage présenté par M. Wong étaient consacrées à ces questions.

 

Seconde question préliminaire – L’hypothèse énoncée à l’alinéa 5f) a été plaidée d’une façon irrégulière; et second point litigieux : les services de gestion de placements constituent‑ils un service financier exonéré?

 

[70]    À l’alinéa 5f) de la réponse, il est dit ce qui suit :

 

[traduction]

5. En établissant une cotisation à l’égard de l’appelante en vue de refuser les crédits de taxe sur les intrants qu’elle avait demandés, comme cela est indiqué au paragraphe 10 de l’avis d’appel, le ministre du Revenu national (le « ministre ») s’est entre autres fondé sur les hypothèses ou sur les conclusions de fait suivantes :

 

[…]

 

f) les services de gestion de placements ne constituaient pas un service mentionné aux alinéas a) à m) de la définition d’un service financier en vertu de la Loi; [...]

 

[71]    Ce n’est pas la première fois que j’examine cette hypothèse de fait. Dans une requête qu’elle a présentée avant l’audience, l’appelante a demandé à la Cour d’ordonner au vérificateur, Aaron Wong, de répondre aux questions qui lui avaient été posées au cours de l’interrogatoire préalable au sujet de l’alinéa 5f) et de radier cet alinéa. J’ai conclu qu’il serait prématuré de radier l’alinéa en question, mais j’ai décidé que les questions que l’appelante avait posées à M. Wong était appropriées et que l’interrogatoire préalable devait se poursuivre en vue de donner à M. Wong la possibilité de répondre. J’ai également conclu que les objections de l’avocat de l’intimée étaient inappropriées et qu’elles constituaient une entrave du fait que l’avocat conseillait le témoin et lui donnait des indications pour que celui‑ci réponde essentiellement de la même façon à toutes ces questions, à savoir que [traduction] « les services sont taxables ».

 

[72]    C’était l’appelante qui avait cité M. Wong comme témoin. Il ressort clairement du témoignage de M. Wong que la cotisation initiale était uniquement fondée sur la communication volontaire que GMCL avait faite à l’ARC. Toutefois, cette communication ne faisait pas mention de la question de savoir si la fourniture des services de gestion de placements constituait un service financier comme il en est fait mention à l’alinéa 5f) de la réponse. La communication portait plutôt uniquement sur la question du paragraphe 169(1). Les réponses qu’il a données aux questions posées par l’avocat de l’appelante et par l’avocat de l’intimée révèlent que M. Wong ne s’est de toute évidence jamais demandé si ces services étaient des services financiers exonérés en vertu de la Loi, et qu’il n’a jamais examiné la question, de quelque façon que ce soit. Le fait qu’il a toujours répété machinalement que [traduction] « les services étaient taxables » ne constituait absolument pas une réponse. Cela est loin de constituer un examen de la question de savoir si les services de gestion de placements en cause étaient visés par chacun des alinéas a) à m) du paragraphe 123(1) de la Loi. De toute évidence, cette réponse mécontentait l’avocat de l’appelante, et ce, avec raison, surtout compte tenu des directives que j’avais données après l’audition de la requête. L’approche que l’avocat de l’intimée a adoptée sur ce point est remarquablement outrageante. Après avoir entendu la requête, j’ai conclu qu’en agissant ainsi, l’avocat préparait en fait M. Wong et lui donnait des indications pour qu’il dise que [traduction] « les services étaient taxables ». M. Wong a fidèlement donné cette réponse et il s’en est tenu à ça tout au long de l’audition de l’appel.

 

[73]    L’avocat de l’intimée a soutenu que la position de l’appelante, lorsqu’elle affirme que l’intimée a plaidé d’une façon irrégulière l’alinéa 5f) de la réponse, est à la fois [traduction] « non pertinente et erronée » (observations écrites de l’intimée, page 21). La position que l’intimée a prise m’offusque franchement. L’intimée a essentiellement fait valoir qu’étant donné que suffisamment d’éléments de preuve avaient été présentés au cours de l’audience, les questions touchant les hypothèses et la charge de la preuve n’avaient plus aucun intérêt pratique. À première vue, cela est vrai, mais cela ne peut pas transformer les actions de la Couronne, qui sont selon moi intrinsèquement épouvantables, en quelque chose qui est correct et par conséquent acceptable.

 

[74]    L’avocat de l’intimée a affirmé que le contre‑interrogatoire de M. Phillips donnait, au sujet des services de gestion de placements, suffisamment de détails factuels pour permettre à la Cour de décider si ces services constituent un service financier au sens du paragraphe 123(1). C’est peut‑être vrai, mais cela n’aide pas l’intimée à défendre sa position lorsqu’elle dit que cette hypothèse a en fait été émise.

 

[75]    Si j’examine les transcriptions, je crois disposer de témoignages suffisants, avec la preuve documentaire, pour décider si la fourniture était un service financier. Il reste néanmoins que la Couronne a de prime abord eu tort de plaider l’alinéa 5f), ce qui est devenu tout à fait évident après la présentation de la requête et la reprise de l’interrogatoire préalable.

 

[76]    L’avocat de l’intimée a également cité un passage de la décision rendue par le juge Bowman (maintenant juge en chef) dans l’affaire Cadillac Fairview Corporation Limited v. The Queen, 97 DTC 405 (C.C.I.), page 407 :

 

[...] Dans les appels en matière d’impôt sur le revenu, on perd trop de temps sur les questions de fardeau de la preuve et l’on perd trop de temps en conjectures quant à savoir ce que le ministre peut avoir ou n’avoir pas « présumé ». [...]

