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Référence : 2008CCI89

Date : 20080429

Dossier : 2004-1236(GST)G

ENTRE :

AMIANTE SPEC INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

 

Le juge Favreau

 

[1]              Il s’agit d’un appel à l’encontre d’un avis de cotisation émis à l’appelante le 27 juin 2003 et portant le numéro 03409693 pour la période du 1er novembre 1998 au 28 février 2002 (ci-après la « cotisation »).

 

[2]              En vertu de la cotisation, le ministre du Revenu du Québec, agissant au nom du ministre du Revenu national (collectivement le « ministre »), a ajouté un montant de taxe nette de 139 791,69 $ et a imposé à l’appelante une pénalité pour un montant de 56 056,69 $ en vertu des articles 280 et 285 de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C., c. E-15, telle que modifiée (la « Loi »). Enfin, le ministre a exigé des intérêts pour un montant net de 14 012,61 $ en vertu de l’alinéa 280(1)(b) de la Loi.

 

[3]              Le montant de taxe nette de 139 791,69 $ est attribuable quant à un montant de 128 281,41 $, à des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») que l’appelante a réclamés relativement à des fournitures effectuées par des sous-traitants pour un montant égal à la taxe sur les produits et services (la « TPS ») que l’appelante a payée sur ces fournitures.

 

[4]              L’excédent de taxe nette de 11 510,28 $ est attribuable à de la TPS non perçue ou perçue et non remise, au montant de 3 444,99 $, et à des CTI refusés, au montant de 8 065,29 $, qui ne sont pas contestés par l’appelante suite à la production d’admissions à l’ouverture de l’audience.

 

[5]              L’appelante est une société dûment constituée en vertu de la Partie 1A de la Loi sur les compagnies, L.R.Q., c. C-38, dont l’entreprise consiste en l’enlèvement de fibres d’amiante et la pose d’isolation dans des édifices.

 

[6]              L’appelante est dûment inscrite aux fins de la Loi sous le numéro 140 392 515.

 

[7]              Au cours de la période couverte par la cotisation, les actionnaires de l’appelante étaient messieurs Giovanni Spiridigliozzi (33 1/3%), Pietro Truschetta (33 1/3%) et Rocco Dimilo (33 1/3%).

 

[8]              Dans le cadre de l’exploitation de son entreprise, l’appelante a régulièrement recours aux services de sous-traitants.

 

[9]              Parmi les fournitures effectuées au bénéfice de l’appelante par certains sous-traitants, l’appelante allègue avoir obtenu, entre autres, les fournitures suivantes :

 

a)                 la location et la pose de plate-formes permettant aux employés de l’appelante de procéder à l’enlèvement de fibres d’amiante se trouvant dans certains édifices et/ou d’y effectuer la pose d’isolation;

b)                des travaux de nettoyage sur les chantiers;

c)                 des services professionnels de comptabilité.

 

[10]         Au cours de la période du 1er novembre 1998 au 28 février 2002 (la « période visée »), l’appelante allègue que les sous-traitants suivants ont effectué des fournitures au bénéfice de l’appelante et celle-ci allègue avoir payé les contreparties suivantes :

 

a)           Construction Des Forges Inc.                                       150 859,75 $

b)          9085-6329 Québec Inc. (Systèmes

       intérieurs modernes)                                                       99 500,00 $

c)           Échafaudages Unic Inc.                                                  20 737,50 $

d)          3587991 Canada Inc. (Gestion St-Martin - Concorde)    301 775,00 $

e)           9092-0638 Québec Inc. (Les Grands Travaux JJB)          97 570,00 $

f)            9088-5518 Québec Inc. (Chomedey Métal-IK)               165 715,00 $

g)           9104-0667 Québec Inc. (Construction Carnaval)            569 000,00 $

h)           Poliquin et associés                                                      361 435,00 $

i)             Leonardo Canzeri                                                           51 000,00 $

j)             9085-5925 Québec Inc.                                                  15 000,00 $

                                                Total                                      1 832 592,25 $

 

[11]         Au cours de la période visée, la TPS payée par l’appelante aux différents sous-traitants à l’égard des contreparties payées s’est élevée à 128 281,41 $.

 

[12]         Lors de la production de ses différentes déclarations visées à l’article 228 de la Loi pour la période visée, l’appelante a demandé des CTI en vertu de l’article 169 de la Loi relativement aux fournitures effectuées par les sous-traitants listés au paragraphe 10 ci-dessus pour un montant égal à la TPS payée.

 

[13]         Suite à une vérification de routine des taxes de l’appelante, la vérificatrice du ministère du Revenu du Québec a refusé les CTI réclamés à l’égard de la période visée parce que les factures des sous-traitants lui apparaissaient être des factures d’accommodation. Elle a, en effet, conclus qu’il n’y avait pas eu de fournitures de services au bénéfice de l’appelante par les sous-traitants mentionnés au paragraphe 10 ci-dessus. De plus, elle a constaté que, dans la plupart des cas, les chèques de TPS payées par l’appelante avaient été encaissés par les sous-traitants dans des bureaux de change (encaissement de chèques à escompte).

 

[14]         Selon la vérificatrice, la vérification a débuté en décembre 2001 et un projet de cotisation a été remis aux représentants de l’appelante le 28 mai 2002 lors d’une rencontre avec notamment messieurs Spiridigliozzi, président et actionnaire de l’appelante, et Bodnar de Samson Bélair.

 

[15]         Une autre rencontre a eu lieu le 3 juillet 2002 avec les représentants de l’appelante, dont messieurs Bodnar, Spiridigliozzi et Truschetta, administrateur et actionnaire de l’appelante, et Bodnar et Perreault de Samson Bélair.

 

[16]         Comme de faux documents émanant de la Commission de la construction du Québec (la « CCQ ») et de la Commission de la santé et de la sécurité au travail (la « CSST ») ont été remis par les représentants de l’appelante lors de la rencontre du 3 juillet 2002, le dossier a été référé à la division des enquêtes spéciales le 31 août 2002.

