Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Dossier : 2006-1400(IT)G

ENTRE :

JOHN DIMARIA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 28 novembre 2007 à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge E. P. Rossiter

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Michel Bourque

 

 

Avocats de l’intimée :

Me George Boyd Aitken

Me Roger Leclair

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

       L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2004 est accueilli, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

       Aucune ordonnance ne sera rendue quant aux dépens, étant donné que les parties ont conclu un accord à l’égard de ceux‑ci.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2008.

 

 

« E. P. Rossiter »

Juge Rossiter

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour d’avril 2008.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


 

 

Référence : 2008CCI114

Date : 20080307

Dossier : 2006-1400(IT)G

ENTRE :

JOHN DIMARIA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Rossiter

 

Contexte

 

[1]     L’appelant est un employé de la société Dow Chemical Canada Inc. (ci‑après « Dow »). En 2004, son fils de 21 ans, qui fréquentait l’Université de Waterloo, a reçu une somme de 3 000 $ octroyée dans le cadre du [traduction] « Programme de bourses d’études supérieures » (le « PBES ») de Dow à titre de remboursement partiel de ses frais de scolarité. L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a inclus les 3 000 $ dans le revenu de l’appelant parce qu’elle considérait cette somme comme un avantage imposable en application de l’alinéa 6(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). L’appelant a interjeté appel de cette décision, et il soutient que la somme octroyée dans le cadre du PBES constitue un revenu provenant d’une bourse d’études qu’a reçu son fils.

 

Faits

 

[2]     En 2004, l’appelant a été employé par Dow à titre de fiscaliste principal. Son fils, Andrew, était un étudiant de troisième année à la faculté de génie de l’Université de Waterloo.

 

[3]     L’appelant a payé les frais de scolarité, la chambre et pension, ainsi que la nourriture d’Andrew au cours des études de celui‑ci. La somme de 3 000 $ allouée dans le cadre du PBES a été versée à Andrew au moyen d’un chèque émis par Dow après que ses frais de scolarité avaient déjà été payés par l’appelant. Celui‑ci n’a pas demandé à Andrew de lui donner les 3 000 $, et Andrew n’a pas non plus offert de donner l’argent à son père.

 

[4]     Les modalités du PBES sont énoncées en détail dans le [traduction] « Guide à l’intention des employés de Dow Chemical Canada Inc. concernant les avantages offerts dans le cadre du Programme de bourses d’études supérieures (PBES) » (le « Guide »). Certains points saillants du PBES y sont ainsi décrits :

 

[traduction]

 

1.                 Le PBES vise à reconnaître le rendement scolaire des enfants d’employés admissibles, y compris des employés à la retraite, établis à l’étranger et décédés, et à leur offrir une aide financière qui les incite à entreprendre des études postsecondaires.

 

2.                 Le PBES est un programme de remboursement annuel des frais de scolarité de base exigés pour les études universitaires, jusqu’à concurrence de 3 000 $, qui s’adresse à un nombre maximal de 100 étudiants chaque année. Le programme couvre la totalité des frais de scolarité de l’étudiant, jusqu’à concurrence de 3 000 $ par année scolaire.

 

3.                 Pour être admissible à une bourse, l’étudiant doit être l’enfant à charge d’un employé actuel, handicapé, retraité ou décédé de Dow et il doit fréquenter une université, un collège ou un institut agréé. L’étudiant doit avoir une moyenne de 70 % au cours de l’année d’obtention de son diplôme d’études secondaires. Il y avait un maximum de 100 bourses à octroyer au cours de chaque nouvelle année d’inscription, lesquelles étaient sélectionnées et approuvées en fonction des moyennes les plus élevées des candidats.

 

4.                 Dans la mesure où l’étudiant conserve de bons résultats scolaires, la bourse peut être renouvelée annuellement, mais pas plus de trois fois.

 

5.                 L’employeur, Dow, peut modifier ou annuler tout ou partie du programme sans avis préalable aux employés ou aux bénéficiaires.

 

6.                 Le programme était gratuit pour les employés.

 

[5]     C’était à l’étudiant que revenait la responsabilité de remplir et de signer la demande et de soumettre la documentation appropriée, y compris la demande et le formulaire de renouvellement remplis, le relevé officiel de notes et une copie de la lettre d’acceptation de l’université ou du collège faisant état des cours suivis et du niveau d’études atteint. La demande comprenait des renseignements personnels sur l’étudiant, des précisions concernant le programme d’études choisi, l’école, le grade ou le diplôme sollicité, de même que des renseignements relatifs au parent admissible, employé ou ancien employé de Dow, et la signature de ce parent.

 

[6]     Lorsque le PBES a été établi, Dow a considéré les sommes allouées dans le cadre de ce programme comme étant un revenu pour les étudiants. Lorsque l’appelant a été embauché par Dow, il n’était pas au courant du PBES. Aucune déduction n’a été effectuée sur son salaire au cours des années où Andrew a reçu une somme dans le cadre du PBES. L’appelant ne s’est pas vu attribuer des fonctions additionnelles au travail par suite de l’octroi d’une telle somme à Andrew. Le PBES était un programme gratuit établi par Dow et, conformément à ses modalités, on pouvait le modifier ou y mettre fin à tout moment. À la suite d’une vérification effectuée par l’ARC en 2004, les paiements faits à des étudiants sont maintenant considérés comme un revenu imposable reçu par les employés.

 

[7]     Le 14 septembre 2004, Dow a demandé à l’ARC de rendre une décision anticipée en matière d’impôt sur le revenu conformément aux procédures et aux informations présentées dans la circulaire d’information 70‑6R5, intitulée Décisions anticipées en matière d’impôt sur le revenu. En réponse à cette demande, l’ARC a indiqué ce qui suit dans une lettre, datée du 1er décembre 2004, émanant du directeur de la Division des entreprises et des sociétés de personnes, Direction des décisions de l’impôt, Direction générale de la politique et de la planification :

 

[traduction]

 

[…] À votre avis, lorsqu’une personne à charge d’un employé est en lice pour un nombre limité de bourses d’études offertes par un employeur et que la sélection est fondée sur le rendement scolaire, la somme reçue par la personne à charge ne constitue pas un revenu de l’employé en application de l’alinéa 6(1)a) de la Loi, mais un revenu de la personne à charge en application de l’alinéa 56(1)n).

