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Dossier : 2006-2996(IT)G

ENTRE :

 

LA BANQUE TORONTO-DOMINION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requêtes entendues le 18 avril 2008, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Mes Ian MacGregor et Pooja Samtani

Avocats de l’intimée :

Mes Donald G. Gibson et Pascal Tétrault

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

 

          L’intimée ayant présenté une requête en vue de faire modifier plusieurs paragraphes de la réponse;

 

          L’appelante ayant présenté une requête en vue de faire radier certains paragraphes (ou parties de paragraphes) de la réponse ou de la réponse modifiée;

 

          La Cour ordonne que la réponse déposée par l’intimée soit modifiée de la façon énoncée dans la réponse modifiée, dont une copie a été soumise avec le dossier de requête de l’intimée; toutefois, l’alinéa 28 gg) est radié de la réponse modifiée et la mention du paragraphe 69(1) est radiée du paragraphe 32 de la réponse modifiée, de sorte que la réponse modifiée est telle qu’elle figure à l’annexe A.

 

          Les dépens des requêtes suivront l’issue de la cause.

 

       Signé à Halifax, Nouvelle‑Écosse, ce 14e jour de mai 2008.

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 3 septembre 2008.

 

Christian Laroche, juriste-traducteur

 

 

 


[TRADUCTION]

 

Annexe A

 

 

 

2006-2996(IT)G

 

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

 

 

 

 

ENTRE :

 

LA BANQUE TORONTO-DOMINION,

 

appelante,

 

- et -

 

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

RÉPONSE MODIFIÉE

 

 

APERÇU

 

Dans le présent appel, l’appelante a occasionné artificiellement ou indûment une perte en concluant une série complexe d’opérations (le « stratagème ») qui a abouti à la disposition d’une nouvelle catégorie spéciale (la catégorie E) d’actions d’une société. Dans le cadre du stratagème, l’appelante a souscrit des actions de la catégorie E, qui ont été émises pour une valeur nominale faible et dont le prix de souscription était artificiellement élevé. Des dividendes importants ont été déclarés et versés sur les actions de la société qui étaient déjà détenues par l’appelante, à part les actions de la catégorie E. Ces dividendes ont ensuite été immédiatement retournés à la société qui les avait versés, l’appelante ayant souscrit des actions supplémentaires de la catégorie E, lesquelles ont finalement fait l’objet d’une disposition de façon à occasionner une perte artificielle. En fin de compte, l’appelante cherche à déduire une perte alléguée subie lors de la disposition des actions de la catégorie E sans avoir légitimement justifié le coût de ces actions. Le stratagème est clairement visé au paragraphe 55(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), de sorte que la déduction de la perte subie à l’égard des actions de la catégorie E est prohibée. De plus, le prix de base rajusté des actions de la catégorie E est en litige et une répartition appropriée du produit de la disposition entre toutes les catégories d’actions de la société détenues par l’appelante éliminerait ou réduirait la perte alléguée se rapportant aux actions de la catégorie E.

En réponse à l’avis d’appel concernant une nouvelle cotisation établie à l’égard de l’année d’imposition 1989 de l’appelante, le sous‑procureur général du Canada affirme ce qui suit :

A.     EXPOSÉ DES FAITS

 

En ce qui concerne les faits énoncés dans la partie I de l’avis d’appel :

 

1.                  Il admet les faits énoncés au premier paragraphe de l’avis d’appel.

 

En ce qui concerne les faits énoncés dans la partie II de l’avis d’appel :

 

2.                  Il admet les fais énoncés aux paragraphes 2, 3 et 4 de l’avis d’appel.

 

En ce qui concerne les faits énoncés dans la partie III de l’avis d’appel :

 

3.                  Il admet les faits énoncés aux alinéas 1(i) et (ii) de l’avis d’appel. Il n’a pas connaissance des faits énoncés à l’alinéa 1(iii) et il les conteste.

4.                  Il admet les faits énoncés aux paragraphes 2, 3, 4, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 33, 34, 40, 41 et 42 de l’avis d’appel.

5.                  Supprimé.

6.                  Il admet que les actions d’Oxford étaient également détenues par Loford Properties Limited (« Loford Properties ») et par Kent Holdings Ltd. (« Kent »), mais il nie les autres faits énoncés au paragraphe 5 de l’avis d’appel.

7.                  Supprimé.

8.                  Supprimé.

9.                  Il admet les faits énoncés au paragraphe 9 de l’avis d’appel, mais il nie que l’offre d’achat a été faite à des personnes sans lien de dépendance.

10.              Supprimé.

11.              Supprimé.

12.              Il n’a pas connaissance des faits énoncés au paragraphe 18 ainsi que dans la première phrase du paragraphe 19 de l’avis d’appel et il les conteste.

13.              Il admet la deuxième phrase du paragraphe 19 ainsi que les paragraphes 20, 21 et 22 de l’avis d’appel, et il affirme que ces actions faisaient toutes partie du stratagème visant à gonfler artificiellement le prix de base rajusté des actions des catégories D et E.

14.              Il admet les faits énoncés dans la première phrase du paragraphe 23 ainsi que dans les première et troisième phrases du paragraphe 24 de l’avis d’appel, et il affirme que ces actions faisaient toutes partie du stratagème visant à gonfler artificiellement le prix de base rajusté des actions des catégories D et E. Il nie les faits énoncés dans les deuxièmes phrases des paragraphes 23 et 24 de l’avis d’appel.

15.              Supprimé.

16.              Il admet les faits énoncés aux paragraphes 25, 26, 27, 28, 29 and 30 de l’avis d’appel, et il affirme que ces actions faisaient toutes partie du stratagème visant à gonfler artificiellement le prix de base rajusté des actions des catégories D et E.

17.              Supprimé.

18.              Supprimé.

19.              Il admet les faits énoncés aux paragraphes 31 et 32 de l’avis d’appel, et il affirme que ces actions faisaient toutes partie de stratagème visant à gonfler artificiellement le prix de base rajusté des actions des catégories D et E.

20.              Supprimé.

21.              Supprimé.

22.              Il admet que l’appelante a vendu les actions de Holdings Ltd., mais il nie les autres faits énoncés au paragraphe 35 de l’avis d’appel.

23.              Il nie les faits énoncés aux paragraphes 36, 37 et 38 de l’avis d’appel.

24.              Il admet les faits énoncés au paragraphe 39 de l’avis d’appel, mais il affirme que l’appelante a eu tort de le faire parce qu’il n’y avait pas de perte.

25.              Supprimé.

26.              Supprimé.

27.              Supprimé.

28.              En établissant la nouvelle cotisation de l’appelante, le ministre du Revenu national (le « ministre ») s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)                  Du fait qu’elle détenait 337 000 actions d’Oxford avant l’année 1980, l’appelante détenait une partie importante de toutes les actions émises et en circulation de cette société;

b)                  Les autres actions d’Oxford étaient détenues par Kent et par Loford Properties;

c)                  Donald Love (« M. Love ») était président du conseil d’administration et président d’Oxford;

d)                  M. Love détenait toutes les actions émises et en circulation de Kent et il détenait, avec les membres de sa famille, toutes les actions émises et en circulation de Loford Properties;

e)                  Dans le cadre de la série d’opérations en question, 91922 a été constituée en personne morale le 11 mai 1979;

f)                    Le 15 janvier 1980, l’appelante, M. Love, Kent et Loford Properties ont conclu une entente en vue de souscrire toutes les actions émises et en circulation de 91922 et de les détenir (l’« entente »);

g)                  L’appelante a disposé de ses actions d’Oxford en faveur de 91922 au moyen d’un transfert libre d’impôt dans le cadre duquel elle a payé 8 138 000 $ et a reçu en contrepartie des actions du capital‑actions de 91922;

h)                  L’appelante a souscrit, moyennant une contrepartie globale de 16 900 000 $ (soit 26 $ l’action), aux actions suivantes de 91922, soit 51 200 actions ordinaires, 285 000 actions de la catégorie A et 313 000 actions de la catégorie B;

i)                    Kent a disposé de 801 555 actions ordinaires d’Oxford en faveur de 91922 et a reçu en contrepartie un nombre égal d’actions ordinaires du capital‑actions de 91922;

j)                    Loford Properties a disposé de 173 445 actions ordinaires d’Oxford en faveur de 91922 et a reçu en contrepartie un nombre égal d’actions ordinaires du capital‑actions de 91922;

k)                  Les actions de la catégorie A de 91922 comportent les mêmes droits que les actions ordinaires de 91922; toutefois, elles ne comportent pas de droit de vote et elles peuvent être converties en actions ordinaires au gré du détenteur, à moins d’être détenues par une banque canadienne;

l)                    Les actions de la catégorie B de 91922 comportent les mêmes droits que les actions de la catégorie A de 91922; toutefois, elles peuvent être converties au gré du détenteur d’actions de la catégorie A;

m)                Le 29 octobre 1980, Oxford a fusionné avec 91922 pour former Oxford;

n)                  Au cours du mois de juillet 1982, il a été convenu qu’Oxford créerait deux nouvelles catégories d’actions, à savoir les actions des catégories D et E;

o)                  Le prix de souscription des actions des catégories D et E a été fixé à 300 $ l’action, soit un montant de beaucoup supérieur à leur valeur nominale d’un dollar l’action;

o.1)      Le prix de souscription des actions de la catégorie E, lequel a été utilisé par l’appelante comme prix de base rajusté de ces actions, était de beaucoup supérieur à la juste valeur marchande de ces actions;

o.2)      La juste valeur marchande des actions de la catégorie E était d’un dollar l’action;

p)                  Les droits se rattachant aux actions de la catégorie E étaient essentiellement identiques à ceux qui se rattachaient aux actions ordinaires ainsi qu’aux actions des catégories A et B d’Oxford (autrefois 91922), mais ces actions et les actions des catégories A et B ne comportent pas de droit de vote;

q)                  Seule l’appelante devait souscrire aux actions de la catégorie E et seule Loford Properties et Kent devaient souscrire aux actions de la catégorie D;

r)                   Le 29 juillet 1982, Oxford, a déclaré et versé des dividendes de 22 000 000 $ (soit 13,538 $ l’action) à l’égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B et C. La partie des dividendes revenant à l’appelante s’élevait à 8 800 000 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l’égard de ses 51 200 actions ordinaires, de ses 285 800 actions de la catégorie A et de ses 313 000 actions de la catégorie B. Le même jour, l’appelante a souscrit 22 667 actions de la catégorie E dont la valeur nominale était d’un dollar chacune, au prix de souscription de 6 800 100 $ (soit 300 $ l’action). Le 29 juillet 1982, l’appelante détenait en tout 22 667 actions de la catégorie E;

s)                   Le 15 avril 1983, Oxford a déclaré et versé des dividendes de 27 000 000 $ (soit 16,615 $ l’action) à l’égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B et C. Aucun dividende n’a été versé à l’égard des actions des catégories E ou D. La partie des dividendes revenant à l’appelante s’élevait à 10 800 000 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l’égard de ses 51 200 actions ordinaires, de ses 285 800 actions de la catégorie A et de ses 313 000 actions de la catégorie B. Le même jour, l’appelante a souscrit 30 667 actions de la catégorie E, dont la valeur nominale était d’un dollar chacune, au prix de souscription de 9 200 100 $ (soit 300 $ l’action). Le 15 avril 1983, l’appelante détenait en tout 53 334 actions de la catégorie E;

t)                    Le 28 décembre 1983, Oxford a déclaré et versé des dividendes de 10 000 000 $ (soit 5,151 $ l’action) à l’égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, C, D et E. La partie des dividendes revenant à l’appelante s’élevait à 4 000 000 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l’égard de ses 51 200 actions ordinaires, de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 53 334 actions de la catégorie E. Le même jour, l’appelante a souscrit 12 000 actions de la catégorie E dont la valeur nominale était d’un dollar chacune, au prix de souscription de 3 600 000 $ (soit 300 $ l’action). Le 28 décembre 1983, l’appelante détenait en tout 65 334 actions de la catégorie E;

