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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

LOI DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

 

2004-4083(IT)G

2004-4085(IT)G

ENTRE :

 

 

JEANNETTE WALSH ET LA SUCCESSION DE

DAVID G. WALSH,

            appelantes,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

            intimée.

 

APPEL ENTENDU PAR L’HONORABLE JUGE PARIS

dans la salle d’audience no 1 des locaux du Service administratif

des tribunaux judiciaires,

200, rue King Ouest, 9e étage,

Toronto (Ontario), le mardi 14 mars 2006.

 

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelantes :            Me Michael Hunzikerfor

 

Avocat de l’intimée :                 Me Louis L’Heureux

 

Également présents :

 

Mme Roberta Colombo greffière

Mme Penny Stewart                   sténographe

 

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            (613)564-2727                                    (416)861-8720

 

 

ASAP Reporting Services Inc.

                               (613) 564-2727   (416) 861-8720


Toronto (Ontario)

L’audience est ouverte à 13 h 29, le mardi 14 mars 2006.

 

LE JUGE PARIS :

Il s’agit des dossiers 2004‑4083(IT)G et 2004‑4085(IT)G concernant Jeannette Walsh c. Sa Majesté la Reine, et la succession de David Walsh c. Sa Majesté la Reine.

 

L’intimée sollicite une ordonnance l’autorisant à modifier la réponse à l’avis d’appel dans chacune de ces instances en vue d’inclure ce qui est décrit comme une argumentation juridique subsidiaire à l’appui des nouvelles cotisations en question.

 

Les appelantes s’opposent à la requête pour le motif que les modifications proposées ont pour effet de changer le fondement même des nouvelles cotisations à un moment où est expiré le délai prévu par la loi aux fins de l’établissement d’une nouvelle cotisation.

 

Les détails de la modification sollicitée par l’intimée sont énoncés aux paragraphes 13, 18 et 19 de la réponse modifiée proposée à l’avis d’appel pour chaque appelante, lesquels sont rédigés comme suit :

 

[Traduction

 

13. Subsidiairement, si la Cour conclut que l’appelante ne résidait pas au Canada au cours de l’année d’imposition 1996, la question de savoir si les avantages tirés des options d’achat d’actions, dont la valeur est indiquée aux alinéas 11q), r) et s) étaient à inclure dans le calcul de son revenu conformément aux articles 3 et 114, au paragraphe 2(3), à l’alinéa 7(1)a) et au sous‑alinéa 115(1)a)(i) de la Loi.

 

18. Subsidiairement, si la Cour conclut que l’appelante est devenue non‑résidente du Canada le 18 septembre 1995, il est soutenu que la valeur des avantages tirés des options d’achat d’actions dont il est fait mention au paragraphe 16 de la présente réponse modifiée est à inclure dans le calcul du revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1996 conformément aux articles 3 et 114, au paragraphe 2(3), à l’alinéa 7(1)a) et au sous‑alinéa 115(1)a)(i) de la Loi.

 

19. La valeur des avantages tirés des options d’achat d’actions constitue un revenu tiré des fonctions de charges et d’emplois exercées par l’appelante au Canada comme le prévoit le sous‑alinéa 115(1)a)(i) de la Loi.

 

De fait, les options d’achat d’actions ont été accordées à un moment où l’appelante était une employée de Bre‑x et de Bresea.

 

L’avocat de l’intimée invoque les arguments suivants :

 

i.              aucun fait additionnel n’est plaidé par suite de ces modifications, mais un nouvel argument juridique est simplement avancé;

 

ii.             les modifications ne causent aux appelantes aucun préjudice qui ne peut pas être compensé au moyen de l’octroi des dépens;

 

iii.            les appelantes auront suffisamment de temps afin de se préparer pour l’instruction, dont la date n’a pas été fixée;

 

iv.            le paragraphe 152(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu autorise la modification.

