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Dossier : 2007-2416(EI)

ENTRE :

CLAUDETTE GAGNON,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

_______________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Rodrigue Brisson (2007‑2879(EI)) le 15 février 2008, à Chicoutimi (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

 

Avocate de l'intimé :

Me Christina Ham

_______________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance‑emploi est rejeté, et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

Dossier : 2007‑2879(EI)

ENTRE :

RODRIGUE BRISSON,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

_______________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Claudette Gagnon

(2007-2416(EI)) le 15 février 2008, à Chicoutimi (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

Avocate de l'intimé :

Me Christina Ham

_______________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

 

          L'appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance‑emploi est rejeté, et la décision rendue par le ministre du Revenu national est confirmée, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

 

Référence : 2008CCI120

Date : 20080307

Dossiers: 2007-2416(EI)

2007-2879(EI)

ENTRE :

CLAUDETTE GAGNON,

RODRIGUE BRISSON,

appelants,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Tardif

 

[1]     Il s'agit d'appels où deux appelants ont effectué du travail au service de Karine Brisson, qui exploitait un restaurant sous la raison sociale de « Rétro Dog II ».

 

[2]     Dans les deux dossiers, l’intimé a décidé que l’emploi des appelants était exclu des emplois assurables en vertu du paragraphe 5(2) de la Loi sur l'assurance‑emploi à cause du lien de dépendance.

 

[3]     Les faits relatifs aux appels étant sensiblement les mêmes, les parties ont convenu de procéder au moyen d'une preuve commune.

 

[4]     Les périodes visées dans le dossier de Claudette Gagnon, 2007-2416(EI) sont le 25 avril au 15 octobre 2005 et le 28 avril au 22 septembre 2006. Dans le dossier Rodrigue Brisson, 2007-2879(EI), les périodes visées sont le 2 mai au 15 octobre 2005 et le 18 avril 2006 au 14 octobre 2006.

 

[5]     Dans le dossier de Claudette Gagnon, 2007-2416(EI), l’intimé s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes pour prendre sa décision :

 

5.   [...]

 

a)        la payeuse exploitait un restaurant sous la raison sociale de « Rétro Dog II »; (admis)

 

b)        la payeuse était l’unique propriétaire du restaurant; (admis)

 

c)        l’appelante est la mère de la payeuse; (admis)

 

d)        l’appelante était liée à une personne qui contrôlant l’entreprise de la payeuse. (admis)

 

6.   [...]

 

a)        la payeuse est l'unique propriétaire du restaurant Rétro Dog II qu'elle a immatriculé le 7 juillet 1994, (admis)

 

b)        avant 1994, le restaurant était exploité par Rodrigue Brisson, père de la payeuse et par des membres de sa famille; (admis)

 

c)        le restaurant est passé au feu en 1993 et le 30 juin 1993, la payeuse achetait le terrain des anciens propriétaires (actionnaires) pour la somme de 4 995 $ avec l’accord des anciens propriétaires de reconstruire le restaurant; (admis)

 

d)       les anciens actionnaires se sont servis du montant des assurances (entre 70 000 $ et 80 000 $) pour reconstruire et la payeuse a dû emprunter environ 35 000 $ pour acquérir le restaurant; (admis)

 

e)       avant mai 2005, M. Rodrigue Brisson exploitait un service de traiteur sous la raison sociale de 9022-4627 Québec inc. exploitant « Les Cuisines Bri-Ga »; (admis)

 

f)        9022-4627 Québec inc. possédait comme actifs : un terrain, une bâtisse, des équipements et des inventaires que la payeuse a acquis le 5 mai 2005; (admis)

 

g)        durant la période en litige, la payeuse exploitait le restaurant Rétro-Dog II dont les activités comportaient 3 volets : (admis)

 

           - un restaurant style « fast-food » pouvant accueillir de 28 à 34 personnes à l’intérieur, 25 personnes sur un patio fermé et 10 autres personnes sur un 2ième patio‑ouvert à l’extérieur;

 

           - le restaurant était exploité d’avril à octobre à chaque année et offrait des déjeuners, des mets rapides et un menu du jour le midi durant la semaine;

