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Dossier : 2003-2432(IT)G

ENTRE :

TERRY DACOSTA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Justification et requête entendues le 21 janvier 2008, à London (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Andrea Cooley

 

Avocat de l’intimée :

Me Pascal Tétrault

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

          VU la requête présentée par l’avocat de l’appelant afin d’obtenir une ordonnance prorogeant le délai dans lequel il faut produire et signifier la liste des documents de l’appelant, terminer les interrogatoires préalables, respecter les engagements et communiquer avec le coordonnateur des audiences de la Cour;

 

          ET APRÈS avoir entendu les observations formulées par les parties;

 

          La requête de l’appelant est accueillie en partie.

 

          LA COUR ORDONNE :

 

1.                 que l’appelant produise et signifie à l’intimée une liste de documents (communication partielle) au plus tard le 22 janvier 2008;

 

2.                 que l’appelant informe l’intimée au plus tard le 31 janvier 2008 des dates en février, en mars et en avril 2008 où il ne sera pas en mesure de se présenter à un interrogatoire préalable, faute de quoi la Couronne pourra elle‑même fixer une date;

 

3.                 que l’interrogatoire préalable de l’appelant soit terminé au plus tard le 30 avril 2008;

 

4.                 que l’appelant respecte, au plus tard le 30 mai 2008, les engagements qu’il aura pris au moment de son interrogatoire préalable;

 

5.                 que les parties communiquent par écrit avec le coordonnateur des audiences au plus tard le 30 juin 2008 pour informer la Cour des dates possibles en août et en septembre 2008 de sorte qu’une date d’audience à London soit fixée péremptoirement. Les parties peuvent produire une demande commune visant à fixer les temps et lieu de l’audience, conformément à l’article 123 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »);

 

6.                 que des dépens de 475 $, plus les débours, liés à l’audience de justification et à l’instruction de la requête, soient payables par l’appelant à l’intimée et soient remboursés à l’appelant par l’avocat de l’appelant;

 

7.                 que, en application du paragraphe 152(3) des Règles, l’avocat de l’appelant fasse parvenir sans délai à l’appelant un double de la présente ordonnance et des présents motifs de l’ordonnance, puis informe la Cour par lettre du moment où cette mesure aura été prise.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2008.

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d’avril 2008.

 

Aleksandra Koziorowska


 

 

 

Référence : 2008CCI136

Date : 20080307

Dossier : 2003-2432(IT)G

ENTRE :

TERRY DACOSTA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Boyle

 

[1]     Après avoir procédé à l’audience de justification, dont la tenue a été ordonnée par la Cour, à London (Ontario), le 21 janvier 2008, et après avoir entendu la requête de l’appelant au même moment, j’ai accueilli la requête de l’appelant en partie et fixé de nouveaux délais dans lesquels les mesures préparatoires à l’instruction devront être prises. J’ai prorogé le délai de production et de signification de la liste des documents de l’appelant, le délai applicable à l’interrogatoire préalable de l’appelant ainsi que le délai dans lequel l’appelant devra avoir respecté ses engagements, et j’ai ordonné aux parties de faire savoir à la Cour au plus tard le 30 juin 2008 si l’affaire est en état d’être inscrite pour instruction. La Couronne s’est opposée à la requête de l’appelant et a insisté pour que je rejette l’appel pour cause de retard en application du paragraphe 125(5) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »). À ce moment, j’ai expressément décidé de reporter ma décision sur la question des dépens liés à l’audience de justification et à la requête, et j’ai invité les parties à me présenter des observations sur la question de savoir si l’avocat de l’appelant devait être personnellement condamné à tout ou partie des dépens.

 

Historique de l’appel

 

[2]     En 2003, l’appelant a introduit pour son propre compte le présent appel relatif aux années d’imposition 1998 et 1999 en produisant un avis d’appel squelettique. Lors d’une première audience de justification tenue en novembre 2004, à laquelle l’appelant ne s’est pas présenté, la Cour a ordonné que les documents de l’intimée soient produits au plus tard le 31 décembre 2004, que les documents de l’appelant soient produits au plus tard le 31 janvier 2005 et qu’il y ait communication avec le coordonnateur des audiences au plus tard le 28 février 2005. La liste des documents de l’intimée a été produite et signifiée conformément à l’ordonnance, contrairement à celle de l’appelant. Au moment de la plus récente audience de justification, le retard de l’appelant à ce chapitre était de trois ans.