 

L’avocat des appelantes fait valoir que la question de la présentation par la Couronne de fondements subsidiaires à l’appui d’une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation prévue par la loi est régie par l’arrêt Banque Continentale du Canada c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 358, dans lequel la Cour suprême du Canada a statué ce qui suit au paragraphe 10 :

 

La Couronne n’est pas autorisée à invoquer un nouveau fondement pour justifier une nouvelle cotisation après l’expiration du délai prévu à cette fin. La bonne façon d’aborder cette question a été énoncée dans la décision La Reine c. McLeod, 90 DTC 6281 (C.F. 1re inst.), à la p. 6286. Dans cette affaire, la cour a rejeté la requête de la Couronne, qui sollicitait l’autorisation de modifier ses actes de procédure pour fonder sur une nouvelle base dans la Loi la cotisation établie par Revenu Canada. La cour a refusé l’autorisation pour le motif que le désir de la Couronne d’invoquer un nouvel article de la Loi était, en fait, une tentative en vue de changer le fondement de la cotisation faisant l’objet de l’appel, ce qui « reviendrait à permettre au ministre d’en appeler de sa propre cotisation, notion qui a expressément été rejetée par les tribunaux ».

 

L’avocat des appelantes a affirmé que le paragraphe 152(9) de la Loi ne l’emporte pas sur les principes énoncés dans les décisions Banque Continentale et McLeod. L’avocat fait également valoir que le paragraphe 152(9) ne permet pas au ministre de défendre les cotisations ou les nouvelles cotisations compte tenu d’opérations sur lesquelles les nouvelles cotisations visées par l’appel n’étaient pas fondées.

 

L’avocat soutient que les nouvelles cotisations visées par l’appel étaient fondées sur le fait que M. et Mme Walsh résidaient au Canada tout au long des années 1995 et 1996. Il affirme que les opérations liées aux options d’achat d’actions déterminaient simplement le montant de la dette fiscale, mais qu’elles ne faisaient pas partie du fondement des nouvelles cotisations.

 

Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la requête de l’intimée doit être accueillie. L’état actuel du droit en ce qui concerne le droit de la Couronne de soulever des arguments additionnels ou des arguments subsidiaires à l’appui d’une nouvelle cotisation fiscale a été énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada c. Loewen, [2004] 4 R.C.F. 3. Après avoir examiné à fond la jurisprudence pertinente, la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit aux paragraphes 19, 21 et 22 :

 

[19] Le droit de Sa Majesté d=avancer un nouvel argument pour justifier l=établissement d=une cotisation est maintenant régi par le paragraphe 152(9) de la Loi de l=impôt sur le revenu, qui s=applique aux appels jugés après le 17 juin 1999 [...]

 

[...]

 

[21] Suivant mon interprétation du paragraphe 152(9), l=expiration du délai normalement prévu pour établir une nouvelle cotisation n=empêche pas Sa Majesté de défendre sa cotisation en invoquant quelque motif que ce soit, sous réserve uniquement des alinéas 152(9)a) et b). Les alinéas 152(9)a) et b) évoquent le préjudice que pourrait subir le contribuable si l=on permettait à Sa Majesté de formuler de nouvelles allégations factuelles de nombreuses années après les faits.

 

[22] Parmi les nouveaux arguments que Sa Majesté pourrait invoquer en vertu du paragraphe 152(9), on pourrait songer par exemple à un argument qui justifierait l=établissement d=une cotisation qui excède le montant imposé. Toutefois, le paragraphe 152(9) ne dispense pas le ministre des exigences du paragraphe 152(4), qui fixe une date limite pour l=établissement d=une nouvelle cotisation. En conséquence, le ministre ne peut se servir d=un argument fondé sur le paragraphe 152(9) pour établir une nouvelle cotisation après l=expiration du délai prévu au paragraphe 152(4) ou encore pour percevoir un impôt supérieur à celui qui était fixé dans la cotisation frappée d=appel.

 

La portée de l’interprétation du paragraphe 152(9) donnée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Loewen a été décrite d’une façon juste par le juge en chef Bowman, de la présente cour, dans la décision Gould c. La Reine, [2005] A.C.I. no 403. Au paragraphe 16, voici ce que le juge a dit :

 

De la manière que je comprends la décision de la Cour d'appel fédérale dans R. c. Charles B. Loewen, il n'y a pratiquement aucune restriction au sujet de ce que la Couronne peut alléguer dans une réponse à un avis d'appel et il n'y a aucune distinction entre un nouveau fondement à l'égard d'une cotisation (Continental Bank Leasing Corporation c. La Reine, [1998] 2 R.C.S. 298, 98 D.T.C. 6505) et un nouvel argument à l'appui de la cotisation (par. 152(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu).