u)                  Le 30 avril 1984, Oxford a déclaré et versé des dividendes de 12 500 000 $ (soit 6,989 $ l’action) à l’égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, C, D et E. La partie des dividendes revenant à l’appelante s’élevait à 5 000 000 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l’égard de ses 51 200 actions ordinaires, de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 65 334 actions de la catégorie E. Le même jour, l’appelante a souscrit 15 000 actions de la catégorie E dont la valeur nominale était d’un dollar chacune, au prix de souscription de 4 500 000 $ (soit 300 $ l’action). Le 30 avril 1984, l’appelante détenait en tout 80 334 actions de la catégorie E;

v)                  Le 30 juillet 1984, Oxford a déclaré et versé des dividendes de 10 000 000 $ (soit 5,477 $ l’action) à l’égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, C, D et E. La partie des dividendes revenant à l’appelante s’élevait à 4 000 000 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l’égard de ses 51 200 actions ordinaires, de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 80 334 actions de la catégorie E. Le même jour, l’appelante a souscrit 10 666 actions de la catégorie E dont la valeur nominale était d’un dollar chacune, au prix de souscription de 3 199 800 $ (soit 300 $ l’action). Le 30 juillet 1984, l’appelante détenait en tout 91 000 actions de la catégorie E;

w)                Le 31 octobre 1984, Oxford a déclaré et versé des dividendes de 10 000 000 $ (soit 5,398 $ l’action) à l’égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, C, D et E. La partie des dividendes revenant à l’appelante s’élevait à 4 000 000 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l’égard de ses 51 200 actions ordinaires, de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 91 000 actions de la catégorie E. Le même jour, l’appelante a souscrit 10 667 actions de la catégorie E dont la valeur nominale était d’un dollar chacune, au prix de souscription de 3 200 100 $ (soit 300 $ l’action). Le 31 octobre 1984, l’appelante détenait en tout 101 667 actions de la catégorie E;

x)                  Le 23 mai 1985, Oxford a déclaré (et versé le 29 novembre 1985) des dividendes de 20 000 000 $ (soit 10,643 $ l’action) à l’égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, C, D et E. Oxford a fait un choix selon lequel les dividendes se rapportant aux actions ordinaires et aux actions de la catégorie D étaient des dividendes en capital. La partie des dividendes revenant à l’appelante s’élevait à 8 000 000 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l’égard de ses 51 200 actions ordinaires, de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 101 667 actions de la catégorie E. Le 23 mai 1895, l’appelante a souscrit 1 816 actions de la catégorie E dont la valeur nominale était d’un dollar chacune, au prix de souscription de 544 800 $ (soit 300 $ l’action). Le 23 mai 1985, l’appelante détenait en tout 103 483 actions de la catégorie E;

y)                  Le 29 novembre 1985, l’appelante a souscrit 24 850 actions de la catégorie E dont la valeur nominale était d’un dollar chacune, au prix de souscription de 7 455 000 $ (soit 300 $ l’action). Le 29 novembre 1985, l’appelante détenait en tout 128 333 actions de la catégorie E;

z)                   Le 31 décembre 1985, Oxford a déclaré et versé des dividendes de 85 000 000 $ (soit 43,683 $ l’action) à l’égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, C, D et E. Oxford a fait un choix selon lequel les dividendes se rapportant aux actions ordinaires et aux actions de la catégorie D étaient des dividendes en capital. La partie des dividendes revenant à l’appelante s’élevait à 33 999 991 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l’égard de ses 51 200 actions ordinaires, de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 128 333 actions de la catégorie E. Le même jour, l’appelante a souscrit 113 333 actions de la catégorie E dont la valeur nominale était d’un dollar chacune, au prix de souscription de 33 999 991 $ (soit 300 $ l’action). Le 31 décembre 1985, l’appelante détenait en tout 241 666 actions de la catégorie E;

aa)               Au mois de mai 1988, Oxford a déclaré et versé des dividendes de 2 000 000 $ (soit 0,8971965 $ l’action) à l’égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, C, D et E. La partie des dividendes revenant à l’appelante s’élevait à 800 000 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l’égard de ses 51 200 actions ordinaires, de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 241 666 actions de la catégorie E. Oxford a fait un choix selon lequel tous les dividendes devaient êtes versés à titre de dividendes en capital;

bb)              À un moment donné entre le 8 mars et le 1er novembre 1988, l’appelante a disposé de toutes ses actions d’Oxford en faveur de Holdings Ltd. au moyen d’un transfert libre d’impôt et a reçu en échange des actions du capital‑actions de Holdings Ltd.;

cc)               Le 1er décembre 1988, Loford Properties et l’appelante ont mis fin à l’entente par laquelle elles détenaient toutes les actions émises et en circulation du capital‑actions de Holdings Ltd.;

dd)              Le 1er décembre 1988, l’appelante a disposé des actions de Holdings Ltd. comme suit :

i)                    Holdings Ltd. a racheté les 51 200 actions ordinaires, les 285 800 actions de la catégorie A et les 313 000 actions de la catégorie B détenues par l’appelante au prix de 46,809 $ l’action, le prix global d’achat s’élevant à 30 425 850 $. Un choix a été fait, selon lequel un montant de 14 522 860 $ était versé à titre de dividende en capital;

ii)                   Loford Properties a acheté les 241 666 actions de la catégorie E de Holdings Ltd. détenues par l’appelante au prix de 46,809 $ l’action, le prix global d’achat s’élevant à 11 312 150 $;

ee)               Le 1er décembre 1988, l’appelante a souscrit des actions d’Oxford Properties Canada Limited comme suit :

i)                    2 000 000 actions ordinaires, moyennant une contrepartie en espèces de 3 200 000 $;

ii)                   1 792 000 actions privilégiées, moyennant une contrepartie en espèces de 36 288 000 $;

ff)                  La série d’opérations en question a pris fin le 1er décembre 1988;

gg)               Les transactions concernant les actions de la catégorie E et les actions reçues en contrepartie occasionnaient artificiellement ou indûment une perte, ou augmentaient le montant de la perte résultant de leur disposition.

29.              L’appelante, Loford Properties, Kent, Oxford, Oxford Holdings et M. Love agissaient sans avoir des intérêts distincts, et il y avait entre eux un lien de dépendance, en ce qui concerne toutes les transactions se rapportant aux actions des catégories D et E susmentionnées ainsi qu’aux actions reçues en échange de leur disposition, y compris la disposition finale, le 1er décembre 1988.

29.1     L’hypothèse énoncée à l’alinéa 28o.2), selon laquelle la juste valeur marchande des actions de la catégorie E était d’un dollar l’action, est inexacte.

 

29.2                 Les dividendes aux montants de 85 000 000 $ et de 2 000 000 $ mentionnés aux alinéas 28z) et 28aa) ont été versés à l’aide du surplus d’apport et n’étaient pas justifiés par des bénéfices.

 

29.3     Pour l’application du paragraphe 55(1) de la Loi, la série d’opérations est composée des opérations se rapportant à l’acquisition et à la disposition des actions de la catégorie E, ainsi qu’au paiement de dividendes y afférents, du 29 juillet 1982 au 1er décembre 1988.

 

B.        LES POINTS EN LITIGE

30.              Par suite de la série d’opérations, l’appelante a‑t‑elle, artificiellement ou indûment, occasionné une perte ou augmenté le montant de la perte résultant de la disposition des actions de la catégorie E émises par Oxford en sa faveur, de sorte qu’elle est visée par la limitation établie au paragraphe 55(1) de la Loi?

31.              Le prix de base rajusté des actions de la catégorie E était‑il de 300 $ l’action?

C.        LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INVOQUÉES

32.              Il se fonde sur les articles 38, 39, 40, 68, 83, 89, 112 et 251, sur les paragraphes 55(1) et 69(1) ainsi que sur l’alinéa 53(1)c) de la Loi, telle qu’elle existait au cours de l’année d’imposition 1989.

D.                LES MOYENS INVOQUÉS ET LA RÉPARATION DEMANDÉE        

32.1     M. Love et l’appelante, qui avaient entre eux un lien de dépendance, s’étaient entendus à l’avance pour que la presque totalité (entre 77 et 100 p. 100) de chaque dividende versé soit immédiatement réinvestie dans la société. Or, il n’est pas raisonnable de considérer que ces réinvestissements immédiats de dividendes donnent lieu à une augmentation de la juste valeur marchande de la société, et il ne s’agit donc par d’ajouts au prix de base rajusté des actions des catégories D et E aux termes de l’alinéa 53(1)c) de la Loi.

 

32.2     Tout en maintenant constamment leur ratio de 60 p. 100 sur 40 p. 100 à l’égard des actions détenues, M. Love et l’appelante s’étaient entendus à l’avance sur un prix de souscription artificiellement élevé pour les actions des catégories D et E, ce prix ayant été fixé pour une période de trois ans et demi. Le prix précis de souscription leur importait peu, indépendamment de ce qui arrivait à la juste valeur marchande des actions de la société dans l’intervalle. Ils voulaient avant tout que le prix de souscription soit élevé et que le nombre d’actions émises soit peu élevé.

 

32.3     Après s’être entendus à l’avance sur un prix de souscription artificiellement élevé pour les actions des catégories D et E, M. Love et l’appelante se sont entendus pour répartir arbitrairement le produit total de la disposition au prorata entre les actions ordinaires et les actions des catégories A. B, D et E. L’effet de cette répartition arbitraire était que le produit de la disposition des actions des catégories D et E était artificiellement peu élevé, à cause du prix de souscription élevé des actions des catégories D et E et de leur faible nombre.

 

32.4     L’appelante a pu demander la déduction d’une perte résultant de la disposition des actions de la catégorie E parce qu’elle a soustrait un chiffre artificiellement peu élevé pour le produit de la disposition d’un chiffre artificiellement élevé pour le prix de base rajusté. Dans la mesure où le chiffre approprié pour le produit de la disposition était plus élevé et où le chiffre approprié pour le prix de base rajusté était moins élevé, la perte dont l’appelante pouvait demander la déduction par suite de la disposition des actions de la catégorie E aurait été moindre ou complètement éliminée.

 

32.5     En décidant si la perte résultant de la disposition des actions de la catégorie E est artificielle ou indue, il faut tenir compte de l’économie de la Loi. L’alinéa 69(1)a) prévoit un mécanisme visant à réduire à la juste valeur marchande un coût d’acquisition élevé entre des personnes ayant entre elles un lien de dépendance, à savoir le prix de souscription des actions des catégories D et E. L’article 68 prévoit un mécanisme permettant de répartir d’une façon appropriée la contrepartie payée pour la disposition d’un bien particulier, à savoir le produit de la disposition des actions des catégories D et E d’une part, et le produit de la disposition des actions ordinaires et des actions des catégories A et B d’autre part.

 

 

33.              La création des actions de la catégorie E (ou de toute action reçue en contrepartie) faisait partie du stratagème visant à occasionner artificiellement ou indûment une perte, ou à augmenter le montant de la perte résultant de leur disposition, de sorte que le paragraphe 55(1) de la Loi élimine la perte.

34.              Supprimé.

E.         LA RÉPARATION DEMANDÉE

35.              Il demande que l’appel soit rejeté avec dépens.

Fait à Ottawa (Ontario), le                          2008.

