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Dossier : 2007-3800(IT)I

ENTRE :

BRIGID A. SHEA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 12 mars 2008, à Montréal (Québec).

 

 

Devant l’honorable juge Louise Lamarre Proulx

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

J. Peter Shea

Avocate de l’intimée :

Me Nadia Golmier

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2006 est accueilli suivant les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’avril 2008.

 

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour d’octobre 2008.

 

Danièle Laberge, LL.L.


 

 

 

 

Référence : 2008CCI184

Date : 20080402

Dossier : 2007-3800(IT)I

ENTRE :

BRIGID A. SHEA,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre Proulx

 

[1]     Il s’agit d’un appel présenté sous le régime de la procédure informelle à l’égard de la cotisation établie pour l’année 2006 par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé à l’appelante, dans le calcul de son impôt payable, la déduction du crédit d’impôt pour frais de scolarité prévu par l’article 118.5 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et du crédit d’impôt pour études prévu par l’article 118.6 de la Loi. Le ministre a refusé la déduction au motif que la London School of Economics and Political Science (« LSE ») n’était pas admissible à titre d’« université située à l’étranger » au sens donné à cette expression à l’alinéa 118.5(1)b) et à l’alinéa b) de la définition d’« établissement d’enseignement agréé » au paragraphe 118.6(1) de la Loi.

 

[2]     Les faits sur lesquels s’appuie le ministre pour établir sa cotisation sont décrits de la façon suivante au paragraphe 8 de la réponse à l’avis d’appel :

 

              [traduction]

8.                  Pour établir la cotisation, et la ratification, le ministre s’est fondé sur les mêmes hypothèses de fait :

 

a)      L’appelante, lorsqu’elle a produit sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2006, avait inclus un formulaire TL11A intitulé « Certificat pour frais de scolarité, montant relatif aux études et montants pour manuels – Université étrangère » que lui avait délivré la London School of Economics;

 

b)      le montant déduit par l’appelante pour la fréquentation de la London School of Economics and Political Science s’élevait à 29 148,45 $ pour les frais de scolarité, et à 1 395 $ quant au montant relatif aux études et au montant pour manuels;

 

c)      suivant les listes dressées à cet égard, la London School of Economics and Political Science ne figure pas à titre d’université située à l’étranger admissible à un crédit d’impôt pour frais de scolarité et à un crédit d’impôt pour études.

 

[3]     L’avocate de l’intimée a informé la Cour que la liste mentionnée dans la réponse à l’avis d’appel est la liste des universités visées pour l’application du sous‑alinéa 110.1(1)a)(vi) de la Loi, une disposition portant sur les dons aux universités situées à l’étranger. On trouve cette liste à l’annexe VIII du Règlement de l’impôt sur le revenu, les universités y mentionnées étant celles prescrites par l’article 3503 du Règlement de l’impôt sur le revenu. On mentionnait effectivement l’annexe VIII dans la partie de la réponse énonçant les dispositions législatives sur lesquelles on s’appuyait.

 

[4]     Il faut souligner que l’University of London, Londres, Angleterre, figure à l’article 2 de l’annexe VIII qui débute ainsi : « Les universités situées au Royaume‑Uni de la Grande‑Bretagne et de l’Irlande du Nord qui sont prescrites par l’article 3503 sont les suivantes » […].

 

[5]     Le sous‑alinéa 110.1(1)a)(vi) de la Loi et l’article 3503 du Règlement de l’impôt sur le revenu sont rédigés comme suit :

 

110.1(1) Déductions pour dons applicables aux sociétés -- Les montants suivants peuvent être déduits par une société dans le calcul de son revenu imposable pour une année d’imposition :

 

a)         Dons de bienfaisance -- le total des montants représentant chacun la juste valeur marchande d’un don (sauf celui visé aux alinéas b), c) ou d)) que la société a fait au cours de l’année ou d’une des cinq années d’imposition précédentes à l’une des personnes suivantes :