 

[17]         La division des enquêtes spéciales a retourné le dossier à la vérification le 12 juin 2003, sans résultat important, et la cotisation a été émise le 27 juin 2003.

 

Leonardo Canzeri

 

[18]         Les CTI refusés totalisent 3 570 $. Les CTI ont été refusés parce que les factures étaient des factures d’accommodation et parce que les numéros de taxe apparaissant sur ces factures étaient invalides et appartenaient à d’autres entreprises. Le numéro de TPS qui appartenait depuis le 24 octobre 1995 à monsieur Canzeri (140946039) a été annulé depuis le 30 novembre 1996. Du côté de monsieur Canzeri, aucun montant de taxe n’a été déclaré et aucun revenu provenant de l’appelante n’a été déclaré dans ses déclarations de revenu.

 

[19]         Monsieur Spiridigliozzi a expliqué lors de son témoignage que l’appelante avait utilisé les services de monsieur Canzeri pour des travaux de nettoyage sur les chantiers depuis de nombreuses années. Le coût des services de monsieur Canzeri n'était pas alors soumis au décret de la construction. Monsieur Spiridigliozzi a admis qu’il avait préparé à la main la facture produite sous la cote A-1, onglet 126, mais qu’elle avait été signée par monsieur Canzeri. De plus, le nom de l’appelante n’apparaît pas sur la facture.

 

[20]         L’intimée prétend que la facture de monsieur Canzeri n'est pas une pièce adéquate parce que le nom de l’acquéreur de services n’y apparaît pas et parce que le numéro de TPS qui y apparaît est non valide et non en vigueur.

 

Poliquin et associés

 

[21]         Poliquin et associés est une firme de tenue de livres et de comptabilité qui a rendu des services de comptabilité à l’appelante depuis 1998.

 

[22]         L’appelante allègue avoir conclu des contrats de sous-traitance avec Poliquin et associés pour des travaux de nettoyage et de maintenance. Le procédé permettait à l’appelante de sauver sur le coût de la main d’œuvre. Plutôt que d’employer des personnes payées au salaire des travailleurs de l’industrie de la construction, le sous-traitant pouvait engager des personnes payées au salaire minimum.

 

 

 

 

[23]         Les contrats conclus avec Poliquin et associés sont les suivants :

 

 

Dates

Projets

Coûts

(sans les taxes)

 

a)

25 janvier 1999

Hôtel-Dieu de Saint‑Hyacinthe

Phase II, Aile A

6 500 $

b)

1er février 1999

Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe

9 800 $

 

 

Métro Berri

9 985 $

 

 

Ministère des transports

(Ormstown)

 

3 500 $

c)

1er mars 1999

Bell Canada

200 Bouchard

Dorval

Phase 1

Phase 2

 

 

 

14 500 $

6 000 $

d)

5 avril 1999

Sucre Lantic

CLSC Hochelaga

Labatt Phase I et II

Hydro Québec

6 000 $

16 500 $

11 500 $

2 500 $

e)

aucun contrat

(facture du

19 avril 1999)

Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe

44 000 $

 

 

f)

aucun contrat

(facture du 26 mai

1999)

 

Radio‑Canada

51 500 $

g)

aucun contrat

(facture du

30 juillet 1999)

Collège de l’Assomption

53 500 $

h)

aucun contrat

(facture du

25 novembre

1999)

Radio-Canada

Studio 48

Studio A48

 

32 000 $

31 000 $

i)

aucun contrat

(facture du

11 décembre

1998)

Comptabilité seulement

11 650 $

j)

aucun contrat

(facture du

3 janvier 2000)

 

Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe

51 000 $

 

[24]         Tous les travaux ci-dessus mentionnés ont été payés par des chèques faits à l’ordre de René Poliquin. Le coût des travaux décrits au paragraphe précédent totalise 361 435 $ et le montant de TPS facturé par Poliquin et associés à l’appelante totalise 25 300,45 $.

 

[25]         M. René Poliquin a témoigné et il a produit un affidavit en date du 3 juillet 2002 (pièce produite sous la cote A-23 page 16) par lequel il a confirmé (a) avoir facturé à l’appelante des travaux totalisant 361 435 $, incluant un montant de TPS de 25 300,45 $, au cours de la période débutant le 11 décembre 1998 et se terminant le 23 novembre 1999; (b) avoir perçu de l’appelante la totalité des sommes facturées; (c) avoir sous-traité la totalité des travaux à Entretien et Réparation J.I.M.; (d) avoir été facturé par Entretien et Réparation J.I.M. pour des montants équivalents à ceux perçus de l’appelante et à avoir payés lesdits montants à Entretien et Réparation J.I.M.; et (e) avoir transigé avec M. Janal (JIM) Belmadil.

 

[26]         Les copies des factures émises par Entretien et Réparation J.I.M. à M. René Poliquin de même que les factures de M. René Poliquin à Entretien et Réparation J.I.M., soit une commission de 5 % sur le montant de chaque contrat, ont été produites en liasse sous la cote A-23.

 

[27]         Aucun montant de TPS n’apparaît sur les factures de M. René Poliquin au sous-traitant parce que le montant total facturé était inférieur à 30 000 $.

 

[28]         L’intimée prétend que les factures de M. René Poliquin émises à l’appelante ne sont pas des pièces justificatives adéquates parce que le numéro de TPS apparaissant sur les factures n’était pas valide.

 

[29]         L’appelante prétend que même si M. René Poliquin n’était pas inscrit à la TPS, il avait quand même l’obligation de percevoir la TPS et de la remettre au ministre.

 

9085-5925 Québec Inc.

 

[30]         Dans ce cas, il s’agit d’une facture du 20 avril 2000 au montant de 15 000 $ pour des matériaux de protection temporaire aux écoles Pav. J. Daoust, Lester B. Pearson et G. Vignal. Le montant de TPS perçue s’élève à 1 050 $. Le sous‑traitant était inscrit à la TPS et son numéro de taxe était valide.