 

[…] À notre avis, l’alinéa 6(1)a) de la Loi est une disposition ayant une portée générale, qui prévoit l’inclusion dans le revenu d’emploi d’un contribuable de la valeur d’un avantage qu’a reçu ou dont a joui directement une autre personne en raison de la charge ou de l’emploi du contribuable, ce qui comprend les bourses d’études accordées par un employeur à des personnes à charge d’employés.

 

Sur le plan administratif, cependant, l’ARC acceptera que certaines bourses d’études accordées par des employeurs à des personnes à charge d’employés puissent plutôt être incluses dans le revenu des personnes à charge en application de l’alinéa 56(1)n) de la Loi. Le paragraphe 9 du bulletin d’interprétation IT‑75R4 énonce que :

 

Afin d’entretenir de bonnes relations avec ses employés, un employeur peut payer des frais de scolarité ou accorder une subvention ou une récompense, à un ou plusieurs des enfants de ses employés qui sont d’âge scolaire ou universitaire. De tels paiements sont considérés comme des bourses d’études ou des bourses d’entretien. Si un paiement est effectué dans le cadre d’un plan visant à aider un certain nombre d’enfants choisis en fonction de leur dossier scolaire, ou d’autres réalisations ou qualités, il constitue un revenu pour l’enfant selon le sous‑alinéa 56(1)n)(i). Ce traitement est particulièrement probable lorsque le choix est fait par un jury ou un comité ou par des personnes qui ne sont aucunement liées à l’employeur, comme des instituteurs.

 

Pour que l’alinéa 56(1)n) de la Loi s’applique à la bourse d’études de la personne à charge, il doit y avoir des critères de sélection objectifs qui portent principalement sur les réalisations de la personne à charge, par exemple le rendement scolaire. À cet égard, nous sommes d’avis que les critères de sélection de l’employeur pour le rendement scolaire doivent être plus exigeants que les conditions d’admission minimales pour la plupart des institutions postsecondaires; sinon, toute personne à charge qui serait admise dans un programme d’enseignement postsecondaire aurait droit à une bourse d’études. De plus, il doit y avoir, en fait, un nombre limité de bourses d’études accordées par l’employeur. La question de savoir s’il y a vraiment un nombre limité de bourses d’études sera toujours une question de fait. Le nombre de personnes à charge choisies parmi celles qui auraient été admissibles doit être suffisamment bas pour que la plupart des employés ne puissent pas s’attendre à ce que les personnes à leur charge soient sélectionnées. Conjointement, ces critères feront en sorte que le mérite de la personne à charge prévale, lors de la sélection par l’employeur, sur la relation de l’employé avec l’employeur.

 

Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis qu’une bourse d’études accordée à la personne à charge d’un employé dans le cadre du programme que vous avez décrit doit être incluse dans le revenu de l’employé en application de l’alinéa 6(1)a) de la Loi. À notre avis, le programme ne remplit pas l’ensemble des critères exposés ci‑dessus pour toutes les raisons suivantes :

 

1.        La moyenne minimale exigée dans le cadre du programme est de 70 %, laquelle représente généralement la condition minimale d’admission dans la majorité des écoles postsecondaires. Il est donc concevable que la plupart des personnes à charge qui fréquentent une école postsecondaire remplissent probablement les critères de rendement scolaire de base qui doivent être remplis pour que leur dossier soit étudié;

 

2.        Une personne à charge qui reçoit une bourse d’études au cours de la première année d’études postsecondaires continuera à la recevoir au cours de chacune des trois années suivantes tant qu’elle remplit les exigences de réussite de base de l’institution;

 

3.        Chaque année, l’employeur étudiera jusqu’à 100 dossiers de personnes à charge d’employés additionnels aux fins d’attribution de la bourse d’études. Il semble, cependant, que, dans le cadre du programme précédent, lorsqu’un nombre illimité de demandes émanant de personnes à charge étaient étudiées aux fins d’attribution de la bourse d’études, ces personnes étaient, en fait, moins de 100 à recevoir une bourse. Ainsi, il serait difficile de conclure que le programme a été réorganisé pour que seul un nombre limité de bourses d’études soient accordées, alors qu’en fait toute personne à charge d’un employé qui est admise dans un programme d’études postsecondaires recevra probablement une bourse d’études.

 

Pour ce qui est d’une situation où la relation d’emploi est rompue, par exemple lorsqu’une bourse d’études est accordée à la personne à charge d’un employé retraité ou décédé, nous sommes d’avis que l’alinéa 56(1)n) de la Loi s’appliquerait et, par conséquent, que le montant de la bourse serait inclus dans le revenu de la personne à charge.

 

                                                                                    [Non souligné dans l’original.]

 

Point en litige

 

[8]     La question en litige dans le présent appel consiste à savoir si la somme de 3 000 $ que Dow a versée à Andrew constituait, pour l’appelant, un avantage au titre d’un emploi et, par conséquent, si ce montant doit être inclus dans son revenu en application de l’alinéa 6(1)a).

 

Résumé des arguments des parties

 

[9]     L’appelant fait valoir que la somme allouée dans le cadre du PBES est une bourse d’études qui doit être imposée entre les mains de l’étudiant. Il soutient qu’il n’a pas reçu cette somme ni joui de celle‑ci. Il affirme aussi que la position de l’intimée mènerait à une double imposition parce que la somme octroyée serait soumise à l’impôt entre ses mains en application de l’article 6 et entre les mains de son fils en application de l’article 56.

 

[10]    L’intimée, quant à elle, soutient que la somme allouée est un avantage pour l’appelant en application de l’article 6. De l’avis de l’intimée, la question de savoir si la somme constitue une bourse d’études aux termes de l’alinéa 56(1)n) n’est pas pertinente par rapport à la question en litige que la Cour doit trancher.

 

Règles de droit et analyse

 

1.       Alinéa 6(1)a) – Loi de l’impôt sur le revenu – Avantage que le contribuable a reçu ou dont il a joui

 

[11]    En application de l’alinéa 6(1)a) de la Loi, reproduit ci‑dessous, la valeur des avantages dont bénéficie un contribuable au titre d’un emploi doit être incluse dans son revenu d’emploi :

 

6(1) Éléments à inclure à titre de revenu tiré d’une charge ou d’un emploi – Sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

 

a) Valeur des avantages – la valeur de la pension, du logement et autres avantages quelconques qu’il a reçus ou dont il a joui au cours de l’année au titre, dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d’un emploi, […]

 

[12]    Il y a trois exigences qui doivent être remplies pour que des montants puissent être inclus dans le revenu d’un contribuable tiré d’un emploi en application de l’alinéa 6(1)a). D’abord, les montants doivent correspondre à des « avantages », ensuite, il doit s’agir d’avantages que le contribuable « a reçus ou dont il a joui », enfin, le contribuable doit les avoir reçus ou en avoir joui « au titre, dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d’un emploi ».

