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Dossier : 2005-1448(IT)G

ENTRE :

CGU HOLDINGS CANADA LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 10 décembre 2007 à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me David C. Muha

Me Margaret Nixon

 

Avocat de l’intimée :

Me Ernest Wheeler

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

         

          L’appel de la cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2000 est rejeté avec dépens en faveur de l’intimée conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

         

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mars 2008.

 

 

« J.E. Hershfield »

Le juge Hershfield

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de novembre 2008.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


 

 

Référence : 2008CCI167

Date : 20080325

Dossier : 2005-1448(IT)G

ENTRE :

CGU HOLDINGS CANADA LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

Contexte et questions

 

[1]     L’appelante interjette appel de la cotisation établie pour l’année d’imposition 2000 par le ministre du Revenu national (le « ministre »), qui lui a refusé un remboursement demandé relativement à un dividende imposable qu’elle a versé dans l’année. Le remboursement demandé concerne un compte d’un « montant admissible de l’impôt en main remboursable » [1] (le « compte d’impôt remboursable » ou « impôt admissible remboursable »). Le droit de l’appelante au remboursement dépend de l’exactitude de son calcul du compte d’impôt remboursable et de son statut « société de placement appartenant à des non‑résidents » (« SPANR ») au moment pertinent.

 

[2]     Une SPANR est une société dont tous les actionnaires sont des non‑résidents ou dont un ou plusieurs actionnaires sont d’autres SPANR[2]. Une SPANR a droit à un remboursement de son compte d’impôt remboursable lorsqu’elle verse un dividende. L’appelante a demandé un tel remboursement relativement à un dividende qu’elle a versé pour son année d’imposition 2000. Le remboursement lui a été refusé au motif qu’elle n’était pas une SPANR et au motif que, de toute façon, le solde de son compte d’impôt remboursable était de zéro. L’appelante se fonde sur son calcul de son impôt admissible remboursable et sur un choix qu’elle a exercé à l’époque pertinente, en vertu de l’article 134.1 de la Loi, pour être réputée être une SPANR. L’intimée fait valoir que l’appelante n’a pas le droit de faire un tel choix.

 

[3]     L’appelante est née de la fusion de trois sociétés en mars 1999. Sa première année d’imposition s’est terminée le dernier jour de février 2000. L’une des trois sociétés remplacées était une SPANR. Toutefois, étant donné que deux des sociétés remplacées n’étaient pas des SPANR, l’appelante ne peut se prévaloir du statut de SPANR à moins que ne s’applique l’article 134.1[3].

 

[4]     La société remplacée qui était une SPANR, à savoir GA Scottish Corporation (Canada) Ltd. (« GA Scottish »), avait un compte d’impôt remboursable, et au moins un des actionnaires de l’une des sociétés remplacées était une SPANR non identifiée[4]. Le dividende qui, selon l’appelante, aurait dû donner lieu au remboursement en litige a été reçu entièrement par cette SPANR non identifiée. Pendant l’audience, on a laissé entendre que, n’eût été la fusion, un dividende versé par la société remplacée qui était une SPANR, soit GA Scottish, aurait donné lieu au remboursement de son impôt admissible remboursable s’il avait été payé avant la fusion. Dans un tel contexte, on pourrait dire que le présent appel concerne la question de savoir si la fusion a privé l’appelante d’un remboursement d’impôt remboursable.

 

[5]     Le contexte factuel dont j’ai pris connaissance n’est pas contesté. Un exposé conjoint des faits a été déposé à l’audience. Cet exposé est annexé aux présents motifs.

 

[6]     Les faits sur lesquels les parties se sont entendues peuvent se résumer très simplement de la manière suivante :

 

i)                   Le 2 mars 1999, l’appelante était constituée à la suite de la fusion de trois sociétés dont une seule (GA Scottish) était une SPANR immédiatement avant la fusion.

 

ii)                 La première année d’imposition de l’appelante après la fusion a commencé au moment de la fusion[5] et s’est terminée le 29 février 2000.

 

iii)               Immédiatement avant la fusion, GA Scottish avait un solde non remboursé de 1 265 348 $ dans son compte d’impôt remboursable, un revenu imposable cumulatif de 1 917 233 $ et des bénéfices non répartis de 1 641 791 $.

 

iv)               Au cours de sa première année d’imposition, l’appelante a versé un dividende imposable (au sens du paragraphe 133(8)) d’un montant de 7 706 000,00 $ à un actionnaire qui était une SPANR.

 

v)                 L’appelante a présenté un choix dans le délai prescrit, conformément à l’alinéa 134.1(1)c) de la Loi, pour être réputée être une SPANR pour l’année d’imposition 2000, et a demandé au ministre, conformément au paragraphe 133(6), un remboursement admissible du compte d’impôt remboursable.

 

vi)               Le ministre a refusé le remboursement au motif que l’appelante ne répondait pas aux critères établis à l’alinéa 134.1(1)a) pour exercer un choix et au motif que le solde du compte d’impôt remboursable de la nouvelle société (c.‑à‑d. l’appelante) était de zéro.

 

Régime fiscal applicable aux SPANR

[7]     Un bref résumé de la façon dont les SPANR sont traitées en vertu de la Loi sera utile pour situer dans leur contexte les questions soulevées dans le présent appel. En termes très généraux, une SPANR est une société canadienne qui exerce certains types d’activités et dont toutes les actions sont la propriété effective de personnes non‑résidentes ou d’autres SPANR. La définition d’une SPANR est contenue au paragraphe 133(8) de la Loi. On ne conteste pas le fait que GA Scottish avait le statut de SPANR.

 

[8]     Selon le régime fiscal établi à l’article 133, une SPANR est imposée au taux de 25 % conformément au paragraphe 133(3). Cet impôt est remboursé lorsque la SPANR verse des dividendes à ses actionnaires. Étant donné que les actionnaires d’une SPANR doivent être des personnes non‑résidentes ou d’autres SPANR, les actionnaires devront payer un impôt remboursable calculé au taux de 25 % applicable aux SPANR (dans le cas d’un bénéficiaire de dividendes qui est une SPANR), ou déduire un impôt calculé au taux de 25 % (sous réserve des limites des conventions fiscales applicables) en vertu de la partie XIII de la Loi (dans le cas des dividendes versés à d’autres actionnaires non‑résidents). Dans l’un ou l’autre cas, le paiement d’un dividende par une SPANR donne lieu à un remboursement de l’impôt initial de 25 % qu’elle a versé.