 

            […]

 

(vi) une université située à l’étranger, visée par règlement, qui compte d’ordinaire, parmi ses étudiants, des étudiants venus du Canada,

 

3503. Universités à l’extérieur du Canada -- Pour l’application du sous‑alinéa 110.1(1)a)(vi) et de l’alinéa f) de la définition de « total des dons de bienfaisance » au paragraphe 118.1(1) de la Loi, les universités situées à l’étranger qui comptent d’ordinaire, parmi leurs étudiants, des étudiants venant du Canada sont celles qui sont visées à l’annexe VIII.

 

[6]     L’avocate de l’intimée a déclaré que, à la différence des dispositions précédemment mentionnées, la Loi ne comporte à l’alinéa 118.5(1)b) et au paragraphe 118.6(1) aucune exigence voulant que l’« université située à l’étranger » soit prescrite. J’ajouterais en outre qu’il n’y a aucune exigence légale voulant qu’une telle université compte d’ordinaire, parmi ses étudiants, des étudiants venant du Canada.

 

[7]     Néanmoins, la liste semble être utilisée par les agents de l’Agence du revenu du Canada (l’«ARC ») comme un outil afin de déterminer si un établissement d’enseignement est une université située à l’étranger. L’utilisation de cette liste est mentionnée au paragraphe 5 du Bulletin d’interprétation IT‑516R2 intitulé « Crédit d’impôt pour frais de scolarité » :

 

Établissements d’enseignement situés à l’extérieur du Canada

 

5. Les alinéas 118.5(1)b) et 118.5(1)c) décrivent les types d’établissement d’enseignement situés à l’étranger et dont les frais donnent droit au crédit d’impôt pour frais de scolarité. Conformément à l’alinéa 118.5(1)b), l’étudiant doit fréquenter à temps plein « ... une université située à l’étranger, où il suit des cours conduisant à un diplôme… ». Un établissement d’enseignement situé dans un autre pays que le Canada est réputé être admissible en vertu de l’alinéa 118.5(1)b) s’il est reconnu, par un organisme d’accréditation reconnu dans ce pays, comme un établissement d’enseignement offrant des cours menant au moins à l’obtention d’un baccalauréat ou d’un diplôme de niveau équivalent (voir le point 9a) ci-dessous). Ainsi, un établissement figurant dans l’édition courante du document intitulé Accredited Institutions of Postsecondary Education publié par l’American Council on Education et indiqué, dans cette publication, comme étant un établissement offrant des cours menant à l’obtention d’un diplôme de niveau B (baccalauréat ou équivalent), de niveau M (maîtrise ou l’équivalent), de niveau D (doctorat) ou de niveau P (premier diplôme professionnel, notamment J.S.D., M.D. ou M.Div.) est considéré comme une université admissible en vertu de l’alinéa 118.5(1)b). Un établissement figurant à l’annexe VIII du Règlement de l’impôt sur le revenu est également considéré comme un établissement respectant les exigences de l’alinéa 118.5(1)b).

 

 

[8]     Il est également intéressant de lire le paragraphe 6 du même bulletin :

 

6. Chaque bureau des services fiscaux de Revenu Canada possède une liste à jour des établissements situés à l’étranger et qui sont reconnus comme des universités aux fins de l’alinéa 118.5(1)b). Les étudiants peuvent donc s’adresser directement à leur bureau des services fiscaux de Revenu Canada pour toute question concernant les frais de scolarité payés à un tel établissement. Un établissement qui désire être reconnu comme une université doit en faire la demande à l’adresse suivante :

 

Revenu Canada

Direction de l’impôt international

À l’attention du directeur général

 

[9]     Selon ce qui est mentionné dans le paragraphe précédent, on pourrait penser qu’il peut exister une liste différente de la liste de l’annexe VIII. Toutefois, aucune autre liste n’a été produite à l’audience et personne de l’ARC, que ce soit à l’étape de la vérification ou à celle de l’appel, ou de la Direction de l’impôt international, n’a témoigné. Le même paragraphe du bulletin semble énoncer également que la reconnaissance d’un établissement qui ne figure pas sur la liste sera examinée à la demande de l’établissement. Selon moi, cette dernière exigence ne fait pas partie du libellé des dispositions législatives en question. Je ne la vois pas non plus dans la jurisprudence mentionnée ci‑après.