 

 

 

 

 

 

Par :

Sous‑procureur général du Canada

Avocat de l’intimée

 

 

____________________________

Donald G. Gibson

Pascal Tétrault

Avocats de l’intimée

 

Services du droit fiscal

Ministère de la Justice

234, rue Wellington

Immeuble de la Banque du Canada,

Tour Est

Ottawa (Ontario)

K1A 0H8

 

Téléphone :     613-957-4883/1380

Télécopieur :   613-941-1221/2293

 

AU :                Greffier

                        Cour canadienne de l’impôt

             

ET À :             Al Meghji/Pooja Samtani

            Osler, Hoskin & Harcourt LLP

                        Avocats de l’appelante


 

 

 

 

Référence : 2008CCI284

Date : 20080514

Dossier : 2006-2996(IT)G

 

ENTRE :

 

LA BANQUE TORONTO-DOMINION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Webb

 

[1]              Il y a deux requêtes en l’espèce. La requête de l’intimée vise la modification de plusieurs paragraphes de la réponse. La requête de l’appelante vise la radiation de certains paragraphes (ou de parties de paragraphes) de la réponse ou de la réponse modifiée. Les objections que l’appelante a soulevées à l’égard de la réponse initiale et de la réponse modifiée projetée se rapportent principalement aux déclarations de l’intimée selon lesquelles l’appelante et d’autres personnes ayant pris part aux opérations qui sont ici en cause avaient entre elles un lien de dépendance ainsi qu’aux arguments invoqués à cet égard. L’appelante a soutenu que l’intimée devrait être empêchée de soulever l’argument fondé sur l’existence d’un lien de dépendance par suite des dispositions du paragraphe 152(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») ou de l’article 53 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »). L’appelante a également soulevé la question de savoir si l’alinéa 28gg) de la réponse avait été plaidé d’une façon appropriée en tant qu’hypothèse de fait ou s’il s’agissait d’une conclusion mixte de fait et de droit.

 

Le contexte

 

[2]              L’appelante était une actionnaire minoritaire d’Oxford Development Group Ltd. En 1979, une série d’opérations ont été conclues pour privatiser Oxford Development Group Ltd., ce qui comprenait la fusion, en 1980, d’Oxford Development Group Ltd. et d’une société à numéro qui a poursuivi ses activités sous le nom d’« Oxford ». À la suite de la privatisation d’Oxford, l’appelante détenait 40 p. 100 des actions émises de l’entité issue de la fusion et M. G. Donald Love (« M. Love »), directement ou indirectement (par l’entremise de Loford Properties Limited et de Kent Holdings Ltd.), détenait le reste des actions d’Oxford.

 

[3]              À compter de 1982, Oxford a versé des dividendes à ses actionnaires. Sur réception des dividendes, les actionnaires acquéraient des actions d’une catégorie différente dans Oxford. Loford Properties Limited et Kent Holdings Ltd. ont acquis des actions de la catégorie D et l’appelante a acquis des actions de la catégorie E. Dans le tableau joint à l’avis d’appel, les dividendes qui ont été versés à l’appelante et les montants qui ont été utilisés aux fins de l’acquisition d’actions de la catégorie E d’Oxford au cours de la période allant de 1982 à 1988 sont énumérés. Les montants utilisés aux fins de l’acquisition d’actions de la catégorie E (à l’exception du dividende versé au mois de mai 1988) représentaient de 77 à 100 p. 100 du montant du dividende reçu. Aucune partie du dividende reçu au mois de mai 1988 n’a été utilisée aux fins de l’acquisition d’actions de la catégorie E. En 1987, l’appelante a échangé les actions qu’elle détenait dans Oxford contre des actions identiques d’Oxford Holdings Ltd.

 

[4]              Les opérations en question ont abouti, le 1er décembre 1988, à la vente des actions d’Oxford Holdings Ltd. par l’appelante. Les actions ordinaires et les actions des catégories A et B ont été rachetées et les actions de la catégorie E ont été acquises par Loford Properties Limited. L’appelante affirme que la disposition des actions de la catégorie E a entraîné [traduction] « une perte en capital de 61 187 650 $ qui, lorsqu’elle a été assujettie aux règles de minimisation des pertes du paragraphe 112(3) de la Loi, a été ramenée à 52 243 540 $ ». L’appelante a également déclaré un gain en capital de 4 054 346 $ par suite de la disposition des actions de la catégorie A d’Oxford Holdings Ltd. et a réduit le solde de ses pertes en capital de 52 243 540 $ à 48 189 193 $. L’appelante a produit sa déclaration de revenus compte tenu du fait qu’elle avait subi une perte en capital déductible de 32 126 129 $ (soit les deux tiers de 48 189 193 $).

 

[5]              L’appelante a fait l’objet d’une nouvelle cotisation en 1994 et la déduction de la perte en capital déductible de 32 126 129 $ qu’elle avait demandée a été refusée, quoique les motifs de refus n’aient pas été clairs aux yeux de l’appelante au moment où la nouvelle cotisation a été établie. L’appelante a reçu une lettre datée du 20 septembre 1993 de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») (toute mention dans les présents motifs de l’Agence du revenu du Canada ou de l’ARC doit être interprétée comme comprenant l’Agence des douanes et du revenu du Canada et Revenu Canada Impôt). Cette lettre faisait état du rajustement projeté à l’égard de la perte en capital déductible dont la déduction avait été demandée, mais aucun fondement légal n’était donné dans la lettre à l’appui du rejet de la perte.

 

[6]              Dans un exposé de position daté du 20 mars 1997, l’ARC a déclaré que [traduction] « la Division de l’évitement fiscal recommande que nous utilisions l’ancien paragraphe 245(1) pour réviser le PBR des actions de la catégorie E par rapport à son capital d’apport de 241 666 $ à l’égard des actions de la catégorie E, éliminant ainsi toute perte subie lors de la disposition des actions de la catégorie E en faveur de Loford (et donnant en fait lieu à un gain) ».

 

[7]              L’appelante a également signé une renonciation en 1994 à l’égard de la [traduction] « détermination de la perte lors de la disposition d’Oxford Holdings Ltd. ». L’appelante croit comprendre que cette renonciation a été faite afin de donner à l’ARC le temps de déterminer la juste valeur marchande des actions de la catégorie E au cours de la période allant de 1982 à 1988. En 2002, l’appelante a révoqué la renonciation. À ce moment‑là, rien n’indiquait si l’ARC avait achevé sa détermination de la juste valeur marchande des actions de la catégorie E.

 

[8]              Dans l’avis d’appel qu’elle a déposé en 2006, l’appelante a supposé que la nouvelle cotisation était fondée sur le paragraphe 245(1) de la Loi, tel qu’il existait avant son abrogation par L.C. 1998, ch. 55, art. 185 (l’« ancien article 245 »).

 

[9]              Les avocats de l’intimée ont confirmé que la première nouvelle cotisation était fondée sur les dispositions de l’ancien article 245. En préparant la réponse, l’intimée a abandonné la position qu’elle avait prise dans la cotisation, laquelle était fondée sur l’ancien article 245, et a plutôt affirmé qu’elle établissait la nouvelle cotisation compte tenu des dispositions du paragraphe 55(1) de la Loi (qui a également été abrogé) et, à titre subsidiaire, que le paragraphe 69(1) de la Loi (qui n’a pas été abrogé) s’appliquait, pour le motif que l’appelante et les autres personnes ayant pris part aux opérations avaient entre elles un lien de dépendance. L’appelante ne s’oppose pas à ce que l’intimée change le fondement de la nouvelle cotisation, en invoquant le paragraphe 55(1) de la Loi plutôt que l’ancien article 245, mais elle s’oppose à l’inclusion du nouvel argument concernant l’existence d’un lien de dépendance comme fondement de la nouvelle cotisation dans la réponse et aux arguments fondés sur les allégations d’existence d’un lien de dépendance figurant dans la réponse modifiée.

 

[10]         Lors de l’audition de la requête, les avocats de l’intimée ont déclaré que l’intimée ne soulevait plus le nouvel argument fondé sur le paragraphe 69(1) de la Loi et qu’elle fondait la nouvelle cotisation sur le paragraphe 55(1) de la Loi seulement. Les avocats de l’intimée ont soutenu que le paragraphe 69(1) de la Loi était mentionné dans la réponse modifiée uniquement à l’égard de l’argument à l’appui de la nouvelle cotisation établie en vertu du paragraphe 55(1) de la Loi.

 

[11]         Dans la réponse modifiée, l’intimée supprime le point subsidiaire qui figurait au paragraphe 31 de la réponse, quant à savoir si le paragraphe 69(1) de la Loi s’appliquait, ainsi que le motif subsidiaire invoqué au paragraphe 34, et le paragraphe 69(1) de la Loi est uniquement mentionné au paragraphe 32 et au nouveau paragraphe 32.5. Puisque l’intimée ne prend plus la position selon laquelle le paragraphe 69(1) de la Loi s’applique et qu’elle n’invoque donc plus cette disposition, la disposition devrait être supprimée de la liste des dispositions législatives invoquées au paragraphe 32 de la réponse modifiée.

 

[12]         Voici les paragraphes (ou les parties de paragraphes) de la réponse initiale que l’appelante veut faire radier de la réponse :

 

-                     Les mots [traduction] « mais il nie les autres faits énoncés au paragraphe 5 de l’avis d’appel », au paragraphe 6. (Le paragraphe 6 de la réponse est libellé comme suit : [traduction] « Il admet que les actions d’Oxford étaient également détenues par Loford Properties Limited (« Loford Properties ») et par Kent Holdings Ltd. (« Kent »), mais il nie les autres faits énoncés au paragraphe 5 de l’avis d’appel. »)

 

-                     Le paragraphe 9 au complet. (Le paragraphe 9 de la réponse dit [traduction] qu’« il nie les faits énoncés au paragraphe 9 de l’avis d’appel ».)

 

-                     Le paragraphe 29 au complet. (Le paragraphe 29 de la réponse est libellé comme suit : [traduction] « L’appelante, Loford Properties, Kent, et M. Love agissaient sans avoir des intérêts distincts, et il y avait entre eux un lien de dépendance, en ce qui concerne toutes les transactions se rapportant aux actions de la catégorie susmentionnées, ainsi qu’aux actions reçues en échange de leur disposition, jusqu’à leur disposition finale, le 1er décembre 1988. »)

-                     La mention de l’article 251 et du paragraphe 69(1) de la Loi, au paragraphe 32. (Le paragraphe 32 de la réponse figure dans la partie C de la réponse, intitulée : [traduction] « Les dispositions législatives invoquées »; il est libellé comme suit : [traduction] « Il se fonde sur les articles 38, 39, 40, 83, 89, 112 et 251, sur les paragraphes 55(1) et 69(1) ainsi que sur l’alinéa 53(1)c) de la Loi, telle qu’elle existait au cours de l’année d’imposition 1989. »)

-                     Le paragraphe 31 au complet. (Le paragraphe 31 de la réponse est libellé comme suit : [traduction] « Subsidiairement, il s’agit de savoir si les actions ont été acquises dans le cadre d’opérations entre des personnes ayant entre elles un lien de dépendance et si ces actions sont réputées, en application du paragraphe 69(1) de la Loi, avoir été acquises à leur juste valeur marchande. »)

 

-                     Le paragraphe 34 au complet. (Le paragraphe 34 de la réponse est libellé comme suit : [traduction] « Subsidiairement, il affirme que les actions ont été acquises pour une valeur supérieure à leur juste valeur marchande dans le cadre de transferts entre des personnes ayant entre elles un lien de dépendance. Selon le paragraphe 69(1) de la Loi, les actions sont réputées avoir été acquises par l’appelante à leur juste valeur marchande, de sorte que la perte est réduite à zéro. »)

 

[13]         Puisque la réponse modifiée élimine le point litigieux, à savoir si la nouvelle cotisation peut être fondée sur le paragraphe 69(1) de la Loi et, en particulier, supprime le paragraphe 34, et puisque les seules objections de l’appelante aux modifications projetées se rapportent aux allégations concernant l’existence d’un lien de dépendance, j’examinerai les arguments que l’appelante a invoqués au sujet de la radiation par rapport aux dispositions de la réponse modifiée projetée.

 

[14]         Les paragraphes (ou parties de paragraphes) figurant dans la réponse modifiée projetée auxquels l’appelante s’oppose sont les suivants :

 

-                     Les mots [traduction] « mais il nie les autres faits énoncés au paragraphe 5 de l’avis d’appel », au paragraphe 6. (L’intimée ne se propose pas de modifier le paragraphe 6 de la réponse dans la réponse modifiée projetée.)