 

Dans cette affaire, la Cour examinait l’argument d’un contribuable qui affirmait que la Couronne ne pouvait pas se fonder sur quelque chose qui n’avait pas été plaidé dans une hypothèse. Le juge Bowman a simplement dit que, si tous les faits pertinents ont été présentés en preuve, la Cour doit trancher l’appel sur le fond, sans tenir compte des hypothèses émises par le ministre. Or, l’avocat de l’intimée a cité ce passage hors de son contexte; en effet, je ne crois pas que le passage en question puisse ou doive être utilisé à l’appui de la position voulant que le ministre puisse plaider n’importe quelle hypothèse dans sa réponse, et ce, peu importe que cette hypothèse ait de fait été émise ou qu’elle ne l’ait pas été.

 

[77]    Depuis que la décision a été rendue dans l’affaire Cadillac Fairview, le juge en chef Bowman et le juge en chef adjoint Rip ont tous deux clairement dit dans leurs jugements qu’il n’est pas approprié de plaider des hypothèses qui n’ont jamais été émises. Dans la décision Holm et al. v. The Queen, 2003 DTC 755 (C.C.I.), le juge Bowman a dit ce qui suit au paragraphe 18 :

 

Il est indéniable que l’on soutient fermement au sein de notre cour qu’invoquer des hypothèses de fait non formulées à l’étape de la cotisation est inapproprié et répréhensible. Il semble en outre que cette pratique soit répandue. Dans un cas approprié, je n’aurais aucune hésitation à admettre un appel, à radier une réponse à un avis d’appel ou à faire payer les dépens sur la base procureur‑client soit à l’intimée, soit, dans un cas flagrant, à l’avocat ayant rédigé une réponse trompeuse. [...] [Non souligné dans l’original.]

 

[78]    Dans la décision Anchor Pointe Energy Limited v. The Queen, 2002 DTC 2071 (C.C.I.), au paragraphe 26, le juge Rip a dit ce qui suit à l’égard des allégations inexactes que la Couronne avait faites au sujet des hypothèses émises par le ministre :

 

La Couronne a une sérieuse obligation qui est d’énoncer honnêtement et intégralement les hypothèses effectives sur lesquelles le ministre s’est fondé en établissant la cotisation, qu’elles appuient ou non la cotisation. Le fait d’alléguer dans la réponse à l’avis d’appel que le ministre s’est fondé sur des hypothèses qu’il ne peut avoir formulées n’est pas une façon de satisfaire à cette obligation. [...]

 

[79]    En confirmant la décision rendue par le juge Rip, la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit (2003 DTC 5512 (C.A.F.), paragraphe 23) :

 

Alléguer l’existence d’hypothèses confère comme avantage important à la Couronne de renverser le fardeau de preuve, de sorte que le contribuable doive réfuter les hypothèses du ministre. Les faits allégués comme hypothèses doivent être précis et exacts afin que le contribuable sache bien clairement ce qu’il lui faudra prouver. Il n’y a aucune raison pour que l’exigence de précision et d’exactitude ne s’applique pas à l’énoncé exact par la Couronne des circonstances ayant donné lieu aux hypothèses, soit l’établissement d’une cotisation, l’établissement d’une nouvelle cotisation ou la ratification d’une cotisation. [...] [Non souligné dans l’original.]

 

[80]    Dans le dernier arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire Anchor Pointe (2007 C.A.F. 188), la Cour d’appel dit encore une fois qu’il est important que les hypothèses émises dans les actes de procédure soit énoncées d’une façon honnête et exacte.

 

[81]    L’avocat de l’intimée a également soutenu que M. Wong avait [traduction] « implicitement présumé » l’hypothèse figurant à l’alinéa 5f) de la réponse en établissant la cotisation. Selon la position prise par l’intimée, lorsque l’appelante a demandé à l’ARC de rendre une décision anticipée sur les crédits de taxe sur les intrants, la demande renfermait implicitement une hypothèse, à savoir que les services étaient des fournitures taxables. À l’alinéa 47d) de ses aveux écrits, l’intimée dit ce qui suit :

 

[traduction]

d) L’appelante a tort d’affirmer que le ministre n’a émis aucune hypothèse au sujet de la nature des services de gestion de placements pour les besoins du fisc. L’assertion selon laquelle les services étaient taxables était implicite dans la position que l’appelante a prise lors du dépôt de la demande; la position que l’appelante a prise lors du dépôt, de laquelle l’hypothèse du ministre est tirée, établit clairement cette hypothèse.