 

           - durant la saison d’exploitation, le restaurant était ouvert 7 jours par semaine de 5 h à 23 h ou minuit;

 

           - un 2ième volet d'activités consistait à la vente de produits tels que tartes, pain de ménage et petits pains, confitures et autres à la clientèle du restaurant;

 

           - le 3ième volet d'activités était l'exploitation d'un service de traiteur;

 

h)        la cuisine du restaurant était trop petite et ne servait qu’à la préparation des déjeuners et des mets rapides; (admis)

 

i)         en 2004, n’ayant pas obtenu l’autorisation d’agrandir la cuisine du restaurant, l’appelant a aménagé une cuisine dans le garage contiguë de sa résidence et celle de sa conjointe, l'appelante, parents de la payeuse; (admis)

 

j)        cette cuisine est équipée de 2 congélateurs, un réfrigérateur, 2 poêles, tables de travail, four à pizza et à muffins; (admis)

 

k)        cette cuisine est utilisée autant pour la cuisson du pain, des mets préparés pour le menu du jour, pour la vente de produits au restaurant de même que pour la préparation de mets pour le service de traiteur; (admis)

 

l)         durant les périodes en litige, l’appelante travaillait pour la payeuse à titre de cuisinière; (admis)

 

m)       l’appelante travaillait pour le restaurant avant l’incendie et a continuer à travailler pour la payeuse (sa fille) après la reconstruction du restaurant et l’acquisition par la payeuse; (admis)

 

n)        les principales tâches de l’appelante consistaient à préparer les bouillons pour les soupes, les bases de sauces, les menus du jour du midi, les desserts, les tartes, les muffins, les confitures, le pain de ménage et les petits pains, les fèves au lard, etc. (admis)

 

o)        depuis 2004, l'appelante travaillait principalement de sa résidence, dans sa propre cuisine ou dans la cuisine aménagée dans le garage; (admis)

 

p)        l’appelante débutait sa journée dès 4 h et travaillait généralement au restaurant de 11 h 30 à 13 h; (admis)

 

q)        en après-midi l'appelante était plus libre et pouvait s'occuper de tâches personnelles ou en profiter pour prendre de l'avance dans les mets et produits à préparer; (nié)

 

r)        l'appelante n'avait aucun horaire de travail à respecter et pouvait cuisiner par les soirs pour prendre de l'avance; (nié)

 

s)        durant les périodes en litige, l'appelante pouvait travailler jusqu'à 50 heures par semaine mais ses heures n'étaient pas comptabilisées par la payeuse; (nié)

 

t)         elle recevait une rémunération fixe de 11,00 $ de l'heure pour 40 heures par semaine et ce, sans égard aux heures réellement travaillées; (admis)

 

u)        en plus de sa rémunération, l'appelante recevait de 60,00 $ à 70,00 $ par semaine en « pourboires » de la payeuse en compensation des frais occasionnés par locaux utilisés par la payeuse et appartenant à l'appelante et son conjoint; (admis)

 

v)        ce montant de « pourboires » servait également à rémunérer l'appelante pour les 4 heures par semaine qu'elle conservait à nettoyer la cuisine du garage; (nié)

 

w)       la payeuse, qui occupait un travail à plein temps à l’extérieur sauf durant la saison estivale, a prétendu qu’elle s’occupait seul du service de traiteur alors que l’appelante et son  conjoint ont affirmé le contraire; (admis)

 

x)        le service de traiteur a généré des ventes de 15 117 $ pour la période d’octobre 2005 à mars 2006 et l'appelante y travaillait sans recevoir de rémunération; (nié)

 

y)        l’appelante était rémunérée exclusivement pour son travail durant les périodes d'activités du restaurant, d'avril à septembre ou octobre de chaque année, alors qu'elle continue à rendre des services d'octobre à mars pour service de traiteur de la payeuse sans être rémunéré pour ce travail; (admis)

 

z)        durant les périodes en litige, soit durant l'exploitation du restaurant, l'appelante est rémunérée pour 40 heures par semaine alors qu'elle travaille en moyenne 50 heures par semaine; (nié)

 

aa)      le ministre est convaincu que de telles conditions de travail ne sauraient prévaloir sans l’existence du lien de dépendance existant entre les parties. (nié)

 

 

[6]     Dans le dossier Rodrigue Brisson, 2007-2879(EI), l’intimé s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes pour prendre sa décision :

 

5.   [...]