 

-                     Les mots [traduction] « mais il nie que l’offre d’achat a été faite à des personnes sans lien de dépendance », au paragraphe 9. (L’intimée propose la modification du paragraphe 9, de façon qu’il soit libellé comme suit : [traduction] « Il admet les faits énoncés au paragraphe 9 de l’avis d’appel, mais il nie que l’offre d’achat a été faite à des personnes sans lien de dépendance. »)

 

-                     Le paragraphe 29 au complet. (L’intimée propose la modification du paragraphe 29 de la réponse, de façon qu’il soit libellé comme suit : [traduction] « L’appelante, Loford Properties, Kent, Oxford, Oxford Holdings et M. Love agissaient sans avoir des intérêts distincts, et il y avait entre eux un lien de dépendance, en ce qui concerne toutes les transactions se rapportant aux actions des catégories D et E susmentionnées, ainsi qu’aux actions reçues en échange de leur disposition, y compris la disposition finale, le 1er décembre 1988. »)

 

-                     La mention de l’article 251 et du paragraphe 69(1) de la Loi, au paragraphe 32. (L’intimée propose la modification du paragraphe 32 de la réponse en vue d’ajouter l’article 68 à la liste des dispositions mentionnées dans ce paragraphe. L’appelante ne s’oppose pas à ce que l’intimée ajoute cette disposition à la liste des dispositions mentionnées au paragraphe 32.)

 

-                     Les paragraphes 32.1 à 32.5 (inclusivement) au complet. (L’intimée se propose de remplacer le paragraphe 31 par le paragraphe suivant : [traduction] « Le prix de base rajusté des actions de la catégorie E était‑il de 300 $ l’action? » L’appelante ne s’oppose pas à cette modification.) L’intimée se propose de supprimer le paragraphe 34 de la réponse et d’ajouter les nouveaux paragraphes suivants :

 

[traduction]

 

32.1 M. Love et l’appelante, qui avaient entre eux un lien de dépendance, s’étaient entendus à l’avance pour que la presque totalité (entre 77 et 100 p. 100) de chaque dividende versé soit immédiatement réinvestie dans la société. Or, il n’est pas raisonnable de considérer que ces réinvestissements immédiats de dividendes donnent lieu à une augmentation de la juste valeur marchande de la société, et il ne s’agit donc par d’ajouts au prix de base rajusté des actions des catégories D et E aux termes de l’alinéa 53(1)c) de la Loi.

 

32.2   Tout en maintenant constamment leur ratio de 60 p. 100 sur 40 p. 100 à l’égard des actions détenues, M. Love et l’appelante s’étaient entendus à l’avance sur un prix de souscription artificiellement élevé pour les actions des catégories D et E, ce prix ayant été fixé pour une période de trois ans et demi. Le prix précis de souscription leur importait peu, indépendamment de ce qui arrivait à la juste valeur marchande des actions de la société dans l’intervalle. Ils voulaient avant tout que le prix de souscription soit élevé et que le nombre d’actions émises soit peu élevé.

 

32.3   Après s’être entendus à l’avance sur un prix de souscription artificiellement élevé pour les actions des catégories D et E, M. Love et l’appelante se sont entendus pour répartir arbitrairement le produit total de la disposition au prorata entre les actions ordinaires et les actions des catégories A. B, D et E. L’effet de cette répartition arbitraire était que le produit de la disposition des actions des catégories D et E était artificiellement peu élevé, à cause du prix de souscription élevé des actions des catégories D et E et de leur faible nombre.

 

32.4   L’appelante a pu demander la déduction d’une perte résultant de la disposition des actions de la catégorie E parce qu’elle a soustrait un chiffre artificiellement peu élevé pour le produit de la disposition d’un chiffre artificiellement élevé pour le prix de base rajusté. Dans la mesure où le chiffre approprié pour le produit de la disposition était plus élevé et où le chiffre approprié pour le prix de base rajusté était moins élevé, la perte dont l’appelante pouvait demander la déduction par suite de la disposition des actions de la catégorie E aurait été moindre ou complètement éliminée.

 

32.5   En décidant si la perte résultant de la disposition des actions de la catégorie E est artificielle ou indue, il faut tenir compte de l’économie de la Loi. L’alinéa 69(1)a) prévoit un mécanisme visant à réduire à la juste valeur marchande un coût d’acquisition élevé entre des personnes ayant entre elles un lien de dépendance, à savoir le prix de souscription des actions des catégories D et E. L’article 68 prévoit un mécanisme permettant de répartir d’une façon appropriée la contrepartie payée pour la disposition d’un bien particulier, à savoir le produit de la disposition des actions des catégories D et E d’une part, et le produit de la disposition des actions ordinaires et des actions des catégories A et B d’autre part.

 

[15]         L’intimée se propose de modifier plusieurs autres paragraphes de la réponse, mais l’appelante s’oppose uniquement aux paragraphes (ou aux parties de paragraphes) mentionnés ci‑dessus.

 

La règle des nouvelles mesures

 

[16]         L’intimée a affirmé que l’appelante ne peut pas contester les allégations d’existence d’un lien de dépendance qu’elle a faites étant donné que ces allégations figuraient dans la réponse initiale et que l’appelante avait pris plusieurs mesures, et qu’elle avait notamment déposé une réplique et procédé à des interrogatoires préalables. L’article 8 des Règles est rédigé comme suit :

 

8.         La requête qui vise à contester, pour cause d’irrégularité, une instance ou une mesure prise, un document donné ou une directive rendue dans le cadre de celle‑ci, ne peut être présentée, sauf avec l’autorisation de la Cour :

 

a) après l’expiration d’un délai raisonnable après que l’auteur de la requête a pris ou aurait raisonnablement dû prendre connaissance de l’irrégularité, ou

 

b) si l’auteur de la requête a pris une autre mesure dans le cadre de l’instance après avoir pris connaissance de l’irrégularité.

 

 

 

[17]         L’appelante a déclaré qu’elle fait opposition parce qu’elle subira un préjudice, en ce sens qu’elle ne sera pas en mesure de produire des éléments de preuve au sujet de ses relations avec les sociétés de M. Love. Les transactions en question ont toutes été conclues il y a près de 20 ans. M. Mercier, qui était vice‑président directeur, Groupe de services bancaire à l’entreprise de l’appelante, au cours de la période pertinente (de 1982 à 1988) a pris sa retraite en 1993 et il est décédé au mois de septembre 2002. M. Love est décédé le 13 octobre 2003. Les avocats de l’appelante ont déclaré qu’ils ne savaient pas que ces deux personnes étaient décédées lorsque l’avis d’appel ou la réplique avaient été déposés et qu’ils avaient uniquement été mis au courant de la chose après les interrogatoires préalables.

 

[18]         En l’espèce, l’intimée se propose d’apporter d’importantes modifications à la réponse initiale. La réponse initiale comporte 36 paragraphes (y compris le paragraphe renfermant l’aperçu) et le paragraphe 28 comporte 33 alinéas. Sur les 36 paragraphes, l’intimée se propose de modifier environ 28 paragraphes (soit environ 78 p. 100 des paragraphes). Certaines modifications sont mineures, mais d’autres, comme la suppression du nouvel argument fondé sur le paragraphe 69(1) de la Loi, sont importantes. De plus, l’intimée se propose d’ajouter huit nouveaux paragraphes.

 

[19]         Dans la décision Imperial Oil Limited c. La Reine, 2003 CCI 46, 2003 DTC 179, [2003] 3 C.T.C. 2125, le juge en chef adjoint Bowman (plus tard juge en chef) a dit ce qui suit :

 

20     La règle de la « nouvelle démarche » fait partie des règles de pratique et de procédure au Canada et au Royaume‑Uni depuis de longues années. [...]

 

[20]         Dans la décision Vogo Inc. c. Acme Window Hardware Ltd., 2004 CF 851, le juge O’Keefe, de la Cour fédérale, a décrit comme suit l’objet de la « règle des nouvelles mesures » :

 

60     [...] Le principe des « nouvelles mesures » a pour objet d’empêcher une partie d’agir d’une façon qui contredit ses agissements antérieurs dans l’instance. Ainsi, en plaidant en réponse à une déclaration, un défendeur risque de perdre son droit de se plaindre ensuite de vices fatals entachant les allégations formulées contre lui. Le principe des nouvelles mesures vise à empêcher de faire subir un préjudice à la partie qui s’est conformée aux mesures procédurales prises par la partie adverse lorsqu’il serait injuste de permettre à cette dernière de retourner sa veste en changeant de stratégie.

 

[21]         Selon l’article 8 des Règles, une requête visant à contester un document ne peut pas être présentée dans les circonstances décrites aux alinéas a) ou b), sauf avec l’autorisation de la Cour. En l’espèce, étant donné que l’intimée se propose d’apporter des modifications importantes à la réponse, je ne suis pas d’accord pour dire que la requête de l’appelante lui causerait un préjudice et je choisis d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui m’a été conféré et de ne pas me fonder sur l’article 8 des Règles pour examiner la requête de l’appelante.

 

Les allégations concernant l’existence d’un lien de dépendance – paragraphe 152(9) de la Loi

 

[22]         L’appelante a soutenu que les dispositions du paragraphe 152(9) de la Loi ne permettaient pas à l’intimée d’inclure dans la réponse (ou dans la réponse modifiée) les mentions selon lesquelles l’appelante, d’une part, et M. Love ainsi que ses sociétés, d’autre part, avaient entre eux un lien de dépendance, et ce, parce qu’elle subira maintenant un préjudice. Il est affirmé qu’étant donné le temps qui s’est écoulé depuis que la première nouvelle cotisation a été établie jusqu’à aujourd’hui et compte tenu du fait que des témoins cruciaux, du point de vue de l’appelante, sont maintenant décédés (à savoir MM. Love et Mercier) et que d’autres cadres supérieurs qui travaillaient à la banque au cours des années 1980 sont maintenant à la retraite et ne travaillent plus à la banque, l’appelante subira un préjudice, en ce sens qu’elle ne sera pas en mesure de produire des éléments de preuve au sujet de ces allégations.

 

[23]         Le paragraphe 152(9) de la Loi prévoit ce qui suit :

 

152 (9) Le ministre peut avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi :

 

a) d’une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal;

 

b) d’autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

 

[24]         Cette disposition a été ajoutée à la Loi à la suite de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Continental Bank of Canada v. The Queen, 98 DTC 6501, 229 N.R. 44, [1998] 4 C.T.C. 77. Dans l’arrêt La Reine c. Loewen, 2004 CAF 146, 2004 DTC 6321, [2004] 3 C.T.C. 6, la juge Sharlow, de la Cour d’appel fédérale, donne un résumé détaillé de l’arrêt Continental Bank, précité :

 

14     Tel était l’état du droit au sujet des moyens qu’il était permis à Sa Majesté de faire valoir dans les causes fiscales au moment où la Cour suprême du Canada a statué sur le pourvoi formé dans l’affaire Banque Continentale, précitée. La Banque Continentale possédait une filiale de crédit‑bail (Continental Bank Leasing) qui était propriétaire de certains éléments d’actif de crédit‑bail. Ces éléments d’actif étaient des biens amortissables qui avaient fait l’objet d’une déduction pour amortissement. Si Continental Bank Leasing s’était contentée de vendre le bien amortissable, elle aurait été imposée sur le revenu provenant de la récupération de la déduction pour amortissement. Pour éviter ce résultat, Continental Bank Leasing a, par le biais d’un transfert libre d’impôt, transféré le bien amortissable à une société en nom collectif dont elle faisait partie. Continental Bank Leasing a ensuite transféré sa participation dans cette société à la Banque Continentale au moyen d’un autre transfert libre d’impôt. La participation de la Banque Continentale a été acquise par un tiers, de sorte que la Banque Continentale a réalisé un gain en capital imposable.