 

[82]    Cet argument est intéressant. Le passage de la décision anticipée reproduit à la page 7 de la pièce A‑4 dit ce qui suit : [traduction] « Les fournitures effectuées par les gestionnaires de placements au profit de GMCL sont des fournitures taxables [...] ». La fourniture taxable est définie à l’article 123 comme s’entendant d’une fourniture effectuée dans le cadre d’une activité commerciale. L’article 123 définit l’« activité commerciale » exercée par une personne comme : « a) l’exploitation d’une entreprise [...] sauf dans la mesure où le projet ou l’affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées ». L’article 123 définit la « fourniture exonérée » comme étant une fourniture figurant à l’annexe V. L’article premier de la partie VII de l’annexe V est libellé en ces termes : « La fourniture de services financiers qui ne figurent pas à la partie IX de l’annexe VI. » Le « service financier » est défini aux alinéas a) à m) de l’article 123. Par conséquent, si l’on arrive à la conclusion qu’une fourniture donnée est une fourniture taxable, cela implique, selon l’intimée, que la fourniture n’est pas considérée comme un service financier. Selon moi, ce raisonnement est faible, mais il pourrait constituer dans une certaine mesure un fondement permettant à l’intimée de soutenir qu’il a été tenu compte de la nature de la fourniture avant que la cotisation soit établie. Il s’agit de savoir si cette hypothèse implicite sur le plan de la procédure peut être suffisante pour étayer l’hypothèse figurant à l’alinéa 5f) de la réponse. L’intimée aurait pu citer le représentant de l’ARC qui était chargé de rendre la décision anticipée, ce qui aurait peut‑être été utile pour invoquer cette position, mais elle ne l’a pas fait, et je rejette cet argument étant donné qu’il n’est pas suffisant pour justifier l’inclusion dans la réponse de l’hypothèse figurant à l’alinéa 5f).

 

[83]    L’alinéa 5f) de la réponse fait expressément mention des divers alinéas de la définition des services financiers. Cela donne sans aucun doute l’impression que le ministre s’était arrêté aux divers éléments de la définition, en examinant chaque alinéa, avant de conclure finalement que le service en question n’était visé par aucun des sous‑éléments individuels de cette définition. Le témoignage de M. Wong dans son ensemble n’était tout simplement pas utile, mais M. Wong a de fait admis qu’il n’avait pas examiné chacun des alinéas a) à m) du paragraphe 123(1) et qu’il ne s’était donc pas demandé si les services de gestion de placements étaient visés par ces dispositions. Les propos suivants ont été échangés entre l’avocat de l’appelante et M. Wong (page 113 de la transcription) :

 

[traduction]

Q: […] N’est‑il pas vrai que vous ne vous êtes pas posé la question? Je veux que vous répondiez à la question précise que je vous pose, et non que vous disiez que vous croyiez que cela était taxable. Je sais que vous croyiez que cela était taxable. Ce n’est pas ce que dit l’hypothèse. L’hypothèse ne dit pas que c’était taxable. L’hypothèse se rapporte expressément à la question de savoir s’il s’agit d’un service financier visé aux alinéas a) à m). Vous ne vous êtes pas posé la question, n’est‑ce pas?

 

R: Non.

 

Q: Vous avez répondu par la négative si je ne me trompe?

 

R: En effet.

 

Q: En fait, Monsieur, vous ne vous êtes pas arrêté aux dispositions, à la définition figurant à l’article 123, vous ne vous êtes pas demandé ce qu’était le service de gestion de placements qui était fourni et vous ne vous êtes pas ensuite demandé s’il était visé à l’alinéa a). Quel est le service de gestion de placements qui est fourni, est‑il visé à l’alinéa b)? Vous ne l’avez pas fait parce que votre vérification ne portait que sur le crédit de taxe sur les intrants, n’est‑ce pas?

 

R: Oui.

 

[84]    Selon moi, les directives que j’ai données dans l’ordonnance que j’ai rendue au sujet de la requête préalable à l’audience étaient fort claires et, par conséquent, l’intimée aurait dû être au courant de l’hypothèse contestée.

 

[85]    Lors de l’interrogatoire ultérieur de M. Wong, il aurait également dû être tout à fait clair, aux yeux de l’avocat de l’intimée, si cela ne l’était pas auparavant, que M. Wong ne s’était jamais arrêté de quelque façon que ce soit à la question du service financier. L’étape suivante appropriée consistait à modifier la réponse en vue de supprimer cette hypothèse de fait. On ne l’a pas fait, ce qui, à mon avis, est fort grave.

 

[86]    On ne saurait permettre à l’intimée de faire peu de cas de l’inclusion de l’hypothèse figurant à l’alinéa 5f) dans ses actes de procédure, et aucun des arguments qu’elle a avancés ne me convainc. Il y avait eu de nombreux avertissements depuis le début. Il n’en a aucunement été tenu compte. Même si je dispose d’un nombre suffisant d’éléments de preuve pour rendre une décision factuelle sur la question, l’intimée a néanmoins l’obligation de plaider au départ les hypothèses honnêtement ou de modifier les actes de procédure une fois qu’il est devenu tout à fait clair qu’une hypothèse n’a pas été émise. Les hypothèses sur lesquelles sont fondés les actes de procédure doivent être énoncées d’une façon claire, honnête et exacte. Or, cela n’a pas été fait dans ce cas‑ci.