 

[31]         L’intimée prétend qu’il s’agit d’une facture d’accommodation parce que la déclaration de taxe produite pour la période du 11 février 2000 au 31 décembre 2000 indiquait aucune taxe perçue et aucune remise de taxe. De plus, le sous-traitant a produit une déclaration à zéro pour les retenues à la source mais n’a pas produit sa déclaration de revenu du Québec et n’était pas enregistré auprès de la CCQ.

 

Échafaudage Unic Inc.

 

[32]         Il s'agit d'une facture datée du 15 août 2000 au montant de 20 737,50 $ (sans les taxes) pour un échafaudage sur une plate-forme de travail dans une cage d'escalier à l'Hôpital Lindsay. Les CTI réclamés s'élèvent à 1 451,63 $.

 

[33]         La facture précitée a été payée par l'appelante au moyen d'un chèque daté du 16 août 2000, lequel a été encaissé au Centre d'encaissement Champion Inc.

 

[34]         Le sous-traitant était inscrit aux taxes mais sa déclaration de taxe pour le mois d'août fait uniquement référence à une facture de 1 461,13 $ et à un montant de taxe de 484 $. Le sous-traitant n'a pas produit de déclaration de retenue à la source et n'a pas produit de déclaration de revenu québécoise pour l'année 2000.

 

[35]         Selon les dossiers de la Société d'assurance automobile du Québec (la « SAAQ ») ce sous-traitant était propriétaire de deux véhicules dont un camion lourd alors que les dossiers de la CCQ indiquaient qu'aucun contrat entre l'appelante et ce sous-traitant n’avait été déclaré.

 

9092-0638 Québec Inc. (Les Grands Travaux J.J.B.)

 

[36]         Pour ce sous-traitant, deux factures sont contestées. Une première facture datée du 31 octobre 2000 au montant de 3 070 $ (sans les taxes) pour la location de matériaux et d'équipements d'échafaudage, y compris l'installation et le démontage d'un échafaudage pour un projet d’Hydro-Québec à Tracy. Les CTI réclamés s'élèvent à 214,90 $.

 

[37]         La deuxième facture datée du 23 octobre 2000 au montant de 83 960 $ (sans les taxes) pour la location d'équipements et pour les coûts de transport au projet I.O.C. de Sept-Îles.

 

[38]         Les CTI réclamés relativement à ces deux factures totalisent 6 829,90 $.

 

[39]         La facture relative aux travaux à Hydro-Québec a été payée par l'appelante au moyen d'un chèque au montant de 7 062,54 $ daté du 11 décembre 2000, lequel a été encaissé au Centre d'encaissement Champion Inc. Ce chèque comprenait également le coût d'une autre facture qui, elle, a été acceptée.

 

[40]         La facture relative aux travaux à I.O.C. a été payée par l'appelante au moyen de deux chèques, soit un premier chèque au montant de 76 089,04 $ daté du 28 octobre 2000 et un deuxième chèque au montant de 32 609,59 $ daté du 19 décembre 2000. Ces deux chèques ont été encaissés au Centre d'encaissement Champion Inc.

 

[41]         D’après les dossiers informatiques du ministère du Revenu du Québec, ce sous-traitant n'a pas, pour la période du 21 août 2000 au 28 février 2002, produit de déclaration de taxe, de déclaration de retenue à la source et de déclaration de revenu québécoise. D'après les dossiers de la SAAQ, aucun véhicule n'était enregistré au nom de ce sous-traitant.

 

9085-6329 Québec Inc. (Systèmes intérieurs modernes)

 

[42]         Pour ce sous-traitant, il s'agit d'une facture datée du 28 août 2000 au montant de 99 500 $ (sans les taxes) pour une protection temporaire pour cinq étages pour la 4e phase du projet à l'Hôpital Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe. Les CTI réclamés à l'égard de cette facture totalisent 6 965,00 $.

 

[43]         La facture précitée a été payée par l'appelante au moyen d'un chèque daté du 31 août 2000, lequel a été encaissé dans un centre d'encaissement.

 

[44]         D’après les dossiers informatiques du ministère du Revenu du Québec, de la CCQ et de la SAAQ :

 

(a)   ce sous-traitant a produit une déclaration de taxe tardive en avril 2000;

(b)   ce sous-traitant a produit des déclarations de retenue à la source à zéro pour les mois de février, mars et avril 2000 et à des montants minimes pour les mois de juin (397 $) et d'août (628 $) mais n'a produit aucune déclaration pour les mois de mai, juillet, septembre, octobre et novembre 2000;

(c)   ce sous-traitant n'a pas produit de déclaration de revenu québécoise;

(d)   ce sous-traitant n'a aucun véhicule enregistré à son nom à la SAAQ; et

(e)   aucun contrat entre ce sous-traitant et l’appelante n’a été déclaré auprès de la CCQ.

 

Construction Des Forges Inc.

 

[45]         Un contrat a été conclu avec se sous-traitant en date du 25 juin 2000 pour la fourniture de toute la main-d'œuvre et les matériaux pour divers travaux à l'Hôpital Lindsay.

 

[46]         La facture relative aux travaux à l'Hôpital Lindsay était de 98 989,75 $ (sans les taxes) et les CTI réclamés à l'égard de cette facture totalisent 6 929,28 $.

 

[47]         Cette facture a été acquittée par l'appelante au moyen d'un chèque au montant de 113 862.96 $ daté du 28 août 2000, lequel a été encaissé au Centre d'encaissement Champion Inc.

 

[48]         Une deuxième facture de ce sous-traitant en date du 8 mai 2000 a été produite relativement à l'installation d'une plate-forme temporaire au Centre Éducation des Adultes Lemoyne à un coût de 20 370,00 $. Les CTI réclamés à l'égard de cette facture totalisent 1 425,90 $.