 

a)         la payeuse exploitait un restaurant sous la raison sociale de « Rétro Dog II »; (admis)

 

b)        la payeuse était l’unique propriétaire de l’entreprise; (admis)

 

c)         l’appelant est le père de la payeuse; (admis)

 

d)        l’appelant est lié par les liens du sang à une personne qui contrôle l’entreprise de la payeuse. (admis)

 

6.        [...]

 

a)        la payeuse a immatriculé le 7 juillet 1994, une entreprise individuelle, matricule 2240741357, au système Cidreq; (admis)

 

b)        l’entreprise exploitait un restaurant sous la raison sociale « Rétro Dog II »; (admis)

 

c)        avant 1994, le restaurant était exploité par l’appelant, père de la payeuse et par des membres de sa famille; (admis)

 

d)        le restaurant est passé au feu en 1993; (admis)

 

e)        le 30 juin 1993, la payeuse achetait le terrain des anciens propriétaires pour la somme de 4 995 $ avec l’accord des anciens propriétaires de reconstruire le restaurant; (admis)

 

f)         les anciens propriétaires se sont servis du montant des assurances (entre 70 000 $ et 80 000 $) pour reconstruire et la payeuse a dû emprunter environ 35 000 $ pour acquérir le restaurant; (admis)

 

g)        avant mai 2005, l’appelant exploitait un service de traiteur par l’entremise de 9022-4627 Québec inc. sous la raison sociale de « Les Cuisines Bri-Ga »; (admis)

 

h)        9022-4627 Québec inc. possédait comme actifs : un terrain, une bâtisse, des équipements et des inventaires que la payeuse a acquis le 5 mai 2005 ainsi que l’entreprise de traiteur; (admis)

 

i)         durant la période en litige, la payeuse exploitait le restaurant Rétro-Dog II dont les activités comportaient 3 volets :

 

-1) -un restaurant style « fast-food » pouvant accueillir de 28 à 34 personnes à l’intérieur, 25 personnes sur un patio fermé et 10 autres personnes sur un 2ième patio à l’extérieur;

 

-le restaurant était exploité d’avril à octobre à chaque année et offrait des déjeuners, des mets rapides et un menu du jour le midi durant la semaine;

 

-durant la saison d’exploitation, le restaurant était ouvert 7 jours par semaine de 5 h à 23 h ou minuit; (admis)

 

-2) un service de vente de produits tels que tartes, pain de ménage et petits pains, confitures et autres à la clientèle du restaurant; (admis)

 

-3) un service de traiteur, exploité à l’année longue depuis mai 2005; (admis)

 

j)         la cuisine du restaurant était trop petite et ne servait qu’à la préparation des déjeuners et des mets rapides; (admis)

 

k)        en 2004, n’ayant pas obtenu l’autorisation d’agrandir la cuisine du restaurant, l’appelant a aménagé une cuisine dans le garage contigu à sa résidence dont il est copropriétaire avec sa conjointe, mère de la payeuse; (admis)

 

l)         cette cuisine est équipée de 2 congélateurs, un réfrigérateur, de 2 poêles, de tables de travail et d’un four à pizza et à muffins; (admis)

 

m)       cette cuisine est utilisée autant pour la cuisson du pain, des mets préparés pour le menu du jour, pour la vente de produits au restaurant de même que pour la préparation de mets pour le service de traiteur; (admis)

 

n)        l’appelant transportait les mets préparés au restaurant; (admis)

 

o)        durant les périodes en litige, l’appelant travaillait pour la payeuse à titre de comptable et de responsable de l’administration de l’entreprise en tant que superviseur et gestionnaire; (admis)

