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Dossier : 2007-3100(IT)I

ENTRE :

LUC BERGERON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 11 février 2008 à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelant :

 

Ronald Gagnon

Avocate de l'intimée :

Me Susan Shaughnessy

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2004 est rejeté, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d’avril 2008.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

 

Référence : 2008CCI165

Date : 20080414

Dossier : 2007-3100(IT)I

 

ENTRE :

LUC BERGERON,

appelant,

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Bédard

 

[1]              L’appelant interjette appel, sous le régime de la procédure informelle, d’une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour son année d’imposition 2004. Par cette nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national (le « ministre ») refusa à l’appelant des dépenses d’entretien engagées par celui-ci en 2004 pour un immeuble locatif dont il était propriétaire.

 

[2]              Pour établir et ratifier la nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2004, le ministre a tenu pour acquis les mêmes hypothèses de fait, à savoir :

 

a)                 L’appelant est propriétaire d’un immeuble situé au 4716‑4720 rue Marquette à Montréal;

 

b)                Cet immeuble compte deux commerces au rez-de-chaussée et au sous-sol et deux logements résidentiels à l’étage;

 

c)                 L’appelant occupe l’un des deux logements;

 

d)                Ce logement occupe 20 % de la superficie de l’immeuble;

 

e)                 Les revenus bruts de l’immeuble s’élèvent à 36 097 $;

 

f)                  Lors de la production de sa déclaration de revenus, l’appelant a réclamé les dépenses locatives suivantes :

 

 

Dépenses

Dépenses

totales

Partie

personnelle

Dépenses

admissible selon

l’appelant

Dépenses

admissible selon

la vérification

Assurances

2 243 $

449 $

1 795 $

1 795 $

Intérêts

7 769 $

1 554 $

6 216 $

6 216 $

Entretien & Réparation

43 588 $

8 718 $

34 870 $

1 560 $

Frais comptables

345 $

0 $

345 $

345 $

Taxes

4 800 $

960 $

3 840 $

3 840 $

Services publics

100 $

20 $

80 $

80 $

Frais de banque

56 $

11 $

45 $

45 $

 

 

 

 

 

Total

58 902 $

11 711 $

47 191 $

13 881 $

 

g)                 Suite à la production de sa déclaration, l’appelant a révisé ses dépenses et réduit la portion personnelle du poste dépense entretien & réparation à 355 $;

 

h)                 Les dépenses au poste entretien et réparation refusées par la vérification sont les suivantes :

 

                                                       i)            Une somme de 16 229 $ payée à Entreprise Pierre Charest puisque les travaux réalisés touchent la structure de l’appartement, ce montant est toutefois admissible comme dépens en capital;

 

                                                     ii)            De même, les sommes de 699 $ et de 2 895 $, de 139 $ et 140 $ déboursées chez Réno-Dépôt pour la nouvelle cuisine en érable ont aussi été capitalisées;

 

                                                   iii)            Les montants de 8 123 $ payés à l’entreprise Pierre Charest, de 9 612 $ à Doraco Noiseux, de 50 $ à Groupe HPDG et de 3 945 $ à F.S.C. consultant ont été refusés car ce sont des dépenses personnelles de l’appelant.

 

[3]              Par ailleurs, la preuve a révélé que :

 

                         i)                  l’immeuble avait été construit en 1915 et l’appelant l’avait acquis en 1998;

 

                       ii)                  de 2000 à 2005, l’appelant avait habité le logement situé au 4716, rue Marquette (le « logement 4716 »);

 

                     iii)                  le logement situé au 4718, rue Marquette (le « logement 4718 ») fut loué à des personnes sans lien de dépendance jusqu’au 31 décembre 2003. Ce logement fut inoccupé en 2004 et 2005 et a fait l’objet de rénovations majeures et structurelles pendant cette période. En fait, la somme de 33 309 $ réclamée à titre de dépense locative par l’appelant pour l’année d’imposition 2004 et refusée par le ministre était liée à des travaux du logement;