 

[49]         La facture relative aux travaux au Centre Éducation des Adultes Lemoyne a été payée par l'appelante au moyen d'un chèque au montant de 23 430,59 $ daté du 5 août 2000, lequel n'a pas été encaissé dans un centre d'encaissement.

 

[50]         Une troisième facture de ce sous-traitant en date du 18 mai 2000 a été produite relativement à l'installation d'une plate-forme temporaire à l'École St‑Zotique à un coût de 31 500,00 $ (avant les taxes). Les CTI réclamés à l'égard de cette facture totalisent 2 205,00 $.

 

[51]         La facture relative aux travaux à l'École St-Zotique a été payée au moyen d'un chèque certifié au montant de 36 232,88 $ daté du 24 mai 2000.

 

[52]         Le total des CTI refusés à l'égard des trois factures de ce sous-traitant totalisent 10 560,18 $.

 

[53]         D’après les dossiers informatiques du ministère du Revenu du Québec, de la CCQ et de la SAAQ, ce sous-traitant :

 

(a)   était un inscrit aux fins de la TPS mais il n'a pas produit de déclaration de taxes pour la période du 1er avril 2000 au 1er octobre 2000 (date d'annulation de son numéro de taxe);

(b)   n'a pas produit de déclaration de retenue à la source pour l'année 2000;

(c)   n'a pas produit de déclaration de revenu québécoise pour les années 2000 et 2001;

(d)   n'avait déclaré aucun contrat entre lui et l’appelante auprès de la CCQ; et

(e)   utilisait deux véhicules loués à long terme.

 

9088-5518 Québec Inc. (Chomedey Métal – IK)

 

[54]         La facture datée du 25 juin 2001 de ce sous-traitant concernait la fourniture d'une plate-forme de même que le montage et le démontage de cette plate-forme aux installations de la compagnie Armstrong.

 

[55]         La facture relative aux travaux chez Armstrong était de 165 715,00 $ (sans les taxes) et les CTI réclamés à l'égard de cette facture totalisent 11 600,00 $.

 

[56]         Cette facture a été acquittée par l'appelante au moyen d'un chèque au montant de 190 613,67 $ daté du 30 juillet 2001, lequel a été encaissé par M. Jean‑Jacques Blouin dans un centre d'encaissement.

 

[57]         D’après les dossiers informatiques du ministère du Revenu du Québec, de la CCQ et de la SAAQ ce sous-traitant :

 

(a)   a été constitué en société le 8 mars 2000 et elle a existé jusqu'au 10 mai 2001, date à laquelle elle a été fusionnée avec une autre société. Cette société a été radiée d'office le 16 mai 2001;

(b)   était un inscrit aux fins de la TPS jusqu'au 10 mai 2001, date à laquelle son numéro de TPS  a été annulé. Aucune déclaration de TPS n'a été produite par ce sous-traitant;

(c)   n'a produit aucune déclaration pour les retenues à la source;

(d)   n'a jamais produit de déclaration de revenu québécoise;

(e)   les rapports de la CCQ du 29 avril 2001 et du 26 mai 2001 ne font aucune référence à un contrat entre l'appelante et ce sous-traitant, et

(f)    n'a obtenu aucune attestation de conformité de la part de la CSST et la lettre produite en date du 30 juillet 2001 était un faux document.

 

3587991 Canada Inc. (Gestion St-Martin – Concorde)

 

[58]         Ce sous-traitant a émis onze factures à l'appelante entre le 6 juin 2000 et le 14 juillet 2000 pour la fourniture de la main d'œuvre, de matériaux, du transport, de l'installation d'une plate-forme temporaire de travail et le démontage de cette plate-forme. Ces factures sont les suivantes :

 

 

Dates

 

Projets

 

Coûts

(sans les taxes)

 

a) 6 juin 2000

    (bon de commande du 18 mai 2000)

 

 

École Riverdale

 

39 900 $

 

b) 15 juin 2000

    (bon de commande du 15 juin 2000)

 

 

Radio-Canada Studio 42

 

 

81 795 $

 

c) 29 juin 2000

    (bon de commande du 26 juin 2000)

 

École C.V.R. Ormstown

 

 

18 000 $

 

d) 5 juillet 2000

    (bon de commande du 28 juin 2000)

 

École Laurin Hall

St‑Laurent

 

20 475 $

 

e) 11 juillet 2000

    (bon de commande du 3 juillet 2000)

 

École Hubert-

Maisonneuve

Rosemère

 

9 450 $

 

f) 11 juillet 2000

    (bon de commande du 3 juillet 2000)

 

École le Rucher

Bois des Filions

 

9 450 $

 

g) 11 juillet 2000

    (bon de commande du 5 juillet 2000)

 

École des Moissons

Ste-Anne-des-Plaines

 

20 475 $

 

h) 11 juillet 2000

    (bon de commande du 5 juillet 2000)

 

Hôpital Lindsay

 

 

23 625 $

 

 

 

i) 7 juillet 2000

   (bon de commande du 31 juillet 2000)

 

 

École l’Assomption

Granby

 

 

32 000 $

 

j) 14 juillet 2000

   (bon de commande du 31 juillet 2000)

 

École St-Luc

Granby

 

16 400 $

 

[59]          Les CTI réclamés à l’égard desdites factures totalisent 21 124,25 $.

 

[60]         Lesdites factures ont été acquittées par l’appelante au moyen de chèques faits à l’ordre de Gestion St-Martin-Concorde respectivement datés du 10 août 2000 (centre d’encaissement), 16 juin 2000, 28 août 2000 (centre d’encaissement), 11 septembre 2000 (centre d’encaissement), 12 septembre 2000 (centre d’encaissement), 5 juillet 2000 (centre d’encaissement), 12 juillet 2000 (sans endossement), 12 juillet 2000 (sans endossement), 12 juillet 2000 (sans endossement), 12 juillet 2000 (sans endossement), le 2 août 2000 (centre d’encaissement) et le 2 août 2000 (sans endossement).

