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Dossier : 2007‑3452(IT)I

ENTRE :

DAVID ARTHUR PAUL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 13 mars 2008 à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge G.A. Sheridan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

et Bill Statten, CMA

 

Avocat de l’intimé :

Me Hong Ky (Eric) Luu

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2002 et 2005 sont rejetées conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mars 2008.

 

 

« G.A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de mai 2008.

 

Aleksandra Koziorowska


 

 

 

Référence : 2008CCI159

Date : 20080320

Dossier : 2007‑3452(IT)I

ENTRE :

DAVID ARTHUR PAUL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Sheridan

 

[1]     L’appelant, David Paul, interjette appel contre les pénalités qui lui ont été imposées par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]     Le paragraphe 163(1) énonce les pénalités dont est passible le contribuable qui omet à répétition de déclarer un revenu :

 

(1)        Omission répétée de déclarer un revenu. Toute personne qui ne déclare pas un montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une déclaration produite conformément à l’article 150 pour une année d’imposition donnée et qui a déjà omis de déclarer un tel montant dans une telle déclaration pour une des trois années d’imposition précédentes est passible d’une pénalité égale à 10 % du montant à inclure dans le calcul de son revenu dans une telle déclaration, sauf si elle est passible d’une pénalité en application du paragraphe (2) sur ce montant.

 

[3]     Dans Maltais v. Her Majesty the Queen[1], le juge Bowman (maintenant juge en chef) avait statué que l’omission dont il est question au paragraphe 163(1) correspond à une « responsabilité stricte ». Pour justifier l’imposition de la pénalité prévue à ce paragraphe, le ministre doit simplement établir « que le contribuable a omis de déclarer un revenu pour une année et qu’il a déjà omis de déclarer un tel montant dans une déclaration de revenus pour une des trois années d’imposition précédentes[2] ». Une fois ce fait établi, il incombe au contribuable de prouver qu’il a fait preuve de « diligence raisonnable » dans la déclaration de son revenu pour éviter toute responsabilité au titre du paragraphe 163(1).

 

[4]     En l’espèce, l’appelant a avoué avoir omis dans ses déclarations pour 2000, 2002 et 2005 certains montants reçus au titre de son emploi et des montants retirés de son REER. Il a également admis qu’il a dû payer de l’impôt et des intérêts à l’égard de ces montants, mais a demandé à la Cour de l’exonérer des pénalités qui lui ont été imposées. Pour appuyer sa position, il a expliqué dans son témoignage que, durant les années en cause, il avait eu divers employeurs et que, par conséquent, il avait dû s’occuper de plusieurs T4 différents. Il a reconnu aussi ne pas avoir tenu sa comptabilité de façon très organisée; il avait l’habitude d’acheminer les documents fiscaux qu’il avait accumulés pendant l’année à son comptable, Bill Statten, à qui il se fiait pour préparer ses déclarations correctement. (Je n’ai pas eu l’impression toutefois que l’appelant blâmait son comptable pour ses propres omissions.) Il faisait confiance à un point tel à M. Statten qu’il présumait que les déclarations étaient exactes et les signait sans passer en revue les détails de l’information qui y figurait. Une autre raison qu’il a donnée pour justifier son insouciance était sa conviction (erronée) que, même s’il omettait de faire état d’un T4 ou d’un retrait sur son REER, l’information serait transmise à l’Agence du revenu du Canada par ses employeurs ou par les institutions financières concernées et les omissions seraient alors corrigées. En dernier lieu, il a expliqué que son style de vie effréné (travail, bénévolat, paiement des études de ses enfants à l’université) l’avait empêché d’accorder toute son attention à ses déclarations de revenus.

 

[5]     Je ne doute pas de la véracité du témoignage de l’appelant. Le problème, c’est que les raisons qu’il donne afin d’expliquer son omission de déclarer son revenu correctement pour les années 2000, 2002 et 2005 ne lui permettent pas d’établir qu’il a fait preuve du degré de « diligence raisonnable » nécessaire pour se dégager de toute responsabilité au titre du paragraphe 163(1).

 

[6]     Dans une argumentation très solide, l’avocat de l’intimée a passé en revue plusieurs jugements dans lesquels le contribuable avait tenté de se dégager de sa responsabilité au titre du paragraphe 163(1)[3]. La diligence raisonnable doit être établie à la lumière des faits particuliers de chaque dossier; dans DeCosta v. Canada, le juge en chef Bowman a énuméré certains facteurs pertinents :

 

Pour établir la distinction entre la faute « ordinaire » ou la négligence et la faute « lourde », il faut examiner plusieurs facteurs. Un de ces facteurs est bien entendu l’importance de l’omission relative au revenu déclaré. Il y a aussi la faculté du contribuable de découvrir l’erreur, ainsi que le niveau d’instruction du contribuable et son intelligence apparente. Il n’existe aucun facteur qui soit prédominant. Il faut accorder à chacun des facteurs le poids qu’il convient dans le contexte de l’ensemble de la preuve[4].