 

[87]    Quelle est donc la réparation appropriée lorsque le ministre plaide d’une façon inappropriée une hypothèse de fait, mais que la Cour dispose d’un nombre suffisant d’éléments de preuve pour trancher la question? L’avocat de l’appelante a soutenu que l’intimée devrait être empêchée de défendre la cotisation en se fondant sur l’argument selon lequel les services de placements n’étaient pas des services financiers au sens des alinéas 123(1)a) à m). Je suis d’accord avec l’avocat de l’appelante lorsqu’il dit qu’il s’agit d’un manquement flagrant, mais je ne souscris pas à l’un des arguments que Me Meghji a soulevés sur ce point et je ne l’appuie pas. Selon la position prise par Me Meghji, le manquement en l’espèce est d’autant plus grave que [traduction] « le présent appel se rapporte à une affaire sérieuse régie par la procédure générale » (alinéa 27i), page 10 de la réponse de l’appelante) par opposition aux affaires régies par la procédure informelle, dans lesquelles la Cour a fait un grand nombre de prononcés sur ce point à l’intention de la Couronne. Bien sûr, ce point de vue donne à entendre que, d’une certaine façon, ce type d’approche est peut‑être plus acceptable dans les affaires régies par la procédure informelle parce que le manquement serait moins grave. Je ne souscris absolument pas à ce point de vue. L’obligation qui incombe à la Couronne de plaider les hypothèses honnêtement n’est pas moins importante dans une affaire régie par la procédure informelle que dans une affaire régie par la procédure générale et, en fait, elle est peut‑être beaucoup plus importante à cause de l’effet préjudiciable que la chose peut avoir pour les contribuables, qui dans bien des cas ne sont pas représentés. Au paragraphe 19 de la décision Holm, le juge Bowman dit ce qui suit :

 

La pratique en question est toujours répréhensible, mais elle est particulièrement pernicieuse dans un appel sous le régime de la procédure informelle, dans lequel il est fréquent que le contribuable plaide lui‑même sa cause, sans représentant. […]

 

[88]    Il peut s’agir ici d’un cas qui est semblable à ce que le juge Bowman a décrit, dans la décision Holm, comme étant un [traduction] « comportement répréhensible flagrant », mais je crois pouvoir et devoir examiner cette question, plaidée d’une façon subsidiaire, compte tenu de la preuve présentée par l’entremise de M. Phillips, et pouvoir remédier à la gravité des actions de l’intimée et à la tentative qu’elle a faite pour banaliser la question en évoquant la possibilité d’adjuger des dépens plus élevés. L’appelante ne saurait dire qu’elle n’était absolument pas au courant de la possibilité que cet argument soit invoqué parce que, au paragraphe 9 de la réponse, sous le titre [traduction] « Moyens invoqués et réparation demandée », il est clairement fait mention des alinéas a) à m) du paragraphe 123(1) :

 

[traduction]

Les services de gestion de placements ne sont pas inclus dans les services mentionnés aux alinéas a) à m) de la définition de l’expression « service financier » figurant au paragraphe 123(1) de la Loi et il ne s’agit donc pas d’une fourniture exonérée pour l’application de la Loi.

 

De plus, dans l’avis d’appel, l’appelante affirme que les services fournis par les gestionnaires de placements étaient des services financiers exonérés de la TPS, selon la définition figurant au paragraphe 123(1).

 

[89]    Selon la position prise par l’appelante, les services de gestion de placements, quoiqu’ils ne soient pas expressément mentionnés aux alinéas a) à m), peuvent être inclus en vertu des alinéas a), d) et l) s’il est tenu compte de la nature des services. La preuve soumise par M. Phillips et la preuve documentaire sont susceptibles d’étayer la conclusion selon laquelle la fourniture de services de gestion de placements comporte la fourniture de services financiers. L’appelante a établi un parallèle avec les services de courtage et les services de placements bancaires, qui ne sont pas expressément mentionnés aux alinéas a) à m), mais qui comprennent la fourniture de services financiers. L’appelante fait valoir que ces services comprennent le transfert de propriété d’effets financiers, le transfert ou la réception d’argent et les arrangements en vue de la fourniture de pareils services ou la fourniture de pareils services. En se fondant sur la preuve soumise par M. Phillips, l’appelante affirme que les services des gestionnaires de placements étaient composés des éléments essentiels que sont l’achat et la vente de titres. Cela étant, les services des gestionnaires de placements sont visés par la définition figurant au paragraphe 123(1), de sorte qu’ils demeurent des fournitures exonérées de la TPS, et en outre, qu’ils ne sont pas visés par les exclusions mentionnées aux alinéas p) ou q) du paragraphe 123(1). Par conséquent, la TPS a été payée par erreur.

 

[90]    Selon la position prise par l’intimée, la fourniture consistait à mettre à la disposition des fiducies une expertise en matière de gestion de placements, et cet élément était l’élément dominant de la fourniture. L’intimée a soutenu qu’une maison de courtage pouvait exécuter, et de fait exécutait, les ordres de bourse en se fondant sur l’expertise et sur les connaissances des gestionnaires de placements. Étant donné que les services en question ne sont pas visés aux alinéas a) à m) de la définition des services financiers, il n’est pas nécessaire d’examiner les exclusions prévues au paragraphe 123(1).

 

[91]    La position de l’appelante est en bonne partie fondée sur la décision The College of Applied Arts & Technology Pension Plan v. The Queen (« CAAT »), 2003 G.S.T.C. 143. La question étroite examinée dans la décision CAAT était de savoir si l’activité principale de l’appelante consistait à investir des fonds conformément aux exigences de l’alinéa q) de la définition de « service financier ». Le juge Bowie a dit ce qui suit à la fin du paragraphe 9 :

 

[…] À mon avis, la mesure d’une « activité principale » doit être l’importance de l’activité en vue d’atteindre les buts ou les objectifs d’un organisme.