 

[10]    La liste des universités prescrites par l’article 3503 du Règlement de l’impôt sur le revenu peut être utile aux agents de l’ARC comme première référence rapide à l’égard des universités américaines, mais ils doivent faire preuve de prudence en ce qui concerne les universités européennes. Effectivement, la liste des universités américaines compte 10 pages et demie (CanLII), mais il y a une seule page pour les universités en Grande‑Bretagne. Il y a deux universités prescrites relativement à l’Allemagne, et une quant à l’Espagne. Selon moi, les ambassades du Canada dans les pays étrangers pourraient être mises à contribution lorsqu’il s’agit de déterminer si un établissement d’enseignement est un établissement autorisé à décerner des diplômes au niveau du baccalauréat et au niveau supérieur au sein du système d’éducation d’un pays. Quoi qu’il en soit, l’University of London est sur la liste et, comme nous le verrons, la LSE est une composante de cette université.

 

[11]    L’avocate de l’intimée a dit à la Cour que l’agent de l’ARC avec lequel elle a discuté de l’affaire avant l’audience lui avait signalé la décision Goldberg c. Canada, [2006] A.C.I. no 530 (QL), 2006 CCI 676, de la Cour, et plus particulièrement le paragraphe 11, rédigé comme suit :

 

11 Il est acquis aux débats que les alinéas 118.5(1)b) et 118.6(1)b) établissent une distinction claire entre les étudiants inscrits à des établissements d’enseignement situés au Canada et ceux qui étudient à l’étranger. Comme il a été si clairement démontré par le juge Mogan, pour que les montants en cause soient déductibles en application de l’alinéa 118.5(1)b), le demandeur doit établir qu’« au cours de l’année, [il] fréquent[ait] comme étudiant à plein temps une université située à l’étranger, où il sui[vait] des cours conduisant à un diplôme ». L’appelante ne l’a pas fait. La LAMDA n’était pas un établissement habilité à décerner des diplômes et, par conséquent, elle n’était pas une université. Compte tenu des faits portés à ma connaissance, j’ai conclu que les exigences pertinentes relatives aux crédits d’impôt pour frais de scolarité et pour études qui sont énoncées aux alinéas 118.5(1)b) et 118.6(1)b) n’avaient pas été remplies.

 

[12]    L’avocate de l’intimée a déclaré que le point en litige est le suivant : selon l’ARC, la LSE n’est pas un établissement qui décerne des diplômes et n’est par conséquent pas une université située à l’étranger.

 

[13]    En vue de situer l’affaire dans son contexte actuel et dans son contexte historique, l’avocate m’a signalé un extrait de l’entrée de l’encyclopédie Wikipedia concernant l’University of London. On y énonce ce qui suit : [traduction] « [l]’Université est une immense fédération universitaire constituée de 31 membres (19 collèges et 12 instituts). […] Pour la plupart des fins utiles, allant de l’admission des étudiants à la négociation du financement gouvernemental, les 19 collèges constituants sont traités comme des universités individuelles. Au sein de la fédération universitaire, ils sont des organismes reconnus ayant le pouvoir de faire subir des examens aux étudiants et de faire en sorte que l’Université leur décerne des diplômes. Certains collèges ont récemment obtenu le pouvoir de décerner leurs propres diplômes et l’Université a modifié ses statuts pour leur permettre de le faire tout en demeurant au sein de l’Université. Par exemple, à compter de l’année universitaire 2007‑2008, le Kings’s College London, la London School of Economics et l’University College London décerneront leurs propres certificats quant aux diplômes tout en conservant leur statut de collèges constituants au sein de l’University of London ».