 

p)        un bureau est aménagé au sous-sol de la résidence de l’appelant où sont conservés les registres de la payeuse, les livres des salaires, les rapports d’impôts, les carnets de dépôt, les factures des fournisseurs et autres documents; (ignoré)

 

q)        l’appelant travaillait pour le restaurant avant l’incendie et continuait à travailler pour la payeuse après la reconstruction du restaurant; (ignoré)

 

r)        les principales tâches de l’appelant consistaient à préparer au début d’avril l’organisation du restaurant, à faire le ménage, à passer les commandes, à embaucher des employés, à préparer les horaires, à faire l’ouverture du commerce le matin et la fermeture le soir, à faire la comptabilité ainsi que l’entrée des données informatiques, les dépôts, les payes, à entretenir la bâtisse et à donner un coup de main au restaurant le midi pour recevoir les clients; (ignoré)

 

s)        l’appelant travaillait pour la payeuse à sa résidence, à la cuisine aménagée dans son garage, au restaurant et sur la route à faire les commissions; (admis)

 

t)         l’appelant n’avait aucun horaire de travail à respecter; (nié)

 

u)        l’appelant déclarait travailler tout le temps pour la payeuse et que ses heures n’étaient pas calculées; (nié)

 

v)        durant les périodes en litige, l’appelant recevait une rémunération fixe de 10,00 $ de l’heure pour 40 heures par semaine et ce, sans égard aux heures réellement travaillées; (nié)

 

w)       il est déraisonnable de croire que l’appelant pouvait accomplir toutes ses tâches pour la payeuse en 40 heures par semaine seulement; (nié)

 

x)        les modalités d’emploi de l’appelant n’étaient pas raisonnables; (nié)

 

y)        la payeuse, qui occupait un travail à plein temps à l’extérieur sauf durant la saison estivale, a prétendu qu’elle s’occupait seul du service de traiteur alors que l’appelant et sa conjointe ont affirmé s’occuper du service de traiteur; (nié)

 

z)        le service de traiteur a généré des ventes de 15 117 $ pour la période d’octobre 2005 à mars 2006; (admis)

 

aa)      l’appelant travaillait au service de traiteur, d’octobre à mars, sans recevoir de rémunération; (nié)

 

bb)      l’appelant était rémunéré exclusivement pour les périodes d’activités du restaurant, d’avril à septembre ou octobre de chaque année; (admis)

 

cc)      à l’année longue, l’appelant continuait à faire la comptabilité de la payeuse ainsi que les rapports de TPS-TVQ, sans rémunération déclarée; (admis)

 

dd)      il est déraisonnable de croire qu’un employé non lié ferait des heures de travail sans rémunération; (nié)

 

ee)      l’appelant rendait des services à l’année à la payeuse et ceci, avec des semaines sans rémunération; (nié)

 

ff)        la durée de l’emploi de l’appelant est déraisonnable; (nié)

 

gg)      la payeuse ne versait aucun montant à l’appelant pour l’utilisation du sous-sol de sa résidence, du garage, ni pour l’électricité, ni le chauffage; (nié)

 

hh)      le ministre est convaincu que de telles conditions de travail ne sauraient prévaloir sans l’existence du lien de dépendance existant entre les parties. (nié)

 

[7]     Les alinéas 5 a) à d) et les alinéas 6) a) à k) sont sensiblement les mêmes et ont fait l'objet d'admissions de la part des appelants; pour ce qui est des autres alinéas, l'appelante a admis les alinéas 6 l) à p), t), u), w) et y) et a nié les alinéas q), r), s), v), x), z) et aa); pour ce qui est de l'appelant, il a de son côté admis les alinéas 6) l), o), s), z), bb) et cc); il a nié les alinéas m), n), p), q), r), t) u), v), w), x), y) et aa).

 

[8]     Les deux appelants ont témoigné. L'appelant Rodrigue Brisson est celui qui a été le plus explicite. Il a notamment expliqué et décrit le cheminement suivi et les différentes expériences vécues avant de travailler pour le compte de sa fille dans l'exploitation d'un restaurant qu'il avait déjà lui-même exploité avec sa conjointe auparavant.

