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Dossier : 2007-3516(IT)I

ENTRE :

ARTHUR ST-PIERRE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 11 février 2008, à Chicoutimi (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelant :

Berthold Tremblay

 

Avocate de l'intimée :

Me Anne Poirier

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2005 est rejeté, sans frais, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d’avril 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 


 

 

 

 

Référence : 2008CCI209

Date : 20080422

Dossier : 2007-3516(IT)I

ENTRE :

 

 

ARTHUR ST-PIERRE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Tardif

 

 

[1]              Il s'agit d'un appel d'une cotisation dont le fondement est un formulaire T5, émis au nom de l'appelant attestant qu'un montant de 12 500,93 $ d'intérêts a été comptabilisé dans le dossier de l'appelant auprès de la Régie des rentes du Québec.

 

[2]              Les faits sont bien décrits au paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel, lesquels ont d'ailleurs fait l'objet d'admission de la part du comptable qui représentait l'appelant. Il y a lieu de la reproduire :

 

a)      Selon les registres du Ministre, l'appelant a reçu et déclaré des prestations d'assistance sociale au cours des années d'imposition 1993 et 2004, en vertu de l'alinéa 56 u) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) modifiée, ci‑après, la « Loi »), et a réclamé une déduction en vertu de l'alinéa 110(1)f) de la Loi, comme suit :

 

 

Année

Prestation

Déduction

2004

  9 384 $

  9 384 $

2003

  9 207 $

  9 207 $

2002

  9 060 $

  9 060 $

2001

  8 828 $

  8 828 $

2000

  8 610 $

  8 610 $

1999

  8 471 $

  8 471 $

1998

  8 394 $

  8 394 $

1997

  8 245 $

  8 245 $

1996

  8 122 $

  8 122 $

1995

  7 932 $

  7 932 $

1994

  8 040 $

  8 040 $

1993

  5 590 $

  5 590 $

TOTAL

99 883 $

99 883 $

 

b) Par lettre datée du 29 septembre 2005, la Régie des rentes du Québec (ci‑après, le « R.R.Q. ») a avisé l’appelant qu’il le reconnaissait invalide depuis juillet 1994 et pourrait lui verser une rente d’invalidité d’environ 518 $ par mois à compter de novembre 1994;

 

c) Pour l’année d’imposition 2005, le R.R.Q. a émis à l’appelant des formulaires T4A « État des prestations du régime de rentes du Québec » (ci‑après, le « T4A ») indiquant des « Prestations du R.R.Q. imposables » pour les montants respectifs de 75 094,56 $ et 1 237,28 $;

 

d) Le formulaire T4A indiquant un montant total de 75 094,56 $ couvrant les montants de prestations d’invalidité dues à l’appelant entre 1994 et 2005, présentait le détail suivant :

 

Année

Montant

2005

 7 596,00 $

2004

 7 469,04 $

2003

 7 237,44 $

2002

 7 123,44 $

2001

 6 915,96 $

Autres

38 752,68 $

TOTAL

75 094,56 $

 

e) Pour l’année d’imposition 2005, le R.R.Q a calculé des intérêts sur les prestations dues pour un montant total de 12 500,93 $;

 

f) Conséquemment, le R.R.Q. a émis à l’appelant un formulaire T5 « État des revenus de placements » (ci‑après, le « T5 ») indiquant un montant d’intérêts de source canadienne de 12 500,93 $ pour l’année d’imposition 2005;

 

g) Pour l’année d’imposition 2005, le Ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille (ci‑après, le « MESSF ») a émis à l’appelant un formulaire T5007 « État des prestations » (ci‑après, le T5007 ») indiquant un montant de « 7 064,72 $ » à titre de prestation d’assistance sociale;

 

h) Compte tenu que, en date du 29 novembre 2005, l’appelant avait un solde dû de 86 966,76 $ envers le MESSF, le R.R.Q. a envoyé à celui‑ci un montant de 86 962,49 $ (voir détail en annexe), à titre de remboursement partiel du montant dû;

 

i) Le Ministre a calculé le revenu total, le revenu net et le revenu imposable de l’appelant pour son année d’imposition 2005, comme suit :

 

DESCRIPTION

Montant

Prestations du R.R.Q.

8 896 $

Intérêts sur revenus de placement

12 500 $

Prestations d’assistance sociale

 7 604 $

Revenu total

29 000 $

Revenu net

29 000 $

Déduction pour autres paiements

 7 604 $

Revenu imposable

21 396 $

 

j) Compte tenu que l’appelant avait inclus à sa déclaration de revenu 2005, un formulaire T1198 (État d’un paiement forfaitaire rétroactif admissible), le Ministre a procédé au calcul rétrospectif le plus avantageux pour un remboursement forfaitaire, pour l’année d’imposition 2005 de l’appelant, relativement au montant de 75 094,56 $;

 

k) À sa déclaration de revenu pour son année d’imposition 2005, l’appelant a réclamé un montant de 12 500 $ à titre d’autres déductions;

 

l) Le Ministre a refusé à l’appelant, le montant de 12 500 $ à titre d’autres déductions pour son année d’imposition 2005.

 

[3]              Seul le représentant de l'appelant a témoigné; il a expliqué qu'il s'occupait du dossier de ce dernier depuis un certain temps. Il a affirmé avoir tout fait pour éviter la cotisation en tentant notamment d’obtenir le droit d'amortir le montant d'intérêts apparaissant sur le T5 sur toutes les années concernées par la période visée, soit de 1993 à 2004.

 

[4]              S'étant vu refuser une telle possibilité, il a indiqué ne pas comprendre puisque le procédé, au niveau du capital, avait été accepté sans problème.