 

15     Le ministre a imposé Continental Bank Leasing en partant du principe qu’il n’y avait pas de société en nom collectif et que Continental Bank Leasing avait disposé du bien amortissable en le transférant directement au tiers en question. Pour plus de sûreté, le ministre a également imposé la Banque Continentale en invoquant le motif subsidiaire que la Banque avait réalisé un revenu (et non un gain en capital) lors de la disposition de la participation dans la société. Il semble qu’il était entendu que la nouvelle cotisation établie à l’égard de la Banque Continentale serait annulée si la cotisation de Continental Bank Leasing était jugée bien fondée. Les deux cotisations ont été portées en appel et les deux affaires ont été instruites conjointement tant au niveau de la Cour canadienne de l’impôt [[1995] 1 C.T.C. 2135] qu’à celui de la Cour d’appel fédérale [(1996), 96 DTC 6335] et de la Cour suprême du Canada.

 

16     Au moment où la Cour suprême du Canada a été saisie de l’affaire, le débat tournait essentiellement autour de la question de savoir si la société en nom collectif avait été valablement constituée en droit. Les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada ont estimé que la société en nom collectif était valide. L’appel interjeté par Continental Bank Leasing de la cotisation fiscale a par conséquent été accueilli. Il fallait donc examiner le bien‑fondé de la cotisation de la Banque Continentale (la question qui se posait était celle de savoir si le profit qu’elle avait réalisé lors de la disposition de sa participation dans la société en nom collectif constituait un gain en capital ou un revenu). La Cour a estimé que la Banque Continentale avait réalisé un gain en capital.

 

17     Devant la Cour suprême du Canada, Sa Majesté a avancé pour la première fois une nouvelle thèse au sujet de l’ensemble des opérations en cause. Elle a soutenu que c’était la Banque Continentale, et non Continental Bank Leasing, qui avait transféré le bien amortissable au tiers. La juge Mc Lachlin (devenue par la suite juge en chef), qui s’exprimait au nom des juges majoritaires, a écarté cet argument pour les motifs qu’elle a exposés aux paragraphes 18 et 19 (on se souviendra que les juges majoritaires avaient conclu à la validité de la société en nom collectif) :

 

Le ministre ne peut prétendre que la Banque ne pouvait pas transférer sa participation à cette étape. Il doit reconnaître que le transfert a eu lieu parce que la cotisation qu’il a établie à l’égard de la Banque reposait sur l’hypothèse que cette dernière avait disposée de sa participation dans la société en nom collectif. Je suis d’accord avec le Juge Bastarache pour dire que ne peut être retenu l’argument du ministre – soulevé pour la première fois devant notre Cour – que la Banque a vendu des éléments d’actif de crédit‑bail amortissables ou encore que celle‑ci était par ailleurs imposable à l’égard de la récupération de la déduction pour amortissement en application du par. 88(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, et ses modifications. Le ministre ne saurait être autorisé à avancer un nouveau fondement pour justifier une nouvelle cotisation après l’expiration du délai prévu à cette fin.

 

Sur le fondement qu’elle avait disposé de sa participation dans la société en nom collectif, la Banque a à juste titre déclaré le produit de cette disposition en tant que gain en capital. Je rejetterais donc le second pourvoi avec dépens.

 

18     Le juge Bastarache a écrit au nom des juges minoritaires, pour lesquels la société en nom collectif n’était pas valide. Il explique aux paragraphes 10 à 14 les raisons pour lesquelles il estime que Sa Majesté ne pouvait pas avancer une nouvelle thèse :

 

Le délai prévu par la Loi pour établir une cotisation à l’égard d’un contribuable est de quatre ans à compter de la délivrance par Revenu Canada d’un avis de nouvelle cotisation (par. 152(3.1) et 152(4) de la Loi). Par conséquent, le ministre avait jusqu’au 12 octobre 1993 pour envoyer à la Banque une nouvelle cotisation à l’égard de la récupération de la déduction pour amortissement. La Couronne n’est pas autorisée à invoquer un nouveau fondement pour justifier une nouvelle cotisation après l’expiration du délai prévu à cette fin. La bonne façon d’aborder cette question a été énoncée dans la décision La Reine c. McLeod, 90 D.T.C. 6281 (C.F. 1re inst.), à la p. 6286. Dans cette affaire, la cour a rejeté la requête de la Couronne, qui sollicitait l’autorisation de modifier ses actes de procédure pour fonder sur une nouvelle base dans la Loi la cotisation établie par Revenu Canada. La cour a refusé l’autorisation pour le motif que le désir de la Couronne d’invoquer un nouvel article de la Loi était, en fait, une tentative en vue de changer le fondement de la cotisation faisant l’objet de l’appel, ce qui « reviendrait à permettre au ministre d’en appeler de sa propre cotisation, notion qui a été expressément rejetée par les tribunaux ». De même, la Cour d’appel fédérale a qualifié de telles tentatives de la part de la Couronne de « tentative[s] tardive[s] de donner un nouveau fondement à la cause de l’appelante » (British Columbia Telephone Co. c. Ministre du Revenu national (1994), 167 N.R. 112, à la p. 116).

 

L’appelante aurait pu – soit lorsqu’elle a délivré à l’intimée l’avis de nouvelle cotisation le 12 octobre 1989 soit à tout autre moment avant l’expiration du délai dont elle disposait pour établir une nouvelle cotisation – établir une cotisation sur la base que l’intimée était imposable à l’égard de la récupération de la déduction pour amortissement. L’appelante a toutefois choisi de ne pas le faire et elle ne peut être autorisée, onze ans plus tard, à modifier la cotisation. L’appelante a soutenu que l’obligation de l’intimée à l’égard de la cotisation fondée sur le par. 13(1) est un motif subsidiaire justifiant la cotisation précédente, et non une nouvelle cotisation. Selon l’appelante, puisque l’obligation relative à la récupération fondée sur le par. 13(1) ne peut être imposée que s’il est jugé, dans l’affaire Leasing, que Leasing n’était pas le vendeur des éléments d’actif vendus à Central, l’établissement d’une nouvelle cotisation sur cette base est simplement une conclusion de droit découlant de l’application correcte de la Loi.

 

Accepter cette qualification faite par l’appelante aboutirait, dans les faits, à une situation où la Couronne serait autorisée à avancer de nouveaux arguments simplement parce que ceux qu’elle a présentés aux juridictions inférieures n’ont pas été retenus. Contrairement à ce qu’avait fait le ministre dans l’affaire Ministre du Revenu national c. Riendeau (1991), 132 N.R. 157 (C.A.F.), le ministre n’a jamais voulu, en l’espèce, modifier, corriger ou redélivrer la nouvelle cotisation établie à l’égard de la Banque pour y inclure une obligation relative à la récupération de l’amortissement en vertu de l’al. 88(1)f) de la Loi. En outre, en affirmant qu’il s’agit d’un argument subsidiaire, l’appelante ne tient pas compte du fait que Leasing et la Banque sont deux contribuables distincts. Ce que le ministre cherche à faire, c’est substituer une cotisation établie à l’égard d’un contribuable donné à une cotisation établie à l’égard d’un autre contribuable, parce que la première cotisation n’a pas porté fruit.

 

Les contribuables doivent savoir sur quelle base repose la cotisation qui leur est transmise afin de pouvoir présenter les éléments de preuve appropriés pour la contester. En l’espèce, il n’est pas évident que les faits étayent l’établissement d’une nouvelle cotisation sur la base invoquée par l’appelante. Par exemple, la valeur du fonds commercial rattaché à l’entreprise de location de la Banque, qui a été transféré à Central en décembre 1986, pourrait avoir une incidence sur la nouvelle demande de l’appelante fondée sur la récupération de l’amortissement par la Banque. Il n’est pas possible de déterminer dans quelle mesure la Banque pourrait par ailleurs être imposable à l’égard de la récupération de l’amortissement, ni de fixer son revenu aux fins de l’impôt, à moins de pouvoir répartir correctement le prix d’acquisition payé par Central entre le fonds commercial d’une part et les éléments d’actif de crédit‑bail d’autre part. Parce que la Banque n’a pas été imposée à l’égard de la récupération de l’amortissement, la preuve relative à la répartition du prix d’acquisition n’a pas été présentée en première instance. Pour pouvoir permettre à l’appelante d’établir une nouvelle cotisation en l’absence de conclusions de fait tirées en première instance, notre Cour devrait se transformer en tribunal de première instance à l’égard de la nouvelle demande.

 

Comme je l’ai indiqué précédemment, il n’était pas nécessaire, vu la décision rendue dans l’affaire Leasing, d’aborder les questions soulevées dans le présent pourvoi. Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

 

19     Le droit de Sa Majesté d’avancer un nouvel argument pour justifier l’établissement d’une cotisation est maintenant régi par le paragraphe 152(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui s’applique aux appels jugés après le 17 juin 1999 (Loi de 1998 modifiant l’impôt sur le revenu, L.C. 1999, ch. 22, paragraphe 63.1(2). [...]

 

[25]         Dans cet arrêt, la juge Sharlow a également dit ce qui suit :

 

21     Suivant mon interprétation du paragraphe 152(9), l’expiration du délai normalement prévu pour établir une nouvelle cotisation n’empêche pas Sa Majesté de défendre sa cotisation en invoquant quelque motif que ce soit, sous réserve uniquement des alinéas 152(9)a) et b). Les alinéas 152(9)a) et b) évoquent le préjudice que pourrait subir le contribuable si l’on permettait à Sa Majesté de formuler de nouvelles allégations factuelles de nombreuses années après les faits.

 

[26]         L’autorisation de se pourvoir en appel de l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Loewen devant la Cour suprême du Canada a été refusée (338 N.R. 195 (note)).

 

[27]         En ce qui concerne la question de savoir si le paragraphe 152(9) de la Loi s’applique à un nouveau fondement de cotisation (par opposition à un nouvel argument), le juge Rothstein de la Cour d’appel fédérale (plus tard juge à la Cour suprême du Canada) a fait les remarques suivantes dans l’arrêt La Reine c. Anchor Pointe Energy Ltée, 2003 CAF 294, 2003 DTC 5512, [2004] 5 C.T.C. 98 :

 

37     Le paragraphe 152(9) autorise le ministre à faire valoir un nouvel argument à l’appui d’une cotisation après l’expiration de la période normale de la nouvelle cotisation. On ne laisse pas entendre en l’espèce qu’Anchor Pointe n’est plus en mesure de produire des éléments de preuve pertinents relativement au fondement ou à l’argument nouveau du ministre. Par conséquent, si la décision Global constitue un fondement ou un argument nouveau à l’appui de la nouvelle cotisation, le ministre peut la faire valoir même si cela n’a pas été fait avant l’expiration de la période normale de la nouvelle cotisation.

 

38     Anchor Pointe tente d’établir une distinction entre un nouveau fondement pour une cotisation et un nouvel argument à l’appui d’une cotisation. Je ne trouve pas utile cette argumentation sémantique. La question qui se pose est celle de savoir si le ministre vise, en s’appuyant sur la décision Global, à faire croître le montant du revenu d’Anchor Pointe qui n’était pas inclus dans une cotisation ou une nouvelle cotisation établie pendant la période normale de nouvelle cotisation.

 

[28]         Dans l’arrêt Walsh c. La Reine, 2007 CAF 222, [2007] 4 C.T.C. 73, 2007 DTC 5441, le juge Richard, de la Cour d’appel fédérale, a fait les remarques suivantes au sujet du paragraphe 152(9) de la Loi :

 

18     Les conditions suivantes sont applicables lorsque le ministre veut invoquer le paragraphe 152(9) de la Loi :

 

1)         Le ministre ne peut pas inclure de transactions non comptées dans la nouvelle cotisation du contribuable.

2)         Le droit du ministre de proposer un autre argument à l’appui d’une cotisation est assujetti aux alinéas 152(9)a) et b), qui ont trait au préjudice causé au contribuable.