 

[13]    L’explication classique de ce que comprend un avantage imposable se trouve dans l’arrêt R. c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428 de la Cour suprême du Canada, au paragraphe 24, où le juge Dickson cite avec approbation le passage suivant de l’arrêt R. v. Poynton, [1972] 3 O.R. 727 à 738 :

 

[traduction]

 

Je ne crois pas que ces termes ne visent que les avantages liés à la charge ou à l’emploi en ce sens qu’ils représentent une forme de rémunération pour des services rendus. S’il s’agit d’une acquisition importante qui confère au contribuable un avantage économique et qui ne fait pas l’objet d’une exemption comme, par exemple, un prêt ou un cadeau, elle est alors visée par la définition compréhensive de l’art. 3.

 

[14]    Il ne fait aucun doute que la somme allouée dans le cadre du PBES est un avantage pour le fils de l’appelant. La question en litige est de savoir s’il s’agit d’un avantage que l’appelant a reçu ou dont il a joui.

 

[15]    Il est bien établi en droit que le mot « reçu » ne veut pas dire qu’une somme doit physiquement être reçue par le contribuable ou déposée dans son compte de banque. Il suffit que le contribuable bénéficie et tire profit de la somme (voir, par exemple, la décision Morin v. R., 75 D.T.C. 5061 (C.F., 1ère inst.)).

 

[16]    L’intimée se fonde sur la décision O’Brien v. Minister of National Revenue, [1967] Tax A.B.C. 250 (Commission d’appel de l’impôt), dans laquelle l’employeur du contribuable a assumé les frais de voyage de l’épouse et des enfants de celui‑ci entre le Canada et l’Angleterre, et ce, plusieurs fois par année. La décision O’Brien, précitée, en est une parmi plusieurs où la valeur des voyages a été incluse dans le revenu du contribuable en tant qu’avantage imposable en application de l’article 6. Généralement, les tribunaux concluent que les voyages sont un avantage pour le contribuable pour l’une des deux raisons suivantes : le contribuable a personnellement joui de l’avantage de la compagnie de sa famille parce qu’il a économisé l’argent qu’il aurait dépensé pour les voyages de celle‑ci; ou un membre de la famille du contribuable dont il est responsable a joui d’un avantage, et les termes « autres avantages quelconques » sont suffisamment généraux pour inclure cet avantage dans le revenu du contribuable.

 

[17]    Dans la décision O’Brien, la Commission d’appel de l’impôt a affirmé ce qui suit aux paragraphes 11 et 12 :

 

[traduction]

 

[11] […] C’est une erreur de croire qu’un avantage ne doit bénéficier qu’au contribuable et se rattacher à sa personne. Un homme marié, qui a une femme et des enfants, doit engager, en tant que frais personnels et frais de subsistance, non seulement ses propres frais personnels afin de subvenir à ses besoins, mais il doit aussi pourvoir aux besoins de sa famille et assurer la subsistance de sa femme et de ses enfants […] Par conséquent, tous les frais personnels ou tous les frais de subsistance font partie du revenu d’un employé, même si l’argent ne lui a pas été remis personnellement. Le contribuable a joui d’un avantage par l’intermédiaire des membres immédiats de sa famille qui dépendaient de lui pour ce qui est de leurs propres frais personnels et de leurs propres frais de subsistance.

 

[12] Il ne fait aucun doute que, en utilisant les termes « autres avantages quelconques », le législateur avait l’intention d’inclure des avantages tels que ceux conférés à la femme et aux enfants du contribuable. Le mot « avantage » est synonyme de « bénéfice ». Le fait d’être dispensé d’engager des dépenses, que l’employeur de l’appelant s’est chargé d’assumer conformément aux modalités de son emploi pour subvenir aux besoins de son épouse et de ses enfants, ne constitue‑t‑il pas un bénéfice d’un type particulier pour l’appelant? Celui‑ci est allé s’établir au Canada dans le cadre d’une affectation à la demande de son employeur. Les enfants de l’appelant allaient à l’école en Grande-Bretagne. L’employeur s’est engagé à les envoyer au Canada pour leurs vacances d’été et a payé le tarif pour le voyage outre‑mer pour permettre à la femme de l’appelant de voir les enfants. L’employeur n’a reçu aucune contrepartie pour ce paiement, étant donné qu’il s’agissait d’un avantage pour l’employé. Il s’ensuit que l’appelant a économisé la somme qu’il aurait été obligé de payer sur son salaire pour régler les frais de voyage de sa famille afin d’obtenir le même bénéfice.

[Non souligné dans l’original.]

 

[18]    De façon similaire, dans la décision plus récente McMillan c. Canada, [1993] A.C.I. nº 296 (procédure informelle), au paragraphe 15, reproduit en partie ci‑dessous, le juge de première instance a attribué à la contribuable le coût du voyage de son mari :

 

[15] […] je ne peux que conclure que le coût du voyage de l’époux, soit la somme de 3 100 $, est un montant approprié devant être attribué à l’appelante à titre d’« avantage » découlant certainement de sa situation d’« employée ». Je reconnais que la compagnie n’aurait peut‑être pas envoyé Mme McMillan sans son époux, et qu’on lui avait dit qu’il n’y aurait pas de frais ni de conséquences fiscales si son époux l’accompagnait. Omission faite de ces éléments, le fait demeure qu’elle a accepté d’amener son époux; puisque le voyage de celui-ci ne présentait, à ce que je sache, aucun avantage pour la compagnie, ce voyage doit avoir été un avantage personnel pour l’appelante ou son époux, avantage dont elle est responsable. Cette partie du montant total porté en appel demeure inchangée dans la cotisation; j’estime qu’il s’agit là d’une interprétation réaliste de l’al. 6(1)a) de la Loi, dans les circonstances.

[Non souligné dans l’original.]