 

[5]              Le témoignage du représentant de l'appelant est très bien résumé dans son avis d'appel; je reproduis les passages pertinents retrouvés aux paragraphes 2 et 3 :

 

En 2005, la régie des rentes a remboursé le centre local d'emploi du Ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la famille (MESSF) d'un montant de $86 942.49 incluant des intérêts de $ 12 500.93 suite à une procédure administrative permettant au MESS de réclamer de la RRQ les sommes que je pouvais recevoir depuis 1994 alors qu'à l'époque j'avais le choix de revoir soit une partie de la RRQ ou 100% de bien-être social.

 

Les intérêts de $ 12 500 ont été directement versés au MESSF. M. St-Pierre n'a pas touché aucun sous de ces intérêts. Revenu Canada refuse la déduction demandée pour ces intérêts pour des sommes dues  au MESSF depuis 1994.

 

[6]              Le vérificateur a expliqué qu'il avait essentiellement traité le dossier en conformité avec les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à savoir que le montant des intérêts (feuillet T5) a été comptabilisé comme revenu à l'endroit de l'appelant au nom de qui le feuillet avait été établi. Il a aussi ajouté que les intérêts étaient imposables durant l'année visée par le T5.

 

[7]              Il s'agit-là d'une situation totalement aberrante où manifestement certains intervenants ont mis en place une ou des façons de faire dont le but était probablement de mieux faire paraître leur administration et gestion sans se préoccuper des conséquences au niveau de l’appelant.

 

[8]              La situation peut tout simplement se résumer comme suit. L'appelant privé d'un revenu, obtient des prestations d'aide sociale durant un certain nombre d'années. À partir de 60 ans, il devrait plutôt demander une rente d'invalidité au lieu de prestations d'aide sociale. Ainsi, les autorités se rendent compte qu'il aurait pu, dès le départ, obtenir une rente d'invalidité au lieu et à la place de prestations d'aide sociale

 

[9]              Le ministre concerné prépare une réclamation et initie des procédures légales à l'endroit de l'appelant pour se faire rembourser tous les montants qui lui ont été versés à titre de prestations d'aide sociale.

 

[10]         La régie des rentes du Québec « R.R.Q. » reconnaît qu'une rente d'invalidité était payable à l'appelant et rembourse effectivement le payeur de prestations d'assistance sociale. À la demande du représentant de l'appelant le montant du remboursement est réparti sur le nombre d'années concernées, soit de 1993 à 2004 ne générant ainsi aucun impôt à payer par l’appelant.

 

[11]         Néanmoins, un feuillet T5 a été émis à l’appelant à l’égard des intérêts qui ont été payés au MESSF, eu égard au nombreuses années concernées et écoulées. Le ministre a néanmoins traité ce T5 comme un revenu d’intérêts imposable pour l’appelant dans l’année de son émission. Ces opérations entre les deux ministères n’ont en rien profité à l'appelant. L’appelant n’a ni bénéficié ou profité du montant des intérêts en question et la totalité du montant a été dirigé vers le ministère des affaires sociales qui avait versé des prestations d’aide sociale lors de la période allant de 1993 à 2004.

 

[12]         Eu égard aux dispositions de la Loi, le vérificateur a expliqué que l'agence devait le traiter ainsi et cela même si le capital ayant fait l'objet du calcul a été quant à lui réparti sur les nombreuses années concernées ayant ainsi aucun impact; quant au capital, il s’agissait d'un montant important de 75 094,56 $.

 

[13]         Il s'agit évidemment d'un dossier très particulier en ce que non seulement, il est manifeste que l'appelant n'a pas la capacité de payer le montant si marginal soit-il, mais il a dû faire face à de nombreux tracas administratifs (réclamation judiciaire, correspondance multiple, tension). Heureusement pour lui, son comptable monsieur St‑Pierre l'a en quelque sorte pris sous son aile. Il l'a d’ailleurs très bien représenté devant la Cour.

 

[14]         Eu égard aux circonstances particulières, je suggère fortement que les autorités prennent en considération les divers éléments qui caractérisent ce dossier et renoncent à percevoir cette cotisation. D’ailleurs, le législateur a prévu que l’état peut annuler une telle réclamation (Loi sur la Gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11, s. 23(2)).

 

[15]         Quant à l'émission du T5 à l'origine de la cotisation, il me semble que cette situation devrait être révisée de manière à éviter que ces personnes démunies, déjà très accablées par la vie ne soient plus obligés de se battre et débattre pour se sortir de situations où ils sont d'innocentes victimes sans la moindre contribution de leur part. La transparence administrative ne doit pas se faire sur le dos des gens démunies et sans ressources.

 

[16]         Quant à la cotisation dont il est fait appel, il appert qu’elle a été établie conformément aux dispositions de la Loi ce qui a évidemment pour effet qu’elle doit être confirmée et l’appel doit être rejeté.

 

[17]         Par contre, il s’agit manifestement d’un dossier que le législateur avait à l’esprit au moment où il a prévu à l’article 23(2) Loi sur la Gestion des finances publiques, L.R.C. (1985) Ch. F-11, s.23 – Définitions

 

23.(2) Remise de taxes ou de pénalités – Sur recommandation du ministre compétent, le gouvernement en conseil peut faire remise de toutes taxes ou pénalités, ainsi que des intérêts afférents, s’il estime que leur perception ou leur exécution forcée est déraisonnable ou injuste ou que, d’une façon générale, l’intérêt public justifie la remise.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d’avril 2008.

 

 

« Alain Tardif »

Juge Tardif

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI209

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-3516(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              ARTHUR ST-PIERRE ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Chicoutimi (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 11 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Alain Tardif

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 22 avril 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelant :

Berthold Tremblay

 

Avocate de l'intimée :

Me Anne Poirier

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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