 

                     iv)                  depuis le 1er janvier 2006, date qui correspond à la fin des rénovations du logement 4718, l’appelant l’habite à titre de résidence principale;

 

                       v)                  en 2003, donc avant le début des rénovations, l’appelant louait le logement 4718 à un loyer mensuel d’environ 550 $. L’appelant a témoigné que la nature et l’ampleur des rénovations au logement 4718 lui permettaient aujourd’hui de le louer à un loyer mensuel d’environ 1 500 $. L’appelant a aussi témoigné que son intention avait toujours été de louer ce logement rénové à une personne sans lien de dépendance à un loyer mensuel d’environ 1 500 $. L’appelant a expliqué qu’il habitait ce logement rénové en attendant d’acquérir un immeuble semblable à celui de la rue Marquette, immeuble qu’il rénoverait et dont il habiterait un des logements une fois la rénovation complétée. L’appelant a ajouté qu’il avait été particulièrement actif durant les huit derniers mois dans sa démarche visant l’acquisition d’un nouvel immeuble dont l’état nécessiterait des rénovations majeures.

 

[4]              Il convient de souligner que le représentant de l’appelant a reconnu que les dépenses de rénovation effectuées au logement 4718 en 2004 n’étaient pas des dépenses de nature courante engagées par l’appelant en vue de tirer un revenu du bien, mais bien des dépenses de nature capitale, puisque les travaux de rénovation visaient à améliorer l’immeuble de façon permanente. Le représentant de l’appelant a toutefois soutenu que le coût de tous les travaux effectués au logement 4718 en 2004 devait être ajouté au coût en capital de l’immeuble et que l’alinéa 20(1)a) de la Loi permettait ainsi au contribuable de déduire, dans le calcul de son revenu tiré de ce bien, la partie du coût en capital supporté par celui-ci ou le montant au titre de ce coût ainsi supporté que le règlement autorise. Autrement dit, le représentant de l’appelant a prétendu que, bien que son client ne pût déduire, à titre de dépense courante le coût des rénovations du revenu de location en 2004, l’appelant avait droit par ailleurs à une dépense d’amortissement, dans les limites permises, par le règlement applicable de la Loi pour le coût des rénovations, dépense d’amortissement qui, selon lui, devait être réduite toutefois de 20 % puisque son client occupait à titre personnel 20 % de la superficie de l’immeuble de la rue Marquette.

 

[5]              L’avocate de l’intimée a soutenu par ailleurs que :

 

                         i)                  toutes les sommes payées en 1994 à Les Entreprises Pierre Charest enr., à Réno-Dépôt, à Doraco Noiseux, à Groupe HPDH et à F.S.L. Consultant inc. (pièces A-1, A-2 et A-3) étaient des dépenses personnelles de l’appelant, puisque la preuve a révélé lors de l’audition qu’elles étaient toutes liées au logement 4718 que l’appelant habite à titre de résidence principale depuis la fin des travaux;

 

                       ii)                  sa cliente n’aurait jamais reconnu que la somme de 16 229 $ payée à Les Entreprises Pierre Charest inc. (pièce A-2) et les sommes de 699 $, de 28 959 $, de 139 $ et de 140 $ payées à Réno-Dépôt en 2004 (pièce A-3) étaient admissibles comme dépenses en capital si elle avait su que l’appelant habitait depuis la fin des travaux non pas le logement 4716, mais bien le logement 4718.