 

[3]     Avant le 28 février 2005, l’appelant a retenu les services d’un avocat. Le 28 février 2005, le cabinet de l’avocat a envoyé une lettre mentionnant que l’avocat avait été consulté, qu’il ne serait pas à son bureau au cours de la prochaine semaine et qu’il n’avait laissé aucune instruction à son assistant. Le 31 mars 2005, l’avocat de l’appelant a demandé que le délai de production de la liste des documents soit prorogé jusqu’au 31 mai 2005. La Couronne s’est opposée à cette demande.

 

[4]     Le 9 juin 2005, la Cour a ordonné la tenue d’une audience sur l’état de l’instance. À ce moment, la Cour a en outre ordonné à l’appelant de décider, dans les dix jours de l’ordonnance, s’il souhaitait que l’appel soit entendu dans le cadre de la procédure informelle de la Cour ou, sinon, de produire, dans les trente jours de l’ordonnance, un avis d’appel modifié. Un avis d’appel modifié a été produit dans le délai imparti et une réponse modifiée a été produite ultérieurement.

 

[5]     Le 26 mars 2007, la Cour a ordonné qu’une deuxième audience de justification soit tenue le 6 juin 2007, en application de l’article 125 des Règles, afin d’expliquer pourquoi l’appel ne devait pas être rejeté pour cause de retard. Le 28 mai 2007, l’avocat de l’appelant a présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance prorogeant le délai dans lequel l’appelant devait produire sa liste de documents, terminer les interrogatoires préalables, respecter ses engagements et communiquer avec le coordonnateur des audiences. L’intimée a consenti à la requête de l’appelant présentée en 2007. Le 31 mai 2007, la Cour a ordonné à l’appelant de produire et de signifier sa liste de documents au plus tard le 16 juillet 2007, de terminer les interrogatoires préalables au plus tard le 1er octobre 2007, de respecter ses engagements au plus tard le 31 octobre 2007, et elle a ordonné aux parties de communiquer avec la Cour au plus tard le 30 novembre 2007.

 

[6]     Le 30 novembre 2007, la Couronne a, par écrit, informé la Cour que la liste des documents de l’appelant n’avait pas été signifiée dans le délai imparti et que les interrogatoires préalables de l’appelant n’étaient pas terminés, et elle a proposé la tenue d’une conférence de gestion de l’instance, croyant que cette mesure pourrait être utile.

 

[7]     L’avocat de l’appelant a tenté de produire une liste de documents auprès de la Cour le 14 novembre 2007, soit presque quatre mois en retard. La liste n’a pas été acceptée pour production, et la Cour en a informé l’avocat de l’appelant par une lettre datée du 3 décembre 2007. L’avis de pratique no 14 de la Cour prévoit qu’à la suite d’une ordonnance prescrivant un délai fixe pour terminer une étape du processus d’appel, les demandes de prorogation de ce délai doivent être présentées au moyen d’une requête accompagnée d’un affidavit à l’appui, à moins de circonstances spéciales.

 

[8]     Comme elle n’avait reçu aucune autre communication, la Cour a ordonné, le 12 décembre 2007, qu’une troisième audience de justification soit tenue le lundi 21 janvier 2008, afin d’expliquer pourquoi le présent appel ne devrait pas être rejeté pour cause de retard.

 

[9]     Le mercredi 16 janvier, l’avocat de l’appelant a présenté une requête afin d’obtenir d’autres prorogations de délai. Les motifs invoqués dans l’affidavit fourni à l’appui de la requête de janvier 2008 pour expliquer le retard sont identiques à ceux donnés dans l’affidavit de mai 2007 à l’appui de l’ordonnance de prorogation de délai de mai 2007.

 

Audience

 

[10]    Ni l’avocat de l’appelant ni l’appelant n’ont assisté à l’audience de justification. L’avocat de l’appelant s’est fait remplacer par une représentante parce qu’il devait comparaître ailleurs, dans une autre instance judiciaire en cours.

 

[11]    La Couronne s’est opposée à la requête de l’appelant et m’a demandé de rejeter l’appel pour cause de retard en application de l’article 125 des Règles. Il va sans dire que la représentante de l’avocat de l’appelant n’a pu fournir aucun renseignement ni aucune réponse aux questions ou préoccupations touchant les retards et l’inobservation de l’ordonnance rendue par la Cour en mai 2007.