 

[9]     Les règles régissant les SPANR visent à permettre à l’actionnaire non‑résident ultime d’une SPANR d’être imposé au Canada sans que la SPANR intermédiaire soit assujettie à un impôt supplémentaire. En règle générale, les actionnaires non‑résidents ultimes d’une SPANR seront ainsi assujettis au même traitement fiscal qu’ils auraient reçu s’ils détenaient directement le bien de la SPANR. Le régime fiscal de l’impôt remboursable garantit ce résultat sans autoriser le report de cet impôt. Le but visé par ce régime intégré ne sera pas atteint lorsque les comptes d’impôt remboursable sont bloqués, comme ils le seraient dans l’affaire dont je suis saisi si l’intimée avait gain de cause.

 

[10]    C’est‑à‑dire que, si le remboursement n’était pas autorisé lorsqu’une SPANR a versé un impôt correspondant à 25 % de son revenu imposable, le dividende serait assujetti jusqu’à un certain point à une double imposition : l’impôt serait perçu à deux niveaux, chacun des contribuables étant assujetti à l’impôt sur la même source de revenu initiale. La question de savoir si cette double imposition est acceptable relève de la politique fiscale. En règle générale, le régime des dispositions relatives aux SPANR vise à éviter la double imposition. Cette mesure pourrait être considérée comme un traitement privilégié ou un avantage accordé aux SPANR étant donné que ce genre d’intégration entre les sociétés et leurs actionnaires n’est nullement reflété de façon générale par les dispositions de la Loi touchant les autres types de sociétés[6]. Par contre, les dividendes entre sociétés sont généralement reçus en franchise d’impôt, conformément à la déduction autorisée en vertu de l’article 112. Cette disposition empêche l’établissement d’autres niveaux d’imposition à l’égard des différentes sociétés concernées. Toutefois la SPANR qui a touché le dividende dans la présente affaire serait expressément exclue de ce régime en vertu du paragraphe 112(1), qui empêche expressément les SPANR d’effectuer la déduction en cause[7].

 

Les dispositions législatives et la position des parties

[11]    Les articles pertinents à analyser sont l’alinéa 87(2)a) et l’article 134.1, qui sont ainsi rédigés :

 

87(2) Règles applicables – Lorsqu’il y a eu fusion de plusieurs sociétés après 1971, les règles suivantes s’appliquent :

 

a)      [présomption concernant la création d’une nouvelle société] Année d’imposition – pour l’application de la présente loi, l’entité issue de la fusion est réputée être une nouvelle société dont la première année d’imposition est réputée avoir commencé au moment de la fusion et l’année d’imposition d’une société remplacée, qui se serait autrement terminée après la fusion, est réputée s’être terminée immédiatement avant la fusion;

 

134.1

 

(1) Sociétés de placement appartenant à des non‑résidents transition. Le présent article s’applique à la société qui répond aux conditions suivantes :

 

a) elle a été une société de placement appartenant à des non‑résidents au cours d’une année d’imposition;

b) elle n’est pas une telle société au cours de l’année d’imposition subséquente (appelée « première année de nouveau statut » au présent article);

c) elle choisit de se prévaloir du présent article dans un document présenté au ministre au plus tard à la date d’échéance de production qui lui est applicable pour sa première année de nouveau statut.

(2) Présomption. La société à laquelle le présent article s’applique est réputée être une société de placement appartenant à des non‑résidents au cours de sa première année de nouveau statut pour ce qui est de l’application des paragraphes 133(6) à (9) (exception faite de la définition de « société de placement appartenant à des non‑résidents » au paragraphe 133(8)), de l’article 212 et de tout traité fiscal aux dividendes versés sur des actions de son capital‑actions au cours de cette année à une personne non‑résidente ou à une société de placement appartenant à des non‑résidents à une personne non‑résidente ou à une société de placement appartenant à des non‑résidents.

 

 

[12]    Les Notes explicatives du ministère des Finances expliquent l’adoption de l’article 134.1 en ces termes :

 

Mars 2001, NE : Le nouvel article 134.1 établit des règles transitoires spéciales qui tiennent compte de l’élimination progressive des sociétés de placement appartenant à des non‑résidents. Les règles actuelles en la matière permettent à une société de placement appartenant à des non‑résidents de demander un remboursement de l’impôt de 25 % remboursable qu’elle paie lorsqu’elle distribue des dividendes à ses actionnaires non‑résidents (quand la retenue d’impôt sur les dividendes prévue à la partie XIII de la Loi s’applique). Cependant, pour que la société ait accès au compte d’impôt remboursable pour une année d’imposition donnée, le mécanisme de remboursement exige que les dividendes soient payés dans une année d’imposition suivante. Comme la définition modifiée de « société de placement appartenant à des non‑résidents » prévue au paragraphe 133(8) requiert l’élimination progressive de ces sociétés sur une période de trois ans, une société qui cesse d’être une société de placement appartenant à des non‑résidents ne pourrait demander un remboursement de l’impôt de 25 % remboursable qu’elle payerait au titre de sa dernière année d’imposition en tant que société de placement appartenant à des non‑résidents. Pour tenir compte du remboursement de cet impôt, le nouvel alinéa 134.1(1)c) prévoit un choix par lequel une société qui cesse d’être une société de placement appartenant à des non‑résidents peut opter de faire prolonger son statut de société de placement appartenant à des non‑résidents dans ce dessein particulier pour la première année où elle n’est pas une société de placement appartenant à des non‑résidents. Pour que la société puisse obtenir ce remboursement, les dividendes payés la première année où la société n’est pas une société de placement appartenant à des non‑résidents doivent être versés à une autre personne non‑résidente ou à une autre société de placement appartenant à des non‑résidents.

Le nouvel article 134.1 s’applique aux sociétés qui cessent d’appartenir à des non‑résidents en raison d’une opération, d’un événement ou de circonstances qui surviennent dans une année d’imposition de la société prenant fin après le 27 février 2000. Un choix effectué aux termes de cet article est réputé avoir été fait à temps s’il est effectué au plus tard à la date d’exigibilité de la déclaration de la société pour sa première année d’imposition qui prend fin après que cette modification a reçu la sanction royale[8].

 

[13]    Selon l’alinéa 87(2)a), l’appelante est une nouvelle société issue de la fusion. Elle n’est pas une SPANR étant donné que, immédiatement avant la fusion, ce ne sont pas toutes les sociétés remplacées qui étaient des SPANR. Le passage du paragraphe 133(8) de la Loi suivant l’alinéa f) de la définition d’une SPANR prévoit ce qui suit :

 

Toutefois, une nouvelle société (au sens que lui donne l’article 87) formée à la suite d’une fusion, après le 18 juin 1971, de plusieurs sociétés remplacées n’est en aucun cas considérée comme une société de placement appartenant à des non‑résidents, à moins que chacune des sociétés remplacées n’ait été, immédiatement avant la fusion, une société de placement appartenant à des non‑résidents;[9]

[…]

 

[14]    Par conséquent, à la suite de la fusion, l’appelante, n’étant pas une SPANR, ne serait pas admissible au remboursement sous réserve de l’application du paragraphe 134.1(1). Le dividende versé serait ainsi assujetti à la double imposition dont se plaint l’appelante.