 

[9]     Monsieur Brisson s'est principalement attaqué à des allégations précises, faisant valoir notamment qu'il n'ouvrait pas le restaurant aux environs de 4 h 30 à 5 h 00 le matin puisque c'était lui qui le fermait à minuit.

 

[10]    Monsieur Brisson a nié recevoir toute la correspondance relative au restaurant. Il a cherché à démolir cette allégation en présentant un document attestant que la propriétaire, sa fille, avait reçu à sa résidence privée un document relatif à l'exploitation du restaurant.

 

[11]    Il a également nié que sa résidence et, plus principalement, le bureau qui y était emménagé servait d'entrepôt pour tous les documents inhérents à l'exploitation de l’entreprise, admettant cependant que la comptabilité courante et ainsi que celle de l'année précédente y étaient bel et bien entreposées.

 

[12]    Il a également nié se rendre très tôt le matin à la place d'affaires, étant donné qu’à ce moment-là les mets préparés à la maison n’étaient pas encore prêts.

 

[13]    Il a néanmoins admis avoir travaillé sans rémunération, se pressant d'ajouter qu'il s'agissait là de travaux mineurs comparables à ceux qu'un père est prêt à faire pour venir en aide à ses enfants qui effectuent des travaux de peinture. Il a indiqué que, dans ce cas, il ne s'agissait pas de travaux de peinture, mais de travaux comme la préparation et la livraison des aliments et la production des différents rapports de TPS et TVQ.

 

[14]    Pour justifier le fait d’avoir fourni du travail non rémunéré, l'appelant a indiqué qu'il croyait avoir le droit de travailler quelques heures sans pour autant perdre le droit de recevoir ses prestations d'assurance-emploi.

 

[15]    Il a aussi indiqué avoir peut-être commis une erreur en ne déclarant pas ses heures travaillées.

 

[16]    Pour ce qui est de l'utilisation de la cuisine personnelle et du garage aménagés spécifiquement pour la préparation des repas servis au restaurant, l’appelant a, d'une part, expliqué que cette utilisation entraînait des frais tout à fait minimes en terme d'électricité et que, d'autre part, sa femme recevait hebdomadairement, en sus de sa rémunération, une indemnité variant entre 60 $ et 80 $. Selon les appelants, cette indemnité servait en partie à compenser pour l'utilisation des lieux, à rembourser une partie des frais d’électricité, mais aussi à payer les travaux de ménage effectués à la suite de l'utilisation des lieux.

 

[17]    La cuisine personnelle des appelants et le garage où était situé le matériel ont été utilisés intensivement pour la préparation des nombreux repas durant la période où a été exploité le restaurant, et par la suite, durant la période où des repas devaient être préparés et livrés dans le cadre du deuxième volet de l'entreprise, soit un service de traiteur.

 

[18]    Il s'agissait là d'activités importantes, intenses et quotidiennes, puisque le restaurant où étaient servis les repas, était trop petit pour y faire la préparation des repas sur une grande échelle.

 

[19]    En effet, au restaurant, seuls certains mets très rapides y étaient préparés; encore là, le plus souvent, les produits de base utilisés avaient fait l'objet d'une préparation à la résidence personnelle des appelants.

 

[20]    L'appelant avait aussi comme tâches de faire les commissions, de transporter les repas de la résidence privée au restaurant, de transporter les poubelles du restaurant, de fermer le restaurant et de s'occuper de la comptabilité sommaire. Pour ce qui est des autres tâches de comptabilité, l'entreprise retenant les services de quelqu'un d'autre à cet effet.

 

[21]    De son côté, l'appelante a expliqué qu'elle commençait son travail très tôt le matin, aux environs de 4 h, par la préparation du pain maison, des desserts et des plats devant être servis le midi. Son travail prenait fin vers 13 h environ.

 

[22]    Elle a expliqué qu'elle recevait outre sa rémunération hebdomadaire une indemnité pouvant varier entre 60 $ et 80 $ par semaine, au titre du ménage, de l'utilisation de sa cuisine et du garage et du remboursement des frais d'électricité et des divers produits d'entretien.