 

[92]    Le juge Bowie a conclu que la fonction de placement ne constituait pas l’activité principale des fiducies de régime. L’appelante a soutenu que, dans la décision CAAT, il avait été conclu que les services des gestionnaires de placements « carte blanche » étaient des services financiers aux sens des alinéas a) à m) de la définition, et que cette conclusion n’avait aucunement été modifiée par la modification législative apportée à l’alinéa q) le 29 juillet 1998. Toutefois, je ne souscris pas au point de vue adopté par l’appelante à l’égard de la décision CAAT parce que cette décision ne portait pas sur les alinéas a) à m). Aucun argument n’avait été soumis à la Cour au sujet de ces dispositions étant donné qu’après les interrogatoires préalables, on avait renoncé à invoquer ces dispositions. Une autre distinction était que, dans l’affaire CAAT, l’appelante était la fiducie de régime elle‑même plutôt que l’administrateur du régime comme c’est ici le cas; par conséquent, c’est l’activité principale de GMCL qui justifierait une analyse en vertu de l’alinéa q), étant donné que la fourniture a été effectuée à cette « personne morale » et non au régime de placements. Enfin, il importe de noter que la décision CAAT était fondée sur des versions antérieures de l’alinéa q). Contrairement à la version actuelle, il n’était fait mention dans aucune de ces deux versions antérieures d’un « régime de placement » selon la définition figurant au paragraphe 149(5). Les faits sont semblables à ceux de la présente affaire, mais ces facteurs ont pour effet de diminuer de beaucoup l’applicabilité de la décision CAAT dans le présent appel.

 

[93]    L’achat et la vente de titres constituent un élément nécessaire de la fourniture des services, mais en réalité, ce n’étaient pas les gestionnaires de placements qui procédaient eux-mêmes aux achats et aux ventes. C’étaient des courtiers ou des négociateurs. M. Phillips a témoigné que la gestion des actifs comportait des prises de décisions, suivies de l’achat ou de la vente des titres, mais selon son propre témoignage, c’était lui qui donnait les ordres d’achat et de vente aux courtiers pour qu’ils concluent les opérations financières. Royal Trust, qui détenait toujours l’argent, examinait ensuite les ordres et remettait les fonds nécessaires au courtier pour qu’il conclue l’opération. Selon les conventions de gestion de placements, les gestionnaires de placements étaient autorisés à acheter et à vendre des titres, mais ils ne s’occupaient jamais des achats et des ventes mêmes. Lors du contre‑interrogatoire, M. Phillips a déclaré que Perigee n’achetait pas ou ne vendait pas de titres, mais qu’elle transmettait les ordres d’achat ou de vente à Royal Trust et aux courtiers. Ces documents confèrent ce pouvoir discrétionnaire aux gestionnaires de placements, mais selon le témoignage non contredit de M. Phillips, ce pouvoir n’était pas pleinement exercé. On demandait aux courtiers de procéder aux acquisitions et aux ventes après que les gestionnaires de placements eurent pris une décision. Comment aurait‑il pu en être autrement puisque Royal Trust exerçait un contrôle exclusif sur les fonds? Seul le fiduciaire pouvait régler les demandes des courtiers. À la page 270 de la transcription, M. Phillips déclare ce qui suit :

 

[traduction]

R. […] Nous possédons l’expertise nécessaire et c’est ce pourquoi les clients nous paient.

 

Q.  Ils vous paient pour cette expertise?

 

R.  Ils nous paient pour que nous dépassions le rendement de référence.

 

Aux pages 281 à 283, M. Phillips ajoute ce qui suit:

 

[traduction]

Q.  Royal Trust détenait‑elle tout cet argent en sa qualité de fiduciaire comme vous l’avez décrit, ce milliard de dollars?

 

R.  C’est elle qui agit comme fiduciaire du fonds.

 

Q.  C’est vraiment elle qui détient les fonds?

 

R.  Oui. Elle a une obligation fiduciaire. Elle ne débloque pas les fonds. Fondamentalement, General Motors leur fait officiellement savoir par lettre, au moyen d’un consentement écrit, que Perigee Investment Counsel gère les fonds. Elle doit autoriser toutes les fiches d’ordre d’achat et de vente qui leur sont envoyées, elle doit régler toutes les opérations.

 

[…]

 

Ce qui m’a toujours énormément plu au sujet du fiduciaire, c’est que nous ne touchons jamais à l’argent lui‑même. Je ne peux en aucun cas appeler et dire : « Veuillez virer dix millions de dollars à mon compte », ou « Auriez‑vous l’obligeance de nous envoyer de l’argent? » Il fallait toujours passer par l’entremise de GM. Le fiduciaire conserve l’argent. L’argent est transmis entre General Motors et le fiduciaire ou entre le fiduciaire et les courtiers qui règlent les opérations que nous avons conclues. [Non souligné dans l’original.]