 

[15]    L’appelante a fait valoir que l’article 134.1 devrait être appliqué d’une façon qui permet d’éviter ce résultat. Le fait de bloquer le compte d’impôt remboursable d’une SPANR, puis d’assujettir la SPANR bénéficiaire des dividendes à un impôt additionnel de 25 %, est incompatible avec la politique sous‑jacente au régime applicable aux SPANR.

 

[16]    L’argument de l’appelante se fonde sur le principe qui a été appliqué pour la première fois dans l’arrêt R. c. Black & Decker Manufacturing Co.[10], selon lequel les sociétés remplacées continuent d’exister au sein de la nouvelle société. L’argument avancé consiste à dire que l’appelante, en tant que société issue de la fusion, était une SPANR avant la fusion, parce que GA Scottish, l’une de sociétés remplacées, était une SPANR avant la fusion. Elle n’était pas une SPANR après la fusion. Donc, elle répond aux exigences de l’article 134.1 qui prévoit que dans de telles circonstances une société peut exercer un choix pour être réputée être une SPANR au cours de la première année où elle a cessé d’être une SPANR – au cours de l’année 2000 en l’occurrence, c’est‑à‑dire la première année où l’appelante n’était pas une SPANR.

 

[17]    De plus, l’appelante fait remarquer que si le dividende qu’elle a versé à l’actionnaire SPANR (7 706 000 $) déclenchait le remboursement, il n’y aurait aucune faille fiscale, puisque la SPANR bénéficiaire est assujettie à un impôt de 25 %. Il n’y aurait tout simplement pas d’impôt à deux niveaux, ce qui correspond au régime initialement envisagé pour les SPANR.

 

[18]    Par contre, en l’espèce, on a laissé entendre que, compte tenu des bénéfices non répartis de GA Scottish, un remboursement intégral des dividendes versés avant la fusion n’aurait peut‑être pas été possible. Toutefois, il n’y a de fait aucune preuve permettant de conclure que l’intégralité du dividende versé par l’appelante n’aurait pas pu être versé par GA Scottish[11]. En outre, à mon sens, l’intention du législateur n’était pas d’empêcher les SPANR de se prévaloir plus librement des comptes d’impôt remboursable au moyen de fusions, du moins lorsque toutes les sociétés remplacées par la nouvelle société étaient des SPANR. En pareil cas, le remboursement s’appliquerait sans égard à la situation financière d’une société remplacée donnée, et sans égard à la question de savoir quel actionnaire de quelle société remplacée a reçu les dividendes à l’origine du remboursement. Il ne me paraît ni troublant ni pertinent de penser que ce résultat fût peut‑être le but recherché par l’appelante lorsqu’elle a exercé le choix prévu à l’article 134.1 en l’espèce, et ce, même si toutes les sociétés remplacées n’étaient pas des SPANR.

 

[19]    L’intimée se préoccupe, et ce à juste titre, du fait que l’ajout de l’article 134.1, qui permet à une société qui n’est pas une SPANR de choisir d’en être une, s’inscrit dans le contexte de l’élimination progressive du régime fiscal spécial applicable aux SPANR. L’intimée donne à entendre que ce serait une utilisation abusive du choix que de l’interpréter d’une manière qui permettrait aux nouvelles sociétés issues d’une fusion de bénéficier, grâce à une disposition d’élimination progressive, d’un régime plus favorable que celui auquel elles auraient été assujetties n’eût été l’élimination progressive. Sans la disposition d’élimination progressive, le compte d’impôt remboursable serait effectivement éliminé lors d’une fusion dans les cas où, comme en l’espèce, les sociétés remplacées ne sont pas toutes des SPANR. Le libellé de cette disposition de transition devrait être interprété d’une manière stricte, de façon que ce résultat puisse être atteint. C’est‑à‑dire, la formulation de cette disposition ne devrait pas faire l’objet d’une interprétation libérale fondée sur une quelconque théorie au sujet de l’intention du législateur qui consisterait à éviter la double imposition. La disposition de la Loi sur laquelle s’est fondée l’appelante ne vise pas du tout à permettre à l’appelante de se prévaloir d’un compte d’impôt remboursable auquel elle n’aurait pas pu avoir accès autrement.

 

Analyse

[20]    Les arguments des parties sont fondés sur l’intention du législateur et des considérations liées à la politique fiscale. Chacune des parties invoque une position défendable qui n’est pas sans attrait. Toutefois, la Cour doit procéder à un examen minutieux de la formulation expresse des dispositions en cause afin de décider s’il y a lieu de se fonder sur de tels arguments, et d’étoffer le contexte dans lequel ces arguments doivent être étudiés, le cas échéant. Comme on pouvait s’y attendre, plusieurs questions doivent être réglées avant que l’on ne puisse cerner la signification des dispositions en cause en regard des faits du présent appel.

 

I.  Qui peut exercer un choix?

[21]    La première question consiste à savoir si l’appelante a le droit d’exercer le choix grâce auquel elle sera réputée être une SPANR dans sa première année de nouveau statut. L’intimée déclare que ce n’est pas le cas.

 

[22]    Le paragraphe 134.1(1) prévoit que le choix qui permet à une société qui n’est pas une SPANR d’être réputée être une SPANR doit être exercé par « la société qui […] a) […] a été une société de placement appartenant à des non‑résidents au cours d’une année d’imposition; b) […] n’est pas une telle société au cours de l’année d’imposition subséquente […]; c) […] choisit de se prévaloir du présent article […] ». Ce texte montre clairement que la société qui peut exercer le choix est celle qui a perdu son statut d’une année à la suivante. Bien que l’appelante cherche à appliquer la théorie de la continuité voulant que GA Scottish, en tant qu’entité qui continue d’exister, soit cette société, l’intimée fait valoir que l’appelante n’est pas la société qui était GA Scottish. La société qui avait le statut de SPANR n’existe plus en tant que la même entité et ne saurait donc être considérée comme étant la société qui était une SPANR avant la fusion.