 

[6]              Les dispositions de la Loi applicables en l’espèce se lisent comme suit :

 

18(1)a)

 

a)   Restriction générale -- les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;

 

18(1)b)

 

b)   Dépense ou perte en capital -- une dépense en capital, une perte en capital ou un remplacement de capital, un paiement à titre de capital ou une provision pour amortissement, désuétude ou épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente partie;

 

20(1)a)

 

a)   Coût en capital des biens [DPA] -- la partie du coût en capital des biens supporté par le contribuable ou le montant au titre de ce coût ainsi supporté que le règlement autorise;

 

18(1)h)

 

h)   Frais personnels ou de subsistance -- le montant des frais personnels ou de subsistance du contribuable -- à l'exception des frais de déplacement engagés par celui-ci dans le cadre de l'exploitation de son entreprise pendant qu'il était absent de chez lui;

 

248(1)

 

« frais personnels ou de subsistance » Sont compris parmi les frais personnels ou  de subsistance :de subsistance :

 

a)      les dépenses inhérentes aux biens entretenus par toute personne pour l'usage ou l'avantage du contribuable ou de toute personne unie à ce dernier par les liens du sang, du mariage, de l'union de fait ou de l'adoption, et non entretenus dans le but ou avec l'espoir raisonnable de tirer un profit de l'exploitation d'une entreprise;

 

b)      les dépenses, primes ou autres frais afférents à une police d'assurance, un contrat de rentes ou à d'autres contrats de ce genre, si le produit de la police ou du contrat est payable au contribuable ou à une personne unie à lui par les liens du sang, du mariage, de l'union de fait ou de l'adoption, ou au profit du contribuable ou de cette personne;

 

c)      les dépenses inhérentes aux biens entretenus par une succession ou une fiducie au profit du contribuable à titre de bénéficiaire.

 

 

[7]              L’alinéa 18(1)a) de la Loi établit la règle générale voulant que, dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les dépenses ne sont pas déductibles, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien.

 

[8]              L’alinéa 18(1)h) de la Loi prévoit notamment que les frais personnels ou de subsistance d’un contribuable ne sont pas déductibles dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise. L’expression « frais personnels ou de subsistance » est définie au paragraphe 248(1) de la Loi, qui indique que « sont compris […] les dépenses inhérentes aux biens entretenus […] pour l’usage […] du contribuable […] et non entretenus dans le but ou avec l’espoir raisonnable de tirer un profit de l’exploitation d’une entreprise. »

 

[9]              L’alinéa 18(1)b) de la Loi, pour sa part, stipule qu’une dépense en capital n’est pas déductible, sauf pour ce qui est expressément permis par la partie I de la Loi. L’alinéa 20(1)a) de la Loi permet au contribuable de déduire dans le calcul de son revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien la partie du coût en capital des biens supporté par le contribuable ou le montant au titre de ce coût ainsi ni supporté que le règlement autorise.

 

[10]         Finalement, l’article 67 de la Loi prévoit pour sa part que, pour être déductible, la dépense doit être raisonnable, et ce, bien que cette dépense soit déductible par ailleurs en vertu de la Loi. Toutefois, il convient de souligner que cette disposition légale n’a pas été invoquée dans la réponse à l’avis d’appel. Par conséquent, je ne me prononcerai pas en l’espèce sur la question de savoir si les dépenses étaient raisonnables.

 

[11]         Ainsi, je devrai, à la lumière de la preuve soumise, déterminer si la déduction des dépenses était interdite en vertu des alinéas 18(1)a) et 18(1)b) de la Loi, qui ont essentiellement le même effet. Autrement dit, je devrai répondre à la question suivante : est-ce que les dépenses constituent des dépenses personnelles qui n’avaient pas été engagées dans le but de tirer un revenu d’entreprise?