 

[94]    Dans sa plaidoirie, l’avocat de l’appelante a résumé de la manière suivante le témoignage de M. Phillips :

 

[traduction]

Je réfléchis à l’affaire et je conclus ensuite l’opération. C’est ainsi que j’obtiens les résultats voulus. Toutefois, le service fourni à GMCL est principalement axé sur les « réflexions judicieuses » de M. Phillips ainsi que sur l’organisation de l’opération. Toutefois, les honoraires demandés sont versés pour les « réflexions judicieuses » et non pour l’opération elle‑même. Comme M. Phillips l’a expliqué lors du contre‑interrogatoire, on communiquait avec les courtiers pour qu’ils concluent l’opération, et ils touchaient une commission pour la conclusion de l’opération. [Non souligné dans l’original.] (Transcription, page 293)

 

[95]    L’appelante a soutenu que la valeur fournie au moyen des connaissances et de l’expertise ne pouvait pas changer la nature essentielle de la fourniture effectuée. Elle a fait une analogie entre un hamburger de McDonald à 99 cents et un hamburger de 40 dollars dans un restaurant chic, la valeur de ces hamburgers étant différente mais leur caractère demeurant le même. Une distinction est faite à l’égard des fournitures étant donné que le hamburger qui coûte 40 dollars représente une fourniture d’expertise et de compétence qui explique le prix plus élevé. Par analogie, en l’espèce, et selon l’appelante, l’achat par GMCL de services financiers se rapportait à l’achat et à la vente de titres, mais uniquement à l’égard de la variété haut de gamme. Cet argument est trompeur parce que GMCL ne paie pas pour l’acquisition ou la vente de titres haut de gamme, mais pour la gestion de portefeuille qui maximiserait le rendement. Comme M. Phillips l’a déclaré dans son témoignage, les gestionnaires de placements étaient rémunérés pour [traduction] « dépasser le rendement de référence ».

 

[96]    L’appelante a soutenu que les services fournis sont des services financiers exonérés compte tenu des alinéas a), d) et l) du paragraphe 123(1). L’examen d’un grand nombre de décisions portant sur les services financiers révèle que ces derniers tendent à être considérés comme étant de la nature d’opérations (comme l’émission d’un chèque, le suivi des paiements). Drug Trading Co. v. R., [2001] G.S.T.C. 48 (C.C.I.); Elgin Mills Leslie Holdings Ltd. v. Canada, [2000] G.S.T.C. 8 (C.C.I.); Collins v. R., [2002] G.S.T.C. 66 (C.C.I.); Locator of Missing Heirs Inc. v. Canada, [1995] G.S.T.C. 63 (C.C.I.), confirmé [1997] G.S.T.C. 16 (C.A.F.). Dans cette dernière décision, la Cour a conclu que le transfert d’un bien était accessoire à la recherche à effectuer pour trouver des personnes disparues. Par conséquent, le tout a été considéré comme une seule fourniture qui n’était pas visée par la définition des services financiers.

 

[97]    Dans la récente décision Banque Canadienne Impériale de Commerce c. La Reine, 2006 CCI 336, le juge Angers a conclu à l’existence d’un certain chevauchement entre les éléments des services de recouvrement de créances et la définition générale des services financiers, mais il a néanmoins conclu que le service concerné n’était pas visé par la définition des services financiers et qu’il était taxable parce que l’« élément dominant » de la fourniture effectuée par les agences de recouvrement était la fourniture des services de recouvrement de créances. De plus, dans la décision O.A. Brown Ltd. v. The Queen, [1995] G.S.T.C. 40 (C.C.I.), où des frais distincts avaient été engagés dans le cadre de l’achat et de la fourniture de bétail, ce qui aurait pu être une fourniture taxable, la Cour a conclu que les frais en question étaient si étroitement liés au service d’achat et qu’ils faisaient partie intégrante du service global à un point tel qu’il s’agissait d’un seul service à plusieurs volets. Les motifs énoncés dans la décision O.A. Brown à l’appui de la  thèse de la fourniture unique ont été approuvés par la Cour d’appel dans l’arrêt Hidden Valley Golf Resort Assn. v. R., [2000] G.S.T.C. 42.

 

[98]    Dans le récent arrêt Banque Royale du Canada c. R., 2007 CAF 72, [2007] G.S.T.C. 18, 2007 G.T.C. 1554, la Cour d’appel fédérale a conclu que la vente elle‑même d’effets financiers pour le compte d’une autre personne constituait un service financier et allait au-delà de la simple prestation de conseils. La Cour d’appel a souscrit à la conclusion tirée par le juge de la Cour de l’impôt, à savoir que la vente des titres était la caractéristique dominante de la fourniture effectuée :

 

[9]     Essentiellement, le juge a conclu que les services fournis par l’appelante consistaient à distribuer ou à prendre des mesures aux fins de la distribution de parts des fonds communs de placement. [...]

 

[12]   L’appelante fournissait des services qui étaient beaucoup plus que des services de soutien et des conseils. Les parties ont convenu que les services devaient être traités comme une seule fourniture de services et ne pas être divisés. Il est évident que la caractéristique dominante et, dirions‑nous essentielle, de cette fourniture de services par des membres du personnel titulaires de permis conformément au régime de réglementation était la vente de valeurs mobilières pour le compte de FIRI, c’est‑à‑dire la distribution de parts des Fonds.

 

 

Dans l’affaire dont je suis ici saisie, les gestionnaires de placements ne s’occupent pas des ventes et des achats. Ils donnent simplement des ordres d’achat et de vente, à la suite de décisions que le fiduciaire peut à son gré accepter ou rejeter. Selon le témoignage de M. Phillips (page 282), pour s’acquitter de l’obligation fiduciaire qui lui incombe envers les régimes de pension, Royal Trust pourrait, après avoir reçu des instructions lui enjoignant de fournir des fonds aux courtiers pour une opération sur titres, appeler General Motors du Canada et dire :

 

[traduction]

Saviez‑vous que Perigee Investment Counsel achète cette banque étrange dont nous n’avons jamais entendu parler? Êtes‑vous d’accord? Devrions‑nous procéder au règlement?