 

[23]    De l’avis de l’intimée, essayer d’appliquer la théorie de la continuité d’une société remplacée qui continue d’exister dans la nouvelle société dans le contexte du libellé exprès du paragraphe 134.1(1) revient à faire fausse route. La nouvelle société issue d’une fusion, qui est composée d’un ensemble de personnalités juridiques qui continuent d’exister, n’est pas la même société que l’une ou l’autre des sociétés remplacées. Cette position repose sur un fondement solide énoncé dans les décisions Pan Ocean Oil Ltd. v. R. et Dow Chemical Canada Inc. c. R.[12].

 

[24]    En effet, l’économie de la Loi ne semble pas adopter cette prémisse. L’alinéa 87(2)a) prévoit que, pour l’application de la Loi, la société issue d’une fusion est réputée être une nouvelle société. Cela est incompatible avec la notion selon laquelle la nouvelle société est la même société que l’une ou l’autre des sociétés remplacées. S’il en était ainsi, bon nombre des règles applicables aux fusions seraient superflues[13]. Une confirmation peut‑être encore plus importante du fait que la Loi établit une différence entre le fait de considérer une société issue d’une fusion comme étant réputée être une « nouvelle société » (par opposition au fait de la considérer comme étant la « même » société que l’une des sociétés remplacées) se trouve au paragraphe 87(1.2), qui énonce que la société issue d’une fusion d’une société mère et d’une filiale à 100 % est réputée être la « même » société que chacune des sociétés remplacées et en être la continuation pour l’application de certaines dispositions de la Loi et des Règles concernant l’application de l’impôt sur le revenu. Cette disposition prouve sans doute que le législateur avait l’intention de faire en sorte qu’une société remplacée et une société issue d’une fusion soient des sociétés distinctes et différentes sauf pour les fins énoncées, qui n’incluent pas les choix exercés en vertu de l’article 134.1.

 

[25]    Quoi qu’il en soit, l’argument de l’appelante ne donne aucune pertinence à la notion d’« identité ». La position de l’appelante est fondée sur l’existence continue de la société remplacée, soit GA Scottish, conformément aux principes énoncés dans l’arrêt Black and Decker. Ici, l’appelante soutient que l’alinéa 87(2)a) ne précise pas que les sociétés remplacées cessent d’exister pour l’application de la Loi. Il précise que leur année d’imposition se termine immédiatement avant la fusion. Le fait que la société issue de la fusion soit une nouvelle société n’a aucune incidence sur les règles du droit des sociétés énoncées dans l’arrêt Black and Decker, dans lequel les sociétés remplacées sont considérées comme des sociétés qui continuent d’exister. Ainsi, la règle prévoyant qu’une « nouvelle » société est créée lors de la fusion, qui est contenue à l’alinéa 87(2)a), a des limites en ce qui concerne les conséquences qui découlent de cette création. Ces limites ont fait l’objet de nombreuses décisions.

 

[26]    La première limite reconnue par les tribunaux a été de dire que l’alinéa 87(2)a) renferme simplement l’approche mécanique utilisée pour intégrer des fins d’exercice multiples. Il vise à fixer le début d’une nouvelle année unique pour la nouvelle entité issue de la fusion et à mettre fin à l’année courante de chacune des sociétés remplacées. Pour l’application de la Loi, il est nécessaire de déterminer le commencement de l’année d’imposition de la société issue de la fusion et la fin des années d’imposition des sociétés remplacées, et le fait qu’une « nouvelle » société soit réputée être créée à cette fin ne devrait pas être considéré comme étant incompatible avec la conclusion voulant que des règles de droit qui traitent de la continuité d’existence des sociétés remplacées doivent l’emporter. L’appelante invoque l’arrêt R. v. Guaranty Properties Ltd.[14] pour étayer cette approche. La Cour d’appel fédérale a jugé dans cette affaire que la Loi n’allait pas à l’encontre du principe général du droit des sociétés qui reconnaissait la continuité d’existence des sociétés remplacées. La Loi ne fait que fixer la fin des années d’imposition des sociétés remplacées.

 

[27]    L’appelante a ensuite reconnu que l’arrêt subséquent de la Cour d’appel fédérale rendu dans l’affaire Pan Ocean a nuancé cette interprétation de l’alinéa 87(2)a), cette cour ayant jugé que celui‑ci s’appliquait à des fins qui allaient au‑delà du simple établissement des fins d’exercice, mais qui étaient néanmoins limitées au calcul du revenu de la nouvelle société et, au besoin et à titre accessoire, au calcul par cette société de son revenu imposable[15].

 

[28]    De plus, l’appelante invoque la décision Canadian Roxy Petroleum Ltd. v. Alberta[16]. Dans cette affaire, la cour a appliqué le principe de la continuité d’existence de l’entité pour conclure qu’une société issue d’une fusion bénéficiait de droits acquis qui lui permettaient de se soustraire à l’application d’une nouvelle disposition, même si elle avait été constituée après l’expiration de la période au cours de laquelle elle aurait pu acquérir les droits en question. Étant donné que la société remplacée pouvait se prévaloir des droits acquis ou aurait pu s’en prévaloir n’eût été la fusion, et vu qu’elle a continué d’exister sous la forme de la nouvelle société, celle‑ci bénéficiait donc des droits acquis. La limite prévue à l’alinéa 87(2)a) ne s’appliquait pas puisqu’elle ne concernait pas le calcul du revenu ou du revenu imposable de la nouvelle société. Celle‑ci était traitée comme si elle avait existé avant la fusion, et c’est exactement ce que l’appelante cherche à obtenir en l’espèce.

 

[29]    Si on accepte de limiter ainsi la portée de la règle voulant que l’appelante soit une nouvelle société, on enlève toute pertinence à la position de l’intimée selon laquelle l’appelante, en tant que nouvelle société, ne peut être la même société qui avait été auparavant une SPANR. C’est‑à‑dire, le fait que GA Scottish et l’appelante ne sont pas la même société n’a aucune influence sur l’analyse. Il n’existe clairement aucun précédent étayant l’assertion voulant qu’une société issue d’une fusion soit la même société que l’une ou plusieurs des sociétés remplacées. Le principe appliqué dans Black and Decker ne donne aucune indication dans ce sens. À la page 417 de cet arrêt, la Cour suprême du Canada confirme que, selon les règles du droit des sociétés, une fusion ne fait pas disparaître la société remplacée. Au contraire, la société remplacée continue d’exister. La Cour a comparé la fusion à une rivière qui part du confluent de deux cours d’eau ou au cordage unique que forme l’entrelacement des différents torons, avec toutes leurs forces et faiblesses. Toutefois, pareille analogie ne signifie pas qu’il s’agit de la même société. Cela est impossible.