 

[61]         Selon les dossiers informatiques du ministère du Revenu du Québec, de la CCQ et de la SAAQ, ce sous-traitant :

 

a)                 était un inscrit pour les fins de la TPS mais il n’a produit aucune déclaration de taxe du 15 juillet 1999 jusqu’au mois d’avril 2000;

b)                n’était pas enregistré pour les retenues à la source sur les salaires versés à ses employés;

c)                 n’a produit aucune déclaration de revenu québécoise;

d)                était propriétaire d’un Ford Winstar 1999 et avait une location à long terme pour une autre véhicule; et

e)                 a produit des déclarations à la CCQ le 31 octobre 1999 et le 29 avril 2000 mais n’a produit aucune autre déclaration par la suite.

 

[62]         De fausses lettres de la CCQ, au nom de ce sous-traitant, ayant pour objet l’État de situation relatif à un chantier en particulier ont été remises par l’appelante aux autorités fiscales lors de la réunion du 3 juillet 2002 décrite au paragraphe 15 ci-dessus. Ces fausses lettres sont respectivement datées du 3 août 2000, 24 août 2000, 22 août 2000, 21 août 2000, 22 août 2000, 21 août 2000, 6 septembre 2000, 6 septembre 2000 et du 18 août 2000.

 

9104-0667 Québec Inc. (Construction Carnaval)

 

[63]         Pour ce sous-traitant, quatre factures sont problématiques et les CTI refusés totalisent 39 830 $.

 

[64]         La première facture est datée du 2 novembre 2001 et porte sur l’érection d’un mur de protection au Casse-croûte du 1701 Parthenais. Le coût des travaux était de 19 000 $ (avant taxes). Cette facture a été acquittée par l’appelante au moyen d’un chèque daté du 21 décembre 2001, lequel a été encaissé au centre d’encaissement Champion Inc. Une fausse lettre de la CCQ au nom de ce sous-traitant datée du 13 novembre 2001 ayant pour objet l’État de situation relatif à un chantier particulier a été produite par l’appelante le 3 juillet 2002 dans le cadre de ses représentations.

 

[65]         Les trois autres factures concernent le chantier de la compagnie Armstrong qui s’est terminé le 21 décembre 2001. Une première facture datée du 6 décembre 2001 concernait les travaux exécutés jusqu’à la fin du mois de novembre 2001.Le coût de ces travaux était de 183 600 $ (avant les taxes). L’appelante a acquitté cette facture intérimaire au moyen d’un chèque daté du 14 décembre 2001, lequel a été encaissé dans un centre d’encaissement.

 

[66]         La deuxième facture concernant le chantier de la compagnie Armstrong est datée du 18 janvier 2002 et elle renferme la mention « Travaux exécutés à ce jour (50 %). Le coût de ces travaux était de 183 200 $ (avant les taxes). L’appelante a acquitté cette facture intérimaire au moyen d’un chèque daté du 16 janvier 2002, lequel a été encaissé dans un centre d’encaissement le 17 janvier 2002.

 

[67]         La troisième et dernière facture concernant le chantier de la compagnie Armstrong est datée du 15 février 2002 et elle réfère aux travaux exécutés à ce jour (100 %). Le coût de ces travaux est de 183 200 $ (avant les taxes). L’appelante a acquitté cette dernière facture au moyen d’un chèque daté du 18 février 2002, lequel a été encaissé dans un centre d’encaissement.

 

[68]         Selon les dossiers informatiques du ministère du Revenu du Québec, de la CCQ et de la SAAQ, ce sous-traitant :

 

a)                 n’a produit aucune déclaration de TPS;

b)                n’était pas enregistré auprès du ministère pour les retenues à la source et n’a fait aucune remise de retenue à la source sur les salaires versés à ses employés;

c)                 n’a produit aucune déclaration de revenu québécoise;

d)                n’a aucun véhicule enregistré à son nom;

e)                 n’a déclaré à la CCQ aucun contrat avec l’appelante.

 

[69]         De fausses lettres de la CCQ au nom de ce sous-traitant ayant pour objet l’État de situation relatif à un chantier en particulier ont été remises par l’appelante aux autorités fiscales lors de la réunion du 3 juillet 2002, décrite au paragraphe 15 ci-dessus. Ces fausses lettres sont respectivement datées du 17 décembre 2001, du 29 janvier 2002 et du 13 novembre 2001.

 

[70]         De fausses attestations de conformité émanant de la CSST au nom de ce sous-traitant ont également été remises aux autorités fiscales lors de la réunion du 3 juillet 2002, décrite au paragraphe 15 ci-dessus. Ces fausses attestations sont respectivement datées du 18 décembre 2001 et du 7 février 2002. Ces lettres de la CSST servent à attester que le sous-traitant est en règle ce qui a pour effet de permettre la libération par le donneur d’ouvrage du dernier 10 % du coût des travaux de construction.

 

Commission de la construction du Québec

 

[71]         Dans le cadre d’une enquête menée par la CCQ à l’automne 2000, l’appelante a dû fournir le détail des coûts des contrats débutés et/ou complétés entre le 1er mai et le 31 octobre 2000 de même qu’une liste permettant d’identifier les individus ainsi que les heures travaillées par chacun des sous-traitants qui suivent : Construction Des Forges Inc., Échafaudage Unic Inc., Gestion St‑Martin‑Concorde et Systèmes intérieurs modernes. Suite à cette enquête, l’appelante a réglé le dossier en payant à la CCQ 90 000 $ pour du temps supplémentaire effectué par de la main d’œuvre fournie par les sous-traitants qui n’a pas été payée à temps double.

 

L’analyse

 

[72]         Les factures soumises par l’appelante pour réclamer les CTI n’ont pas été acceptées par le ministre parce que certaines factures produites ne remplissaient pas toutes les conditions exigées par le Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH) (le « Règlement ») et la Loi pour avoir droit au crédit et parce que les autres factures étaient de fausses factures du fait qu’il n’y a pas eu acquisition de fournitures réelles par l’appelante.