 

[19]    L’intimée se fonde aussi sur la décision Detchon v. R., [1996] 1 C.T.C. 2475 de la Cour, dans laquelle le juge Rip, maintenant juge en chef adjoint, a conclu, au paragraphe 51, reproduit ci‑dessous, que l’enseignement gratuit donné dans un établissement privé à des enfants d’enseignants était un avantage pour l’application de l’alinéa 6(1)a) de la Loi :

 

[51] […] L’entente relative à l’enseignement gratuit faisait partie des conditions de travail. Les appelants y avaient droit en raison de l’emploi qu’ils exerçaient auprès du BCS. L’employeur payait en fait des frais personnels ordinaires des appelants : P.G. du Canada c. Hoefele et al., [[1996] 1 C.T.C. 131, 95 D.T.C. 5602 (C.A.F.)], juge Linden, p. 8. S’ils n’avaient pas été des employés du BCS, ils auraient payé les frais de scolarité réguliers pour inscrire leurs enfants à l’école. La situation, en l’espèce, n’est pas différente, par exemple, du cas d’un fabricant qui donne un produit à un employé. L’employeur donne sans frais une chose de valeur à son employé. […]

 

[20]    L’intimée soutient que la décision Detchon, précitée, doit être suivie et que la somme allouée dans le cadre du PBES est un avantage qui a libéré l’appelant de l’obligation de financer les études de son fils. L’intimée fait valoir que cette somme octroyée au fils de l’appelant n’est qu’un avantage additionnel conféré par Dow au titre d’un emploi, pareil à tout autre avantage accordé au titre d’un emploi, et affirme que l’appelant a été dispensé ou déchargé de l’obligation de financer les études de son enfant. L’intimée reconnaît qu’en l’espèce l’appelant ne s’est pas personnellement enrichi par suite de l’octroi de la somme d’argent en cause dans le cadre du PBES. Cependant, l’intimée maintient que cette somme a conféré un avantage à la famille DiMaria et qu’il s’agit, en définitive, d’un avantage pour l’appelant qui doit être visé par l’article 6.

 

[21]    La présente cause peut être distinguée des affaires Detchon et O’Brien. En l’espèce, l’appelant n’a été libéré d’aucune partie de l’obligation financière. Il n’existe aucune obligation d’envoyer des enfants à l’école postsecondaire. Les parents, en Ontario, sont seulement obligés de veiller à ce que leurs enfants aillent à l’école jusqu’à l’âge de 16 ans (voir la Loi sur l’éducation, L.R.O. 1990, ch. E.2, paragraphe 21(5)). L’appelant peut être fier de son fils parce que celui‑ci a reçu une somme d’argent dans le cadre du PBES ou heureux que son fils a 3 000 $ de plus dans ses poches, mais la satisfaction personnelle ne se traduit pas par un bénéfice financier. De plus, contrairement à la prétention de l’intimée, notre régime fiscal impose les personnes morales, à savoir les particuliers et les sociétés, mais pas les familles.

 

[22]    Dans l’ouvrage intitulé Fundamentals of Canadian Income Tax, 9e édition, le professeur Vern Krishna tient des propos, reproduits en partie ci‑dessous, qui reflètent la position adoptée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Savage quant au sens du terme « avantage » :

 

[traduction]

 

Un avantage est un bénéfice financier, mesurable en termes d’argent, qu’un employeur (ou une personne semblable) confère à un employé en sa qualité d’employé. […]

 

Les avantages constituent une rémunération et sont imposables parce que leur inclusion dans le revenu reflète la capacité de payer du contribuable. Il va de soi que, pour que l’on puisse conclure à l’existence d’un avantage, son bénéficiaire doit avoir reçu un quelconque bénéfice financier ou une quelconque acquisition matérielle – il doit y avoir une certaine augmentation de l’avoir net du bénéficiaire.

 

Compte tenu de la définition du terme « avantage » donnée dans l’arrêt Savage et celle présentée par le professeur Krishna, j’ai peine à considérer l’octroi de 3 000 $ en cause comme un avantage que l’appelant a reçu et dont il a joui.

 

[23]    Je suis d’avis que, pour qu’un tel octroi puisse constituer un avantage que l’un des parents a reçu ou dont il a joui, il doit y avoir un bénéfice financier mesurable pour l’employé. Celui‑ci doit être le bénéficiaire de la somme allouée ou doit jouir de l’avantage qu’elle confère. En l’espèce, le PBES est un programme gratuit auquel Dow peut unilatéralement mettre fin à tout moment. L’appelant n’a pas entamé de négociations pour que la somme octroyée dans le cadre du PBES soit incluse dans son contrat d’emploi et il n’a pas eu à assumer des responsabilités supplémentaires ou à se priver d’un autre avantage afin que son fils puisse recevoir cette somme d’argent. Dow ne donne aucune garantie qu’une bourse d’études sera payée à l’enfant de quelque employé que ce soit, et aucune obligation d’accorder une bourse d’études au fils de l’appelant ne découle de quelque contrat que ce soit conclu entre ce dernier et Dow.

 

[24]    Au cours de l’audience, l’intimée a insisté sur le fait que la signature de l’appelant était requise sur le formulaire de demande d’Andrew pour l’octroi de la somme d’argent en cause dans le cadre du PBES. La position de l’intimée était que la signature de l’appelant était une partie essentielle de la demande et que ce fait constitue une preuve supplémentaire démontrant que la somme allouée constitue un avantage au titre d’un emploi. Je juge que la signature n’est pas déterminante et qu’elle n’est certainement pas suffisante pour permettre d’établir la nature de l’avantage. Même si une signature est une exigence essentielle de la demande, sans laquelle l’enfant ne peut pas recevoir la bourse d’études, ce fait ne change pas la nature de l’avantage. C’est comme si Dow commanditait une fête de fin d’études pour des enfants d’employés, mais que, pour pouvoir y aller, l’enfant devait avoir une feuille signée par ses parents l’autorisant à y participer. Ce sont les enfants qui économisent l’argent ou payent leur propre fête; donc, ce sont eux qui bénéficient de l’avantage. Cependant, les enfants ont quand même besoin de la signature de leurs parents avant qu’ils ne puissent participer à la fête. Le fait que des parents puissent empêcher leurs enfants d’y assister ne veut pas dire que la fête est un avantage pour les parents.

 

Il y a plusieurs raisons qui m’amènent à conclure que la somme octroyée dans le cadre du PBES ne constitue pas un avantage que l’appelant a reçu ou dont il a joui. Ces raisons peuvent être résumées ainsi :

 

1.          L’appelant ne s’est pas enrichi de 3 000 $, puisque le paiement de la somme octroyée dans le cadre du PBES avait été fait directement à Andrew.