 

3)         Le ministre ne peut pas invoquer le paragraphe 152(9) pour établir une nouvelle cotisation au‑delà du délai prévu au paragraphe 152(4) de la Loi ou pour percevoir un impôt dépassant le montant de la cotisation contestée.

 

[29]         En l’espèce, on ne donne pas à entendre que l’intimée tente de porter le montant du revenu de l’appelante à un montant qui serait plus élevé que le montant mentionné dans la nouvelle cotisation ou de recouvrer un impôt en sus du montant qui a fait l’objet de la nouvelle cotisation.

 

[30]         Dans les arrêts Loewen et Walsh, la Cour d’appel fédérale n’a pas expressément traité de la façon dont les alinéas a) et b) du paragraphe 152(9) de la Loi doivent être interprétés. Dans ces deux arrêts, il n’y a eu aucune analyse du sens précis de ces deux alinéas.

 

[31]         Dans l’arrêt La Reine c. Hypothèques Trustco Canada, 2005 CSC 54, 2005 DTC 5523 (ang.), [2005] 5 C.T.C. 215, 340 N.R. 1, 259 D.L.R. (4th) 193, [2005] 2 R.C.S. 601, la Cour suprême du Canada a dit ce qui suit :

 

10     Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

 

[32]         Il me semble que les mots des alinéas a) et b) du paragraphe 152(9) de la Loi sont précis et sans équivoque. Il semble clair que l’expression « relevant evidence » figurant dans la version anglaise (« éléments de preuve ») s’entend d’éléments pertinents que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal, et qu’il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances. Étant donné que l’alinéa b) est lié à l’alinéa a) par suite de l’emploi du mot « and » (« et ») à la fin de la version anglaise de l’alinéa a), et puisque l’alinéa b) dit qu’« il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances », il semble clair à mes yeux que l’expression « sans l’autorisation du tribunal » vise à modifier le type de preuve que le contribuable n’est pas en mesure de produire. Par conséquent, seuls les éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal constituent le type de preuve visé dans ces alinéas.

 

[33]         Malgré ce qui semble être un libellé fort clair, les avocats de l’appelante ont soutenu qu’il fallait examiner le but visé par la disposition en question. En particulier, les avocats se sont reportés aux notes techniques publiées par le ministère des Finances lorsque le paragraphe 152(9) a été ajouté à la Loi. Les notes techniques disaient ce qui suit :

 

Le nouveau paragraphe 152(9) de la Loi a pour but d’assurer que le ministre du Revenu national puisse avancer de nouveaux arguments à l’appui d’une cotisation d’impôt sur le revenu une fois expirée la période normale de nouvelle cotisation. Cette modification fait suite aux remarques de la Cour suprême du Canada dans l’affaire La Reine c. la Banque Continentale du Canada, [[1997] 4 C.T.C. 77 (C.S.C.)] selon lesquelles la Couronne n’est pas autorisée à avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation après le délai de prescription.

 

Les restrictions énoncées aux alinéas 152(9)a) et b) traduisent la protection judiciaire accordée aux contribuables, selon laquelle un nouveau fondement ne peut être avancé s’il porte atteinte au droit du contribuable de produire des éléments de preuve pour le réfuter. [...]

 

[34]         Les tribunaux ont exprimé différents avis au sujet de l’utilisation des notes techniques. Dans l’arrêt Silicon Graphics Ltd. c. La Reine, 2002 CAF 260, 2002 DTC 7112, [2002] 3 C.T.C. 527, la Cour d’appel fédérale a fait les remarques suivantes au sujet du recours aux notes techniques :

 

50       Bien entendu, les notes techniques ne lient pas les tribunaux, mais elles peuvent être examinées. Voir Canada c. Succession Ast, [1997] 3 C.F. 86 (C.A.), au paragraphe 27 :

 

Les interprétations administratives, comme les notes techniques, ne lient pas les tribunaux, mais elles peuvent avoir un certain poids et même constituer un facteur important dans l’interprétation des lois. Les notes techniques sont très largement acceptées par les tribunaux pour aider à l’interprétation des lois. L’importance accordée aux notes techniques au niveau de l’interprétation est particulièrement grande lorsque, au moment où une modification était à l’étude, le législateur était conscient que cette modification pouvait donner lieu à une interprétation administrative particulière, et qu’il a néanmoins décidé de l’adopter.

 

[35]         Dans la décision Krause c. La Reine, 2004 CCI 594, 2004 DTC 3265, [2004] 5 C.T.C. 2230, le juge en chef Bowman a dit ce qui suit :

 

22 [...] Je ne crois pas que des notes explicatives sur des dispositions législatives devraient être considérées déterminantes. Le Parlement est censé pouvoir exprimer son intention clairement et sans ambigüité dans les termes qu’il choisit. Il ne me semble pas approprié de résoudre des ambigüités dans le texte d’une loi au moyen des notes rédigées par des fonctionnaires non identifiés du ministère des Finances qui expliquent les objectifs que le ministère pensait ou espérait atteindre. Néanmoins, la pratique est assez bien établie. Dans l’arrêt Glaxo Wellcome Inc. c. Canada, (1996), A.C.I. n° 6, [1996] DTC 1159, confirmé par [1998] 6638, le tribunal a formulé la remarque suivante aux paragraphes 22 et 24 :

 

Il faut se rappeler que c’est le législateur qui édicte les lois, et que c’est au moyen du libellé de la loi que le législateur parle. Une loi du Parlement représente la volonté collective du Parlement. On ne saurait être certain qu’il soit possible de dire la même chose au sujet d’éléments extrinsèques. Tenter de déterminer le but d’une disposition législative en se reportant à un discours prononcé par un membre du gouvernement, un discours qu’il n’a peut‑être pas rédigé, ou à des notes techniques ou explicatives préparées par les agents du ministère des Finances, ou encore à d’autres documents budgétaires, comporte, à mon avis, un danger. Le tribunal qui s’efforce d’attribuer à un libellé raisonnablement compréhensible un sens étendu qui est conforme à ce que, à son avis, compte tenu d’éléments extrinsèques, le législateur cherchait à atteindre risque de franchir la ligne de démarcation qui sépare la fonction judiciaire de la fonction législative.

 

[...]

 

Selon mon expérience, la pratique de nos jours semble être de citer dans les plaidoiries presque tout ce qui peut influer, ne serait‑ce que de loin, sur la question à trancher – les discours prononcés devant le Parlement, les notes techniques, les notes explicatives, les documents budgétaires, les rapports de commissions, les décisions anticipées en matière d’impôt sur le revenu, la doctrine, que leurs auteurs soient décédés ou vivants, les articles et discours des praticiens ou des théoriciens, les bulletins d’interprétation – tout cela amène de l’eau au moulin et il reste au tribunal à déterminer en quoi pareils éléments peuvent, le cas échéant, aider [voir note 2 ci‑dessous]. La pratique est maintenant trop bien établie pour être renversée, mais il importe de replacer de pareils éléments dans le contexte approprié au point de vue de leur fiabilité et de leur utilité et de reconnaître qu’en fin de compte l’interprétation doit être fondée sur celle que le tribunal a donnée au libellé de la loi lui‑même. Pour ce faire, le tribunal qui utilise pareils outils extrinsèques doit faire preuve d’une extrême prudence. Comme le juge Sopinka l’a dit dans l’arrêt Morgentaler, à la page 484 :

 

À la condition que le tribunal n’oublie pas que la fiabilité et le poids des débats parlementaires sont limités, il devrait les admettre comme étant pertinents quant au contexte et quant à l’objet du texte législatif.

 

Note 2 : Il faudrait se rappeler la sage observation que le comte Halsbury a faite dans la décision Hilder v. Dexter, [1902] A.C. 474, à la page 477 :

 

[traduction]

 

Vos Seigneuries, j’ai plus d’une fois eu l’occasion de dire qu’en ce qui concerne l’interprétation d’une loi, la personne qui est chargée de sa rédaction est celle qui est la moins bien placée pour l’interpréter. Elle est portée à confondre ce qu’elle avait l’intention de faire et l’effet du libellé qu’elle a en fait employé. De toute façon, au moment où elle a rédigé la loi, elle peut avoir eu l’impression de donner pleinement effet à son intention, mais elle peut se tromper en interprétant pas la suite la loi du simple fait qu’elle songe à ce qu’elle avait l’intention de faire, mais qu’elle n’a peut‑être pas fait.

 

[36]         Quoi qu’il en soit, la note technique fait mention de :

 

[...] la protection judiciaire accordée aux contribuables, selon laquelle un nouveau fondement ne peut être avancé s’il porte atteinte au droit du contribuable de produire des éléments de preuve pour le réfuter.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[37]         Il est fait mention du droit du contribuable et non du fait que le contribuable est en mesure de produire des éléments de preuve.

 

[38]         Les avocats de l’appelante ont fait valoir que l’expression « sans l’autorisation du tribunal », à l’alinéa a), devrait être interprétée comme une condition qui vient s’ajouter à la première partie de cet alinéa. Selon eux, il y a une série de questions qu’il faut se poser et auxquelles il faut répondre afin de déterminer si les alinéas a) et b) du paragraphe 152(9) de la Loi s’appliquent. Il s’agit en premier lieu de savoir s’il existe des éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire. Si l’on répond à cette question par la négative, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin et les alinéas a) et b) ne s’appliquent pas. Si l’on répond par l’affirmative, il s’agit ensuite de savoir si l’autorisation du tribunal aidera le contribuable à résoudre ce problème de preuve. Les avocats de l’appelante ont soutenu que, dans des cas tels que celui‑ci, puisque l’on répondrait de toute évidence par la négative à cette question, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin, les alinéas a) et b) s’appliquent et l’intimée n’a pas le droit de soulever le nouvel argument.

 

[39]         Toutefois, à mon avis, cette interprétation change énormément le sens clair des mots « il existe des éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal » et ne tient pas compte du fait que les versions anglaises des alinéas a) et b) sont reliées par le mot « and » (« et »), ce qui montre clairement que les éléments de preuve dont il est question à l’alinéa a) sont des éléments que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal, plutôt que des éléments que le contribuable n’est plus en mesure, pour une autre raison, de produire.

 

[40]         L’interprétation préconisée par les avocats de l’appelante mènerait également à des résultats qui sont, selon moi, inattendus. Par exemple, si un contribuable détruisait intentionnellement certains documents et si l’intimée dans ce cas‑là tentait d’invoquer un nouvel argument qui, selon le contribuable, peut uniquement être réfuté par les documents que celui‑ci a détruits, l’intimée ne serait pas en mesure, suivant l’analyse des alinéas a) et b) proposée par les avocats de l’appelante, d’invoquer le nouvel argument puisque l’on répondrait par l’affirmative à la première question, à savoir s’il existe des éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire, et puisque l’on répondrait par la négative à la seconde question, à savoir si l’autorisation du tribunal aidera à résoudre ce problème de preuve. Il ne me semble pas raisonnable d’empêcher l’intimée, en pareil cas, de soulever le nouvel argument.

 

[41]         Je ne puis souscrire à l’interprétation du paragraphe 152(9) de la Loi que les avocats de l’appelante préconisent.