 

[23]    Quant au temps requis pour le ménage, elle a affirmé que cela pouvait varier et que, de façon générale, cela pouvait représenter quelques heures; à l'occasion, cela pouvait prendre plus de quatre heures en cas d’avarie, par exemple, le renversement ou le débordement de la garniture des tartes lors de la cuisson.

 

[24]    À cet égard, elle a cependant ajouté que, lorsqu'une telle chose arrivait, cela n'était pas imputable à sa fille, Karine; en d'autres termes, si elle devait consacrer un grand nombre d'heures pour nettoyer sa cuisine et le garage, sa fille n'avait rien à voir avec ce surplus de travail. Le moins que l'on puisse dire est qu'il ne s'agit pas là de la façon de faire d'un salarié ordinaire.

 

[25]    Madame Louise Dessureault, l’agente des appels, a également témoigné. Elle a expliqué son cheminement au terme duquel elle avait conclu qu'il n'était pas raisonnable de penser que des appelants auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable compte tenu des modalités de l’emploi et de la durée du travail s’ils n’avaient pas du de lien de dépendance avec la payeuse.

 

[26]    Elle a d'ailleurs regroupé les éléments pris en considération en fonction des différents critères énumérés par le législateur, soit les modalités de l'emploi, la rétribution versée, la nature et l'importance du travail et la durée de l'emploi.

 

[27]    L’examen du dossier par l’agente des appels a permis de faire la lumière sur un aspect nébuleux du financement, à savoir que l'appelant finançait en quelque sorte le restaurant dont sa fille avait fait l'acquisition après un incendie qui a frappé le restaurant au moment où lui-même l'exploitait. Ce fait a été reconnu par l'appelant qui a affirmé qu'il préférait recevoir les intérêts plutôt que de voir sa fille les payer à une institution bancaire.

 

[28]    Madame Dessureault a également préparé un tableau de l'emploi du temps des appelants relatif au service de traiteurs :

 

Ventilation des revenus d'entreprise de Karine Brisson – Rétro Dog 11

Année

2005

2006

 

Revenus

Revenus

Revenus

Revenus

 

Service de Traiteur

Restaurant

Service de Traiteur

Restaurant

Mois

 

 

 

 

Janvier

 

 

4 158,72 $

 

Février

 

 

2 124,17 $

 

Mars

 

 

323,00 $

 

Avril

 

5 859,91 $

 

9 791,82 $

Mai

307,85 $

19 521,33 $

 

24 267,00 $

Juin

5 501,60 $

23 753,53 $

1 030,58 $

25 528,00 $

Juillet

409,00 $

28 643,67 $

 

27 829,00 $

Août

 

23 801,40 $

 

23 666,82 $

Septembre

 

16 014,03 $

 

15 306,56 $

Octobre

4 352,53 $

 

 

8 309,09 $

Novembre

2 419,87 $

 

1 488,85 $

 

Décembre

1 738,75 $

 

 

 

Total

14 729,60 $

117 593,87 $

9 125,32 $

134 698,29 $

 

À la lumière de ce tableau, madame Dessureault a conclu que les appelants effectuaient une importante partie du travail sans rémunérations dans le cadre de services de traiteur; de plus, ils ne recevaient rien pour l’occupation des lieux assumant même les coûts liés à l'utilisation des lieux, du téléphone, du loyer, de l’électricité, etc.

 

[29]    Elle a également soulevé le fait que l’indemnité servait à augmenter artificiellement la rémunération assurable bien qu’une bonne partie de cet argent, de l’aveu des appelants, servait à rembourser une partie du loyer, de la facture d'électricité et autres dépenses.

 

[30]    Madame Dessureault a aussi fait la lumière sur certains éléments quant au nombre d'heures de travail, au début et à la fin des périodes, établissant d'une manière non équivoque que les choses fonctionneraient exactement comme s'il s'était agi d'une entreprise exploitée conjointement par les appelants et leur fille.