 

[14]    À cet égard, l’avocate de l’intimée m’a signalé le texte réglementaire de 2007 portant le no 2688 intitulé The Education (Recognised Bodies) (England) Order 2007, pris en vertu du paragraphe 216(1) de la Education Reform Act 1988 (la « Loi de 1988 ») d’Angleterre. Cette ordonnance, entrée en vigueur le 1er octobre 2007, a révoqué l’Education (Recognised Bodies) (Angleterre) Order 2003.

 

[15]    Ces textes réglementaires ont pour objet d’énumérer les universités, collèges ou autres organismes autorisés par charte royale ou par un acte du Parlement à décerner des diplômes. L’article 214 de la Loi de 1988 érige en infraction le fait pour toute personne de décerner un diplôme qui n’est pas un [traduction] « diplôme reconnu ». L’expression [traduction] « diplôme reconnu » comprend des diplômes décernés par un organisme reconnu.

 

[16]    En 2003, la LSE figurait sur la liste d’organismes reconnus contenue dans l’annexe du texte réglementaire pertinent; elle se retrouvait à la fin de cette annexe sous le titre « Schools, Colleges and Institutes of the University of London permitted by the University to award University of London degrees ». La LSE y figure avec 17 autres collèges, instituts et écoles.

 

[17]    Dans le texte réglementaire de 2007, la LSE ne se retrouve pas sous le titre précédemment mentionné à la fin de l’annexe et figure maintenant avec les autres universités, collèges et instituts.

 

[18]    La note explicative du texte réglementaire de 2007 n’énonce pas la raison de la modification à cet égard. Cette note est similaire à celle qui se trouve avec le texte réglementaire de 2003. Elle énonce ce qui suit :

 

          [traduction]

Cette ordonnance énumère tous les organismes qui selon le Secrétaire d’État semblent être des organismes reconnus suivant les alinéas 214(2)a) ou b) de la Education Reform Act 1988. Il s’agit d’universités, de collèges ou d’autres organismes qui sont autorisés par charte royale ou par une loi du Parlement, ou en vertu d’une telle loi, à décerner des diplômes, et d’autres organismes autorisés dans l’immédiat par ces organismes à agir en leur nom pour décerner des diplômes.

 

[…]

 

Elle inclut également un certain nombre d’écoles, de collèges et d’instituts de la London University qui ont été autorisés par l’Université à décerner des diplômes de l’University of London.

 

[…]

 

[19]    À l’audience, M. Peter Shea représentait sa fille, l’appelante. Il a produit plusieurs documents comme pièce A‑1. Parmi ces documents, on trouve le relevé de l’appelante relatif au diplôme et au rendement à l’examen (Transcript of Award and Examination Performance). L’appelante a achevé un programme de maîtrise d’un an. On lui a décerné une maîtrise en sciences politiques comparées (études sur les conflits). L’organisme qui a décerné le diplôme est décrit comme la LSE [traduction] « au nom de l’University of London ».

 

[20]    Je cite trois paragraphes de l’avis d’opposition de l’appelante daté du 27 avril 2007, afin de montrer l’incrédulité compréhensible de M. Shea à l’égard de la position du ministre dans la présente affaire :

 

          [traduction]

Lorsque j’ai discuté au téléphone (1-800-959-7381) avec l’un de vos agents quant à savoir pourquoi la London School of Economics and Political Science (« LSE »), fondée en 1895 (reconnue comme une école de l’University of London), l’une des universités internationales les plus prestigieuses et reconnues du monde, ne pouvait être « reconnue par l’Agence du revenu », on m’a dit qu’il y avait eu certains « problèmes dans le passé quant aux démarches pour la demande de reconnaissance de la LSE » et que, tout simplement, elle n’était pas sur votre liste d’universités reconnues. Lorsque j’ai suggéré que la LSE devrait présenter une nouvelle demande de reconnaissance, on m’a dit que cela ne pouvait pas être fait et que je devais interjeter un appel.