 

[42]         Si l’on revient au sens clair des mots employés au paragraphe 152(9) de la Loi, à quels cas les alinéas a) et b) devaient‑ils s’appliquer? Selon moi, la réponse à cette question est fondée sur la même prémisse que celle que les avocats de l’appelante ont avancée en parlant des notes techniques. Quel était le but de cette disposition ou pourquoi cette disposition a‑t‑elle été ajoutée à la Loi? Il est reconnu dans les notes techniques et dans l’arrêt que la Cour d’appel fédérale a rendu dans l’affaire Loewen, précitée, que le paragraphe 152(9) a été ajouté à la Loi par suite de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Continental Bank, précitée. Il semble donc logique que cette disposition ait été ajoutée afin de permettre à l’intimée de soulever, par suite de l’ajout de cette disposition à la Loi, des arguments supplémentaires qu’elle aurait par ailleurs été empêchée de soulever, compte tenu de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Continental Bank, précitée. Dans l’affaire Continental Bank, le nouvel argument avait été invoqué à une étape fort tardive du litige. En effet, il avait été soulevé pour la première fois lors de l’audience tenue par la Cour suprême du Canada. À supposer que le but de la disposition ait été de permettre à l’intimée d’invoquer des arguments à n’importe quelle étape du litige (qu’il s’agisse d’un appel devant la présente cour, devant la Cour d’appel fédérale ou devant la Cour suprême du Canada), il s’agira alors de savoir si une preuve peut être produite aux étapes d’appel du litige, étant donné que les alinéas a) et b) du paragraphe 152(9) de la Loi font mention des « éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal ».

 

[43]         L’article 53 de la Loi sur les Cours fédérales prévoit ce qui suit :

 

53. (1) La déposition d’un témoin peut, par ordonnance de la Cour d’appel fédérale ou de la Cour fédérale, selon le cas, et sous réserve de toute règle ou ordonnance applicable en la matière, être recueillie soit par commission rogatoire, soit lors d’un interrogatoire, soit par affidavit.

 

[44]         La partie 6 des Règles des Cours fédérales traite des appels devant la Cour d’appel fédérale. L’article 351 des Règles des Cours fédérales, qui figure dans la partie 6, prévoit ce qui suit :

 

351. Dans des circonstances particulières, la Cour peut permettre à toute partie de présenter des éléments de preuve sur une question de fait.

 

[45]         Par conséquent, les Règles des Cours fédérales prévoient qu’avec l’autorisation de la Cour d’appel fédérale, des éléments de preuve peuvent être présentés devant la Cour d’appel fédérale. Il s’agit donc d’un cas dans lequel, dans un appel devant la Cour d’appel fédérale, le contribuable pourrait être placé dans la situation où il ne serait plus en mesure de produire des éléments de preuve sans l’autorisation du tribunal, mais pourrait, avec pareille autorisation, produire de tels éléments.

 

[46]         Le paragraphe 62(3) de la Loi sur la Cour suprême prévoit ce qui suit :

 

62 (3) La Cour ou un juge peut, à son appréciation, pour des motifs particuliers et par autorisation spéciale, accepter des éléments de preuve supplémentaires sur une question de fait. Ces éléments sont alors recueillis selon les modalités prévues par la présente loi, soit par déposition, soit par affidavit, soit par interrogatoire, suivant les instructions de la Cour ou du juge.

 

[47]         Par conséquent, il peut arriver que, dans un appel devant la Cour d’appel fédérale ou devant la Cour suprême du Canada, un contribuable soit placé dans la situation où il peut uniquement produire des éléments de preuve avec l’autorisation du tribunal (et lorsque la loi ou les règles applicables prévoient que de tels éléments peuvent être produits). En attribuant un sens aux mots des alinéas a) et b) du paragraphe 152(9) de la Loi, il ne s’agit pas de savoir dans combien de cas la situation pourrait se présenter (ou s’est présentée), mais s’il est possible en droit que la situation se présente. Il est possible d’attribuer au libellé clair des alinéas a) et b) du paragraphe 152(9) de la Loi un sens qui peut s’appliquer dans les situations qui sont prévues par la Loi sur les Cours fédérales et par les Règles des Cours fédérales ainsi que par la Loi sur la Cour suprême.

 

[48]         Par conséquent, je ne souscris pas à l’interprétation préconisée par les avocats de l’appelante à l’égard de cette disposition et l’appelante ne peut pas avoir gain de cause dans sa requête fondée sur le paragraphe 152(9) de la Loi, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un cas dans lequel l’appelante n’est plus en mesure de produire des éléments de preuve sans l’autorisation du tribunal. Le problème de preuve auquel fait face l’appelante n’est pas qu’elle doit obtenir l’autorisation du tribunal pour produire des éléments de preuve, mais que des témoins cruciaux sont maintenant décédés. Ce type de problème de preuve n’est pas le type de problème prévu aux alinéas a) et b) du paragraphe 152(9) de la Loi.

 

Les allégations concernant l’existence d’un lien de dépendance – article 53 des Règles

 

[49]         L’appelante a également soulevé la question de savoir si l’article 53 des Règles devait s’appliquer. Cette disposition prévoit ce qui suit :

 

53.       La Cour peut radier un acte de procédure ou un autre document ou en supprimer des passages, en tout ou en partie, avec ou sans autorisation de le modifier parce que l’acte ou le document :

 

a) peut compromettre ou retarder l’instruction équitable de l’appel;

 

b) est scandaleux, frivole ou vexatoire;

 

c) constitue un recours abusif à la Cour.

 

[50]         Dans sa requête, l’appelante demande que l’intimée accepte les déclarations qu’elle a faites, à savoir qu’il n’y avait pas de lien de dépendance entre elle et Loford Properties Limited, d’une part, et entre elle et Kent Holdings Ltd., d’autre part, et que toutes les mentions concernant l’existence d’un lien de dépendance avec ces sociétés soient radiées de la réponse (et de la réponse modifiée).

[51]         Dans l’avis d’appel, les faits sont en partie énoncés comme suit :

 

[traduction]

 

3. (i)     l’appelante était une actionnaire minoritaire d’Oxford Development Group Ltd. (« Oxford ») [...]

 

[...]

 

5.         Les actions émises et en circulation restantes d’Oxford étaient collectivement détenues par des personnes qui n’avaient aucun lien de dépendance avec l’appelante, à savoir Loford Properties Limited (« Loford Properties ») et Kent Holdings Ltd. (« Kent »).

 

6.         M. G. Donald Love (« M. Love »), qui était alors président du conseil d’administration et président d’Oxford, était l’unique propriétaire réel de Kent. M. Love, avec d’autres personnes liées, était également l’unique propriétaire réel de Loford Properties.

 

[...]

 

9.         Le 19 décembre 1979, 91922 Canada Ltd. a fait une offre en vue d’acheter, sans qu’il y ait de lien de dépendance, toutes les actions en circulation d’Oxford, offre que les actionnaires d’Oxford ont acceptée.

 

[52]         Il semble que lors de l’offre, les seules actions émises de 91922 Canada Ltd. aient été détenues par Kent Holdings Ltd., qui appartenait à cent pour cent à M. Love. Il semble donc logique que, si l’appelante affirmait qu’elle n’avait aucun lien de dépendance avec 91922 Canada Ltd. et avec Kent Holdings Ltd., l’appelante affirme également qu’elle n’avait aucun lien de dépendance avec la personne (M. Love) qui était l’unique propriétaire réel de Kent Holdings Ltd.

 

[53]         L’appelante demande également que les mots [traduction] « mais il nie les autres faits énoncés au paragraphe 5 de l’avis d’appel » soient radiés du paragraphe 6 de la réponse modifiée et que les autres dispositions renfermant des allégations concernant l’existence d’un lien de dépendance soient radiées de la réponse modifiée, parce que l’appelante subira un préjudice compte tenu du temps qui s’est écoulé et parce que deux des principaux témoins qui auraient pu témoigner au sujet de l’absence de lien de dépendance entre l’appelante, d’une part, et M. Love ainsi que ses sociétés, d’autre part, sont maintenant décédés.

 

[54]         L’appelante fait savoir que M. Mercier et M. Love sont tous les deux des témoins cruciaux pour ce qui est de la question de savoir si elle traitait avec M. Love et ses sociétés sans qu’il y ait lien de dépendance. M. Mercier est décédé au mois de septembre 2002 et M. Love est décédé le 13 octobre 2003. Ces deux personnes sont décédées avant que l’appelante dépose son avis d’appel, en 2006. Étant donné que, dans son avis d’appel, l’appelante avait allégué qu’elle n’avait aucun lien de dépendance avec les sociétés de M. Love, comment envisageait‑elle de prouver cette allégation?

 

[55]         Puisqu’elle a allégué n’avoir aucun lien de dépendance avec les sociétés de M. Love, l’appelante aurait la charge de la preuve en ce qui concerne les faits nécessaires pour justifier cette allégation. Il n’est pas logique de soutenir que l’intimée aurait la charge de réfuter des faits allégués par l’appelante.

 

[56]         Le juge McIntyre, au nom de la Cour suprême du Canada, a dit ce qui suit dans l’arrêt Ontario (Commission des droits de la personne) c. Simpsons‑Sears, [1985] 2 R.C.S. 536 :

 

28     Pour commencer, l’expérience a montré qu’en matière de règlement judiciaire des différends, l’attribution du fardeau de la preuve à l’une ou l’autre partie est un élément essentiel. Ce fardeau n’est pas toujours nécessairement lourd – il varie en fonction de chaque cas – et il se peut qu’il n’incombe pas à une partie pour tous les points de l’affaire; il peut passer d’une partie à l’autre. Mais, faute de mieux en pratique, on a jugé nécessaire, pour assurer une solution claire dans toute instance judiciaire, d’attribuer le fardeau de la preuve à l’une ou l’autre partie, pour les départager. Par conséquent, je suis d’accord avec la commission d’enquête pour dire que chaque cas se ramène à une question de preuve et donc que, dans ces affaires comme dans toute instance civile, il doit y avoir reconnaissance et attribution claires et nettes du fardeau de la preuve. À qui doit‑il incomber? Suivant la règle bien établie en matière civile, ce fardeau incombe au demandeur. Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

 

[57]         Dans l’arrêt Pollock v. The Queen, [1994] 1 C.T.C. 3, 94 DTC 6050, le juge Hugessen, au nom de la Cour d’appel fédérale, a fait les remarques suivantes :

 

Cependant, lorsque le ministre n’a plaidé aucune supposition ou lorsque les suppositions qu’il a plaidées ont été en tout ou en partie démolies, il reste la possibilité au ministre, en tant que défendeur, de prouver, s’il le peut, le bien‑fondé de la cotisation qu’il a établie. À cette fin, il doit supporter le fardeau de preuve qui incombe ordinairement à toute partie à un procès, soit celui de prouver les faits qui étayent sa prétention à moins que ceux‑ci n’aient déjà été introduits en preuve par son adversaire. C’est une question de droit qui a fait l’objet d’une jurisprudence constante.

 

[58]         Dans l’arrêt Loewen, précité, la juge Sharlow, au nom de la Cour d’appel fédérale, a fait les remarques suivantes :

 

11     Les contraintes imposées au ministre lorsqu’il invoque des hypothèses n’empêchent cependant pas Sa Majesté de soulever, ailleurs dans la réponse, des allégations de fait et des moyens de droit qui sont étrangers au fondement de la cotisation. Si Sa Majesté allègue un fait qui ne fait pas partie des faits présumés par le ministre, la charge de la preuve repose sur elle. Ce principe est bien expliqué dans la décision Schultz c. Canada, [1996] 1 C.F. 423 (C.A.), autorisation d’appel à la C.S.C. refusée, [1996] A.C.S.C. n° 4.

 

[59]         La mention par la juge Sharlow du fait que la charge incombe à la Couronne se rapporte à des faits allégués par la Couronne. Or, en l’espèce, c’est l’appelante qui a allégué l’absence de lien de dépendance. Il ne semble pas raisonnable que l’appelante soit autorisée à alléguer qu’elle n’avait aucun lien de dépendance avec les sociétés de M. Love et que l’intimée soit forcée d’accepter l’exactitude de cette allégation, alors qu’il n’y a pas eu de changement dans la preuve disponible entre le moment où l’appelante a fait cette allégation dans son avis d’appel et le moment où l’intimée a modifié sa réponse. Puisque l’appelante a allégué l’absence de lien de dépendance entre elle et les sociétés de M. Love, l’intimée ne devrait pas être empêchée d’exiger que l’appelante prouve la chose.