 

[7]     En l’espèce, rien dans les témoignages (ni, d’ailleurs, dans les propos de l’avocat de l’intimée) n’indique que l’appelant avait l’intention de tromper le ministre dans la façon dont il déclarait ses revenus. Ce n’est pas toutefois une considération à prendre en compte pour décider de la responsabilité de l’appelant en vertu du paragraphe 163(1). Lorsque les facteurs énoncés dans la décision DeCosta sont appliqués, on constate que l’omission est importante par rapport au revenu total de l’appelant : par exemple, pour 2005, son revenu d’emploi non déclaré représentait 44 % de son revenu total cette année‑là; le montant non déclaré retiré de son REER représentait quant à lui 65 %. Il n’y avait rien qui empêchait l’appelant de vérifier ses déclarations pour y trouver des erreurs ou des omissions : puisque c’est lui qui réunissait les données déclarées par son comptable dans ses déclarations, l’exactitude de celles‑ci dépendait de l’intégralité de l’information qu’il avait fournie. M. Statten a présenté les déclarations à l’appelant pour qu’il en prenne connaissance avant de les signer; malheureusement, l’appelant a omis de le faire et, par conséquent, a raté la dernière occasion qu’il avait de se rendre compte que des montants assez importants avaient été omis dans son revenu déclaré. Pour ce qui est du niveau d’instruction et de l’intelligence apparente, l’appelant se trouve sur le marché du travail depuis longtemps et comprend son obligation générale de payer tout l’impôt qu’il doit chaque année. Il ne m’a donné aucune raison de croire qu’il n’était pas en mesure de juger de l’exactitude de ses déclarations. Je le crois quand il affirme être très occupé, mais c’est le cas de bien d’autres Canadiens qui réussissent néanmoins à produire des déclarations justes. Le cas de l’appelant se résume à un manque de diligence, ce qui est précisément le problème que le paragraphe 163(1) vise à corriger. Si j’accueillais les présents appels, je commettrais une erreur de droit et une injustice envers les milliers d’autres contribuables qui, année après année, s’acquittent consciencieusement des obligations que leur impose la Loi.

 

[8]     Le législateur impose à chaque contribuable l’obligation de produire une déclaration de revenus pour chaque année d’imposition, même si le contribuable n’a gagné aucun revenu[5]. Il oblige aussi le contribuable à tenir les registres et livres de comptes voulus[6], ce qui, dans le cas d’un employé, implique l’obligation de faire le suivi des T4 établis par chacun de ses employeurs à l’égard d’une année d’imposition donnée. La déclaration doit être signée par le contribuable, qui certifie que les renseignements qu’elle renferme sont exacts et complets. Le ministre a l’obligation de calculer l’impôt payable[7] d’après les renseignements fournis par le contribuable. Rien dans la Loi ne permet à ce dernier de se fier à des tiers pour fournir de l’information qu’il a omis lui‑même de déclarer.

 

[9]     Comme l’a affirmé la juge Woods dans la décision Saunders c. Sa Majesté la Reine : « Le législateur a choisi d’adopter le paragraphe 163(1) pour garantir l’intégrité du régime d’autodéclaration du Canada. Selon moi, les tribunaux ne doivent pas décider à la légère d’annuler la pénalité prévue par la loi[8]. » En l’espèce, même si je comprends sa situation, l’appelant n’a pas établi qu’il avait fait preuve du degré de diligence raisonnable me permettant d’annuler la pénalité que le législateur avait l’intention d’imposer en vertu du paragraphe 163(1) de la Loi. Par conséquent, les appels sont rejetés.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mars 2008.

 

 

 

« G.A. Sheridan »

Juge Sheridan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de mai 2008.

 

Aleksandra Koziorowska


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI159

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :      2007‑3452(IT)I

 

INTITULÉ :                                       David Arthur Paul et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 13 mars 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge G.A. Sheridan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 20 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

et Bill Statten, CMA

 

Avocat de l’intimée :

Me Hong Ky (Eric) Luu

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] 91 DTC 1385.

[2] Paragraphe 7.

[3] Van Oene c. La Reine, 2003 CCI 257, [2003] 3 C.T.C. 2723; Saunders c. La Reine, 2006 CCI 51, 2006 D.T.C. 2267; Giguère v. Her Majesty the Queen, 2005 D.T.C. 883; Kirouac v. Her Majesty the Queen, [2001] 4 C.T.C. 2563; Samson c. La Reine, 2006 CCI 15, 2006 D.T.C. 2257, Khail v. Her Majesty the Queen, [2003] 1 C.T.C. 2263.

[4] 2005 DTC 1436 (C.C.I.), paragraphe 11.

[5] Paragraphe 150(1).

[6] Paragraphe 230(1).

[7] Paragraphe 152(1).

[8] 2006 CCI 51, 2006 DTC 2267, paragraphe 15.

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