 

2.          L’appelant ne s’est pas enrichi de 3 000 $, puisqu’il n’avait aucune obligation juridique de soutenir financièrement son fils adulte ni de payer ses études postsecondaires.

 

3.          L’appelant ne s’est pas enrichi de 3 000 $, puisqu’il n’avait aucun droit légal de recevoir la somme allouée dans le cadre du PBES ni d’obliger Dow à lui payer la somme au lieu de la verser à Andrew.

 

4.          L’appelant ne s’est pas enrichi de 3 000 $, puisqu’il n’avait aucun droit de recouvrer d’Andrew la somme octroyée dans le cadre du PBES.

 

5.          L’appelant n’a pas négocié avec son employeur l’inclusion de la somme allouée dans le cadre du PBES dans les avantages dont il bénéficiait au titre de son emploi. Il n’a pas assumé de responsabilités supplémentaires ni renoncé à d’autres avantages pour qu’Andrew puisse recevoir cette somme.

 

6.          Andrew est la seule personne qui s’est enrichie financièrement. C’est lui qui a fait la demande de bourse d’études, et ce sont ses études et ses compétences qui le rendent admissible à celle‑ci.

 

7.          Les frais engagés par le fils pour poursuivre ses études postsecondaires ne sont pas des frais de l’appelant ni de sa famille. C’est le particulier qui est assujetti à l’impôt, non pas la famille.

 

[25]    Je conclus que l’appelant n’a rien reçu et n’a joui d’aucun avantage relativement à la somme octroyée à son fils et, par conséquent, que la somme d’argent en cause n’est pas imposable entre les mains de l’appelant.

 

2.       Paragraphes 6(3) et 246(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu

 

[26]    L’intimée s’est aussi fondée sur les paragraphes 6(3) et 246(1), reproduits ci‑dessous, pour appuyer la cotisation en cause. Aucune de ces deux dispositions n’a été invoquée à l’audience par l’une ou l’autre des parties :

 

6(3) Paiements faits par l’employeur à l’employé La somme qu’une personne a reçue d’une autre personne :

 

a) soit pendant une période où le bénéficiaire était un cadre du payeur ou un employé de ce dernier,

 

b) soit au titre ou en paiement intégral ou partiel d’une obligation découlant d’une convention intervenue entre le payeur et le bénéficiaire immédiatement avant, pendant ou immédiatement après une période où ce bénéficiaire était un cadre du payeur ou un employé de ce dernier,

 

est réputée être, pour l’application de l’article 5, une rémunération des services que le bénéficiaire a rendus à titre de cadre ou pendant sa période d’emploi, sauf s’il est établi que, indépendamment de la date où a été conclue l’éventuelle convention en vertu de laquelle cette somme a été reçue ou de la forme ou des effets juridiques de cette convention, il n’est pas raisonnable de considérer cette somme comme ayant été reçue, selon le cas :

 

c) à titre de contrepartie totale ou partielle de l’acceptation de la charge ou de la conclusion du contrat d’emploi;

 

d) à titre de rémunération totale ou partielle des services rendus comme cadre ou conformément au contrat d’emploi;

 

e) à titre de contrepartie totale ou partielle d’un engagement prévoyant ce que le cadre ou l’employé doit faire, ou ne peut faire, avant ou après la cessation de l’emploi.

 

246(1) Avantage conféré à un contribuable La valeur de l’avantage qu’une personne confère à un moment donné, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit à un contribuable doit, dans la mesure où elle n’est pas par ailleurs incluse dans le calcul du revenu ou du revenu imposable gagné au Canada du contribuable en vertu de la partie I et dans la mesure où elle y serait incluse s’il s’agissait d’un paiement que cette personne avait fait directement au contribuable et si le contribuable résidait au Canada, être :

 

a) soit incluse dans le calcul du revenu ou du revenu imposable gagné au Canada, selon le cas, du contribuable en vertu de la partie I pour l’année d’imposition qui comprend ce moment; […]

 

[27]    Je conclus que le paragraphe 6(3) n’est pas applicable aux faits de la présente affaire. Il porte sur des questions de chronologie se rapportant à la relation de l’employé avec l’employeur – non pas avec un tiers. En tout cas, on ne peut considérer que l’appelant ait reçu quoi que ce soit de Dow à part sa rémunération habituelle. La somme allouée dans le cadre du PBES à Andrew n’a pas non plus été reçue par l’appelant à titre de contrepartie ou de contrepartie partielle de l’acceptation de son emploi auprès de Dow, de services rendus à Dow ou d’un engagement prévoyant ce qu’il doit faire, ou ne peut faire, avant ou après la cessation de son emploi auprès de Dow. Aucun des critères énoncés au paragraphe 6(3) n’est rempli.

 

[28]    Selon le paragraphe 246(1), un avantage doit avoir été conféré au contribuable. Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai conclu que l’appelant n’avait pas reçu d’avantage ni n’en avait joui en l’espèce. Andrew a certainement bénéficié d’un avantage, mais il n’est pas une partie à l’appel. S’il est conclu que la somme allouée dans le cadre du PBES n’est pas, pour Andrew, une bourse d’études, alors le paragraphe 246(1) s’appliquera, et, par conséquent, la valeur de la somme octroyée sera incluse dans le calcul du revenu d’Andrew en application de la partie I de la Loi.

 

3.       Alinéa 56(1)n) – « Bourses d’études »

 

[29]    La conclusion selon laquelle la somme octroyée dans le cadre du PBES n’est pas un avantage que l’appelant a reçu ou dont il a joui aux termes de l’alinéa 6(1)a) est suffisante pour permettre de trancher le présent appel. Cependant, j’examinerai aussi la question de savoir si cet octroi doit être inclus dans le calcul du revenu reçu par Andrew à titre de bourse d’études en application de l’alinéa 56(1)n). Pour les motifs qui suivent, je conclus que la somme allouée dans le cadre du PBES est visée par la définition du terme « bourse d’études » et aurait dû être incluse dans le revenu d’Andrew.