 

[60]         Il semble difficile de décider de la façon dont l’appelante subit un préjudice du fait que l’intimée mentionne que les personnes en cause avaient entre elles un lien de dépendance en l’espèce, alors que l’appelante a allégué le contraire dans ses actes de procédure. Il me semble qu’il y a deux possibilités en ce qui concerne les relations existant entre les parties à une opération – à savoir, les parties n’ont entres elles aucun lien de dépendance ou les parties ont entre elles un lien de dépendance. En alléguant que l’appelante avait un lien de dépendance avec M. Love et ses sociétés, l’intimée allègue simplement le contraire de ce que l’appelante allègue, ce qui revient à nier l’allégation de l’appelante.

 

[61]         L’appelante a allégué n’avoir aucun lien de dépendance avec les sociétés de M. Love, probablement parce qu’elle croyait que cela était pertinent lorsqu’une nouvelle cotisation était fondée sur l’ancien article 245, qui était rédigé comme suit :

 

245 (1) Dans le calcul du revenu aux fins de la présente loi, aucune déduction ne peut être faite à l’égard d’un débours fait ou d’une dépense faite ou engagée, relativement à une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de façon factice le revenu.

 

[62]         L’intimée prend maintenant la position selon laquelle la nouvelle cotisation est fondée sur le paragraphe 55(1) de la Loi qui, avant son abrogation, était rédigé comme suit :

 

55 (1) Aux fins de la présente sous‑section, lorsque les circonstances dans lesquelles ont été effectuées une ou plusieurs opérations de vente ou d’échange, ou autres transactions de quelque nature que ce soit, permettent de croire raisonnablement que le contribuable a disposé d’un bien de façon à artificiellement ou indûment

 

a) réduire le montant de son gain résultant de la disposition,

 

b) occasionner une perte résultant de la disposition, ou

 

c) augmenter le montant de sa perte résultant de la disposition,

 

le gain ou la perte du contribuable, selon le cas, résultant de la disposition du bien, est calculé comme si une telle réduction, perte ou augmentation, selon le cas, ne s’était pas produite.

 

[63]         Étant donné que ni l’ancien article 245 ni le paragraphe 55(1) de la Loi ne comportaient de condition exigeant l’existence d’un lien de dépendance, au moment où l’avis d’appel avait été rédigé, la question de savoir si l’appelante avait ou non un lien de dépendance avec M. Love et ses sociétés aurait été une question pertinente plutôt qu’une exigence de l’ancien article 245 (soit la disposition mentionnée par l’appelante dans son avis d’appel); or, puisqu’il n’y a plus d’argument fondé sur le paragraphe 69(1) de la Loi qui s’applique, la question de savoir si l’appelante avait ou non un lien de dépendance avec M. Love et ses sociétés est encore uniquement une question pertinente, mais à l’égard du paragraphe 55(1) de la Loi plutôt que de l’ancien article 245.

 

[64]         Dans la décision Jolly Farmer Products Inc. c. La Reine, 2008 CCI 124, le juge en chef Bowman a dit ce qui suit :

 

10     Me Woon soutient que les pratiques et croyances religieuses des actionnaires sont une considération pertinente dans le contexte des hypothèses considérées dans leur ensemble. À l’heure actuelle, je ne suis pas convaincu de leur pertinence. À mon avis, la pertinence des croyances religieuses des actionnaires de l’appelante, en ce qui concerne la question de savoir si ce qu’il en coûte pour construire ou acquérir une propriété ou pour défricher un terrain vise à générer un revenu, ne saute pas aux yeux, compte tenu des éléments qui ont été déposés dans la présente requête. Toutefois, la pertinence de ces croyances peut ressortir de l’ensemble de la preuve et je préfère laisser la question de la pertinence être tranchée à l’instruction.

[65]         Dans ce cas‑ci, la question de savoir si l’appelante avait ou non un lien de dépendance avec M. Love et ses sociétés est une question pertinente qu’il vaut mieux laisser à l’appréciation du juge du procès. Il semble que cette question soit tout aussi pertinente pour l’application du paragraphe 55(1) de la Loi qu’elle l’aurait été pour l’application de l’ancien article 245, puisque les deux dispositions sont fondées sur l’idée cruciale de la création d’une perte ou de l’augmentation du montant d’une perte, ou de la réduction du revenu, « artificiellement ou indûment », et que ni l’une ni l’autre disposition ne faisait mention de la question du lien de dépendance.

 

[66]         Toutefois, il existe une autre raison pour laquelle, à mon avis, l’appelante ne peut pas avoir gain de cause en vertu de l’article 53 des Règles. Le mot « compromettre » (« prejudice »), à l’article 53 des Règles, doit être interprété à la lumière des dispositions du paragraphe 152(9) de la Loi. Comme la Cour d’appel fédérale l’a fait remarquer dans les arrêts Loewen et Walsh, précités, les alinéas a) et b) du paragraphe 152(9) de la Loi « évoquent le préjudice que pourrait subir le contribuable ». Comment le droit de soulever un nouvel argument, conféré au paragraphe 152(9) de la Loi, qui a été édicté par le Parlement, peut‑il être supprimé par une disposition des Règles, qui n’a pas été édictée par le Parlement? Si le préjudice causé au contribuable n’est pas tel qu’il est décrit aux alinéas a) et b) du paragraphe 152(9) de la Loi, l’intimée ne devrait pas être empêchée de soulever le nouvel argument à cause de l’article 53 des Règles. Le droit qui est conféré au paragraphe 152(9) de la Loi ne peut pas être supprimé par les Règles.

 

L’alinéa 28 gg) de la réponse

 

[67]         L’autre objection de l’appelante se rapporte à l’alinéa 28 gg) de la réponse. Cet alinéa fait partie des hypothèses sur lesquelles, selon la réponse (et la réponse modifiée), le ministre s’est fondé en établissant une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante; cet alinéa est rédigé comme suit :

 

[traduction]

 

Les transactions concernant les actions de la catégorie E et les actions reçues en contrepartie occasionnaient artificiellement ou indûment une perte, ou augmentaient le montant de la perte résultant de leur disposition.

 

[68]         L’intimée ne se propose pas de modifier cet alinéa.

 

[69]         La question que l’appelante a soulevée au sujet de cette hypothèse est de savoir si cet énoncé peut être plus correctement décrit comme étant une conclusion mixte de fait et de droit. Aux dires de l’intimée, l’appelante ne peut pas soulever de question au sujet de cet alinéa par suite de l’article 8 des Règles susmentionné.

 

[70]         La réponse, qui englobait l’alinéa 28 gg), a été déposée le 9 janvier 2007. Presque 7 mois plus tard, l’appelante a préparé une réplique à la réponse, laquelle est datée du 2 août 2007. La réplique a été déposée auprès de la Cour le 13 août 2007, soit plus de sept mois après le dépôt de la réponse. Dans le cadre de la réplique, l’appelante a déclaré, au paragraphe 7 :

 

[traduction]

 

7.         L’appelante nie les allégations de fait énoncées aux alinéas 28 ff) et gg) ainsi qu’au paragraphe 29 de la réponse.

 

[71]         Rien n’indique dans la réplique que l’appelante s’opposait à l’énoncé figurant à l’alinéa 28 gg) pour le motif qu’il s’agissait d’une conclusion mixte de fait et de droit. Si c’était la seule question soulevée par l’appelante dans la requête, je n’exercerais pas mon pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 8 des Règles, étant donné l’énoncé clair que l’appelante a fait dans la réplique, qui traitait expressément de l’alinéa 28 gg) sans soulever de questions au sujet de cet alinéa.

 

[72]         Toutefois, compte tenu des modifications importantes que l’intimée se propose d’apporter à la réponse et puisque ce n’est pas la seule question que l’appelante a soulevée au sujet de la réponse, j’autoriserai en l’espèce l’appelante à soulever la question.

 

[73]         La question de savoir si cela constitue une hypothèse appropriée est fondée sur l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Anchor Pointe Energy Ltée, précitée. L’alinéa de la réponse qui était contesté dans cette affaire‑là était le suivant :

 

En établissant de nouvelles cotisations, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

[...]

 

z) Les données sismiques achetées par API, APII, APIII, APIV et APV ne sont pas admissibles au titre des frais d’exploration au Canada (« FEC ») au sens de l’alinéa 66.1(6)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[74]         Le juge Rothstein (plus tard juge à la Cour suprême du Canada) a fait les remarques suivantes au sujet de cette hypothèse :

 

26     Toutefois, il serait plus exact de qualifier l’hypothèse formulée à l’alinéa 10z) de conclusion mixte de fait et de droit. La conclusion selon laquelle des données sismiques achetées ne sont pas admissibles au titre de FEC au sens de l’alinéa 66.1(6)a) requiert d’appliquer le droit aux faits. L’alinéa 66.1(6)a) énonce le critère à respecter pour qu’une déduction au titre de FEC soit admissible. Pour décider si l’achat de données sismiques en l’espèce satisfait à ce critère, il faut établir si les faits y satisfont ou non. Le ministre peut présumer les éléments de fait d’une conclusion mixte de fait et de droit. S’il souhaite le faire, toutefois, il devra extraire les éléments de fait présumés, de façon à ce que le contribuable sache exactement quelles hypothèses de fait il doit réfuter pour avoir gain de cause. Il ne convient pas que les faits présumés soient enfouis dans une conclusion mixte de fait et de droit.

 

[75]         En l’espèce, l’hypothèse figurant à l’alinéa gg) de la réponse est une question mixte de fait et de droit, étant donné que la seule façon de savoir si les opérations ont, artificiellement ou indûment, occasionné une perte serait d’appliquer la loi aux faits de l’espèce. Les avocats de l’intimée ont signalé que, compte tenu de l’arrêt Anchor Pointe Energy Ltée, il n’était pas fait mention du paragraphe 55(1) de la Loi à l’alinéa 28 gg) de la réponse. Toutefois, même en l’absence d’une mention précise du paragraphe 55(1) de la Loi, il semble évident que le libellé de l’hypothèse correspond au libellé du paragraphe 55(1) de la Loi. Pour quelle autre raison cette hypothèse serait‑elle pertinente? La seule façon de savoir si :

 

[traduction]

 

Les transactions concernant les actions de la catégorie E et les actions reçues en contrepartie occasionnaient artificiellement ou indûment une perte, ou augmentaient le montant de la perte résultant de leur disposition

 

consiste à appliquer la loi aux faits, en ce qui concerne le sens de l’expression « artificiellement ou indûment ». Les transactions elles‑mêmes sont des faits. La question de savoir si, par suite des transactions, l’appelante a occasionné une perte artificiellement ou indûment est une question mixte de fait et de droit.

 

[76]         Par conséquent, l’alinéa 28 gg) est radié de la réponse modifiée.

 

Conclusion

 

[77]         Donc, la réponse déposée par l’intimée est modifiée de la façon énoncée dans la réponse modifiée, dont une copie a été soumise dans le cadre du dossier de requête de l’intimée; toutefois, l’alinéa 28 gg) est radié de la réponse modifiée et la mention du paragraphe 69(1) est radiée du paragraphe 32 de la réponse modifiée.

[78]         Les dépens des présentes requêtes suivront l’issue de la cause.

 

       Signé à Halifax, Nouvelle‑Écosse, ce 14e jour de mai 2008.

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 3 septembre 2008.

 

Christian Laroche, juriste-traducteur

 

 

 

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI284

 

DOSSIER DE LA COUR :                 2006-2996(IT)G

 

INTITULÉ :                                       LA BANQUE TORONTO-DOMINION

                                                          c.

                                                          LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 18 avril 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :     L’honorable juge Wyman W. Webb

 

DATE DE L’ORDONNANCE :          Le 14 mai 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Mes Ian MacGregor et Pooja Samtani

Avocats de l’intimée :

Mes Donald G. Gibson et Pascal Tétrault

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Ian MacGregor et Pooja Samtani

                          Cabinet :                  Osler, Hoskin & Harcourt

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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