 

[31]    L'analyse effectuée contient-elle des éléments autres que ceux établis par la preuve? A-t-il été tenu compte d'éléments non pertinents? A-t-on donné une très grande importance à des éléments non pertinents? À toutes ces questions, je réponds que l'enquête a permis de recueillir la très grande majorité, sinon la totalité des éléments pertinents. D'autre part, l'analyse qui a été faite est tout à fait appropriée et les conclusions m'apparaissent dans les circonstances très raisonnables.

 

[32]    Certes, l'appelant a fait ressortir qu'il n'était pas celui qui ouvrait le restaurant à 5 h le matin. Certes, il a apporté certaines précisions en ce qui concerne le fait que la presque totalité des documents liés à l'administration du restaurant se trouvait dans un bureau situé dans sa résidence personnelle. Il a aussi prouvé que sa fille, la payeuse, avait au moins à une occasion reçu à sa résidence personnelle de la correspondance concernant le restaurant, démolissant ainsi l’hypothèse selon laquelle la totalité des documents relatifs au restaurant était adressée à la résidence personnelle de l'appelante.

 

[33]    Ce sont là des éléments dont la portée est tout à fait secondaire et marginale dans l'analyse d'un dossier de cette nature.

 

[34]    La véritable question est de savoir si un ou des tiers auraient accepté des conditions de travail semblables, un emploi d’une durée semblable et une rémunération semblable à ce qu’il en était en l’espèce.

 

[35]    Dans la présente affaire, les appelants mettaient la cuisine de leur résidence personnelle ainsi que leur garage à la disposition du restaurant moyennant un ou des montants tout à fait ridicules.

 

[36]    Les appelants recevaient une rémunération qui ne tenait aucun compte des heures de travail effectuées, ce qui est tout à fait contraire à la pratique dans ce domaine du marché du travail.

 

[37]    Les appelants accomplissaient du travail de façon continue tout à fait gratuitement. La rémunération de l’appelante était majorée d’une indemnité qui servait en réalité à couvrir une partie des frais d’électricité et de loyer.

 

[38]    Ce sont là quelques éléments déterminants permettant de conclure sans l'ombre d'un seul doute qu'aucun tiers n'aurait accepté pareille relation de travail.

 

[39]    Certes, l'emploi effectué pour le compte d’une personne qui a un lien de dépendance avec le travailleur est exclu des emplois assurables. Il ne s'agit pas là d'une exclusion absolue.

 

[40]    Cependant, dans l'appréciation de la preuve concernant la question de savoir si un tiers aurait pu accepter des conditions de travail à peu près semblables, il est certes important de tenir compte de ce que je qualifierais du dynamisme, de l'intérêt, de l'enthousiasme, du zèle et d'une certaine mesure de bénévolat des employés ayant un lien de dépendance avec leur employeur; il s'agit là d'une situation acceptable, voire raisonnable, selon le contexte.

 

[41]    Il ne faudrait pas pénaliser tous ceux et celles qui travaillent dans un tel contexte. Par contre, il faut rejeter les conditions de travail qui ne sont manifestement pas raisonnables en ce qu’elles débordent la ligne acceptable.

 

[42]    En l'espèce, il n'y a aucun doute dans mon esprit que la prépondérance de la preuve, tant lors de l'enquête et de l'analyse que lors de l'audience, a démontré d'une manière déterminante que les conditions de travail des appelants étaient façonnées d’une manière significative par le lien de dépendance qui existait entre eux et la payeuse au point où je me suis demandé s’il était possible que les appelants soient toujours les véritables propriétaires du restaurant.

 

[43]    Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2008.

 

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif


 

 

RÉFÉRENCE :

2008CCI120

 

NosDES DOSSIERS DE LA COUR :

2007-2416(EI); 2007-2879(EI)

 

INTITULÉ DES CAUSES :

Claudette Gagnon et Rodrigue Brisson

et le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Chicoutimi (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE

le 15 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

l'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT :

le 7 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour les appelants :

Les appelants eux-mêmes

 

Avocate de l'intimé:

Me Christina Ham

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AUX DOSSIERS :

 

Pour les appelants :

 

 

 

 

Pour l'intimé :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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