 

[99]    En examinant les faits, au paragraphe 16 de mes motifs, j’ai cité une partie du préambule d’une des conventions de gestion des placements. Dans ce préambule, il est clairement dit que les gestionnaires de placements doivent [traduction] « donner des conseils en matière de placements et rendre d’autres services administratifs connexes ». Au paragraphe 4 de cette convention, il est dit ce qui suit :

 

[traduction]

Pouvoirs du gestionnaire de placements.  Le gestionnaire de placements possède les pouvoirs suivants [...] Il exerce ces pouvoirs en donnant par écrit ou par voie électronique des instructions à Royal Trust, l’achat ou la vente de titres pouvant toutefois être effectué à la suite d’une communication directe entre le gestionnaire de placements et le courtier qui s’occupe de l’opération [...] (Pièce A‑3, onglet 33) [Non souligné dans l’original.]

 

Un paragraphe entier de cette convention est consacré à la question du courtage. Voici ce que dit le paragraphe 10 :

 

[traduction]

Courtage.  Le gestionnaire de placements tente d’assurer la meilleure exécution possible des opérations de courtage pour le fonds de fiducie d’investissement à participation unitaire et d’obtenir les meilleures conditions possibles compte tenu de la qualité de la recherche et des autres services qui lui sont fournis par le courtier pour le compte du fonds de fiducie d’investissement à participation unitaire. Sauf instructions précises contraires de GM Canada, le gestionnaire de placements possède un pouvoir discrétionnaire absolu pour ce qui est du choix de tout courtier ou opérateur chargé de conclure les opérations sur titres dans le compte de placements; toutefois, si le gestionnaire de placements ou un associé est choisi pour conclure pareilles opérations, GM Canada doit approuver tout arrangement de ce genre conformément à une entente distincte. Avant la signature d’une telle entente distincte, le gestionnaire de placements doit fournir à GM Canada une description de ses pratiques en matière de placements et de courtage et doit l’informer de tout arrangement concernant un paiement en espèces ou de tout autre arrangement concernant le paiement des commissions. (Pièce A‑3, onglet 33) [Non souligné dans l’original.]

 

De toute évidence, GMCL envisage la fourniture de certains services par les courtiers et elle s’attend à un certain degré de compétence. Le gestionnaire de placements peut à sa discrétion choisir le meilleur courtier, mais c’est le courtier qui « s’occupe » de l’opération et qui l’effectue. Il est intéressant de noter que ce paragraphe prévoit le cas dans lequel les gestionnaires de placements pourraient « effectuer » de telles opérations eux‑mêmes, conformément au paragraphe 4, qui leur confère ce pouvoir intrinsèque. Toutefois, en pareil cas, GMCL doit approuver un tel arrangement au moyen d’une entente distincte. Si cela s’était produit, il se peut bien que les gestionnaires de placements « aient pris des mesures » aux fins du transfert des titres dans certains cas. Cependant, la preuve n’indique pas que cela se soit produit. Les gestionnaires de placements étaient clairement employés pour appliquer leurs connaissances, leurs compétences et leur expertise en choisissant les titres. Telle est la valeur des gestionnaires pour GMCL – les « réflexions judicieuses » comme l’avocat de l’appelante l’a dit. S’ils exerçaient le pouvoir intrinsèque de prendre des dispositions aux fins de la conclusion d’une opération, avec tout ce que la chose comporte, GMCL estimait qu’il s’agissait d’une activité suffisamment importante et suffisamment distincte pour exiger son approbation conformément aux dispositions d’une autre entente. Ceci est un autre exemple de ce dont M. Phillips a parlé dans son témoignage lorsqu’il a dit que [traduction] « il fallait toujours passer par l’entremise de GM ». En fait, selon la preuve, les courtiers traitaient directement avec GMCL pour ce qui est de leurs commissions. Les gestionnaires de placements ne concluaient pas les achats et les ventes. Une fois qu’ils avaient utilisé leur expertise et qu’ils avaient appelé Royal Trust et le courtier, le marché était conclu par suite des activités de ces deux dernières entités, qui prenaient les dispositions nécessaires aux fins de l’achat et de la vente des titres pour GMCL. De plus, la preuve montre que GMCL insistait pour que tout changement parmi les membres du personnel concerné, en ce qui a trait aux gestionnaires de placements, qui était susceptible de changer [traduction] « la nature de l’entreprise » soit porté à son attention (transcription, page 285). La preuve dans son ensemble montre d’une façon concluante qu’en réalité, les gestionnaires de placements ne possédaient pas de pouvoir exclusif en ce qui concerne les choix en matière de placements et qu’ils n’avaient pas accès aux fonds en vue de permettre la « prise de mesures » aux fins des transferts d’effets financiers. Le fait qu’au moins deux autres intéressés, le fiduciaire et GMCL, pouvaient mettre leur veto à l’exécution des ordres d’achat et de vente, et que les gestionnaires de placements n’avaient pas accès aux fonds, étaye ma décision, selon la prépondérance des probabilités, à savoir que les gestionnaires de placements ne possédaient pas le pouvoir ni les moyens nécessaires pour « prendre des mesures » aux fins du transfert d’effets financiers au nom de GMCL. Les versions française et anglaise de l’alinéa l) sont ainsi libellées :

 

l)         le fait de consentir à effectuer un service visé à l’un des alinéas a) à i) ou de prendre les mesures en vue de l’effectuer;

 

(l)        the agreeing to provide, or the arranging for, a service referred to in any of paragraphs (a) to (i), or

 

La version française parle de la prise de mesures en vue d’effectuer l’un des services visés aux alinéas a) à i). Il n’y a pas de divergences entre ces versions et elles ne renferment aucune ambiguïté sur le plan de l’interprétation.