 

À vrai dire, je suis complètement stupéfié que l’Agence du revenu du Canada considère que la LSE n’est pas « reconnue comme une université qui décerne des diplômes ». Ne reconnaissez-vous pas non plus Oxford, Cambridge, Princeton ou Harvard? La LSE est, avec ces établissements, l’une des plus importantes universités internationales du monde. Les anciens étudiants et le corps professoral de la LSE ont inclus certains des dirigeants politiques les plus influents du monde. Parmi les 14 lauréats de prix Nobel et les 39 chefs de gouvernement ou d’État, on retrouve les premiers ministres canadiens Pierre Elliot Trudeau et Kim Campbell, et le président américain John F. Kennedy. D’autres anciens étudiants canadiens éminents incluent Gordon Thiessen (gouverneur de la Banque du Canada de 1994 à 2001), Michael Wilson (ancien ministre des Finances et actuel ambassadeur du Canada aux États-Unis) et Mitchell Sharp (ancien ministre des Finances) pour en nommer quelques-uns.

 

Compte tenu de l’impressionnante preuve montrant que la London School of Economics est une université reconnue qui décerne des diplômes, l’Agence du revenu du Canada pourrait-elle s’il vous plaît reconnaître ce fait évident et accepter ma déduction visant les frais de scolarité et le montant relatif aux études et aux manuels dans ma déclaration de revenus pour 2006.

 

 

L’analyse et la conclusion

 

[21]    L’alinéa 118.5(1)b) et le paragraphe 118.6(1) de la Loi sont rédigés de la façon suivante :

 

118.5(1) Crédit d’impôt pour frais de scolarité. Les montants suivants sont déductibles dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition :

 

[…]

b) si, au cours de l’année, le particulier fréquente comme étudiant à plein temps une université située à l’étranger, où il suit des cours conduisant à un diplôme, le produit de la multiplication du taux de base pour l’année par le total des frais de scolarité payés à l’université pour l’année, à l’exception des frais qui ont été :

[…]

 

118.6(1) Définitions. Les définitions qui suivent s’appliquent aux articles 63 et 64 et à la présente sous-section.

 

« établissement d’enseignement agréé »

 

[…]

b) université située à l’étranger, où le particulier mentionné au paragraphe (2) est inscrit à des cours d’une durée minimale de 13 semaines consécutives qui conduisent à un diplôme;

          […]

 

[22]    Je dois dire de nouveau que ces dispositions n’exigent pas que les universités soient prescrites. Par conséquent, l’annexe VIII du Règlement de l’impôt sur le revenu ne s’applique pas dans la présente affaire.

 

[23]    Quant à la signification des termes « universités situées à l’étranger » dans les dispositions précédemment mentionnées, je renvoie à la décision Gilbert v. R., [1999] 2 C.T.C. 2127, aux pages 2131 et 2132, dans laquelle le juge Mogan a déclaré ce qui suit aux paragraphes 14, 15 et 16 :

 

14 Le mot « université » n’est pas défini dans la Loi, mais l’intimée m’a fourni trois définitions de dictionnaire du mot anglais « university » (université), soit des définitions qui disent toutes qu’il doit s’agir d’un établissement qui décerne un diplôme. Le Dictionary of Canadian Law définit comme suit le mot « university » :

 

[traduction]

La principale caractéristique qui distingue une université d’autres établissements d’enseignement tient au pouvoir de décerner des titres ou des diplômes.

 

Dans le Webster’s Third New International Dictionary (soit un dictionnaire américain), le mot « university » est défini comme suit :

 

[traduction]

Corps de personnes réunies en un lieu particulier pour la dissémination et l’assimilation de connaissances dans des domaines d’études avancées; établissement de haut savoir offrant des installations pour l’enseignement et la recherche et autorisé à décerner des diplômes d’études.