 

[73]         La vérification a révélé que les chèques fournis en preuve pour démontrer le paiement de ces factures ont été échangés dans des centres d’encaissement de chèques ce qui pouvait laisser présager que ces factures n’étaient que des factures d’accommodation et non de réelles factures. La vérification a également permis de constater que les sous-traitants en question ne faisaient pas affaires aux places d’affaires indiquées (résidences, boîtes postales), que certains sous-traitants avaient donné un numéro d’inscription pour fins de la TPS qui ne leur appartenait pas ou qui n’était plus en vigueur, qu’aucun de ces sous-traitants ne remettait les retenues à la source et ne produisait de déclarations de revenu québécoises. Certains des sous-traitants sont introuvables. Le ministre en a conclu que ces sous-traitants n’avaient pas la capacité de fournir les services rendus à l’appelante puisqu’ils n’exerçaient aucune activité commerciale. Dans les circonstances, les sous-traitants ne pouvaient avoir rendu les services pour lesquels l’appelante réclame les CTI.

 

[74]         Dans le cadre des représentations de l’appelante suite à la présentation du projet de cotisation, l’appelante a remis au ministre de faux documents émanant de la CSST et de la CCQ. L’appelante a conclu une entente avec la CCQ au montant de 90,000 $ pour régler des infractions aux lois applicables concernant le temps supplémentaire d’employés. Enfin, certains chantiers sur lesquels l’un ou l’autre des sous-traitants devait effectuer des fournitures de biens et de services à l’appelante n’ont pas été dénoncés à la CCQ.

 

[75]         À l’encontre des prétentions du ministre, l’appelante invoque que le ministre n’a pu démontrer aucune collusion ou intention commune entre l’appelante et ses sous-traitants. L’existence d’un stratagème frauduleux consistant à demander des CTI relatifs à la TPS que l’appelante avait payée mais qui lui était retournée d’une quelconque façon n’a pas été prouvé.

 

[76]         L’appelante soutient que les sous-traitants lui ont fourni les services pour lesquels elle a été facturée parce qu’elle n’avait pas elle-même le personnel et les équipements nécessaires pour installer les plates-formes sur les chantiers. L’appelante fait référence aux témoignages de Messieurs Gilles Goupil et Serge Labbé, deux employés de l’appelante, qui ont confirmé que l’appelante ne possédait pas de plates-formes et qu’aucun employé de l’appelante ne montait de plates-formes. L’appelante réfère également au témoignage de Madame Jocya Pellerin, ingénieure chez Le Groupe Solerka, qui a confirmé avoir vu des plates-formes au chantier du Studio 42 de Radio-Canada de même qu’au chantier de la compagnie Armstrong (Bâtiment 11, 2e étage) ainsi qu’à celui de Monsieur Raëd Kassawat, président-fondateur de Le Groupe Solerka, qui a confirmé par lettre avoir rencontré les sous-traitants Construction Carnaval Inc. et Chomedey Métal sur les chantiers de la compagnie Armstrong. De plus, l’appelante réfère au témoignage de Monsieur Maurice Duguay, un inspecteur de la CSST, qui, dans son rapport d’intervention du 23 octobre 2001, a dit qu’il avait rencontré sur le chantier de l’édifice Wilfrid-Delorme (casse-croûte) sur la rue Parthenais, Monsieur Réal Pomerleau, représentant de Échafaudage Unic, et trois travailleurs de ce sous-traitant. L’appelante réfère au témoignage et à une note de service de Monsieur Trullio Ricci de Ricci & Fils, adressée à l’appelante dans laquelle il dit avoir vu le nom de Gestion St-Martin sur les plates-formes du chantier de l’École Hubert-Maisonneuve et de celui de l’École Le Rocher et demande s’il s’agit d’un sous-traitant. Enfin, l’appelante réfère au témoignage de Monsieur Louis‑Pierre Lafortune, vice-président chez Fortier Transfert Ltée, qui a préparé un bon de livraison pour la location d’une grue avec opérateur au chantier de l’Hôpital Lindsay pour descendre des matériaux de Construction Des Forges Inc.

 

[77]         L’appelante attaque également la qualité de la vérification et reproche aux vérificateurs de ne pas avoir vérifié les faits relatés par les témoins et de ne pas avoir contacté les donneurs d’ouvrage pour obtenir plus d’informations concernant les sous-traitants des chantiers.

 

[78]         Le fardeau de réfuter les hypothèses faites par le ministre dans l’établissement de la cotisation repose sur les épaules du contribuable et le principe selon lequel le fardeau de la preuve imposé au contribuable ne doit pas être renversé à la légère ou arbitrairement a été clairement confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Les Voitures Orly Inc. c. La Reine, 2005 CAF 425.

 

[79]         Selon la preuve testimoniale et documentaire, l’appelante n’a pas établi que les opérations figurant sur les factures représentaient des fournitures de services authentiques compte tenu de l’ensemble des éléments du dossier; le renversement du fardeau de la preuve n’est pas justifié dans ce cas parce qu’une preuve prima facie n’a pas été faite par l’appelante à l’effet que les fournitures de services ont été rendues à l’appelante.

 

[80]         De graves allégations ayant trait à la remise aux autorités fiscales de faux documents émanant de la CCQ et de la CSST entachent la crédibilité de l’appelante et de ses représentants. L’enquête de la CCQ a révélé que l’appelante n’était pas en règle relativement au temps supplémentaire de la main d’œuvre fournie par ses sous-traitants qui n’a pas été payée en temps double. L’appelante a réglé le dossier en payant 90,000 $ à la CCQ.

 

[81]         Le fait que l’appelante n’a fait témoigner aucun représentant des sous-traitants, exception faite de Monsieur Poliquin, est également très révélateur et une inférence négative doit être tirée de cette absence de témoins importants. L’avocat de l’appelante a expliqué qu’il ne pouvait faire témoigner des personnes qui ont fraudé le fisc et qui n’ont pas remis les montants de taxes perçues. Plusieurs dossiers de ces sous-traitants seraient sous enquête.