 

[30]    L’alinéa 56(1)n) de la Loi est ainsi libellé :

 

56(1) Sommes à inclure dans le revenu de l’année Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

[…]

n) Bourses d’études, de perfectionnement, etc. l’excédent éventuel :

(i) du total des sommes (à l’exclusion […] des sommes reçues au titre, dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d’un emploi) reçues au cours de l’année par le contribuable à titre de bourse d’études, de bourse de perfectionnement (fellowship) ou de récompense couronnant une œuvre remarquable réalisée dans son domaine d’activité habituel, à l’exclusion d’une récompense visée par règlement,

sur :

(ii)  l’exemption pour bourses d’études du contribuable pour l’année, calculée selon le paragraphe (3);

                                                                  [Non souligné dans l’original.]

 

[31]    Pour les années d’imposition suivant 2005, le paragraphe 56(3) de la Loi prévoit l’exclusion complète du revenu des bourses d’études et des bourses de perfectionnement lorsque ces sommes sont reçues relativement à l’inscription d’un particulier à un programme d’études pour lequel un crédit d’impôt pour études peut être demandé. En application du paragraphe 56(3), de 2002 à 2005, l’exclusion maximale du revenu était de 3 000 $ et, avant 2002, elle était de 500 $.

 

[32]    La Cour suprême du Canada a eu l’occasion d’examiner l’effet réciproque de l’article 6 et de l’alinéa 56(1)n) dans son arrêt de 1986, R. c. Savage. Le sous‑alinéa 56(1)n)(i) a été modifié en 1986 par l’ajout de la partie soulignée, et ce, en conséquence directe de cet arrêt.

 

[33]    Dans l’arrêt Savage, la contribuable était employée par une société d’assurance à titre d’adjointe de recherche. Au cours de son emploi, elle a volontairement suivi trois cours afin d’améliorer ses connaissances dans le domaine de l’assurance-vie. Elle a reçu 300 $ (100 $ par cours) de son employeur parce qu’elle avait réussi aux examens. La question en litige dans l’affaire Savage était de savoir si la somme de 300 $ constituait un avantage visé à l’alinéa 6(1)a) ou une récompense visée à l’alinéa 56(1)n).

 

[34]    La Cour suprême a conclu que les paiements constituaient un avantage et une récompense au sens de ces deux articles. Cette cour a soutenu, dans l’arrêt Savage, dont les paragraphes 41 et 42 sont reproduits en partie ci‑dessous, que, bien que la somme en litige fût un avantage au titre d’un emploi, lequel était visé par les termes généraux de l’alinéa 6(1)a), elle représentait une « récompense » au sens de l’alinéa 56(1)n) et n’était pas imposable parce qu’elle n’excédait pas la limite de 500 $ qui était alors fixée dans cette disposition :

 

[41] […] Je partage l’avis de l’avocat de Mme Savage que la première phrase du par. 56(1); « Sans restreindre la portée générale de l’article 3 », semblerait avoir été insérée pour faire échec à un argument fondé sur la maxime « expressio unius est exclusio alterius », l’objet étant d’établir un rapport entre les sources de revenu énumérées au par. 56(1) et le calcul arithmétique énoncé à l’art. 3. Ce n’est pas parce qu’un revenu échappe à l’art. 56 qu’il cesse d’être un revenu au sens de l’art. 3. De plus, l’art. 56 n’élargit pas le champ de ce qui est imposable en vertu de l’art. 3, il ne fait qu’y apporter des précisions.

 

[42] Lorsque l’art. 56 est envisagé dans ce contexte, il est évident que l’argument du substitut du procureur général est insoutenable. Ce dernier soutient, rappelons‑le, qu’une récompense couronnant une œuvre remarquable réalisée dans le domaine d’activité habituel du contribuable, à condition qu’elle soit inférieure à 500 $ et qu’elle ait été obtenue au titre, dans l’occupation ou en raison d’une charge ou d’un emploi, est imposable en vertu des art. 5 et 6, nonobstant l’al. 56(1)n). L’alinéa 56(1)n) établit clairement qu’une récompense couronnant une œuvre remarquable est un revenu au sens de l’art. 3, au même titre qu’un revenu tiré d’une charge ou d’un emploi. Si une récompense inférieure à 500 $ était malgré tout imposable en vertu des art. 5 et 6, il s’ensuivrait nécessairement, selon l’argument du substitut du procureur général, qu’elle serait également imposable en vertu de l’art. 3. Cela ne peut être exact. Si c’était le cas, une récompense supérieure à 500 $ serait imposable en vertu de l’al. 56(1)n) tandis qu’une récompense de 500 $ ou moins le serait en vertu de l’art. 3. L’exclusion de 500 $ prévue à l’al. 56(1)n) ne s’appliquerait alors jamais. Il semble évident que les premiers 500 $ de revenu touchés pendant l’année visée par l’al. 56(1)n) ne sont pas imposables. Tout montant en sus de 500 $ relève de l’al. 56(1)n) et est donc imposable. Si ce n’est pas là l’effet de cette disposition, alors à quoi sert‑elle?

 

[35]    L’arrêt Savage permet d’affirmer que les formulations précises se trouvant dans la Loi doivent avoir préséance sur les formulations générales plus inclusives. Si la partie soulignée de l’alinéa 56(1)n) (le « libellé mis en exergue ») avait existé au moment où Mme Savage avait introduit son appel, les 300 $ n’auraient pas été visés par l’alinéa 56(1)n) et seraient tombés sous le coup de l’article 6. En d’autres termes, Mme Savage n’aurait pas eu gain de cause dans son appel.

 

[36]    À ma connaissance, la présente espèce est l’une des premières affaires soumises à la Cour dans lesquelles l’employé et l’étudiant sont deux contribuables différents. L’appelant soutient qu’Andrew n’est pas visé par le libellé mis en exergue parce que celui‑ci est seulement applicable lorsque le bénéficiaire de la bourse d’études est un employé du payeur de celle‑ci. La position de l’appelant est que, si je concluais que la somme en cause était une bourse d’études et un avantage au titre d’un emploi (conformément à l’arrêt Savage), le libellé mis en exergue ne s’appliquerait pas et, par conséquent, ne donnerait pas lieu à l’exclusion de ce montant du revenu d’Andrew, ce qui équivaudrait, selon l’appelant, à une double imposition parce qu’Andrew et l’appelant paieraient tous deux de l’impôt sur la somme allouée dans le cadre du PBES.