 

[30]    Pourtant l’intimée prétend que, là où il est impossible de distinguer les torons entrelacés, mais où l’on est plutôt en présence d’un mélange de deux cours d’eau qui se confondent, on doit conclure que les attributs des sociétés remplacées ne peuvent être conférés à la nouvelle société en vertu de la théorie de la continuité d’existence.

 

[31]    Il est vrai que, dans certains cas, il est facile de dégager les caractéristiques d’une société remplacée qui peuvent être héritées ou qui continuent d’exister telles quelles. Un passif, tel qu’il est considéré dans l’arrêt Black and Decker, en est le meilleur exemple. Toutefois, lorsque la fusion change le caractère même ou la personnalité profonde d’une société remplacée, et que l’essence ou la personnalité est l’élément essentiel qui doit survivre à la fusion pour qu’il soit satisfait à un critère législatif particulier, il me semble que l’intimée dispose d’un bon argument. Toutefois, aussi attrayant que puisse paraître cet argument, ce n’est pas l’orientation prise par le droit des sociétés, ni par le droit fiscal.

 

[32]    Les décisions sur lesquelles s’est fondée l’appelante reflètent l’état du droit. Le législateur a observé la façon dont les tribunaux ont limité l’application de l’alinéa 87(2)a) et n’a rien fait pour le revigorer. Avancer aujourd’hui que la Loi interprétée comme un tout appuie l’argument de l’intimée selon lequel la Cour devrait, de sa propre initiative, insuffler une nouvelle vie à cet alinéa n’est guère un argument que je suis prêt à accepter, même si je suis d’avis que le droit, dans son évolution, a imposé sur son application des limites que je n’aurais vraisemblablement pas imposées. En examinant la Loi et son règlement d’application comme un tout, je crois comprendre que les rédacteurs des dispositions de la Loi portant sur la fusion ont présumé qu’une fusion donnerait lieu à nouvelle société qui n’a, en fait d’attributs fiscaux, aucune des caractéristiques des sociétés remplacées, à moins qu’elles continuent d’exister en vertu d’une disposition expresse de la Loi. Ainsi, le législateur exerce un certain contrôle sur les circonstances qui permettent à la société issue de la fusion de jouir du traitement fiscal accordé aux sociétés remplacées. Le législateur voulait, ou du moins semble avoir voulu, exercer ce contrôle afin de pouvoir dire « non » dans la situation précise dont je suis saisi, sauf disposition expresse contraire. Toutefois, même si le législateur a vu ce contrôle lui glisser entre les doigts, il n’a rien fait pour le rétablir. Cela jette peut‑être le doute sur la validité de cette théorie.

 

[33]    Quoi qu’il en soit, on doit présumer que le législateur connaît le droit et que, lorsqu’il rédige un texte législatif, il doit avoir envisagé ses conséquences juridiques. Ainsi, il est difficile d’accepter l’argument de l’intimée voulant que le paragraphe 134.1(1), qui établit quelle personne peut exercer le choix en cause, doive avoir une portée limitée en raison du caractère strictement transitoire de son objet. Le paragraphe, à première vue, n’empêche pas l’application des principes de droit établis par les décisions sur lesquelles s’est fondée l’appelante. Étant donné que le choix prévu au paragraphe 134.1(1) ne traite pas du calcul du revenu ou du revenu imposable, la jurisprudence est claire. GA Scottish n’a pas cessé d’exister en raison de la fusion. Elle peut exercer le choix prévu au paragraphe 134.1(1) puisqu’elle était une SPANR en 1999 et qu’elle n’en était pas une l’année suivante. Elle a effectivement exercé le choix et est, de ce fait, réputée être une SPANR pour l’année 2000. Si cela donne lieu à un avantage fiscal fortuit, le législateur devait limiter l’application de la règle. Il ne me revient pas à moi de corriger la situation. Je suis lié par les décisions des tribunaux supérieurs. Je laisse à la Cour d’appel le soin de réaménager les limites qui sont actuellement établies dans l’arrêt Pan Ocean si elle estime que cela est possible et nécessaire. Je ne vois pas comment je pourrais établir une distinction entre cet arrêt et l’affaire dont je suis saisi, et je suis lié par ce précédent.

 

[34]    Étant convaincu que les exigences de l’article 134.1 ont été respectées, je vais aborder une autre question qui a été soulevée, à savoir au nom de qui le choix doit‑il être exercé? L’appelante a exercé le choix en son nom. Dans l’affaire Witco c. La Corporation de la ville d’Oakville[17], la Cour suprême du Canada a clairement jugé que la continuation d’une société remplacée incluait la continuation de son statut de personne au sens juridique, lui permettant d’intenter une action. Cela ne veut pas dire que le choix devait être exercé par GA Scottish en l’espèce. Cela signifie que s’il avait été exercé sous ce nom, cela n’aurait pas invalidé le choix. À mon avis, l’intimée ne conteste pas sérieusement ce point[18]. Quoi qu’il en soit, je conclus que le choix a été correctement exercé.

 

II.  Le solde du compte d’impôt remboursable est‑il de zéro?

[35]    Voilà qui m’amène à me pencher sur la deuxième question, à savoir est‑ce que le solde du compte d’impôt remboursable de la nouvelle société, l’appelante, est de zéro comme le prétend l’intimée?

 

[36]    Le transfert du compte d’impôt admissible remboursable d’une société remplacée à une nouvelle société se fait conformément au sous‑alinéa 87(2)cc)(i). Ce sous‑alinéa ajoute simplement le solde du compte de la société remplacée immédiatement avant la fusion au compte de la nouvelle société si celle‑ci est une SPANR. Si l’appelante est une SPANR, elle aura ce qu’elle déclare avoir, à savoir le plein montant du compte d’impôt remboursable de GA Scottish. Le problème qui se pose ici pour l’appelante est que, selon le paragraphe 134.1(2), la société qui a perdu son statut de SPANR et qui exerce le choix est réputée être une SPANR pour l’application de l’article 212 et des paragraphes 133(6) à 133(9), exception faite de la définition de SPANR au paragraphe 133(8). Le sous‑alinéa 87(2)cc)(i) n’est pas mentionné.