 

[100]  Par conséquent, je ne puis conclure que les services effectués par les gestionnaires de placements sont visés aux alinéas a), d) et l) ni en fait aux autres alinéas du paragraphe 123(1). Compte tenu de la preuve, les gestionnaires de placements n’effectuent aucun des services mentionnés à l’alinéa a) ou à l’alinéa d). Le rôle des gestionnaires de placements a été décrit par M. Phillips d’une façon claire et précise. La « prise des mesures » en vue d’effectuer un service était limitée à un appel au courtier pour qu’il conclue l’opération et, selon la preuve présentée par M. Phillips, les gestionnaires de placements ne touchaient jamais eux‑mêmes à l’argent parce que cet argent passait de GMCL au fiduciaire ou du fiduciaire aux courtiers.

 

[101]  GMCL rémunérait les gestionnaires de placements pour bénéficier de leurs compétences, de leurs connaissances et de leur expertise éprouvées étant donné qu’elle ne les possédait pas elle‑même. Telle est la caractéristique dominante principale de la fourniture des services des gestionnaires. C’étaient GMCL, le fiduciaire du régime et les courtiers qui fournissaient le reste de l’infrastructure nécessaire pour le transfert des actifs du régime, comme cela s’est produit en l’espèce. M. Phillips a longuement témoigné au sujet de son expertise sur le marché. En se fondant sur cette expertise, il prenait une décision concernant  l’acquisition ou la vente des titres. Cette décision était communiquée à un courtier, qui suivait les instructions et qui prenait les mesures nécessaires en vue de mener l’opération à bonne fin. Une fois que la décision est communiquée au courtier, le gestionnaire de placements n’est plus en cause, directement ou indirectement, dans l’achat ou dans la vente des effets financiers. L’acquisition ou la vente elle‑même est liée, mais de façon à être simplement accessoire, au principal service effectué, à savoir l’utilisation des connaissances et de l’expertise des gestionnaires de placements aux fins de la décision à prendre au sujet des opérations à conclure. Il semble y avoir un certain chevauchement entre l’élément accessoire du service et la définition générale du service financier, mais l’élément essentiel pour lequel le service est utilisé, la fourniture des connaissances et de l’expertise, n’est pas visé aux alinéas a) à m), et il ne s’agit donc pas d’un service financier au sens du paragraphe 123(1). La fourniture est simplement une fourniture de connaissances et d’expertise en ce qui concerne les choix de placements et la gestion de portefeuille, et elle n’est donc pas englobée dans le paragraphe 123(1).

 

[102]  Compte tenu de la conclusion que j’ai tirée, je n’ai pas à me demander si les services sont exclus de la définition en vertu des alinéas p) ou q), parce que la fourniture doit d’abord être visée aux alinéas a) à m) pour que ces exclusions soient prises en considération. Quoi qu’il en soit, l’intention du législateur est fort claire dans cette disposition de la Loi; l’alinéa p) exclut clairement les services de conseil (ce qui comprend la fourniture des compétences et de l’expertise ou les « réflexions judicieuses ») de la définition d’un service financier.

 

[103]  En conclusion, GMCL aura le droit de demander des CTI à l’égard de la fourniture des services de gestion de placements.

 

[104]  Les parties disposeront d’un délai de trente jours à compter de la date du présent jugement pour remettre à la Cour des observations écrites au sujet de la décision à rendre à l’égard des dépens.

 

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de février 2008.

 

 

 

 

 

Juge Campbell

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de juin 2008.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI117

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2004-3595(GST)G

 

INTITULÉ :                                       General Motors du Canada Limitée

                                                          et

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 27 et 28 novembre 2006 et

                                                          le 23 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 22 février 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Mes Al Meghji, Sean C. Aylward et D’Arcy A. Schieman

Avocats de l’intimée :

Mes John McLaughlin et Michael Ezri

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                             Al Meghji, Sean C. Aylward,

                                                          D’Arcy A. Schieman

 

                   Cabinet :                         Osler Hoskin & Harcourt

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Série des mémorandums sur la TPS/TVH, chapitre 8.1, « Crédit de taxe sur les intrants : CTI admissibles »; Série des mémorandums sur la TPS/TVH, chapitre 17.16, « Traitement des règlements de sinistres sous le régime de la TPS/TVH » (mars 2001), paragraphe 20; Décisions et interprétations en matière de TPS/TVH, « Who Can Claim Input Tax Credits? », GST & Commodity Tax (Carswell) vol. XIII, n° 4 (mai 1999), pages 25 à 27; notes techniques du ministère des Finances (juillet 1997).

[2] « Claiming an ITC in the Course of Commercial Activity », Symposium de 2005 sur la taxe de consommation (ICCA), pages 11 et 12.

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