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Dossier : 2007-4497(CPP)

ENTRE :

 

DARYL J. BARTON,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

ROY A. FLOWERS,

intervenant.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 2 avril 2008, à Fredericton, (Nouveau-Brunswick).

Devant l’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocats de l’intimé :

Me Martin Hickey et Me Kendrick Douglas

Pour l’intervenant :

Aucune comparution

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté en vertu du Régime de pensions du Canada (« Régime ») est accueilli et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que l’appelant occupait un emploi ouvrant droit à pension au cours de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2004.

 

       Signé à Halifax, en Nouvelle-Écosse, ce 11e jour d’avril 2008.

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d’octobre 2008.

 

Danièle Laberge, LL.L.


 

 

 

 

Référence : 2008CCI210

Date : 20080411

Dossier : 2007-4497(CPP)

ENTRE :

 

DARYL J. BARTON,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

ROY A. FLOWERS,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]     La question en litige dans la présente affaire consiste à savoir si l’appelant était un employé ou un entrepreneur indépendant en 2004 et, partant, s’il occupait un emploi ouvrant droit à pension pour l’application du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») en 2004.

 

[2]     Dans les paragraphes 4 et 5 de la réponse, l’intimé a déclaré ce qui suit :

 

          [traduction]

4.         Dans le cadre d’une évaluation de la vérification de l’observation des employeurs à l’endroit de Connie Webster (le « payeur »), on a demandé une décision et il a été décidé que le payeur avait engagé l’appelant suivant un contrat de louage de services pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2004 (la « période visée par l’appel ») au sens du Régime de pensions du Canada (le « Régime »).

 

5.         Le payeur a fait appel à l’intimé à l’égard de cette cotisation et par une lettre datée du 22 août 2007, l’intimé a informé l’appelant que, au cours de la période visée par l’appel, il n’occupait pas un emploi suivant un contrat de louage de services avec le payeur au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime et que par conséquent il n’occupait pas un emploi ouvrant droit à pension.

 

[3]     La question en litige a été décrite de la façon suivante au paragraphe 8 de la réponse :

 

          [traduction]

8.         Il soutient que l’appelant n’occupait pas auprès du payeur un emploi ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(1)a) du Régime pendant la période visée par l’appel étant donné qu’il n’y avait pas un contrat de louage de services, mais plutôt un contrat d’entreprise entre l’appelant et le payeur.

 

[4]     Par conséquent, la question en litige dans la présente affaire consiste à savoir si l’appelant occupait un emploi suivant un contrat de louage de services en 2004 ou s’il était un entrepreneur indépendant. L’appelant avait commencé à conduire un taxi quelques années avant 2004. Il préférait conduire toujours le même véhicule. L’appelant n’était pas propriétaire du véhicule qu’il conduisait comme taxi. À partir de 2002, les véhicules qu’il utilisait le plus souvent appartenaient à l’une de trois personnes différentes ‑‑  Connie Webster (le « payeur »), Don Webster ou une société à numéro. Au printemps de 2004, l’appelant a eu avec Don Webster une rencontre au cours de laquelle ce dernier lui a dit que le véhicule qu’il conduisait à ce moment appartenait à la société à numéro et qu’il était transféré à une nouvelle entreprise. Si l’appelant souhaitait continuer à conduire ce véhicule, il devait devenir un chauffeur pour la nouvelle entreprise. Par contre, l’appelant pouvait rester avec la même entreprise et alors on lui assignerait le véhicule qui pourrait être disponible, quel qu’il soit. L’appelant a choisi de se joindre à la nouvelle entreprise et de continuer à conduire le même véhicule qu’il conduisait déjà.

 

[5]     Au moment où l’appelant s’est joint à la nouvelle entreprise, l’entente quant à sa rémunération a changé. L’entente avec George’s Taxi (l’entreprise pour laquelle il travaillait avant qu’il se joigne à Skycab – la nouvelle entreprise) était que l’appelant avait le droit de garder 40 p. 100 des tarifs perçus durant un quart de travail et que le reste était séparé entre le répartiteur et le propriétaire du véhicule. Avec la nouvelle entreprise, le montant des tarifs qu’il pouvait conserver a augmenté à 50 p. 100 avec un minimum garanti de 6,25 $ l’heure. Par conséquent, si 50 p. 100 des tarifs perçus durant un quart de travail correspondaient à moins de 6,25 $ multiplié par le nombre d’heures qu’il travaillait durant un quart de travail, il avait alors le droit d’être payé une somme de 6,25 $ multiplié par le nombre d’heures travaillées. Tous les frais se rapportant à l’entretien des véhicules et tous les coûts d’essence étaient assumés par les propriétaires des véhicules et non par l’appelant. L’appelant travaillait seulement durant les quarts de travail de jour et au cours de ces quarts environ 80 p. 100 des tarifs perçus résultaient d’appels effectués à la société de taxis suivis d’un avis à l’appelant par le répartiteur.