 

[37]    L’appelante soutient que la disposition déterminative au paragraphe 134.1(2) suffit pour permettre le transfert du compte d’impôt remboursable lors d’une fusion. La disposition déterminative énonce expressément qu’elle s’applique pour ce qui est de l’application des paragraphes 133(6) à 133(9) aux dividendes versés. Le paragraphe 133(9) définit le compte d’impôt remboursable. Si l’appelante est réputée être une SPANR aux fins de l’application de la définition du compte en question, alors cela implique la nécessité de lui reconnaître ce statut pour les besoins des dispositions connexes qui prévoient la façon dont le solde du compte est calculé. En ce sens, l’avocat de l’appelante qualifie l’alinéa 87(2)cc) de règle d’application. De plus, puisqu’il renvoie aux règles générales concernant les remboursements admissibles contenues aux paragraphes 133(6) à 133(9), le paragraphe 134.1(2) doit être interprété comme renvoyant à une règle d’application qui, dans le cas des fusions, renvoie elle‑même au paragraphe 133(9). Le fait qu’il s’agit d’une règle d’application dans le cas des fusions est expressément énoncé à l’alinéa 87(2)cc)(i), qui est ainsi rédigé :

 

87(2) Lorsqu’il y a eu fusion de plusieurs sociétés après 1971, les règles suivantes s’appliquent : […]

 

cc) dans le cas d’une nouvelle société qui est une société de placement appartenant à des non‑résidents :

(i) pour le calcul du montant admissible de l’impôt en main remboursable (au sens du paragraphe 133(9)) de cette société à un moment donné, lorsqu’une société remplacée avait un tel montant immédiatement avant la fusion, ce montant doit être ajouté au total représenté par l’élément A de la formule applicable figurant à la définition de « montant admissible de l’impôt en main remboursable » au paragraphe 133(9), […] [Non souligné dans l’original.]

 

[38]    L’appelante fait valoir que le fait que la nouvelle société soit réputée être une SPANR pour l’application de l’alinéa 87(2)cc) est un prolongement logique et nécessaire du fait que la nouvelle société soit réputée être une SPANR pour l’application du paragraphe 133(9). Un tel prolongement n’est pas expressément interdit par l’article 134.1 ni par l’article 87. Interpréter ces dispositions comme imposant de façon expresse pareille interdiction équivaudrait à ajouter à la Loi des termes qui n’y figurent pas. On m’a mis en garde contre l’ajout au sous‑alinéa 87(2)cc)(i) ou au paragraphe 134.1(2) de termes qui empêcheraient leur interdépendance. L’article 134.1 s’applique aux dividendes versés à des actionnaires qui sont des SPANR et vise à faire en sorte que ces derniers puissent obtenir des remboursements afin d’éviter la double imposition, et on doit donner effet à son objet dans la présente affaire.

 

[39]    Les arguments de l’appelante s’articulent tous autour de cette dernière prémisse : l’article 134.1 a pour but, ou devrait être interprété comme ayant pour but, d’empêcher la double imposition dans tous les cas où il peut atteindre ce résultat sans donner lieu à une faille fiscale ou sans porter atteinte au régime fiscal global régissant les SPANR. L’article 134.1 ouvre la voie à un règlement équitable d’un problème de double imposition causant des iniquités. On me demande d’interpréter les dispositions en cause d’une manière qui rend possible un tel règlement. Avec un certain brin d’ironie, l’appelant va jusqu’à demander : quelle est la finalité d’autoriser l’application de la disposition déterminative (en autorisant le choix) et de n’accorder ensuite aucun avantage découlant de cette autorisation? Considérant que j’ai conclu qu’il est peu probable que le législateur ait voulu que les nouvelles sociétés puissent exercer le choix à la suite de la fusion, il ne me surprend pas le paragraphe 134.1 ne contienne aucune disposition concernant le transfert du compte d’impôt admissible remboursable d’une société remplacée.

 

[40]    En fait, c’est sur ce fondement que repose la position de l’intimée voulant que le solde du compte d’impôt admissible remboursable de l’appelante soit de zéro. La position de l’intimée est que le paragraphe 134.1(2) prévoit que la société qui a perdu son statut de SPANR est réputée être une SPANR uniquement pour l’application de l’article 212 et des paragraphes 133(6) à 133(9), exception faite de la définition de SPANR au paragraphe 133(8). Il n’est pas fait mention du sous‑alinéa 87(2)cc)(i) parce que le législateur ne prévoyait pas et ne voulait pas que l’article 134.1 fasse en sorte qu’une société qui n’est pas une SPANR soit considérée comme une SPANR dans le but de permettre un transfert du compte d’impôt admissible remboursable d’une société remplacée lorsque ne sont pas respectées les exigences normales imposées pour la réalisation d’un tel résultat. Par conséquent, une nouvelle société qui a perdu son statut de SPANR à la suite de la fusion n’est tout simplement pas réputée, en vertu de l’article 134.1, être une SPANR pour l’application de l’article 87. Cette interprétation est tout à fait conforme au traitement fiscal des SPANR lorsqu’il y a fusion. Comme il est indiqué ci‑dessus, le passage final de la de la définition des SPANR au paragraphe 133(8) prévoit que « une nouvelle société (au sens que lui donne l’article 87) formée à la suite d’une fusion, après le 18 juin 1971, de plusieurs sociétés remplacées n’est en aucun cas considérée comme une société de placement appartenant à des non‑résidents, à moins que chacune des sociétés remplacées n’ait été, immédiatement avant la fusion, une société de placement appartenant à des non‑résidents »[19]. Il n’existe aucun fondement permettant d’élargir la portée de la disposition déterminative lorsque cela irait au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif d’élimination progressive qu’elle vise, et qu’on ouvrirait une porte que le législateur a clairement fermée de façon intentionnelle.

 

[41]    Je souscris à la position de l’intimée sur cette question. Je ne vois pas comment la disposition déterminative du paragraphe 134.1(2) pourrait faire en sorte que l’impôt admissible remboursable de GA Scottish soit ajouté au compte de l’appelante au motif qu’il s’agit d’une règle d’application.

 

[42]    Un retour à la théorie de la continuité devrait nous aider à garder les choses en perspective. L’appelante ne peut pas dire que la continuité de GA Scottish signifie qu’elle survit au sein de l’appelante de façon à faire de l’appelante une SPANR. Il est admis que l’appelante n’est pas une SPANR. De plus, aucune des décisions portant sur la continuité n’étaye l’assertion voulant que la nouvelle société soit la société remplacée. La nouvelle société issue de la fusion n’est manifestement pas la société remplacée, indépendamment de ce que disent les principes du droit des sociétés. L’appelante n’est pas GA Scottish. Elle n’a pas ce que la Loi a créé théoriquement pour GA Scottish. Le compte d’impôt remboursable n’est pas assimilable à un terrain, à des stocks, à des droits contractuels ou à la survaleur, qui sont des biens transférés d’une société remplacée à la nouvelle société en vertu des règles du droit des sociétés et de l’alinéa 87(1)a) de la Loi. Un tel transfert doit être prévu expressément par le texte de loi qui est théoriquement à l’origine de sa création. Cela n’est pas le cas ici. Il est clair que le régime législatif applicable en l’espèce ne permet pas un tel transfert. En fait, le transfert est au contraire expressément interdit dans les circonstances de l’affaire dont je suis saisi.