 

Analyse et conclusion

 

[12]         En l’espèce, le représentant de l’appelant a admis que toutes les dépenses visées étaient des dépenses de nature capitale. Or, l’alinéa 18(1)b) de la Loi stipule qu’une dépense de nature capitale n’est pas déductible dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré d’un bien. Compte tenu de la relation qui existe entre les articles 18 et 20 de la Loi, on remarque toutefois que l’alinéa 20(1)a) autorise, dans des limites précises, ce que l’alinéa 18(1)b) de la Loi interdit. En effet, nonobstant la prohibition générale édictée par l’alinéa 18(1)b) de la Loi, l’alinéa 20(1)a) de la Loi permet qu’un contribuable déduise, dans le calcul de son revenu tiré de biens pour une année d’imposition, une partie des dépenses de nature capitale qu’il engage dans le but de gagner ce revenu. Il s’agit, dans le cas de l’alinéa 20(1)a) de la Loi, de ce que la Loi appelle la « déduction pour amortissement », c’est-à-dire une déduction permise chaque année au titre du coût d’acquisition d’un bien amortissable. En d’autres termes, l’appelant avait en principe droit, dans le calcul de son revenu tiré de son immeuble locatif de la rue Marquette pour son année d’imposition 2004, à une déduction pour amortissement calculée sur la fraction non amortie du coût en capital (FNACC) de cet immeuble à la fin de cette année d’imposition. La FNACC devait inclure en principe les dépenses de nature capitale en cause engagées (et payées) durant cette année, pourvu toutefois que les dépenses de nature capitale aient été engagées (et payées) dans le but de tirer un revenu de ce bien. Il est entendu que, si les dépenses de nature capitale n’ont pas été engagées (et payées) en vue de tirer un revenu de l’immeuble ou si elles étaient plutôt de nature personnelle, l’appelant n’avait pas droit à une déduction pour amortissement pour ces dépenses de nature capitale, puisqu’elles ne pouvaient pas faire partie de la FNACC de l’immeuble à la fin de l’année d’imposition. En l’espèce, la preuve a révélé que ces dépenses de nature capitale étaient liées à la rénovation du logement 4718, logement qui sert, depuis la fin des travaux de rénovation, de résidence principale de l’appelant. Ces dépenses de nature capitale étaient, à mon avis, tout simplement des dépenses personnelles de l’appelant et non des dépenses de nature capitale engagées (et payées) par l’appelant dans le but de tirer un revenu de l’immeuble durant cette année d’imposition.

 

[13]         Quant au raisonnement du représentant de l’appelant selon lequel ces dépenses de nature capitale devaient être ajoutées à la FNACC de l’immeuble à la fin de l’année d’imposition 2004 et qu’il fallait plutôt réduire la dépense de 20 %, soit le pourcentage de l’utilisation de l’immeuble à des fins personnelles, il ne vaut, à mon avis, que si les dépenses de nature capitale avaient été engagées (et payées) à la fois pour des fins personnelles et pour tirer un revenu du bien. Ainsi, si l’appelant avait remplacé, par exemple, le toit de l’immeuble en 2004, il aurait alors été en droit d’ajouter le coût de remplacement du toit dans le calcul de la FNACC de l’immeuble à la fin de l’année d’imposition 2004 et de réclamer 80 % (soit le pourcentage de la superficie de l’immeuble utilisé en 2004 en vue de tirer un revenu du bien) de la déduction pour amortissement par ailleurs permise par les règlements. Le raisonnement du représentant de l’appelant ne peut en l’espèce être retenu, car les dépenses de nature capitale en cause étaient liées à une partie de l’immeuble, en l’espèce le logement 4718, devant servir de résidence principale de l’appelant une fois les rénovations terminées, et qui sert toujours de résidence principale de l’appelant.

 

[14]         Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d’avril 2008.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

 


RÉFÉRENCE :                                            2008CCI165

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :                2007-3100(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                        LUC BERGERON ET LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           le 11 février 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :       L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DE L’ORDONNANCE :                    le 14 avril 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelant :

 

Ronald Gagnon

Avocate de l'intimée :

Me Susan Shaughnessy

 

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour l'appellant:

 

                     Nom :                                     

 

                 Cabinet :                                    

 

       Pour l’intimée :                                      John H. Sims, c.r.

                                                                    Sous-procureur général du Canada

                                                                    Ottawa, Canada

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