 

[6]     Dans la réponse, l’intimé a tenu pour acquis que le payeur était un propriétaire unique qui exploitait une entreprise de taxis fournissant des stations de taxis et des services de répartition de taxis à divers propriétaires de véhicules. L’intimé a en outre tenu pour acquis que l’appelant était engagé pour fournir des services en tant que chauffeur de taxi et que le payeur gardait un bassin de chauffeurs de taxi qualifiés, licenciés et approuvés. Bien que cela ne soit pas clairement énoncé dans les hypothèses, il semble ressortir de manière évidente des paragraphes 4, 5 et 8 de la réponse et de ces hypothèses que l’intimé tenait pour acquis que le payeur avait engagé l’appelant et qu’il y avait par conséquent un contrat entre le payeur et l’appelant.

 

[7]     La question de savoir si un individu est un employé ou un entrepreneur indépendant était la question en cause dans plusieurs affaires. Dans 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] A.C.S. 61, 2001 C.S.C. 59, le juge Major de la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

 

46        À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l’arrêt Stevenson Jordan, précité, qu’il peut être impossible d’établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [traduction] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d’apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l’opinion du juge MacGuigan lorsqu’il affirme — en citant Atiyah, op. cit., p. 38, dans l’arrêt Wiebe Door, p. 563 — qu’il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

 

[traduction]  [N]ous doutons fortement qu’il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d’identifier les contrats de louage de services [...]. La meilleure chose à faire est d’étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s’appliquent pas dans tous les cas et n’ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n’est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

47        Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

48        Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[8]     Dans des arrêts récents de la Cour d’appel fédérale, on a traité de la question de l’intention des parties. Dans le récent arrêt Combined Insurance Co. of America c. M.R.N., 2007 CAF 60, le juge Nadon de la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

 

35.       De ces décisions, il se dégage, à mon avis, les principes suivants :

 

1.         Les faits pertinents, incluant l’intention des parties quant à la nature de leur relation contractuelle, doivent être examinés à la lumière des facteurs de Wiebe Door, précitée, et à la lumière de tout autre facteur qui peut s’avérer pertinent compte tenu des circonstances particulières de l’instance.

 

2.         Il n’existe aucune manière préétablie d’appliquer les facteurs pertinents et leur importance dépendra des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

Même si en règle générale, le critère de contrôle aura une importance marquée, les critères élaborés dans Wiebe Door et Sagaz, précités, s’avéreront néanmoins utiles pour déterminer la véritable nature du contrat.

 

[9]     Dans la décision Lang c. Le ministre du Revenu national, 2007 CCI 547, le juge en chef Bowman a fait les observations suivantes :

 

33        J’aimerais faire quelques observations au sujet du facteur « intention ». Premièrement, la Cour suprême du Canada n’a pas exprimé d’avis au sujet du rôle de l’intention. Dans l’arrêt Sagaz, il n’est pas fait mention de l’intention en tant que facteur. Deuxièmement, si l’intention des parties est un facteur, cette intention doit être partagée par les deux parties. S’il n’y a pas rencontre de volontés et si les parties ne sont pas d’accord, l’intention ne peut pas être un facteur.

 

[10]    Le payeur n’a pas témoigné dans la présente affaire. L’appelant a été le seul témoin. En l’espèce, il est évident que le payeur et l’appelant n’ont pas une intention commune quant à la question de savoir si l’appelant était un employé ou un entrepreneur indépendant et, par conséquent, l’intention n’est pas un facteur à prendre en compte dans la présente affaire.

 

Le degré de contrôle

 

[11]    Les hypothèses dans la réponse sont, entre autres, les suivantes :

 

          [traduction]

(i)      le payeur, en coopération avec les propriétaires et les chauffeurs, établissait l’horaire individuel de travail de chaque chauffeur;

 

(j)      le payeur, de concert avec les propriétaires et les chauffeurs, assignait des véhicules aux chauffeurs au cours de chaque quart de travail;

 

[...]

 

(z)      l’appelant était tenu de suivre les procédures et règles établies par le payeur;

 

[12]    L’appelant travaillait seulement durant les quarts de jour. Le répartiteur lui donnait des indications pour qu’il aille prendre des passagers. Ses heures de travail étaient établies par le payeur, bien qu’il ait eu une certaine participation à cet égard. Comme il a été mentionné, il travaillait seulement durant les quarts de travail de jour, selon ce qu’il avait choisi. Le degré de contrôle donne à penser qu’ils avaient une relation d’employeur et employé.