 

[12]    La plus récente audience de justification constituait la troisième audience de ce genre tenue dans le présent dossier. De plus, la Cour avait également ordonné la tenue d’une audience sur l’état de l’instance. Trois années se sont écoulées depuis que la Cour a initialement ordonné à l’appelant de produire et de signifier sa liste de documents, ce qu’il n’a toujours pas fait. M. Dacosta a beaucoup de chance : j’ai décidé de ne pas rejeter son appel pour cause de retard. Une seule raison m’a poussé à ne pas le faire; je ne suis pas certain que le retard soit attribuable à l’appelant et je me demande s’il ne s’agit pas plutôt de la faute de son avocat. Leur absence à tous deux ne m’a pas aidé sur ce point.

 

[13]    À l’audience, j’ai fixé de nouveaux délais. La liste de documents de l’appelant devait être produite et signifiée au plus tard le lendemain. Il n’y aura aucun interrogatoire préalable de la Couronne. L’interrogatoire préalable de l’appelant doit être terminé au plus tard le 30 avril et les engagements doivent avoir été respectés au plus tard le 30 mai. L’appelant doit informer l’intimée au plus tard à la fin janvier des dates en février, en mars et en avril auxquelles il ne sera pas disponible pour l’interrogatoire préalable, faute de quoi l’intimée pourra fixer la date elle‑même. Les parties doivent informer la Cour au plus tard le 30 juin 2008 des dates en août et en septembre 2008 auxquelles on pourra fixer l’instruction et procéder à celle‑ci. La date de l’instruction sera fixée péremptoirement. J’ai informé les parties que toute autre prorogation était inutile et qu’aucun autre retard ne serait toléré. Si l’une quelconque des étapes n’est pas terminée dans le délai fixé par l’ordonnance, l’appelant devra présumer que la Cour rejettera son appel.

 

Dépens

 

[14]    Cela m’amène à la question des dépens. Comme il est mentionné plus haut, j’ai invité les deux parties à me présenter des observations relatives aux dépens, et j’ai demandé à la représentante de l’avocat de l’appelant d’informer l’avocat qu’il devait, compte tenu des circonstances, traiter de la question de savoir s’il devait être personnellement condamné aux dépens.

 

[15]    Les observations de la Couronne ont été produites presque un mois en retard et seulement après un appel de suivi effectué par la Cour. Rien ne m’incite donc à adjuger des dépens plus élevés que ceux fixés dans le tarif prévu par les Règles. En conséquence, j’accorde à l’intimée, pour l’audience de justification et la requête, des dépens fondés sur le tarif totalisant 475 $, plus les débours. La Cour a dû ordonner la tenue de l’audience de justification à cause du retard de l’appelant. Bien que la requête de l’appelant ait été accueillie en partie, dans la mesure où les délais ont à nouveau été prorogés, cette mesure a été rendue nécessaire uniquement par l’omission de l’appelant de respecter les délais antérieurement fixés par la Cour.

 

[16]    L’avocat de l’appelant a également produit des observations relatives aux dépens. Selon lui, les dépens devraient être adjugés à l’appelant. Il invoque en premier lieu à l’appui de cette affirmation le fait qu’il a obtenu gain de cause sur la requête. Il n’a nullement expliqué, dans ses observations, pourquoi il n’a jamais communiqué avec la Cour, et il n’a jamais abordé cette question dans l’affidavit qu’il a produit à l’appui de sa requête, ni à l’audience.

 

[17]    Dans le dernier paragraphe de ses observations visant à obtenir les dépens, l’avocat de l’appelant soutient qu’il ne devrait en aucun cas être personnellement condamné aux dépens. Il invoque deux raisons à cet égard. Premièrement, il a, sans succès, tenté d’obtenir que l’intimée consente à la requête. Deuxièmement, l’appelant a eu de la difficulté à payer ses honoraires.

 

[18]    J’estime que les observations et le comportement de l’avocat de l’appelant dans la présente affaire sont des plus décevants. Il n’explique pas pourquoi il n’a jamais communiqué avec la Cour pour tenter de faire modifier les dates et éviter que la Cour et l’avocat de l’intimée perdent leur temps à London pour régler cette question (en son absence et en l’absence de l’appelant). Il paraît laisser entendre qu’il n’a peut‑être pas agi en temps opportun parce que son client n’avait pas payé intégralement ses honoraires. Pire, on pourrait penser qu’il estime que la Cour et la Couronne devaient entendre et plaider la requête et procéder à l’audience de justification pour l’aider à se faire payer. Peu importe que son client l’ait ou non intégralement payé, en sa qualité d’avocat de l’appelant inscrit au dossier, il aurait pu faire un bref appel téléphonique au coordonnateur des audiences pour faire en sorte qu’il ne soit pas nécessaire de fixer une troisième audience de justification et de procéder à l’instruction de la requête contestée. On ne peut s’attendre à ce que les citoyens du Canada aident l’avocat de l’appelant à recouvrer ses créances de cette manière ni à ce prix.