 

Enfin, le Black’s Law Dictionary en donne la description suivante :

 

[traduction]

Établissement de haut savoir qui consiste en un ensemble de collèges constitué en personne morale, qui dispense un enseignement dans le domaine des arts et des sciences, y compris les professions intellectuelles, et qui décerne des diplômes.

 

 

15 Dans l’affaire Re City of London and Ursuline Religious of the Diocese of London, (1964) 43 D.L.R. (2d) 220, l’ordre des ursulines, soit des religieuses, cherchait à obtenir une exemption en vertu de la Assessment Act (loi sur l’évaluation foncière), R.S.O. 1960, pour le motif que cet ordre constituait une université puisqu’il œuvrait sur le campus de l’Université Western Ontario. Le groupe religieux des ursulines était affilié à l’Université Western Ontario et autorisé à donner des cours acceptés par l’Université. Ainsi, il cherchait à obtenir une exemption en vertu de la Assessment Act, qui prévoyait une telle exemption pour les universités. La décision unanime de la Cour d’appel de l’Ontario a été rendue par le juge Schroeder. Énonçant les faits de cette affaire, il disait, à la page 222 :

 

[traduction]

[...] La partie appelante n’a pas le pouvoir de décerner des diplômes, mais elle est affiliée à l’Université Western Ontario en vertu d’un accord conclu en 1919. La partie appelante donne des cours sur des sujets approuvés par l’Université, et ce, à ses propres étudiants et à d’autres étudiants de l’Université, c’est-à-dire des étudiants de différents collèges de l’Université. Des examens sont établis conformément aux normes fixées par l’Université, et des baccalauréats ès arts sont décernés aux étudiants ainsi formés par l’Université Western Ontario qui réussissent les examens.

 

Le juge Schroeder a également cité des extraits du Wharton’s Law Lexicon et du Murray’s New English Dictionary concernant la définition du mot « university ». À la page 228, il disait :

 

[traduction]

La principale caractéristique qui distingue une université d’autres établissements d’enseignement tient au pouvoir de décerner des titres ou des diplômes de bachelier ès arts, maître ès arts ou docteur en théologie, soit des titres ou diplômes certifiant que les titulaires ont atteint un niveau de compétence déterminé. [...]

 

 

16 Pour ce qui est de l’alinéa 118.5(1)b) considéré isolément, je n’ai aucun mal à conclure que, pour qu’un établissement soit une université au sens du passage précité, il doit avoir le pouvoir de décerner des diplômes. Le fait qu’un établissement habilité à décerner des diplômes, soit la New School University de l’État de New York, ait conclu un accord avec l’AMDA de manière à accepter des finissants du programme de l’AMDA en se fondant sur le fait que ces personnes se verraient accorder 60 crédits aux fins de l’obtention d’un diplôme de la New School University ne signifie pas que, comme établissement autonome, l’AMDA est une université décernant des diplômes.

 

[24]    La décision précédemment mentionnée a fait l’objet de commentaires favorables dans toute la jurisprudence sur le sujet et, en outre, dans le récent arrêt de la Cour d’appel fédérale Klassen v. The Queen, 2007 DTC 5612. Je cite les paragraphes 18 et 21 de cet arrêt :

 

[18] Les définitions précitées indiquent toutes que l’université est un établissement de haut savoir qui décerne des diplômes attestant d’une compétence donnée. La plupart des gens considèrent le baccalauréat comme l’exigence minimale à satisfaire pour poursuivre des études supérieures (que l’on appelle habituellement des études de cycle supérieur) qui conduisent à la maîtrise et au doctorat.