 

La propriété de l’outillage

 

[13]    L’appelant n’était pas propriétaire du véhicule qu’il conduisait comme taxi et il n’avait aucun droit quant à ce véhicule. Il a indiqué qu’en 2004 il a conduit tous les jours, sauf quelques exceptions, un véhicule appartenant au payeur, à Don Webster ou à la société à numéro. Le facteur, comme il est énoncé par la Cour suprême du Canada, consiste à savoir si « le travailleur fournit son propre outillage ». Si le travailleur ne fournit pas son propre outillage et si l’outillage est fourni directement ou indirectement par une autre personne (indépendamment de savoir si cette autre personne possède réellement l’outillage ou si elle a une certaine entente contractuelle qui lui permet de fournir l’outillage), cela donne à penser que le travailleur est un employé de cette personne. Il n’est pas pertinent de savoir à qui, parmi le payeur, Don Webster ou la société à numéro, appartient le véhicule. L’appelant n’était pas un actionnaire, un administrateur ou un dirigeant de la société à numéro. Le véhicule était fourni à l’appelant par la personne qui l’avait engagé, soit en tant que propriétaire du véhicule soit en raison d’une certaine entente contractuelle entre cette personne et le propriétaire du véhicule. Il est clair que l’appelant ne fournissait pas son propre outillage et par conséquent ce facteur donne à penser que l’appelant était un employé plutôt qu’un entrepreneur indépendant.

 

L’embauche d’assistants

 

[14]    Dans la réponse, l’intimé a tenu pour acquis que [traduction] « il n’était pas permis à l’appelant d’engager un autre chauffeur pour conduire le véhicule pour lui ». L’appelant a confirmé ce fait et cela donne à penser que l’appelant était un employé.

 

Le degré de risques financiers pris par l’appelant

 

[15]    Au début de 2004, l’appelant avait le droit à 40 p. 100 des tarifs qu’il percevait. Lorsqu’il a commencé à conduire des taxis pour Skycab en 2004, l’appelant touchait une rémunération minimale garantie de 6,25 $ l’heure. L’appelant n’engageait aucuns frais se rapportant à la propriété, à l’exploitation ou à l’entretien des véhicules. Par conséquent, l’appelant avait très peu de risques financiers et encore moins de risques financiers après qu’il a commencé à conduire des taxis pour Skycab. Cela donne à penser que l’appelant était un employé.

 

Le degré de responsabilité quant aux mises de fonds et quant à la gestion

 

[16]    L’appelant n’avait aucune responsabilité quant à des mises de fonds et quant à la gestion de l’entreprise, et par conséquent ce facteur donne à penser que l’appelant était un employé.

 

Les possibilités de bénéfices

 

[17]    L’appelant travaillait seulement durant les quarts de jour, des quarts au cours desquels environ 80 p. 100 des tarifs qu’il percevait provenaient des appels faits au répartiteur. Pour plusieurs des jours, il a touché le taux horaire minimal. Même s’il y avait une certaine possibilité de bénéfices puisque l’appelant pouvait tenter de trouver des passagers additionnels lorsqu’il n’avait pas de clients, il n’avait le véhicule que pour une période fixe de temps. Par conséquent, ce facteur n’indique pas fermement qu’il était un entrepreneur indépendant et, à mon avis, il ne l’emporte pas sur les autres facteurs qui donnent à penser que l’appelant était un employé.

 

Conclusion

 

[18]    Par conséquent, à mon avis, l’application des facteurs énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sagaz amène à conclure que l’appelant était un employé.

 

[19]    L’avocat de l’intimé a soutenu que les entreprises de taxis et les chauffeurs de taxi sont traités différemment d’autres groupes. En particulier, il a renvoyé à l’arrêt Yellow Cab Company c. M.R.N., 2002 CAF 294, 215 D.L.R. (4th) 413. Toutefois, cet  arrêt traitait de l’alinéa 6e) du Règlement sur l’assurance-emploi (le « Règlement sur l’A-E ») et de la question de savoir si cet alinéa s’appliquait aux exploitants à forfait et aux propriétaires exploitants. Cet alinéa est ainsi rédigé :

 

6.            Sont inclus dans les emplois assurables, s’ils ne sont pas des emplois exclus conformément aux dispositions du présent règlement, les emplois suivants : [...]