 

[43]    Le blocage de l’impôt remboursable après les fusions, équitable ou non, est tout à fait intentionnel dans les cas où les sociétés remplacées n’étaient pas toutes des SPANR. Dans de telles circonstances, le compte théorique créé au paragraphe 133(9) cesse d’exister lors d’une fusion. À mon avis, il ne peut renaître que s’il existe une disposition expresse en ce sens. Le silence (c.‑à‑d. l’absence d’une disposition expresse à l’article 134.1 pour empêcher sa résurrection) est insuffisant. La mention au paragraphe 134.1(2) à des paragraphes précis de l’article 133 ne suffit pas pour redonner vie à ce compte. Une disposition expresse ferait référence directement à cette prétendue règle d’application.

 

[44]    Le fait que l’appelante soit réputée être une SPANR sans qu’elle puisse en retirer un avantage quelconque ne fait que souligner que la disposition en cause n’avait pas pour objet d’accorder un avantage dans de telles circonstances. Comme il est indiqué dans les Notes explicatives, l’article 134.1 a été adopté dans le contexte de l’élimination progressive du régime des SPANR dans la Loi. L’élimination progressive est intégrée dans la définition de « SPANR » figurant au paragraphe 133(8) à l’alinéa i)[20] qui prévoit ce qui suit :

 

(i) sous réserve de l’article 134.1, une société n’est pas une société de placement appartenant à des non‑résidents au cours d’une année d’imposition se terminant après le premier en date des moments suivants :

(i) le premier moment, postérieur au 27 février 2000, où la société effectue une augmentation de capital,

(ii) la fin de la dernière année d’imposition de la société commençant avant 2003.

 

[45]    Le choix prévu à l’article 134.1 permet à une SPANR, qui a perdu son statut en raison de cette disposition, de garder ce statut pendant la première année qui suit cette perte, de sorte que son compte d’impôt admissible remboursable, calculé indépendamment de toute règle d’application, puisse être débloqué. Rien dans la disposition en cause ne donne à penser que son compte doive être calculé comme si la règle déterminative de l’article 134.1 nécessitait le recours à une règle d’application.

 

[46]    Par conséquent, pour ces motifs, l’appel est rejeté avec dépens en faveur de l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de mars 2008.

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de novembre 2008.

 

Aleksandra Koziorowska, LL.B.



 

ANNEXE A

 

No de dossier : 2005‑1448(IT)G

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

 

ENTRE :

 

CGU HOLDINGS CANADA LTD.,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

[traduction]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

 

       Les parties à la présente instance reconnaissent l’authenticité des documents mentionnés aux présentes, dont les copies conformes figurent dans le « Recueil conjoint de documents » ci‑joint.

 

       Les parties à la présente instance reconnaissent, uniquement pour les besoins de cette dernière, la véracité des faits suivants :

 

A. Contexte

 

1.    Le 2 mars 1999, la société appelante a été formée à la suite de la fusion des sociétés remplacées suivantes (la « fusion »)1 en vertu de l’article 185 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA ») :

 

(i)                GA Scottish Corporation (Canada) Ltd. (« GA Scottish »);

(ii)              Commercial Union of Canada Holdings Ltd;

(iii)            General Accident Holdings (Canada) Limited.

Une copie de la Convention de fusion et du Certificat de fusion figure au Recueil conjoint de documents aux onglets 1 et 2.

2.    Les années d’imposition des sociétés remplacées étaient réputées s’être terminées immédiatement avant la fusion.

3.    La première année d’imposition de l’appelante après la fusion était réputée avoir commencé au moment de la fusion et s’être terminée le 29 février 2000 (l’ « année d’imposition 2000 »).

Une copie de la déclaration d’impôt sur le revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2000 figure au Recueil conjoint de documents à l’onglet 3.

 

B.    « Montant admissible de l’impôt en main remboursable » de GA Scottish

 

4.    Immédiatement avant la fusion :

 

(i)                   GA Scottish était une « société de placement appartenant à des non‑résidents » (une « SPANR ») au sens du paragraphe 133(8) de la Loi canadienne de l’impôt sur le revenu (la « Loi »);

(ii)                 Commercial Union of Canada Holdings Ltd. et General Accident Holdings (Canada) Limited n’étaient pas des SPANR au sens du paragraphe 133(8) de la Loi.

5.       L’appelante n’avait pas le statut de SPANR aux termes du paragraphe 133(8) de la Loi après la fusion, parce que chacune des sociétés remplacées n’était pas une SPANR immédiatement avant la fusion, comme l’exigeait le passage final de la définition d’une « société de placement appartenant à des non‑résidents » au paragraphe 133(8) de la Loi, tel qu’il était libellé au 2 mars 1999 (maintenant l’alinéa g) de la définition de « société de placement appartenant à des non‑résidents » au paragraphe 133(8) de la Loi).

6.       Immédiatement avant la fusion, GA Scottish avait (i) un solde non remboursé de 1 265 348 $ d’un « montant admissible de l’impôt en main remboursable » (au sens du paragraphe 133(9) de la Loi) (l’« impôt remboursable »); (ii) un « revenu imposable cumulatif » (au sens du paragraphe 133(9) de la Loi) de 1 917 233 $; et (iii) des bénéfices non répartis de 1 641 791 $. L’impôt remboursable représente les 25 % d’impôt que GA Scottish avait versés en sa qualité de SPANR sur le revenu gagné avant la fusion.

 

C.      Choix en vertu de l’article 134.1 et demande d’un « remboursement admissible »

 

7.       Au cours de sa première année d’imposition à la suite de la fusion, l’appelante a versé des « dividendes imposables » (au sens du paragraphe 133(8) de la Loi) d’un montant de 7 706 000 $ à un actionnaire qui n’était pas une SPANR. Le montant du dividende était suffisant pour donner lieu à un remboursement complet de l’impôt remboursable, dans la mesure où l’appelante répondait aux autres exigences imposées par la Loi pour pouvoir recouvrer l’impôt remboursable. L’actionnaire de l’appelante était tenu par la Loi de payer 25 % d’impôt remboursable sur les dividendes reçus.

 

Voir l’annexe 26 de la déclaration d’impôt sur le revenu de l’appelante pour son année d’imposition 2000 à l’onglet 3 du recueil conjoint de documents.