 

[82]         Le fait qu’aucun témoin n’a réellement vu le montage et/ou le démontage des plates-formes sur les chantiers concernés est également très troublant. La seule exception est le témoignage de Monsieur Duguay de la CSST qui a vu des employés d’Échafaudage Unic Inc. sur le chantier du Casse-croûte du 1701 Parthenais en train de monter une plate-forme. Cette information est elle-même problématique puisque le sous-traitant de l’appelante pour les travaux sur ce chantier était Construction Carnaval et non Échafaudage Unic Inc. Peut-être y a‑t‑il eu un sous-contrat entre ces deux entreprises?

 

[83]         Certains témoins ont affirmé avoir vu des plates-formes sur les chantiers. C’est notamment le cas de Monsieur Raïd Kassawat. Lors de son témoignage, il a reconnu que les bons de commande auxquels il a fait référence dans sa lettre lui avaient été fournis par l’appelante avec qui il a eu des relations d’affaires depuis plusieurs années. En contre-interrogatoire, il n’a pu associer les bons de commandes avec les numéros des bâtiments de la compagnie Armstrong sur lesquels l’appelante a exécuté des travaux, ni avec les différentes phases des travaux. De plus, il n’a pas été en mesure de préciser exactement les noms des représentants qu’il avait rencontrés, ni les dates, ni le lieu des rencontres avec les sous-traitants. C’est aussi le cas de monsieur Trullio Ricci, un ingénieur dont l’entreprise Ricci & Fils, a agi comme sous-traitant de l’appelante pour l’enlèvement de l’amiante à l’école Hubert-Maisonneuve à Laval, qui a vu le nom de Gestion Saint-Martin-Concorde, sur des plate-formes et qui a demandé sur un facsimilé s’il s’agissait d’un sous-traitant de l’appelante.

 

[84]         C’est également le cas de Nicolaï Tchebotarev, un ingénieur qui a préparé des plans pour l’installation d’une plate-forme de travail pour le chantier de Radio-Canada Studio # 42. Lors de son témoignage, il a confirmé : (i) avoir préparé les plans pour Gestion Saint-Martin-Concorde Inc. à la demande de monsieur Réal Pomerleau alors qu’il était un représentant de Coffrage Universel; (ii) les avoir soumis à monsieur Pomerleau et (iii) avoir inspecté ladite plate-forme avec monsieur Pomerleau. Monsieur Tchebotarev a dit ne pas savoir qui avait fait le montage de la plate-forme.

 

[85]         Enfin, c’est aussi le cas de Jocya Pellerin, une ingénieure travaillant pour Le Groupe Solerka, une firme dont les services étaient retenus pour s’assurer que les sous-traitants respectent les exigences des travaux. Elle a agi comme chargée de projet au chantier de Radio-Canada Studio # 42 de même qu’au chantier de la compagnie Armstrong. Concernant le chantier de Radio-Canada, elle a dit que les employés de l’appelante n’avaient pas procédé au montage de la plate-forme et que cela avait été fait par un sous-traitant dont elle ne se rappelait pas le nom. Elle a dit ne pas avoir été présente sur le chantier lors du montage de la plate-forme concernant les chantiers de la compagnie Armstrong qui comprenaient cinq zones de travail au bâtiment 7 et quatre phases au bâtiment 11. Elle a dit n’avoir vu qu’une plate-forme en tout et partout, soit celle du 2e étage du bâtiment 11 qui était au dessus d’une salle électrique. À cet égard, elle a précisé ne pas avoir vu le montage de cette plate-forme et ne pas savoir qui a effectué le montage de cette plate-forme.

 

[86]         Le fait que la très grande majorité des factures aient été acquittées au moyen de chèques encaissés dans des centres d’encaissement constitue un autre indice sérieux tendant à démontrer l’existence d’un stratagème frauduleux basé sur des factures d’accommodation pour obtenir des CTI. L’utilisation par l’appelante de sous-traitants ayant aucune ou peu d’activités commerciales, très peu d’actif, tels des véhicules, des équipements et des entrepôts, et qui sont délinquents dans leurs déclarations de revenu, leurs déclarations de taxes et dans leurs déclarations de retenues à la source constitue un autre élément important supportant la présence d’entités de complaisance. À ces indices, s’ajoute le fait que les factures présentées à l’appelante manquent de détails compte tenu de l’importance des montants réclamés et sont faites sur le même canevas et le fait que les montants réclamés par ces factures sont dans plusieurs cas déraisonnables compte tenu du montant total des contrats conclus entre l’appelante et les donneurs d’ouvrage. Lors de son témoignage, monsieur Spiridigliozzi a expliqué que le coût des plate-formes représentait normalement de 10 à 15% du montant total des contrats. À l’audience, la preuve a été faite que le coût des plate-formes était plutôt de l’ordre de 35% du montant total de certains contrats obtenus par l’appelante.

 

[87]         Au surplus, les CTI réclamés à l’égard des factures de messieurs Canzeri et Poliquin et de Chomedey Métal IK doivent être refusés pour des raisons techniques. Pour ce qui est des factures de monsieur Canzeri, les numéros de TPS qui y apparaissent n’étaient pas valides et le nom de l’acquéreur des services n’y apparaît pas. Dans le cas des factures de Poliquin et associés, elles ne constituent pas des pièces justificatives adéquates parce que le numéro de TPS apparaissant sur les factures n’était pas valide. Enfin, les CTI réclamés à l’égard de la facture de Chomedey Métal doivent être refusés parce que cette société a cessé d’exister le 10 mai 2001 suite à une fusion avec une autre société. Le numéro de TPS de cette société a été annulé en 2002 avec effet au 10 mai 2001, soit avant l’émission de la facture le 25 juin 2001. Dans le cas de ces trois sous-traitants, la jurisprudence a clairement établi que les exigences de l’alinéa 169(4)(a) de la Loi et l’article 3 du Règlement étaient obligatoires plutôt que simplement indicatives (réf. Systematix Technology Consultants Inc. c. La Reine, 2007 FCA 226). Lorsqu’un numéro de taxe apparaissant sur la facture d’un fournisseur n’est pas valide, ledit numéro ne peut être considéré comme ayant été obtenu aux fins de l’alinéa 3(b)(ii) du Règlement conformément au paragraphe 241(1) de la Loi (réf. Alexander Nix Group Inc. c. La Reine, (2002) G.S.T.C. 100; Systematic Technology Consultants Inc. c. La Reine, 2006 CCI 277). Les sept autres sous-traitants détenaient des numéros d’enregistrement valides aux fins de la TPS.