 

[21] Je conclus donc que l’expression « université située à l’extérieur du Canada » renvoie à un établissement d’enseignement qui confère des diplômes décernés habituellement par des universités, c’est-à-dire un doctorat, une maîtrise ou, tout au moins, un baccalauréat ou l’équivalent de celui-ci. Le diplôme décerné par la MSU‑Bottineau dans la présente affaire (soit le diplôme d’associé) atteste la réussite d’un programme biennal de premier cycle. Puisqu’il s’agit du plus haut diplôme que la MSU-Bottineau est habilitée à décerner, elle n’est pas une « université située à l’extérieur du Canada ». Le fait que la MSU‑Bottineau se présente comme une université ne saurait modifier cette conclusion.

 

[25]    L’arrêt Klassen énonce qu’une université située à l’étranger au sens de l’alinéa 118.5(1)b) et du paragraphe 118.6(1) de la Loi est un établissement d’enseignement qui décerne des diplômes habituellement décernés par des universités, à savoir : un doctorat, une maîtrise ou, au minimum, un diplôme de niveau du baccalauréat ou son équivalent.

 

[26]    Afin d’en savoir plus sur la nature de l’University of London, je trouve utile de consulter le site Web de cet établissement, duquel je reproduis les extraits suivants :

 

[traduction]

L’University of London est une fédération universitaire et est l’une des plus anciennes, des plus grandes et des plus diversifiées parmi les universités du R.‑U. Établie par charte royale en 1836, l’Université est reconnue partout comme un chef de file mondial en enseignement supérieur.

Elle est constituée de 19 collèges autonomes d’excellente réputation, avec le prestigieux Institutes of the School of Advanced Study, et de nombreuses autres activités universitaires centrales.

[…]

Nous avons une réputation internationale de haut niveau pour la qualité de l’enseignement et de la recherche dans nos collèges et instituts. Quel que soit votre intérêt, nous offrons presque tous les domaines d’études couverts dans tout programme d’enseignement universitaire.

[…]

La taille, l’âge et la tradition des collèges, de même que les programmes d’études offerts, varient selon les collèges de l’Université. Certains des établissements comprennent plusieurs facultés et ont une large population étudiante alors que d’autres sont spécialisés et sont de plus petite taille. Tous décernent des diplômes de l’University of London.

[…]

L’Université a une administration centrale qui appuie la fédération universitaire et les activités centrales touchant les questions scolaires, les finances, les ressources humaines, la gouvernance et l’administration des immeubles.

 

[27]    Sur le même site, sous « governance » (gouvernance), on peut accéder à la loi régissant l’Université, aux statuts constitutifs de l’Université et à ses ordonnances. Le rôle de l’University of London et de ses collèges et instituts est expliqué sous l’onglet « history » (histoire). La LSE figure sur la liste des 19 collèges faisant partie de l’University of London. Elle est une composante de cette université et elle est autorisée à décerner des diplômes de l’University of London.

 

[28]    Il m’apparaît que le type de structure décrit pour l’University of London correspond étroitement à la définition du mot « university » du Black’s Law Dictionary, qui est l’une des définitions données dans la décision Gilbert, précitée : [traduction] Établissement de haut savoir qui consiste en un ensemble de collèges constitué en personne morale, qui dispense un enseignement dans le domaine des arts et des sciences, y compris les professions intellectuelles, et qui décerne des diplômes.

 

[29]    En outre, ce qui importe d’un point de vue juridique c’est que, comme j’ai précédemment mentionné, l’University of London et la LSE figurent dans les textes réglementaires qui énumèrent tous les organismes reconnus en Angleterre qui sont autorisés à décerner des diplômes universitaires. La LSE est un établissement d’enseignement qui décerne des diplômes; il s’agit par conséquent d’une « université située à l’étranger ».

 

[30]    L’appel est accueilli.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’avril 2008.

 

 

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour d’octobre 2008.

 

Danièle Laberge, LL.L.


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI184

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-3800(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Brigid A. Shea et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 12 mars 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Louise Lamarre Proulx

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 2 avril 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

J. Peter Shea

Avocate de l’intimée :

Me Nadia Golmier

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     

 

                            Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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