 

8.       L’appelante a exercé un choix dans les délais prescrits selon l’alinéa 134.1(1)c) de la Loi afin d’être réputée être une SPANR pour l’année d’imposition 2000, et elle a présenté au ministre du Revenu national (le « ministre »), conformément au paragraphe 133(6) de la Loi, une demande de « remboursement admissible » de l’impôt remboursable.

 

D.      La cotisation établie par le ministre

 

9.                 Le ministre a établi une cotisation à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 2000, dans laquelle il a refusé le remboursement de l’impôt remboursable au motif que l’appelante ne satisfaisait pas aux critères établis à l’alinéa 134.1(1)a) quant à l’exercice du choix. De plus, le ministre a adopté la position selon laquelle même si l’appelante avait le droit d’exercer le choix, le « remboursement admissible » découlant des dividendes versés par l’appelante pour l’année d’imposition 2000 ne pouvait dépasser zéro.


 

RÉFÉRENCE :                                  2008CCI167

 

NO DE DOSSIER :                             2005-1448(IT)G

 

INTITULÉ :                                       CGU Holdings Canada Ltd.
et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 10 décembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 25 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Mes David C. Muha et Margaret Nixon

 

Avocat de l’intimée :

Me Ernest Wheeler

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Mes David C. Muha et Margaret Nixon

 

                          Cabinet :                  Stikeman Elliott LLP

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] Selon la définition donnée au paragraphe 133(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2] Selon la définition donnée au paragraphe 133(8) de la Loi, le fait d’avoir des actionnaires qui sont des non‑résidents ou des SPANR constitue une des exigences qu’il faut remplir pour être une SPANR. D’autres exigences imposent des restrictions sur les genres d’avoirs qui peuvent être détenus par la société et sur les activités qu’elle exploite.

 

[3] Selon la définition donnée au paragraphe 133(8), une nouvelle société issue d’une fusion n’est pas une SPANR, à moins que chacune des sociétés remplacées n’ait été, immédiatement avant la fusion, une société de placement appartenant à des non-résidents.

 

[4] L’exposé conjoint des faits n’indique pas que la SPANR bénéficiaire du dividende était un actionnaire de GA Scottish. De plus, rien n’a été dit pendant l’audience pour indiquer si c’était le cas ou non.

 

[5] Alinéa 87(2)a) de la Loi.

 

[6] L’impôt en main remboursable au titre de dividendes, tel qu’il est défini à l’article 129, et la déduction accordée aux petites entreprises ainsi que le crédit d’impôt pour dividendes sont d’autres exemples de régimes d’intégration qu’on retrouve dans la Loi, mais force est de constater qu’il s’agit là de concessions partielles ou d’exceptions à un régime qui vise à établir une double imposition sur les sociétés et leurs actionnaires.

 

[7] La déduction du dividende reçu par une SPANR ne règlerait pas le problème soulevé par l’appelante en l’espèce. L’article 112 s’inscrit dans un régime tout à fait différent de celui applicable aux SPANR. Seule l’application du régime de remboursement accordera à l’appelante un allégement du fardeau qui lui a été imposé dans la présente affaire.

 

[8] Notes explicatives concernant l’impôt sur le revenu - mars 2001 – ministère des Finances – l’honorable Paul Martin, c.p., député, ministre des Finances. Le texte susmentionné est tiré des Notes explicatives du ministère des Finances relatives à la Loi de l’impôt sur le revenu, 3e édition, 2003 (consolidées au 17 octobre 2003), Thompson Carswell, il comprend la partie manquante dans la version anglaise des Notes explicatives.

 

9 Cette restriction est imposée à l’alinéa g), qui a été ajouté à la définition de SPANR en 2001, et qui s’applique aux fusions postérieures au 27 février 2000. La fusion de l’appelante a eu lieu en 1999, et le nouveau libellé de cette restriction ne s’y applique donc pas.

 

[11] Article 42 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), ch. C-44; et article 38 de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. B. 16.

 

[12] C’était la conclusion tirée par le juge Hugessen au paragraphe 15 de l’arrêt Pan Ocean, 94 D.T.C. 6412 (C.A.F.). Elle a été citée avec approbation par le juge Mogan dans la décision Dow Chemical, 2007 CCI 668, au paragraphe 36.

[13] Par exemple l’alinéa 87(1)a) qui traite du transfert des biens des sociétés remplacées à la nouvelle société.

 

[14] [1990] 2 C.T.C. 94 (C.A.F.), demande d’autorisation d’appel rejetée.

 

[15] Voir le paragraphe 13. L’appelante s’est également fondée sur la décision Dow Chemical, dans laquelle la Cour a appliqué l’arrêt Pan Ocean. Toutefois, il me semble que cette décision ne l’aide guère. Comme je le mentionnerai plus loin dans les présents motifs, dans la décision Dow Chemical, au paragraphe 36, le juge Mogan a appliqué cette partie de l’arrêt Pan Ocean dans laquelle la Cour d’appel fédérale a statué au paragraphe 13 que la nouvelle société n’était manifestement pas l’une des sociétés remplacées.

 

[16] 98 D.T.C. 6313 (Cour du banc de la Reine de l’Alberta).

 

[17] [1975] 1 R.C.S. 273.

 

[18] L’Agence du revenu du Canada accepte, dans la pratique, les choix exercés au nom de la nouvelle société pour le compte d’une société remplacée lorsque l’on ne conteste pas le droit d’exercer le choix. Voir l’Interprétation technique 2003-0046015.

[19] L’intimée a également fait valoir que l’exclusion ou l’exception expresse au paragraphe 134.1(2) qui soustrait à l’application de la disposition déterminative la définition de SPANR contenue au paragraphe 133(8) étaye sa position. À mon sens, cette exclusion vise simplement à empêcher la règle déterminative de neutraliser la disposition d’élimination progressive énoncée à l’alinéa i) de la version postérieure à février 2000 de cette définition. Aux termes de cet alinéa, une SPANR cesse d’être une SPANR. Une SPANR réputée ne peut être assujettie à cette disposition – d’où la nécessité de l’exclusion. Si l’on souscrit à cette interprétation restrictive, toutes les autres interprétations (qu’elles soient favorables à l’intimée ou à l’appelante) perdent leur attrait. C’est‑à‑dire, aucun des arguments invoqués par les avocats relativement à cette exclusion ne m’écarte des conclusions que j’ai tirées sans tenir compte du libellé de l’exclusion.

 

[20] Cette version de la définition est applicable après le 27 février 2000.

1 Au moment de la fusion, la dénomination sociale de l’appelante était General Accident Holdings (Canada) Limited. L’appelante a changé de nom pour devenir CGU Holdings Canada Ltd. le 31 mars 1999.

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