 

[19]    À mon sens, outre qu’il a contrevenu aux dispositions de l’ordonnance rendue par M. le juge Rossiter en 2007, l’avocat de l’appelant a agi d’une façon tout à fait décevante, dénuée de professionnalisme et inexcusable. Je dois donc me demander si son comportement justifie qu’il soit personnellement condamné aux dépens.

 

[20]    Tant la compétence inhérente de la Cour que la compétence que lui confère la loi à l’article 152 des Règles lui permettent de condamner l’avocat à payer les dépens. Il s’agit dans les deux cas d’une adjudication extraordinaire des dépens.

 

[21]    Dans l’arrêt Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3, (1993), 108 D.L.R. (4th) 46, de la Cour suprême du Canada, Mme la juge en chef McLachlin a déclaré ce qui suit au nom de la majorité :

 

Il est évident que les tribunaux ont compétence en la matière, souvent en vertu d’une loi et, en tout état de cause, en vertu de leur pouvoir inhérent de réprimer l’abus de procédures et l’outrage au tribunal […]

 

[22]    Une cour supérieure a compétence inhérente pour rendre une ordonnance condamnant personnellement un avocat aux dépens afin de réprimer l’abus de procédures et l’outrage au tribunal et d’exercer un contrôle sur la conduite de ses propres fonctionnaires. En revanche, l’article 152 des Règles élargit sans équivoque les situations dans lesquelles il est possible de rendre des ordonnances de cette nature si l’avocat a fait engager des dépens sans raison valable ou les a fait augmenter inutilement par des retards abusifs, par mauvaise conduite ou par une autre omission.

 

152(1)  Si l’avocat d’une partie a fait engager des dépens à tort ou sans raison valable, ou les a fait augmenter inutilement par des retards abusifs, par mauvaise conduite ou par une autre omission, la Cour peut, par directive :

 

a)   lui refuser les dépens en totalité ou en partie sur une base procureur‑client;

 

b)   lui enjoindre de rembourser son client des dépens que celui‑ci est tenu de payer à une autre partie;

 

c)   lui enjoindre d’indemniser l’autre partie en réduisant les dépens payables par celle‑ci.

 

(2)  La directive visée au paragraphe (1) peut être donnée par la Cour, de son propre chef ou à la suite d’une requête d’une partie à l’instance; elle ne peut être donnée que si l’avocat a eu une occasion raisonnable d’être entendu par la Cour.

 

(3)  La Cour peut prescrire que le client de l’avocat visé par une directive donnée en application du paragraphe (1) en soit avisé de la façon prévue par la directive.

 

[23]    L’exigence prévue par la common law en matière de compétence inhérente voulant que le tribunal doive conclure à l’existence de mauvaise foi ne constitue manifestement pas une condition préalable aux termes de l’article 152 des Règles. Il faut donner aux mots employés dans cette disposition leur sens ordinaire. Il n’est nullement nécessaire que la conduite de l’avocat constitue un abus, de la négligence ou de la mauvaise foi. Voir, à titre d’exemple, les récentes décisions ontariennes Walsh v. 1124660 Ontario Ltd. et al., [2007] O.J. No. 639, et Standard Life Assurance Co. v. Elliott et al., [2007] O.J. No. 2031.

 

[24]    Dans la décision Standard Life, Mme la juge Molloy tient les propos suivants au paragraphe 25 :

 

[TRADUCTION] Cependant, ce n’est pas parce que les actes d’un avocat correspondent aux circonstances bien définies dans lesquelles il peut être personnellement condamné aux dépens que la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire en ce sens. Au contraire, le pouvoir discrétionnaire de la Cour doit être exercé avec modération et uniquement dans des situations exceptionnelles.

 

La juge Molloy reproduit ensuite avec approbation une partie du paragraphe 115 des motifs prononcés par M. le juge Granger dans la décision Marchand (Litigation Guardian of) v. Public General Hospital Society of Chatham, [1998] O.J. No. 527 [C. de l’Ont. (Div. gén.)] :

 

[TRADUCTION] Si on donne aux termes employés à l’article 57.07 des Règles leur sens ordinaire, l’avocat qui a fait engager des dépens sans raison valable ou par suite de retards abusifs, par négligence ou par une autre omission peut être condamné à les payer personnellement.