 

e) l’emploi exercé par une personne à titre de chauffeur de taxi, d’autobus commercial, d’autobus scolaire ou de tout autre véhicule utilisé par une entreprise privée ou publique pour le transport de passagers, si cette personne n’est pas le propriétaire de plus de 50 pour cent du véhicule, ni le propriétaire ou l’exploitant de l’entreprise privée ou l’exploitant de l’entreprise publique;

 

[20]    Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Skyline Cabs (1982) Ltd., [1986] A.C.F. no 335, la Cour d’appel fédérale a traité de l’interprétation de l’alinéa 12e) du Règlement sur l’assurance-chômage. Cet alinéa prévoyait ce qui suit :

 

12.         Sont inclus dans les emplois assurables, s’ils ne sont pas des emplois exclus en vertu du paragraphe 3(2) de la Loi ou d’une disposition du présent règlement, les emplois suivants :

 

e) l’emploi exercé par une personne à titre de chauffeur de taxi, d’autobus commercial, d’autobus scolaire ou d’un autre véhicule utilisé par une entreprise privée ou une administration publique pour le transport de passagers, lorsque cette personne n’est pas le propriétaire du véhicule ni l’exploitant, ni le patron de l’entreprise privée ou de l’administration publique; [...]

 

[21]    M. le juge MacGuigan, au nom de la Cour d’appel fédérale, a déclaré ce qui suit relativement à l’alinéa 12e) du Règlement sur l’assurance-chômage :

 

L’applicabilité de l’alinéa 12e) du Règlement était la seule question soumise à la Cour de l’impôt; à la lumière des décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans l’affaire La Reine c. Scheer Ltd., [1974] R.C.S. 1046 et dans l’affaire Martin Service Station c. Ministre du Revenu national, [1977] 2 R.C.S. 996, j’estime qu’il faut considérer comme une règle incontestable la proposition voulant que le mot « emploi » figurant dans ce paragraphe ne doive pas recevoir le sens étroit de contrat de service mais le sens large d’[traduction] « activité » ou d « occupation ».

 

[22]    Par conséquent, un chauffeur de taxi qui ne satisfait pas aux critères énoncés dans la deuxième moitié de l’alinéa 6e) du Règlement sur l’A-E, mais qui pourrait par ailleurs être un entrepreneur indépendant, est toujours réputé occuper un emploi assurable aux fins de l’application du Règlement sur l’A-E et de la Loi sur l’assurance-emploi. Toutefois, cette disposition ne s’applique qu’aux fins de l’application du Règlement sur l’A-E et de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle ne s’applique pas quant au Régime, et l’arrêt Yellow Cab Company traitait de cette disposition.

 

[23]    De plus, il faut souligner que l’arrêt Yellow Cab Company traitait de la question de savoir si les exploitants à forfait et les propriétaires exploitants étaient des propriétaires ou des exploitants de leur propre entreprise. L’appelant n’est ni un exploitant à forfait ni un propriétaire exploitant. Il est un chauffeur. La Cour d’appel fédérale a appliqué l’arrêt Sagaz de la Cour suprême du Canada. Cela confirme que cet arrêt de la Cour suprême du Canada s’applique à des individus de l’industrie du taxi.

 

[24]    La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Yellow Cab Company, a en outre déclaré ce qui suit :

 

29.          [...] Plus important encore, cependant, je remarque que les exploitants à contrat ont délégué effectivement certaines de leurs activités de chauffeur et, ce faisant, ils versaient les retenues au titre de l’impôt sur le revenu et les montants relatifs au RPC et les cotisations au titre de l’assurance-emploi pour le compte des chauffeurs. L’intimé ne conteste pas le fait que les exploitants à contrat étaient les employeurs des chauffeurs embauchés comme l’atteste le fait qu’il n’a pas établi de cotisation à l’endroit de Yellow Cab pour les revenus produits lorsque les exploitants à contrat employaient des chauffeurs.

 

[25]    Par conséquent, il est clair que des chauffeurs de taxi peuvent être des employés. Rien ne donne à penser qu’on ne devrait pas appliquer dans la présente affaire les principes comme ils ont été énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sagaz.

 

[26]    La question de savoir si l’appelant était un employé ou un entrepreneur indépendant d’une entreprise de taxis antérieure a fait l’objet d’une décision de la Commission du travail et de l’emploi du Nouveau-Brunswick. M. E. McGinley, c.r., président de la Commission, a souligné que l’appelant était un employé et non un entrepreneur indépendant. L’entente entre l’appelant et Trius Taxi (F’ton) Ltd., selon ce qui a été résumé dans les motifs de décision de la Commission, était en grande partie semblable aux ententes actuelles à l’égard de l’appelant.