 

[37]    Je suis d’accord avec l’appelant pour dire que le Parlement n’a probablement pas envisagé une situation factuelle où l’employé et l’étudiant sont deux contribuables différents. Cependant, nous ne pouvons pas faire abstraction de la formulation identique utilisée aux alinéas 6(1)a) et 56(1)n). La modification de la Loi effectuée après que l’arrêt Savage a été rendu visait à exclure les sommes octroyées par des employeurs de la portée de l’article 56 et à les ramener dans le champ d’application de l’article 6. Si j’avais conclu que la somme allouée dans le cadre du PBES constituait un avantage que l’appelant avait « reçu ou dont il [avait] joui » aux termes de l’alinéa 6(1)a), alors j’aurais aussi été obligé de conclure qu’il avait reçu cette somme « à titre de bourse d’études » aux termes de l’alinéa 56(1)n). Andrew et son père ne peuvent pas tous deux être des bénéficiaires de la somme octroyée dans le cadre du PBES; seul l’un d’eux l’a reçue. Donc, il n’y aucune possibilité de double imposition.

 

[38]    Je passe maintenant à la question de savoir si la somme allouée dans le cadre du PBES est une bourse d’études. Le terme « bourse d’études » n’est pas défini dans la Loi. L’intimée se fonde sur la définition suivante de l’expression anglaise « scholarship » qui est donnée dans le Concise Oxford Dictionary, 10e édition :

 

Scholarship [traduction] n. 1. réussite sur le plan intellectuel; grande érudition. 2. bourse allouée dans le but de financer les études d’un élève ou d’un étudiant, qui est accordée en fonction du rendement scolaire ou d’une autre réalisation.

 

[39]    L’intimée fait valoir que la somme octroyée dans le cadre du PBES n’est pas une bourse d’études pour les raisons suivantes : premièrement, parce qu’une moyenne de 70 % atteinte lors de l’obtention d’un diplôme d’études secondaires est trop basse pour pouvoir être considérée comme un mérite scolaire et, deuxièmement, parce que le nombre de 100 bourses d’études octroyées chaque année est tellement élevé qu’essentiellement toutes les personnes qui font une demande de bourse en recevront une.

 

[40]    L’appelant soutient que la somme allouée dans le cadre du PBES est une bourse d’études qui a été accordée en fonction du mérite scolaire conformément aux critères établis dans le Guide. À l’audience, il a indiqué que les sommes octroyées dans le cadre du PBES étaient accordées non seulement à des étudiants d’université, mais aussi à des étudiants du niveau collégial. Des étudiants peuvent être admis au collège avec une moyenne inférieure à 70 % obtenue à l’école secondaire.

 

[41]    L’appelant se fonde sur la définition du terme « bourse d’études » donnée dans la décision R. v. Amyot, 76 D.T.C. 6217 (C.F. 1ère inst.). Dans celle‑ci, le juge Mahoney a examiné le sens de cette expression et a affirmé ce qui suit aux paragraphes 11 et 12 :

 

[11] Après avoir consulté certains dictionnaires, j’ai conclu que les définitions pertinentes des expressions « bourse d’études » et « bourse de recherches » du Webster’s Third New International Dictionary sont les plus fidèles au sens courant de ces expressions dans le langage nord‑américain moderne. […]

 

[12] […] Le Webster’s Third New International Dictionary les définit comme suit :

 

[traduction]

[…]

Bourse d’études : somme d’argent ou son équivalent offerte (par une institution d’enseignement, un organisme public, une organisation privée ou une fondation) afin de permettre à un étudiant de poursuivre ses études dans une école, un collège ou une université.

 

[42]    Le ministre s’est fondé sur cette définition du terme « bourse d’études » dans la décision Jones v. R., 2002 D.T.C. 3875 (C.C.I.).

 

[43]    J’estime que la définition adoptée par le juge Mahoney reflète l’usage de cette expression au Canada. Une bourse d’études peut être accordée pour diverses raisons, y compris le rendement scolaire, les habilités sportives et la participation aux activités de la collectivité. Le rendement scolaire n’est qu’un aspect pour lequel des bourses d’études sont décernées, et je crois que la définition du juge Mahoney est celle qu’il faut retenir en ce qui concerne les bourses d’études pour les besoins de cet article de la Loi. L’ARC a reconnu, dans le bulletin d’interprétation IT‑75R4, le vaste cadre dans lequel des bourses d’études peuvent être accordées, lorsqu’elle a énoncé notamment ce qui suit :

 

Si un paiement est effectué dans le cadre d’un plan visant à aider un certain nombre d’enfants choisis en fonction de leur dossier scolaire, ou d’autres réalisations ou qualités, il constitue un revenu pour l’enfant selon le sous‑alinéa 56(1)n)(i). […]

 

[44]    Quels critères faut‑il employer pour décider si une bourse d’études ou somme octroyée particulière est visée par l’alinéa 56(1)n) de la Loi? Il y a divers facteurs qui seraient susceptibles d’être applicables et qui pourraient être examinés au cas par cas :

 

1.                 Y a‑t‑il a un nombre limité ou un nombre maximal de bourses d’études qui peuvent être offertes dans le cadre du programme, même si le nombre peut changer périodiquement?

 

2.                 Y a‑t‑il une évaluation ou un processus de sélection qui permet de décider si les candidats remplissent ou non les critères pour l’octroi de la bourse d’études?

 

3.                 Existe‑t‑il des critères objectifs (un ou plus d’un) qui peuvent être utilisés au cours de l’évaluation ou du processus de sélection?

 

4.                 Les bourses d’études sont‑elles accordées en fonction d’un quelconque mérite, qu’il soit évalué selon une échelle allant du plus grand au moins grand mérite, par rapport à un point de référence, ou en fonction d’une combinaison de ces méthodes? Une réponse affirmative à ces questions donnerait à penser qu’il s’agit en effet d’une bourse d’études. Celle‑ci ne doit pas nécessairement être reliée au domaine scolaire, puisqu’il existe plusieurs autres caractéristiques ou réalisations, telles que l’âge (c.‑à‑d. la maturité de l’étudiant), les activités sportives, parascolaires, culturelles ou artistiques, l’ethnie, les compétences ou les réalisations en matière de promotion ou de défense d’une cause, les aptitudes pour la recherche, les relations avec la collectivité ou la participation aux activités de celle‑ci, qui pourraient toutes être prises en considération aux fins de l’octroi d’une bourse d’études en fonction des paramètres voulus. La liste qui précède n’est pas censée être exhaustive.