 

[88]         Les faits de ce dossier sont très similaires à ceux décrits dans l’arrêt Les Constructions L.J.P. Inc. c. La Reine et de Équipements S.P.M. Inc c. La Reine, 2005 CCI 508. Même si le ministre n’a pas démontré de collusion, de connivence ou d’intention commune entre les appelantes et leurs sous-traitants, la Cour a tout de même rejeté les demandes de CTI parce que « les appelantes n’ont pas démontré de façon prépondérante que le ministre a erré en concluant que les fournisseurs en question n’ont pas, dans les faits, rendu des services aux appelantes pour lesquels ils auraient été payés par ces dernières » (paragraphe 18). Tout comme dans le présent cas, les factures étaient peu détaillées, les sous-traitants n’avaient pas la capacité de fournir les services requis puisqu’ils n’exerçaient aucune activité commerciale, les chèques fournis en preuve pour démontrer le paiement des factures étaient échangés dans un centre d’encaissement de chèques ce qui laissait présager que les factures n’étaient purement que des factures d’accommodation.

 

[89]         Lors de son témoignage, monsieur Spiridigliozzi a été très vague concernant les circonstances entourant l’octroi des contrats aux sous-traitants. Il a dit qu’il appelait un dénommé Réal Pomerleau qui agissait comme représentant d’entreprises de montage de plate-formes. Il n’a cependant pas précisé les raisons pour lesquelles il faisait affaires avec ce représentant ni sur la façon dont il était rémunéré. Le dénommé Pomerleau changeait souvent d’entreprises puisqu’au cours de la période visée, il aurait représenté Construction Des Forges Inc., Gestion Saint-Martin-Concorde, Systèmes Intérieurs Moderne, Construction Carnaval, Échafaudages Unic Inc., Coffrage Universel, etc. Ce représentant aurait pu, entre autres choses, confirmer avoir vu les employés des sous-traitants monter et démonter les plate-formes et transporter les équipements sur les chantiers. L’absence de ce témoin important m’amène à adopter une inférence négative, à savoir que son témoignage aurait été défavorable à la cause de l’appelante.

 

Les pénalités

 

[90]         Le ministre a cotisé à l’appelante la pénalité prévue aux dispositions de l’article 280 de la Loi, soit 23 986,34 $, ainsi que la pénalité prévue aux dispositions de l’article 285 de la Loi, soit 32 070,35 $.

 

[91]         Compte tenu du fait que l’appelante n’a pas été en mesure de démolir les présomptions du ministre, je n’ai d’autre choix que de confirmer la cotisation du ministre en ce qui concerne l’imposition de la pénalité en vertu de l’article 280 de la Loi. L’appelante ne m’a pas convaincu qu’elle avait exercé une diligence raisonnable ou qu’elle avait agi de façon non négligente dans les circonstances.

 

[92]         Concernant la pénalité de l’article 285 de la Loi, je suis d’avis qu’elle doit également être maintenue. À partir du moment où la conclusion est à l’effet qu’il n’y a pas eu de fournitures de services par les sous-traitants à l’appelante et que les factures sont des factures d’accommodation, l’appelante devait nécessairement savoir ce qui se passait et devait être impliquée dans le stratagème. Je trouve aberrant que l’appelante qui travaillait sur des chantiers de construction institutionnels de grande envergure à Montréal et dans les environs ne connaissait pas les sous-traitants avec qui elle faisait affaires si ce n’est que par l’intermédiaire d’un représentant. Il m’est également difficile de concevoir que l’appelante ait passé des commandes à des sous-traitants sans bons de commande ou avec des bons de commande sans spécifications précises alors que les plans des plate-formes devaient être approuvés par des ingénieurs. Il m’est également difficile de croire que, sur des chantiers où la sécurité de ses employés et celle du public peut être mise en cause, un entrepreneur prenne le risque de faire affaires avec des sous-traitants qu’il ne connaît pas ou qui n’ont pas la capacité d’exécuter le mandat qui leur est confié. Il est également étonnant, compte tenu de l’importance des contrats, que l’appelante n’ait pas obtenu de soumissions d’autres entreprises oeuvrant dans le domaine avant d’octroyer les contrats aux sous-traitants. Pour toutes ces raisons, je suis d’avis que l’appelante a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde dans l’exercice d’une obligation prévue par la partie IX de la Loi, fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de taxe nette de la période visée. En conséquence, je n’ai d’autre choix que de confirmer la cotisation du ministre en ce qui concerne l’imposition de la pénalité en vertu de l’article 285 de la Loi.

 

 

 

[93]         L’appel est rejeté avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d’avril 2008.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI89

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2004-1236(GST)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Amiante Spec Inc. et Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               les 15, 16, 17 et 18 mai 2007 et les 11, 12 et

                                                          13 juin 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 27 mars 2008

 

DATE DES MOTIFS DU

JUGEMENT MODIFIÉS :                  le 29 avril 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

 

Me Jean Groleau et Me Jacques Plante

Avocat de l'intimée :

Me Benoît Denis

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Noms :                          Me Jean Groleau et Me Jacques Plante

 

                 Cabinet :                           Fraser Milner Casgrain s.r.l.

                                                         Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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