 

Compte tenu de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Loewen, je conclus que le paragraphe 152(9) de la Loi permet à l’intimée de soulever le nouvel argument énoncé dans les modifications proposées. Je ferai remarquer pour mémoire qu’il n’a pas été plaidé que l’alinéa 152(9)a) ou l’alinéa 152(9)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu s’appliquait aux circonstances ici en cause.

 

Il n’est pas nécessaire de trancher ce point, mais à mon avis, les modifications proposées ne constituent pas, en tout état de cause, un nouveau fondement à l’appui des nouvelles cotisations.

 

Dans l’arrêt Loewen, la Cour d’appel fédérale a décrit ce qui constituait le fondement d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation fiscale. Voici ce que la Cour d’appel fédérale a dit au paragraphe 7 :

 

[...] La base d’imposition—ou fondement—de la nouvelle cotisation comprend normalement tous les faits se rapportant à l’augmentation du revenu imposable du contribuable, tels que le ministre les a perçus lorsqu’il a établi la nouvelle cotisation. Elle comprend aussi la façon dont le ministre a appliqué le droit aux faits de l’espèce lorsqu’il a établi la nouvelle cotisation, ainsi que toute conclusion de droit qui a pu influencer l’application du droit aux faits. Dans bien des cas, le fondement factuel de la cotisation consiste en une opération déterminée ou une série d’opérations, mais il peut aussi être constitué, par exemple, de faits se rapportant au domicile du contribuable ou d’autres personnes, au statut personnel ou juridique du contribuable ou d’autres personnes ou à la nature de l’activité exercée ou de l’entreprise exploitée par une personne.

 

En l’espèce, selon le paragraphe 9 de la réponse à l’avis d’appel, en ce qui concerne Jeannette Walsh, et selon le paragraphe 11 de la réponse, en ce qui concerne la succession, en établissant de nouvelles cotisations à l’égard des appelantes, le ministre s’est fondé sur les faits se rapportant à certains avantages tirés des options d’achat d’actions, qui ont été reçus par les appelantes, ainsi que sur les faits se rapportant à la résidence des appelantes.

 

Par conséquent, on peut constater que le fondement des nouvelles cotisations n’était pas limité à la présumée résidence des appelantes au Canada mais incluait les opérations liées aux options d’achat d’actions qui ont produit le revenu à l’égard duquel le ministre cherche à imposer les appelantes.

 

J’examinerai maintenant les critères que la Cour doit prendre en considération lorsqu’elle décide si elle doit autoriser une partie à modifier ses actes de procédure. Les principes directeurs suivants ont été établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canderel Ltd. v. R., [1993] 3 C.T.C. 213, au paragraphe 10 :

 

[...] la règle générale est qu’une modification devrait être autorisée à tout stade de l’action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d’injustice à l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu’elle serve les intérêts de la justice.

 

L’avocat des appelantes a fait valoir que ses clientes subiraient un préjudice irréparable si la requête présentée par l’intimée était accueillie, parce qu’elles ne seraient plus protégées par la prescription légale applicable aux nouvelles cotisations, établie au paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

Toutefois, la présente cour a rejeté le même argument dans la décision SmithKline Beecham Animal Health Incorporated c. La Reine, [1999] A.C.I. no 762, pour le motif que le paragraphe 152(9) de la Loi confère à l’intimée le droit d’avancer un nouvel argument après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation prévue par la loi. On ne peut pas dire qu’un préjudice sera causé aux appelantes si l’intimée est autorisée à faire ce que cette disposition permet.

 

Étant donné qu’aucune autre allégation n’a été faite au sujet du préjudice qui pourrait être causé aux appelantes par suite des modifications proposées, et puisque je suis convaincu que les modifications proposées permettraient de trancher les questions réelles qui opposent les parties, la requête de l’intimée sera accueillie avec dépens.

 

L’audience prend fin à 13 h 40.


 

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