 

[45]    Il est fort possible qu’il y ait d’autres facteurs qui pourraient être pris en compte lorsqu’il s’agit de trancher et d’examiner la question de savoir si l’octroi d’une bourse d’études constitue effectivement une bourse d’études visée par l’alinéa 56(1)n) (la liste présentée ci‑dessus n’est pas censée être exhaustive), et je ne suis pas non plus d’avis que toutes ces caractéristiques doivent toujours être présentes. Chaque affaire doit être tranchée en fonction de ses propres faits. De plus, certains facteurs peuvent mériter qu’on y accorde plus de poids que d’autres, et il se peut que davantage de renseignements soient nécessaires dans certaines affaires.

 

[46]    J’estime que la preuve permet de conclure que la somme d’argent octroyée au fils de l’appelant était une bourse d’études compte tenu des faits suivants :

 

1.       La somme allouée dans le cadre du PBES visait à récompenser le rendement scolaire.

 

2.       Un nombre maximal de 100 bourses peuvent être octroyées au cours de chaque nouvelle année d’inscription.

 

3.       Les bourses d’études étaient accordées en fonction des moyennes les plus élevées des candidats. Un processus de sélection devait être appliqué pour mesurer qui avait les moyennes les plus élevées parmi les candidats, compte tenu du nombre limité de bourses d’études.

 

4.       Le candidat devait avoir une moyenne générale d’au moins 70 % au cours de l’année d’obtention du diplôme d’études postsecondaires au Canada afin de pouvoir demander la bourse d’études, et il devait avoir terminé avec succès l’année précédente lorsqu’il présentait une nouvelle demande de bourse d’études au cours de chacune des années suivantes.

 

[47]    L’intimée a fait témoigner Kenneth A. Lavigne, le registraire de l’Université de Waterloo, au sujet des bourses de début d’études pour les diverses facultés de l’université. Ces bourses visaient à récompenser le mérite scolaire et à attirer des étudiants à l’Université de Waterloo. Le nombre de bourses d’études accordées pendant une année donnée fluctue en fonction du nombre de candidats admissibles et de la somme d’argent se trouvant dans le fonds de dotation. Au cours des années antérieures, l’Université de Waterloo n’a accordé aucune bourse de début d’études aux étudiants admis à l’université qui avaient une moyenne de 70 %.

 

[48]    L’intimée a fait valoir avec vigueur que 70 % est un seuil trop bas et que la somme allouée dans le cadre du PBES ne pouvait pas être considérée comme une bourse d’études. Je ne suis pas d’accord. En fait, je crois que même le témoin de l’intimée, M. Lavigne, serait en désaccord. Celui‑ci a témoigné que les bourses d’études pouvaient être adaptées en fonction du donateur et que les critères d’octroi de celles‑ci pouvaient changer au fil du temps. Comme il a été mentionné, toutes les bourses d’études ne doivent pas nécessairement être fondées sur le rendement scolaire; elles peuvent reposer sur les critères, quels qu’ils soient, qui sont fixés par ceux qui établissent la bourse d’études en premier lieu. En l’espèce, la bourse a été établie par Dow. Cette société a fixé le niveau seuil pour l’octroi des bourses d’études. Ces faits sont clairement compatibles avec la définition du terme « bourse d’études » donnée dans la décision Amyot. Il est évident, compte tenu de cette définition, que le but, l’esprit et l’intention sur lesquels est fondée une bourse d’études devraient être essentiellement de permettre à un étudiant de poursuivre ses études collégiales ou universitaires – c’est la prémisse de base sur laquelle repose toute bourse d’études. Il semblerait que ce soit la prémisse fondamentale sur laquelle est fondée la bourse d’études établie par Dow. Le fait qu’elle puisse être reliée à un quelconque rendement scolaire ou à une habilité sportive particulière est accessoire par rapport à la prémisse de base sous‑jacente à toute bourse d’études, qui est de permettre à un étudiant de poursuivre ses études. Cette distinction ne semble pas avoir été prise en compte par l’ARC, étant donné qu’elle s’est concentrée sur le niveau seuil, qu’elle considérait comme irréaliste. Il ne revient pas à l’ARC d’imposer son point de vue à ceux qui établissent des bourses d’études. La Loi ne prévoit aucun seuil sur le plan du rendement scolaire.

 

[49]    Compte tenu de la preuve portée à ma connaissance, je suis convaincu que la somme d’argent octroyée au fils de l’appelant, Andrew, était une bourse d’études aux termes de l’alinéa 56(1)n) de la Loi.

 

Conclusion

 

[50]    Il y a certainement de nombreux parents tels que l’appelant qui ont les moyens d’aider leurs enfants à aller à l’université. Cependant, il y a aussi des parents qui n’ont pas les moyens d’aider leurs enfants à payer la totalité ou même une partie des frais de scolarité.

 

[51]    Le législateur a adopté un traitement avantageux à l’égard des bourses d’études dans sa modification récente du paragraphe 56(3). Si le législateur décide qu’une bourse d’études accordée par un employeur devrait être imposée entre les mains du parent, il pourra modifier la Loi en conséquence. S’il le fait, je m’attendrais à ce qu’il envisage d’y inclure des dispositions qui font en sorte que les parents dont le revenu est relativement faible ne voient pas leur fardeau fiscal s’alourdir. Faute d’une telle modification, une bourse d’études accordée par un employeur devrait être imposée entre les mains de la personne qui la reçoit et qui en bénéficie réellement, c’est‑à‑dire l’étudiant. La présente décision est conforme aux articles 6 et 56 de la Loi et aboutit aussi à un résultat plus cohérent et certain que celui préconisé par l’intimée. Maintenant, contrairement à la position de l’ARC, peu importe si le parent travaille toujours ou s’il a été mis fin à son emploi pour cause de retraite ou de décès, la bourse d’études sera imposée entre les mains de l’étudiant.

 

[52]    Le présent appel est accueilli. Je défère la présente affaire au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et à de nouveaux calculs en fonction de ce qui précède. Étant donné que les parties ont conclu un accord sur la question des dépens, je ne rendrai aucune ordonnance quant à ceux‑ci.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2008.

 

 

 

« E. P. Rossiter »

Juge Rossiter

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour d’avril 2008.

 

 

 

Jean David Robert, traducteur


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI114

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-1400(IT)G

 

INTITULÉ :                                       John DiMaria et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 28 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge E.P. Rossiter

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 7 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Michel Bourque

 

 

Avocats de l’intimée :

Me George Boyd Aitken

Me Roger Leclair

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      Me Michel Bourque

 

                            Cabinet :                Burnet, Duckworth & Palmer LLP

                                                         

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.