 

Le juge Granger ajoute plus loin :

 

[TRADUCTION] Même s’il n’est pas nécessaire que l’avocat ait agi avec « mauvaise foi » pour que des sanctions lui soient infligées en application de l’article 57.07 des Règles, les ordonnances de cette nature ne doivent être rendues qu’en de rares circonstances et elles ne doivent pas avoir pour effet de dissuader les avocats de défendre des causes impopulaires ou difficiles. Ce n’est que lorsque l’avocat poursuit un objectif qui est manifestement inatteignable ou lorsqu’il manque manifestement à ses obligations à titre de fonctionnaire judiciaire qu’il convient de recourir à l’article 57.07 des Règles.

 

[25]    Bien que l’article 152 des Règles de la Cour soit à certains égards différent de l’article 57.07 des règles ontariennes, notamment en ce qu’il ne fait pas mention de négligence, mais bien de mauvaise conduite, les propos formulés par la juge Molloy et le juge Granger s’appliquent également à l’examen de l’article 152 des Règles.

 

[26]    Il ressort de la plupart des décisions portant sur la condamnation personnelle de l’avocat aux dépens que les tribunaux sont soucieux de ne pas dissuader les avocats de défendre des causes impopulaires ou d’avancer des thèses nouvelles et non encore éprouvées. Ces préoccupations ne s’appliquent pas en l’espèce. Il s’agit simplement d’un avocat dont le comportement envers la Cour et l’omission de se conformer à une ordonnance judiciaire sont inexcusables. Au paragraphe 17 de ses motifs prononcés dans la décision Walsh, Mme la juge Lane renvoie aux propos tenus par M. le juge Quinn dans la décision Belanger v. McGrade Estate, [2003] O.J. No. 2853 (C.S.J.) :

 

[TRADUCTION] [L’avocat] a fait engager des dépens sans raison valable ou les a fait augmenter inutilement par son omission de fournir à l’avocat du demandeur les éléments nécessaires dans le délai fixé par l’ordonnance du juge Marshall. Cela n’a rien à voir avec la représentation courageuse d’un client.

 

Le pouvoir discrétionnaire conféré au paragraphe 57.07(1) doit être exercé avec la plus grande prudence et uniquement dans les cas les plus évidents. Un doute, quel qu’il soit, doit jouer en faveur de l’avocat. Néanmoins, même en tenant compte de ces mises en garde, je crois que ce qui s’est produit dans la présente affaire correspond précisément au genre de situation visée par cette disposition des Règles.

 

[27]    Je ne puis mieux exprimer la situation dont je suis saisi en l’espèce.

 

[28]    Les faits de la présente affaire sont différents de ceux de la décision Jurchison, 2000 DTC 1660, où, pour paraphraser M. le juge Bowie, la conduite de l’avocat n’était tout simplement pas conforme au degré de civilité qui a déjà caractérisé et devrait encore caractériser la façon dont les membres du barreau se comportent dans leurs relations réciproques. En l’espèce, l’avocat de l’appelant n’a tenu aucun compte d’une ordonnance de la Cour et il a omis de communiquer avec cette dernière au sujet de cette omission. La présente affaire ressemble davantage aux situations dont la Cour était saisie dans les décisions Whiteway c. Canada (1998CCI91158, [1998] A.C.I. no 84, [1998] 2 C.T.C. 3254), et Anctil v. Canada, 97 DTC 1462.

 

[29]    La Cour ordonne que les dépens adjugés à l’intimée et payables par l’appelant afférents à la plus récente audience de justification et à l’instruction de la requête de l’appelant soient intégralement remboursés par l’avocat de l’appelant en application de l’alinéa 152(1)b) des Règles. La Cour ordonne en outre à l’avocat de l’appelant, en application du paragraphe 152(3) des Règles, de faire parvenir sans délai à l’appelant un double de la présente ordonnance et des présents motifs de l’ordonnance, puis d’informer la Cour par lettre du moment où cette mesure aura été prise.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2008.

 

 

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour d’avril 2008.

 

Aleksandra Koziorowska

 


RÉFÉRENCE :                                            2008CCI136

 

NO DU DOSSIER :                                      2003-2432(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :                        Terry Dacosta c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 21 janvier 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :       L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DE L’ORDONNANCE :                   Le 7 mars 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante de l’appelant :

Andrea Cooley

 

Avocat de l’intimée :

Me Pascal Tétrault

 

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                                James Battin

 

                          Cabinet :                            Tillsonburg (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                                     John H. Sims, c.r.

                                                                   Sous-procureur général du Canada

                                                                   Ottawa, Canada

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