 

[27]    L’avocat de l’intimé a avancé au cours des débats que la question consistait à savoir si la personne identifiée comme « employeur » était la bonne personne. Toutefois, rien dans la réponse ne donne à penser que c’est là la question en litige et, comme il a été précédemment mentionné, on a identifié le payeur comme étant la personne qui exploitait l’entreprise à titre de propriétaire unique. Ce n’est plus le temps pour l’avocat de l’intimé de soulever cette question au cours des débats, après que toute la preuve a été présentée.

 

[28]    Dans l’arrêt Pollock v. The Queen, [1994] 1 C.T.C. 3, 94 DTC 6050, le juge Hugessen, au nom de la Cour d’appel fédérale, a fait les commentaires suivants :

 

Cependant, lorsque le ministre n’a plaidé aucune supposition ou lorsque les suppositions qu’il a plaidées ont été en tout ou en partie démolies, il reste la possibilité au ministre, en tant que défendeur, de prouver, s’il le peut, le bien‑fondé de la cotisation qu’il a établie. À cette fin, il doit supporter le fardeau de preuve qui incombe ordinairement à toute partie à un procès, soit celui de prouver les faits qui étayent sa prétention à moins que ceux‑ci n’aient déjà été introduits en preuve par son adversaire. C’est une question de droit qui a fait l’objet d’une jurisprudence constante.

 

 

[29]    Dans l’arrêt Loewen, 2004 CAF 146, la juge Sharlow, au nom de la Cour d’appel fédérale, a fait les commentaires suivants :

 

11     Les contraintes imposées au ministre lorsqu’il invoque des hypothèses n’empêchent cependant pas Sa Majesté de soulever, ailleurs dans la réponse, des allégations de fait et des moyens de droit qui sont étrangers au fondement de la cotisation. Si Sa Majesté allègue un fait qui ne fait pas partie des faits présumés par le ministre, la charge de la preuve repose sur elle. Ce principe est bien expliqué dans la décision Schultz c. Canada, [1996] 1 C.F. 423, [1996] 2 C.T.C. 127, 95 D.T.C. 5657 (C.A.F.) (autorisation d’appel refusée [1996] A.C.S.C. no 4).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[30]    L’autorisation d’interjeter devant la Cour suprême du Canada appel de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale a été refusée (Loewen v. R., 338 N.R. 195 (note)).

 

[31]    L’intimé n’a présenté aucun élément de preuve à l’égard de la question de savoir si le payeur était le bon employeur ou de savoir s’il y avait absence de contrat entre le payeur et l’appelant. Étant donné que la question exposée dans la réponse énonce clairement que l’intimé adopte la position voulant qu’il y avait un contrat de louage de services entre le payeur et l’appelant, l’intimé ne peut pas, à la fin de l’audience, adopter la position selon laquelle il y avait absence d’un tel contrat alors qu’aucun élément de preuve à cet égard n’a été présenté et qu’aucune demande de modification de la réponse n’avait été faite.

 

[32]    L’appelant a déclaré que son entente de travail a changé en 2004 lorsqu’il a cessé de conduire un taxi pour George’s Taxi pour passer chez Skycab. On peut supposer que cela a entraîné un changement quant à l’employeur de l’appelant. Cependant, les seules parties au présent appel sont l’appelant et l’intimé. Roy A. Flowers a déposé un avis d’intervention, mais il n’a pas comparu à l’audience et aucune explication n’a été fournie quant à son lien avec la présente affaire. La seule question en litige est celle de savoir si l’appelant occupait un emploi assurable en 2004. La question du montant de la cotisation de l’employeur qui serait payable par le payeur à l’égard de l’appelant conformément à l’article 9 du Régime n’est pas la question en litige en l’espèce. Le payeur n’est pas une partie au présent appel. Le montant de la cotisation payable par chaque employeur de l’appelant en 2004 devra faire l’objet d’une instance séparée.

 

[33]    L’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que, au cours de la période visée par l’appel, l’appelant occupait un emploi ouvrant droit à pension pour l’application du Régime.

 

       Signé à Halifax, en Nouvelle-Écosse, ce 11e jour d’avril 2008.

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d’octobre 2008.

 

Danièle Laberge, LL.L.


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI210

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-4497(CPP)

 

INTITULÉ :                                       DARYL J. BARTON ET M.R.N. ET ROY A. FLOWERS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 2 avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 11 avril 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocats de l’intimé :

Me Martin Hickey et Me Kendrick Douglas

Pour l’intervenant :

Aucune comparution

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

                            Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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